Gli Scritti di Maria Valtorta

218. Diverses rencontres à Ashqelôn, ville de Philistie.

218. Vari incontri in Ascalona, città filistea.

218.1

L’haleine fraîche de l’aube réveille les dormeurs. Ils se lèvent de la couche de sable sur laquelle ils ont dormi, à l’abri d’une dune parsemée de quelques herbes sèches, et ils grimpent à son sommet. Une immense côte sableuse se trouve devant eux, alors que, tout près et un peu plus loin, des terrains portent de belles cultures. Les pierres blanches d’un torrent à sec font ressortir la couleur blonde du sable. Il descend, avec cette blancheur d’os desséchés, jusqu’à la mer qui scintille au loin. Les flots de cette dernière sont gonflés par la marée du matin, mais surtout par un léger mistral qui ride l’océan. Ils suivent le bord de la dune jusqu’au torrent à sec, le franchissent, reprennent leur marche en diagonale sur les dunes qui s’éboulent sous leurs pas. Ainsi ondulées, elles semblent continuer l’océan en vagues solides et sèches, à la place des flots agités.

Ils arrivent sur le rivage humide et marchent plus à leur aise. Jean est comme hypnotisé par le spectacle de la mer sans fin qu’illuminent les premiers rayons du soleil. Il semble boire cette beauté et ses yeux paraissent en devenir plus bleus. Pierre, plus pratique, se déchausse, relève son vêtement et patauge dans les flaques de la rive en quête de quelque crabe ou coquillage à sucer.

A deux bons kilomètres de là, une belle ville maritime s’étend le long de la rive sur une ligne de rochers en forme de demi-lune au-delà de laquelle le vent et la tempête ont transporté du sable. Maintenant que l’eau se retire avec la marée basse, cette barrière rocheuse se découvre aussi à cet endroit, les obligeant à revenir sur le sable sec pour ne pas blesser leurs pieds nus sur les écueils.

« Par où entrons-nous, Seigneur ? D’ici, on ne voit qu’une épaisse muraille. Du côté de la mer, impossible d’entrer. La ville est au point le plus profond de l’arc, dit Philippe.

– Venez, dit Jésus. Je sais par où l’on entre.

– Tu y es déjà allé ?

– Une fois, quand j’étais tout petit, mais je ne m’en souviendrais pas. Cependant, je sais par où passer.

– Etrange ! Je l’ai remarqué bien des fois… Tu ne te trompes jamais de route. Parfois, nous te faisons te tromper. Mais toi, on dirait que tu es toujours déjà venu dans le lieu où tu vas », s’extasie Jacques, fils de Zébédée.

Jésus sourit sans répondre.

218.2

Sûr de lui, il avance jusqu’à un petit faubourg rural où les maraîchers cultivent des légumes pour la ville. Les petits champs et les jardins sont réguliers et bien entretenus. Femmes et hommes les cultivent et sont en train d’arroser les sillons en tirant l’eau des puits à la force des bras, ou bien à l’aide du vieux et grinçant système des seaux soulevés par un pauvre ânon qui, les yeux bandés, tourne autour du puits. Mais ils ne disent mot. Jésus salue :

« Paix à vous. »

Mais les gens restent, sinon hostiles, du moins indifférents.

« Seigneur, on court ici le risque de mourir de faim. Ils ne comprennent pas ta salutation. A mon tour d’essayer », dit Thomas.

Il aborde le premier maraîcher qu’il voit et lui demande :

« Ils coûtent chers, tes légumes ?

– Pas plus que ceux d’autres maraîchers. Chers ou bon marché, cela dépend comment la bourse est garnie.

– C’est bien dit. Mais comme tu le vois, je ne meurs pas de faim. Je suis gras et j’ai de belles couleurs, même sans tes légumes. C’est signe que ma bourse est bien garnie. Bref : nous sommes treize et nous pouvons acheter. Qu’est-ce que tu nous vends ?

– Des œufs, des légumes, des amandes nouvelles et des pommes qui sont ratatinées car ce n’est pas la saison, des olives… Tout ce que tu veux.

– Donne-moi des œufs, des pommes et du pain pour tout le monde.

– Je n’ai pas de pain. Tu en trouveras en ville.

– C’est maintenant que j’ai faim, pas dans une heure ! Je ne crois pas que tu n’aies pas de pain.

– Je n’en ai pas. Ma femme est en train d’en faire. Mais tu vois ce vieillard, là-bas ? Lui, il en a toujours une grande quantité. Comme il est sur la route, les pèlerins lui en demandent souvent. Va trouver Ananias et demande-lui du pain. Je t’apporte les œufs tout de suite, mais remarque qu’ils valent un denier les deux.

– Voleur ! Ce sont des œufs en or que pondent tes poules ?

– Non. Mais ce n’est pas agréable d’être au milieu de la puanteur des poulets et cela se paie. Et puis, est-ce que vous n’êtes pas juifs ? Payez !

– Garde-les. Comme cela, tu es bien payé. »

Et Thomas lui tourne le dos.

« Hé, l’homme, reviens ! Je te les fais meilleur marché : trois pour un denier.

– Pas même quatre. Bois-les et qu’ils te restent dans la gorge.

– Viens, écoute. Combien veux-tu m’en donner ? »

Le maraîcher suit Thomas.

« Rien. Je n’en veux plus. Je voulais casser la croûte avant d’aller en ville. Mais c’est mieux comme ça. Je ne perdrai pas ma voix et mon appétit pour chanter les histoires du roi et faire un bon repas à l’hôtellerie.

– Je te les laisse pour un didrachme les deux.

– Ouf ! Tu es pire qu’un taon ! Donne-les-moi, tes œufs. Et qu’ils soient frais, sinon je reviens et je te fais le museau plus jaune qu’il ne l’est. »

Thomas y va et revient avec au moins deux douzaines d’œufs dans le pli de son manteau.

« Tu as vu ? A partir de maintenant, c’est moi qui fais les achats dans ce pays de voleurs. Je sais comment les prendre. Ils viennent avec de l’argent plein les poches faire des achats chez nous pour leurs femmes, et les bracelets ne sont jamais assez gros, et ils marchandent à n’en plus finir. Je me venge.

218.3

Maintenant, allons voir cette autre crapule. Viens, Pierre, et toi, Jean, prends les œufs. »

Ils vont trouver le vieillard, dont le terrain borde la grand-route qui, du côté nord, conduit à la ville en longeant les maisons du faubourg. C’est une belle route, bien pavée, certainement faite par les Romains. La porte de la ville, à l’est, est maintenant proche et on aperçoit, au-delà, la route qui continue tout droit, avec un certain cachet artistique : elle se transforme en effet en un double portique ombragé soutenu par des colonnes de marbre. Les gens cheminent sous une fraîche verdure, laissant le milieu de la voie aux ânes, chameaux, chiens et chevaux.

« Salut ! Tu nous vends du pain ? » demande Thomas.

Le vieillard n’entend pas, ou ne veut pas entendre. Vraiment, le grincement de la noria est tel qu’on ne peut se comprendre.

Pierre perd patience et crie :

« Arrête ton Samson ! Laisse-le au moins souffler pour qu’il ne meure pas sous mes yeux, et écoute-nous ! »

L’homme arrête sa bourrique et regarde de travers son interlocuteur, mais Pierre le désarme en disant :

« Eh ! Est-ce que Samson n’est pas un nom approprié pour une bourrique ? Si tu es philistin, cela doit te plaire, car c’est une insulte pour Samson[1]. Si tu es d’Israël, cela doit te plaire, car cela rappelle une défaite des philistins. Tu vois donc…

– Je suis philistin et je m’en vante.

– Tu fais bien. Je te vanterai moi aussi si tu nous donnes du pain.

– Mais n’es-tu pas juif ?

– Je suis chrétien.

– Où cela se trouve-t-il ?

– Ce n’est pas un endroit. C’est une personne. J’appartiens à cette personne.

– Tu es son esclave ?

– Je suis plus libre que quiconque, car celui qui appartient à cette personne ne dépend plus que de Dieu.

– Tu dis vrai ? Pas même de César ?

– Pouah ! Qu’est-ce César devant celui à la suite de qui je marche, auquel j’appartiens et au nom de qui je te demande du pain ?

– Mais où est cet homme puissant ?

– C’est cet homme, là-bas, qui nous regarde en souriant. C’est le Christ, le Messie. Tu n’en as jamais entendu parler ?

– Si, le roi d’Israël. Il vaincra Rome ?

– Rome ? Mais le monde entier et même l’enfer !

– Et vous, vous êtes ses généraux ? Habillés comme ça ? Peut-être pour fuir les persécutions des juifs perfides ?

– Oui et non, mais donne-moi du pain et, pendant que nous mangerons, je t’expliquerai.

– Du pain ? Mais aussi de l’eau, du vin, des sièges à l’ombre, pour toi, ton compagnon et ton Messie. Appelle-le. »

Pierre court à toutes jambes vers Jésus :

« Viens, viens ! Il nous offre ce que nous voulons, ce vieux philistin. Je crois cependant qu’il va t’assaillir de questions… Je lui ai dit qui tu es… en gros, du moins. Mais il est bien disposé. »

218.4

Tous, ils se rendent dans le jardin où l’homme a déjà installé des bancs autour d’une table grossière sous une tonnelle bien garnie de vigne.

« Paix à toi, Ananias. Que, grâce à ta charité, ta terre soit féconde et te donne de beaux produits.

– Merci. Paix à toi. Assieds-toi, asseyez-vous. Anibé ! Nubi ! Du pain, du vin, de l’eau. Tout de suite ! » ordonne le vieillard à deux femmes.

Ce sont sûrement des africaines, car l’une est tout à fait noire avec de grosses lèvres et des cheveux crépus, et l’autre a le teint très foncé, bien qu’elle soit de type plus européen. Le vieil homme explique :

« ce sont les filles des esclaves de ma femme. Elle est morte, de même que celles qui étaient venues avec elle, mais leurs filles sont restées. Elles viennent du haut et du bas Nil. Mon épouse était originaire de là-bas. C’est défendu, hein ? Mais moi, je n’en ai cure. Je ne suis pas d’Israël, et les femmes de race inférieure sont douces.

– Tu n’es pas d’Israël ?

– Je le suis par force, car nous avons Israël sur le cou comme un joug. Mais… Tu es israélite et mes paroles t’offensent ?

– Non, je ne m’en offusque pas. Je voudrais seulement que tu écoutes la voix de Dieu.

– Il ne nous parle pas, à nous.

– C’est toi qui le dis. Moi, je te parle, et c’est sa voix.

– Mais toi, tu es le Roi d’Israël. »

Les femmes qui arrivent avec du pain, de l’eau et du vin et qui entendent parler de “ roi ” s’arrêtent, interdites, à la vue de l’homme blond, souriant, digne, que leur maître appelle “ roi ”, et font mine de se retirer, en se courbant presque jusqu’à terre, par respect.

« Merci, femmes, et que la paix soit avec vous aussi. »

Puis, se tournant vers le vieil homme :

« Elles sont bien jeunes… Tu peux aussi continuer ton travail.

– Non. La terre est arrosée et elle peut attendre. Parle un peu. Anibé, détache l’âne et rentre-le. Et toi, Nubi, vide les derniers seaux et puis… Tu t’arrêtes, Seigneur ?

– Ne te dérange pas davantage. Il me suffit de prendre un peu de nourriture, puis j’entrerai à Ashqelôn.

– Non, cela ne me dérange pas. Oui, va en ville, mais reviens ce soir. Nous romprons le pain et partagerons le sel. Dépêchez-vous ! Toi, au pain ! Toi, appelle Geteo pour qu’il tue un chevreau et prépare-le pour ce soir. Allez ! »

Et les deux femmes se retirent en silence.

218.5

« Alors, tu es roi ? Mais tes armes ? Hérode est cruel, de toutes manières. Il nous a reconstruit Ashqelôn, mais c’est pour sa gloire. Et maintenant… Mais tu connais mieux que moi les hontes d’Israël. Comment feras-tu ?

– Je n’ai d’autre arme que celle qui me vient de Dieu.

– L’épée de David ?

– L’épée de ma parole.

– Quel pauvre rêveur ! Elle s’émoussera et perdra son tranchant sur le bronze des cœurs.

– Tu crois ? Je ne vise pas à un royaume terrestre. Pour vous tous, je vise au Royaume des Cieux.

– Nous tous ? Même moi, qui suis philistin ? Même mes esclaves ?

– Tous. Elles et toi, et jusqu’au plus sauvage au cœur des forêts africaines.

– Tu veux faire un si grand royaume ? Pourquoi l’appelles-tu Royaume des Cieux ? Tu pourrais l’appeler : Royaume de la Terre.

– Non, ne te méprends pas. Mon Royaume est le Royaume du vrai Dieu. Dieu est au Ciel. Par conséquent, c’est le Royaume du Ciel. Tout homme est une âme revêtue d’un corps, et l’âme ne peut vivre que dans les Cieux. Je veux vous guérir l’âme, en enlever les erreurs et les rancœurs, la mener à Dieu par la bonté et l’amour.

– Cela me plaît beaucoup. Les autres – moi, je ne vais pas à Jérusalem, mais je le sais – les autres en Israël ne tiennent pas ce langage, et cela depuis des siècles. Alors, tu ne nous hais pas ?

– Je ne hais personne. »

Le vieil homme réfléchit… et demande :

« Et mes deux esclaves ont aussi une âme, comme vous, les israélites ?

– Certainement. Ce ne sont pas des bêtes qu’on a capturées. Ce sont des créatures malheureuses qu’on doit aimer. Les aimes-tu ?

– Je ne les traite pas mal. Je veux qu’elles obéissent, mais je n’emploie pas le fouet et je les nourris bien. Une bête mal nourrie ne travaille pas, dit-on. Mais l’homme mal nourri n’est pas non plus un bon travailleur. D’ailleurs, elles sont nées dans la maison. Je les ai vues toutes petites. Désormais, il ne reste qu’elles parce que je suis très vieux, sais-tu ? Presque quatre-vingts ans. Geteo et elles forment le reste de ma maison d’autrefois. J’y suis attaché comme à mes meubles. Elles me fermeront les yeux…

– Et après ?

– Après… je n’en sais rien ! Elles entreront en service et la maison se défera. Cela me déplaît. Elle est devenue riche, grâce à mon travail. Cette terre redeviendra sableuse, stérile… Cette vigne… Nous l’avons plantée, ma femme et moi. Et ce rosier… il est égyptien, Seigneur. C’est l’odeur de mon épouse que je sens en lui… Il me semble que c’est un fils… mon fils unique qui est enterré, poussière désormais à ses pieds… Douleurs… Il vaut mieux mourir jeune et ne pas voir cela ni la mort qui arrive…

– Ton fils n’est pas mort, ni ta femme. L’âme survit. La chair seule est morte. La mort ne doit pas effrayer. La mort est vie pour qui espère en Dieu et vit en juste. Penses-y… Je vais en ville. Je reviendrai ce soir et je te demanderai ce portique pour y dormir avec mes disciples.

– Non, Seigneur. J’ai plusieurs chambres vides. Je te les offre. »

Judas met de l’argent sur la table.

« Non. Je n’en veux pas. Je suis de cette terre qui vous est odieuse, mais je suis peut-être meilleur que ceux qui nous do­minent. Adieu, Seigneur.

– Paix à toi, Ananias. »

Les deux esclaves sont accourues avec Geteo, un homme musclé, ancien paysan, pour le voir partir :

« Paix aussi à vous. Soyez-bons. Adieu. »

Et Jésus effleure les cheveux crépus de Nubi et ceux, luisants et raides, d’Anibé, il sourit à l’homme et s’en va.

218.6

Peu après, ils entrent dans Ashqelôn par la rue au double portique qui mène tout droit au centre de la ville. Ashqelôn singe Rome, avec ses bassins et ses fontaines, ses places qui servent de forum, ses tours le long des murs d’enceinte, et, partout, le nom d’Hérode apposé par lui-même pour s’applaudir, puisque les habitants d’Ashqelôn ne le font pas. Il y a beaucoup de circulation et elle augmente à mesure que le temps passe et qu’on approche du centre de la cité, ouverte, aérée, avec des échappées de lumière sur la mer qui paraît enfermée comme une turquoise dans une tenaille de corail rose par les maisons éparses le long de l’arc profond qui forme la côte : ce n’est pas un golfe, mais un arc véritable, une portion de cercle que le soleil teint tout entière d’un rose très pâle.

« Partageons-nous en quatre groupes. Je pars, ou plutôt je vous laisse aller. Puis je choisirai. Allez. Après la neuvième heure, nous nous retrouverons à la Porte par laquelle nous sommes entrés. Soyez prudents et patients. »

Et Jésus les regarde partir ; il est resté seul avec Judas qui a déclaré qu’il ne leur parlerait pas sous prétexte qu’ils sont pires que des païens. Mais quand il s’est rendu compte que Jésus veut aller de-ci de-là sans parler, alors il change d’avis et dit :

« Est-ce que cela te déplaît de rester seul ? Moi, j’irais avec Matthieu, Jacques et André. Ce sont les moins capables…

– Vas-y. Adieu. »

Et Jésus, seul, fait un tour dans la ville, se promenant en long et en large, anonyme au milieu des gens affairés qui ne le re­marquent même pas. Seuls deux ou trois enfants curieux le dévisagent et une femme à la tenue provocante va résolument à sa rencontre avec un sourire plein de sous-entendus. Mais Jésus la regarde si sévèrement qu’elle rougit comme une pivoine et s’éloigne en baissant les yeux. Au coin de la rue, elle se retourne encore et, comme un homme du peuple qui a observé la scène lui lance une plaisanterie mordante et méprisante à cause de son peu de succès, elle s’enveloppe dans son manteau et s’enfuit.

Les enfants, au contraire, tournent autour de Jésus, le regardent, sourient en le voyant sourire. L’un d’eux, plus hardi, le questionne :

« Qui es-tu ?

– Jésus, répond-il en lui donnant une caresse.

– Que fais-tu ?

– J’attends des amis.

– D’Ashqelôn ?

– Non, de mon pays et de Judée.

– Es-tu riche ? Moi, oui. Mon père a une belle maison et, à l’intérieur, il fait des tapis. Viens voir. C’est tout près d’ici. »

Et Jésus part, seul avec l’enfant. Il pénètre sous un porche très long qui ressemble à un chemin couvert. Au fond, rendu plus vif par contraste avec la pénombre du porche, resplendit un coin de la mer, tout illuminé par le soleil.

218.7

Ils rencontrent une fillette chétive en larmes.

« C’est Dina. Elle est pauvre, tu sais ? Ma mère lui donne de la nourriture. Sa mère ne peut plus gagner sa vie. Son père est mort en mer : une tempête, pendant qu’il allait de Gaza au port du Grand Fleuve porter des marchandises et en prendre. Comme les marchandises étaient à mon père et que le père de Dina était l’un de nos marins, maman pense maintenant à eux. Mais les enfants restés ainsi sans père sont si nombreux… Qu’en dis-tu, toi ? Ce doit être dur, de rester orphelins et pauvres ! Voilà ma maison. Ne dis pas que j’étais dans la rue : je devais être à l’école, mais on m’a renvoyé parce que je faisais rire mes camarades avec cela… »

Et il sort de ses vêtements un pantin taillé dans le bois, dans un morceau de bois tendre, très comique réellement, pourvu d’un menton en galoche et d’un nez très caricaturaux.

Jésus esquisse un sourire, mais il le refrène — on voit à sa bouche qui tremble qu’il a du mal à se retenir —. Il dit :

« Il ne représente pas le maître, n’est-ce pas ? Ni un parent ? Ce ne serait pas bien.

– Non. C’est le chef de la synagogue des juifs. Il est vieux et laid, et nous nous moquons toujours de lui.

– Ce n’est pas bien non plus. Il est sûrement plus âgé que toi et…

– Oh ! C’est un vieux, à moitié bossu, presque aveugle et tellement laid… Ce n’est pas ma faute s’il est comme ça !

– Non, mais tu es fautif de te moquer d’un vieillard. Toi aussi, quand tu seras vieux, tu deviendras laid car tu te voûteras, tu n’auras plus beaucoup de cheveux, tu seras à moitié aveugle, tu marcheras avec un bâton, tu auras ce genre de visage. Et alors ? Cela te plaira d’être ridiculisé par un enfant irrespectueux ? Et puis, pourquoi fâcher le maître, distraire tes camarades ? Ce n’est pas bien. Si ton père le savait, il te punirait. Ta mère en souffrirait. Moi, je ne leur dirai rien. Mais toi, donne-moi tout de suite deux choses : d’une part la promesse de ne plus faire de tels manquements, et d’autre part ce pantin. Qui l’a fabriqué ?

– Moi, Seigneur… » dit l’enfant, mortifié, conscient maintenant de la gravité de ses… méfaits…

Et il ajoute :

« J’aime tellement travailler le bois ! Parfois, j’imite les fleurs des tapis ou les animaux qui s’y trouvent. Tu sais, les dragons, les sphinx, et d’autres bêtes encore…

– Cela, tu peux le faire. Il y a tant de belles choses sur la terre ! Donc, tu me fais cette promesse et tu me donnes ce pantin ? Sinon, nous ne sommes plus amis. Je le garderai en souvenir de toi et je prierai pour toi. Comment t’appelles-tu ?

– Alexandre. Et toi, qu’est-ce que tu me donnes ? »

Jésus est embarrassé. Il a toujours si peu de choses ! Mais il se rappelle qu’il a une très belle boucle au col d’un vêtement. Il cherche dans son sac, la trouve, la détache et la donne à l’enfant.

« Et maintenant, allons-y. Mais fais attention : même si je pars, cela ne m’empêche pas de tout savoir. Et si j’apprends que tu es méchant, je reviens ici et je dis tout à ta maman. »

Le pacte est scellé.

218.8

Ils entrent dans la maison. Après le vestibule, il y a une grande cour sur laquelle donnent, de trois côtés, de grandes pièces où se trouvent les métiers.

La servante qui a ouvert, étonnée de voir l’enfant avec un inconnu, prévient sa maîtresse, et celle-ci, une femme de grande taille, à l’aspect plein de douceur, accourt et demande :

« Mon fils s’est-il senti mal ?

– Non, femme. Il m’a amené ici pour voir tes tapis. Je suis étranger.

– Tu veux faire des achats ?

– Non. Je n’ai pas d’argent, mais j’ai des amis qui aiment les belles choses et qui sont riches. »

La femme regarde avec curiosité cet homme qui avoue aussi simplement sa pauvreté, et elle dit :

« Je te prenais pour un seigneur. Tu as des manières et l’aspect d’un grand seigneur.

– Pas du tout. Je suis simplement un rabbi galiléen : Jésus, le Nazaréen.

– Nous, nous faisons du commerce et nous n’avons aucune prévention. Viens et regarde. »

Elle l’emmène voir ses tapis auxquels travaillent des jeunes filles sous la direction de la maîtresse. Les tapis sont vraiment de grande valeur, pour leurs dessins comme par leurs couleurs. Grands, souples, on dirait des parterres tout en fleurs ou un kaléidoscope de pierres précieuses. D’autres mêlent aux fleurs des figures allégoriques comme des hippogriffes, des sirènes, des dragons, ou bien des griffons héraldiques semblables aux nôtres.

Jésus admire :

« Tu es très habile. Je suis content d’avoir vu tout cela. Et je suis content que tu sois bonne.

– Comment le sais-tu ?

– Cela se lit sur ton visage. Et ton enfant m’a parlé de Dina. Que Dieu t’en récompense. Même si tu ne le crois pas, tu es très proche de la Vérité car tu as la charité en toi.

– Quelle vérité ?

– Celle du Très-Haut. Celui qui aime le prochain, qui exerce la charité dans sa famille et envers ses subordonnés et qui la déploie sur les malheureux possède déjà en lui-même la Religion.

218.9

Cette fillette, c’est Dina, n’est-ce pas ?

– Oui, sa mère est mourante. Après je la prendrai, mais pas pour les tapis. Elle est trop petite et trop grêle. Viens, Dina, auprès de ce seigneur. »

La fillette, qui a le visage triste des enfants malheureux, s’approche timidement.

Jésus lui fait une caresse et lui demande :

« Tu me conduis auprès de ta mère ? Tu voudrais bien qu’elle guérisse, n’est-ce pas ? Alors, emmène-moi chez elle. Adieu, femme. Adieu à toi aussi, Alexandre, et sois bon. »

Il sort en tenant la fillette par la main.

« Tu es seule ? demande-t- il.

– J’ai trois petits frères. Le dernier n’a pas connu son père.

– Ne pleure pas. Es-tu capable de croire que Dieu peut guérir ta mère ? Tu sais, n’est-ce pas, qu’il existe un seul Dieu, qui aime les hommes qu’il a créés, et tout particulièrement les enfants qui sont bons ? Et qu’il peut tout ?

– Je le sais, Seigneur. Auparavant, mon frère Tolmé allait à l’école, et à l’école, on est mélangé aux juifs. C’est comme cela qu’on sait beaucoup de choses. Je sais qu’il existe et qu’il s’appelle Yahvé, et qu’il nous a punis parce que les Philistins ont été mauvais avec lui. Les enfants juifs nous le reprocheront toujours. Mais, à cette époque-là, je n’existais pas, ni maman ni mon père. Alors, pourquoi… »

Les larmes lui coupent la parole.

« Ne pleure pas. Dieu t’aime, toi aussi, et il m’a conduit ici pour toi et pour ta maman. Tu sais que les israélites attendent le Messie qui doit venir pour établir le Royaume des Cieux ? Le Royaume de Jésus, rédempteur et sauveur du monde ?

– Je le sais, Seigneur. Et ils nous menacent en disant : “ A ce moment-là, malheur à vous ! ”

– Et sais-tu ce que fera le Messie ?

– Il fera d’Israël un grand peuple et il nous traitera très mal.

– Non : il rachètera le monde, il enlèvera le péché, il apprendra à ne pas pécher. Il aimera les pauvres, les malades, les affligés. Il ira vers eux. Il apprendra aux hommes riches, en bonne santé ou heureux, à les aimer. Il recommandera d’être bons pour obtenir la Vie éternelle et bienheureuse au Ciel. C’est cela qu’il fera. Et il n’opprimera personne.

– Et comment comprendra-t-on que c’est lui ?

– Parce qu’il aimera tout le monde et guérira les malades qui croiront en lui, il rachètera les pécheurs et enseignera l’amour.

– Ah ! S’il venait ici avant que maman ne meure ! Comme je croirais, moi ! Comme je le prierais ! J’irais le chercher jusqu’à ce que je le trouve et je lui dirais : “ Je suis une pauvre enfant sans père, ma mère est mourante. J’espère en toi ” et je suis sûre qu’il m’accueillerait, bien que je sois philistine. »

Toute une foi, simple et forte, vibre dans la voix de la fillette. Jésus sourit en regardant la pauvre petite fille qui marche à côté de lui. Elle ne voit pas ce sourire éclatant, parce qu’elle regarde devant, du côté de la maison, maintenant proche.

218.10

Ils arrivent à un cabanon bien misérable au fond d’une impasse.

« C’est ici, Seigneur, entre… »

Une pauvre chambrette, une paillasse sur laquelle est étendu un corps épuisé, trois petits enfants, de dix à trois ans, assis près de la paillasse. Tout trahit la misère et la faim.

« Paix à toi, femme. Ne t’agite pas. Ne te dérange pas. J’ai trouvé ta fille et je sais que tu es malade. Je suis venu. Voudrais-tu guérir ? »

La femme n’a qu’un filet de voix pour répondre :

« Oh ! Seigneur !… Mais pour moi c’est fini !… »

Elle pleure.

« Ta fille est arrivée à croire que le Messie pourrait te guérir. Et toi ?

– Ah ! Moi, je le croirais aussi, mais où est le Messie ?

– C’est moi, qui te parle. »

Et Jésus qui était penché sur la paillasse pour murmurer ses paroles près du visage de la malade, se redresse et s’écrie :

« Je le veux. Sois guérie ! »

Les enfants ont presque peur de son air majestueux et, la surprise sur le visage, ils se tiennent autour du grabat de la mère.

Dina serre ses mains sur sa petite poitrine. Une lueur d’espoir, de béatitude brille sur son petit visage. Elle halète, pour ainsi dire, si grande est son émotion. Elle a la bouche ouverte pour dire quelque chose que déjà son cœur murmure. Quand elle voit sa mère, auparavant au teint cireux et abandonnée, se redresser pour s’asseoir comme si une force l’attirait et pénétrait en elle, puis se lever sans quitter un instant des yeux le Sauveur, Dina pousse un cri de joie : « Maman ! » Le mot qui gonflait son cœur est dit !… Un autre suit : « Jésus ! » tout en embrassant sa mère, elle l’oblige alors à s’agenouiller en disant :

« Adore ! Adore ! C’est lui, celui que le maître de Tolmé appelait : le Messie annoncé par les prophètes.

– Adorez le vrai Dieu, soyez bons, souvenez-vous de moi. Adieu. »

Et il sort rapidement pendant que les deux femmes, tout à leur bonheur, restent prosternées par terre…

218.1

L’alba risveglia col suo alito fresco i dormenti. Si alzano dal letto di sabbie su cui hanno dormito a ridosso di una duna sparsa di poche erbe disseccate e si arrampicano in cima alla stessa. Una profonda costa sabbiosa è loro davanti, mentre poco più là e poco più qua sono terreni coltivati e belli. Un torrente privo d’acqua segna dei suoi sassi bianchi il biondo della arena, andando con questo biancore di ossa disseccate fino al mare che luccica lontano, coi sui flutti gonfi per la marea del mattino, fatti più gonfi da un poco di maestrale che pettina l’oceano. Camminano sull’orlo della duna fino al torrente disseccato, lo passano, riprendono l’andare, diagonalmente, sulle dune che franano sotto i passi e che così tutte ondulate sembrano continuare l’oceano con materie solide e asciutte anziché con le mobili acque.

Giungono al lido umido e vanno più spediti, e mentre Gio vanni si ipnotizza a guardare il mare sconfinato che si accende dei primi sfaccettii di sole, e pare che beva quella bellezza e si inazzurri ancor di più nell’occhio, Pietro, più pratico, si scalza, si solleva la veste e sguazza nelle ondette della riva cercando di trovare qualche granchiolino o qualche nicchio da succhiare.

Una bella città marittima è a due buoni chilometri di distanza, stesa lungo la riva sulla scogliera semilunata, oltre la quale il vento e le burrasche hanno trasportato le arene. E la scogliera, ora che l’acqua dopo la marea si ritira, si scopre anche qui, obbligando a tornare sulle sabbie asciutte per non torturare sugli scogli i piedi nudi.

«Da dove entriamo, Signore? Di qui si vede solo una muraglia ben compatta. Dal mare non si può entrare. La città è nel punto più fondo dell’arco», dice Filippo.

«Venite. So da dove si entra».

«Ci sei già stato?».

«Una volta da piccino, e non me ne ricorderei. Ma so da dove si passa».

«Strano! L’ho notato tante volte… Tu non sbagli mai la strada. Qualche volta te la facciamo sbagliare noi. Ma Tu! Sembra che Tu sia sempre stato nel luogo dove ti muovi», osserva Giacomo di Zebedeo.

Gesù sorride ma non risponde.

218.2

Va sicuro sino ad un piccolo sobborgo rurale dove gli ortolani coltivano verdure per la città. I campicelli e gli orti sono regolari e ben curati, e donne ed uomini li coltivano e stanno versando acqua nei solchi, estraendola dai pozzi a fatica di braccia, oppure col vecchio e cigolante sistema delle secchie sollevate da un povero asinello che bendato gira intorno al pozzo. Ma non dicono nulla. Gesù saluta: «Pace a voi». Ma la gente rimane, se non ostile, indifferente.

«Signore, qui si corre pericolo di morire di fame. Non capiscono il tuo saluto. Ora provo io», dice Tommaso. E abborda il primo ortolano che vede dicendo: «Costa cara la tua verdura?».

«Non più di quella delle altre ortaglie. Cara o non cara, a seconda di come è grassa la borsa».

«Ben detto. Ma come vedi io non muoio di inedia. Sono grasso e colorito anche senza le tue verdure. Segno che la mia borsa è una buona mammella. Breve: siamo in tredici e possiamo comperare. Cosa ci vendi?».

«Uova, verdure, mandorle primaticce e mele che sono vizze per vecchiaia, ulive… Ciò che vuoi».

«Dàmmi delle uova, delle mele e pane, per tutti».

«Pane non ne ho. In città ne trovi».

«Ho fame ora, non fame fra un’ora. Non lo credo che non hai pane».

«Non ne ho. La donna lo sta facendo. Ma vedi là quel vecchio? Lui ne ha molto sempre, perché essendo più sulla strada ne è spesso richiesto dai pellegrini. Vai da Anania e chiedine. Ora ti porto le uova. Ma guarda che costano un denaro la coppia».

«Ladro! Le tue galline sgravano forse uova d’oro?».

«No. Ma non è bello essere in mezzo al fetore del pollame, e per nulla non ci si sta. E poi, non siete giudei? Pagate».

«Tientele. Sei bell’e pagato», e Tommaso gli volta le spalle.

«Ehi! uomo! Vieni. Te le do per meno. Tre al denaro».

«Neanche quattro. Bevile e ti si annodino nella gola».

«Vieni. Senti. Che mi vuoi dare?». L’ortolano insegue Tommaso.

«Nulla. Non le voglio più. Volevo fare uno spuntino prima di andare in città. Ma è meglio così. Non perderò voce e appetito per cantare le storie del re e per fare un buon pasto all’albergo».

«Te le do per un didramma la coppia».

«Auf! Sei peggio di un tafano. Dàmmi le tue uova. E fresche. Se no torno indietro e ti faccio il muso più giallo di quanto non l’hai», e Tommaso va e torna con almeno due dozzine d’uova nel lembo del mantello. «Visto? Le spese le faccio io d’ora in poi, in questo paese di ladri. So come trattarli. Vengono pieni di denaro a comperare da noi, per le loro donne, e i bracciali non sono mai grossi abbastanza, e tirano sul prezzo a intere giornate. Mi vendico.

218.3

Ora andiamo da quell’altro scorpione. Vieni, Pietro. E tu, Giovanni, tieni le uova».

Vanno dal vecchio, che ha l’orto lungo la via maestra che dal nord, costeggiando le case del sobborgo, conduce alla città. Una bella via ben selciata, certo opera romana. La porta della città nel lato orientale è ormai vicina, e oltre di essa si vede che la via prosegue diritta e veramente artistica, mutata in un duplice porticato ombroso, retto da colonne marmoree, all’ombra fresca del quale la gente cammina lasciando il centro della via agli asini, cammelli, carri e cavalli.

«Salute! Ci vendi del pane?», chiede Tommaso.

Il vecchio o non sente o non vuol sentire. Veramente il cigolio del bindolo è tale che può creare confusione.

Pietro perde la pazienza e urla: «Ferma il tuo Sansone! Almeno prenderà fiato per non morire sotto i miei occhi. E ascoltaci!».

L’uomo ferma il ciuco e guarda storto il suo interlocutore, ma Pietro lo disarma dicendo: «Eh! non è giusto mettere il nome di Sansone ad un ciuco? Se sei filisteo ti deve piacere perché è offesa a Sansone[1]. Se sei d’Israele ti deve piacere perché ricorda una sconfitta filistea. Vedi perciò…».

«Sono filisteo e me ne vanto».

«Fai bene. Ti vanterò anche io se ci dai del pane».

«Ma non sei giudeo?».

«Sono cristiano».

«Che luogo è?».

«Non un luogo. È una persona. E io sono di quella persona».

«Sei schiavo suo?».

«Sono libero più di ogni altro uomo, perché chi è di quella persona non dipende più che da Dio».

«Dici il vero? Neanche da Cesare?».

«Puah! Cosa è Cesare rispetto a Colui che io seguo e al quale appartengo, e nel nome del quale ti chiedo un pane?».

«Ma dove è questo potente?».

«Quell’uomo là, che guarda qui e sorride. È il Cristo, il Messia. Non ne hai mai sentito parlare?».

«Sì. Il re d’Israele. Vincerà Roma?».

«Roma? Ma tutto il mondo e anche l’Inferno».

«E voi ne siete i generali? Così vestiti? Forse per sfuggire alle persecuzioni dei perfidi giudei».

«Sì e no. Ma dàmmi del pane e mentre mangiamo ti spiegherò».

«Pane? Ma anche acqua, anche vino e sedili, all’ombra, per te e il compagno e per il tuo Messia. Chiamalo».

E Pietro sgambetta lesto verso Gesù: «Vieni, vieni. Ci dà quello che vogliamo, quel vecchio filisteo. Credo però che ti assalirà di domande… Gli ho detto chi sei,… su per giù gliel’ho detto. Ma è ben disposto».

218.4

Vanno tutti nell’ortaglia, dove l’uomo ha già sistemato panche intorno ad un tavolo grezzo messo sotto una folta pergola di vite.

«La pace a te, Anania. Ti fiorisca la terra per la tua carità e ti dia pingue frutto».

«Grazie. A te pace. Siedi, sedete. Anibé! Nubi! Pane, vino, acqua. Subito», ordina il vecchio a due donne africane certo, perché una è assolutamente nera dalle grosse labbra e capelli crespi, l’altra è molto scura benché di tipo più europeo. E il vecchio spiega: «Le figlie delle schiave di mia moglie. Lei è morta e morte quelle che erano venute con lei. Ma le figlie sono rimaste. Alto e basso Nilo. Mia moglie era di là. Proibito, eh? Ma io non me ne curo. Non sono d’Israele, e le donne di razza inferiore sono mansuete».

«Non sei d’Israele?».

«Lo sono per forza, perché Israele ci è sul collo come un giogo. Ma… Tu sei israelita e ti offendi di questo che dico?…».

«No. Non mi offendo. Vorrei solo che tu ascoltassi la voce di Dio».

«Non parla a noi».

«Tu lo dici. Io ti parlo, ed è la sua voce».

«Ma Tu sei il Re di Israele».

Le donne, che stanno arrivando con pane, acqua, vino e che sentono parlare di «re», si fermano interdette guardando il giovane biondo, sorridente, dignitoso, che il padrone chiama «re», e poi fanno per ritirarsi, quasi strisciando per il rispetto.

«Grazie, donne. E pace anche a voi». Poi, rivolto al vecchio:

«Sono giovani… Puoi pure continuare il tuo lavoro».

«No. La terra è bagnata e può aspettare. Parla un poco.

Anibé, stacca l’asino e ricoveralo. E tu, Nubi, rovescia le ultime secchie, e poi… Ti fermi, Signore?».

«Non ti disturbare oltre. Mi basta prendere un poco di cibo e poi entro in Ascalona».

«Non mi disturbo. Va’ pure in città. Ma a sera vieni. Spezzeremo il pane e divideremo il sale. Presto, voi! Tu al pane, tu chiama Geteo che uccida un capretto e preparalo per la sera. Andate». E le due donne se ne vanno senza parlare.

218.5

«Sicché Tu sei re? Ma le armi? Erode è crudele, in ogni suo ramo. Ci ha ricostruito Ascalona. Ma per gloria sua. E ora!… Ma Tu le vergogne di Israele le sai più di me. Come farai?».

«Non ho che l’arma che viene da Dio».

«La spada di Davide?».

«La spada della mia parola».

«Oh! povero illuso! Si spunterà e perderà il filo sul bronzo dei cuori».

«Lo credi? Io non miro ad un regno del mondo. Per voi tutti Io miro al Regno dei Cieli».

«Noi tutti? Anche io, filisteo? Anche le mie schiave?».

«Tutti. Tu e loro. E fino per il più selvaggio che è al centro delle foreste africane».

«Vuoi fare un regno così grande? Perché lo chiami dei Cieli?

Potresti chiamarlo: regno della Terra».

«No. Non errare nel comprendere. Il mio è il Regno del vero Dio. Dio è in Cielo. Perciò è Regno del Cielo. Ogni uomo è un’anima vestita di corpo, e l’anima non può vivere che nei Cieli. Io vi voglio curare l’anima, levarne gli errori e gli asti, condurla a Dio attraverso la bontà e l’amore».

«Questo mi piace molto. Gli altri, io a Gerusalemme non vado, ma so che gli altri d’Israele da secoli non parlano così. Sicché Tu non ci odi?».

«Non odio nessuno».

Il vecchio pensa… poi chiede: «E le due schiave hanno anche loro anima come voi d’Israele?».

«Certamente. Non sono belve catturate. Sono creature infelici. Vanno amate. Le ami tu?».

«Non le tratto male. Voglio ubbidienza, ma non uso la frusta e le nutro bene. Bestia mal nutrita non lavora, si dice. Ma anche l’uomo malnutrito non è un buon affare. E poi sono nate in casa. Le ho viste piccole. Ora restano loro sole, perché io sono molto vecchio, sai? Quasi ottanta. Loro e Geteo sono il resto della mia casa di un tempo. Mi sono affezionato come a mobili miei. Mi chiuderanno gli occhi…».

«E poi?».

«E poi… Mah! Non lo so. Andranno a servire, e la casa si disferà. Mi spiace. L’ho fatta ricca col mio lavoro. Questa terra tornerà sabbiosa, sterile… Questa vigna… L’abbiamo piantata io e la moglie. E quel roseto… Egiziano, Signore. L’odore della mia sposa sento in lui… Mi pare un figlio… il figlio unico che è sepolto, farina ormai, ai suoi piedi… Dolori… Meglio morire giovani e non vedere questo e la morte che viene avanti…».

«Il tuo figlio non è morto e non la moglie. Sopravvive il loro spirito. Morta è la carne. La morte non deve spaurire. È vita la morte a chi spera in Dio e vive da giusto. Pensaci… Io vado in città. Tornerò questa sera e ti chiederò quel portico per dormire coi miei».

«No, Signore. Ho molte camere vuote. Te le offro». Giuda mette sul tavolo delle monete.

«No. Non le voglio. Sono di questa terra a voi invisa. Ma forse sono meglio di quelli che ci dominano. Addio, Signore».

«Pace a te, Anania».

Le due schiave insieme a Geteo, un nerboruto e anziano contadino, sono accorse a vederlo partire. «Pace anche a voi. Siate buoni. Addio», e Gesù sfiora i capelli crespi di Nubi e quelli lucidi e tesi di Anibé, sorride all’uomo e se ne va.

218.6

Dopo poco entrano in Ascalona, per la via dal duplice portico che va diritta al centro della città, che è una scimmiottatura di Roma, con vasche e fontane, con piazze uso Foro, con torri lungo la cinta delle mura e dappertutto il nome di Erode, messo dallo stesso per applaudirsi, posto che gli ascaloniti non lo applaudono. Vi è molto movimento, e cresce più l’ora passa e si avvicina la parte più centrale della città, aperta, ariosa, dagli sfondi luminosi sul mare, che pare chiuso come una turchese in una tenaglia di corallo rosa per le case sparse sull’arco profondo che qui fa la costa, non un golfo, un vero arco, una porzione di circolo che il sole fa tutta di un roseo pallidissimo.

«Dividiamoci in quattro gruppi. Io vado, anzi vi lascio andare. Poi sceglierò Io. Andate. Dopo l’ora di nona ritrovo alla Porta da cui siamo entrati. Siate prudenti e pazienti».

E Gesù li guarda andare rimanendo solo con Giuda Iscariota, che ha dichiarato che a questi egli non dirà nulla perché sono peggio dei pagani. Ma quando sente che Gesù vuole andare qua e là senza parlare, allora cambia pensiero e dice: «Ti spiace rimanere solo? Io andrei con Matteo, Giacomo e Andrea; sono i meno capaci…».

«Va’ pure. Addio».

E Gesù si aggira solo per la città girandola in lungo e in largo, anonimo fra la gente affaccendata che neppure lo osserva. Solo due o tre bambini alzano il capo curiosi, e una donna procacemente vestita che gli viene risolutamente incontro con un sorriso pieno di sottintesi. Ma Gesù la guarda così severamente che lei diventa di porpora e china gli occhi andandosene. All’angolo si volge ancora, e poiché un popolano che ha osservato la scena le lancia un frizzo mordace e di scherno per la sua sconfitta, ella si avvolge nel suo mantello e fugge.

I bambini invece girano intorno a Gesù, lo guardano, sorridono al suo sorriso. Uno più audace chiede: «Chi sei?».

«Gesù», risponde Egli accarezzandolo.

«Che fai?».

«Aspetto degli amici».

«Di Ascalona?».

«No, del mio paese e della Giudea».

«Sei ricco? Io sì. Mio padre ha una bella casa e dentro lavora i tappeti. Vieni a vedere. È qui vicino».

E Gesù va solo col bambino, entrando sotto un lungo androne che fa come una strada coperta. In fondo, fatto più vivo dalla penombra dell’androne, splende uno scorcio di mare tutto acceso di sole.

218.7

Incontrano una bambina sparuta che piange. «È Dina. È povera, sai? Mia madre le dà del cibo. Sua madre non può più guadagnare. Il padre è già morto, in mare. Una tempesta mentre da Gaza andava al porto del Grande Fiume a portare merci e a prenderne. E siccome le merci erano di mio padre, e il padre di Dina era un marinaio nostro, mia mamma ora pensa a loro. Ma sono in tanti rimasti senza padre così… Che dici Tu? Deve essere brutto essere orfani e poveri. Ecco la casa mia. Non lo dire che ero per la strada. Dovevo essere a scuola. Ma sono stato mandato via perché facevo ridere i compagni con questo…», e tira fuori dal vestito un pupazzo intagliato nel legno, in una sottile assicella di legno, molto comico per davvero, munito di una bazza e di un naso molto caricaturali.

Gesù ha un sorriso che gli tremola sotto le labbra, ma si frena e dice: «Non sarà il maestro, vero? E nessun parente. Non sta bene».

«No. È il sinagogo dei giudei. È vecchio e brutto, e noi gli diamo sempre la baia».

«Non sta bene neppure questo. Certo è molto più vecchio di te e…».

«Oh! è un vecchione, mezzo gobbo e quasi cieco, ma è così brutto!… Non ci ho colpa io se lui è brutto!».

«No. Ma hai colpa a scherzare un vecchio. Anche tu da vecchio sarai brutto perché ti curverai, sarai con pochi capelli, mezzo cieco, camminerai coi bastoni, avrai quel viso così. E allora? Avrai piacere di essere scherzato, allora, da un bambino senza rispetto? E poi perché fare inquietare il maestro, disturbare i compagni? Non sta bene. Tuo padre se lo sapesse ti punirebbe, tua madre ne avrebbe dolore. Io non dirò loro nulla. Ma tu mi dai subito due cose: la promessa di non fare più queste mancanze, e mi dai questo fantoccio. Chi lo ha fatto?».

«Io, Signore…», dice mortificato il bambino, conscio ormai della gravità dei suoi… misfatti… E aggiunge: «Mi piace tanto lavorare il legno! Delle volte rifaccio i fiori dei tappeti o le bestie che ci sono. Sai?… I draghi, le sfingi e altre bestie ancora…».

«Quelle le puoi fare. C’è tanto bello sulla Terra! Dunque prometti e mi dai questo fantoccio? Se no non siamo più amici. Io lo terrò per tuo ricordo e pregherò per te. Come ti chiami?».

«Alessandro. E Tu che mi dai?».

Gesù è imbarazzato. Ha sempre così poco! Ma poi si ricorda di avere una fibbia molto bella al collo di una veste, cerca nel sacco, la trova, la stacca e la dà al bambino. «E ora andiamo.

Ma guarda che, se anche Io vado via, Io so tutto lo stesso. E se ti so cattivo torno qui e dico tutto alla mamma». Il patto è fatto.

218.8

Entrano in casa. Dopo il vestibolo è un ampio cortile ed esso è circondato da tre lati da cameroni dove sono i telai.

La servente che ha aperto, stupita vedendo il bambino con uno sconosciuto, avvisa la padrona e questa, una donna alta e di aspetto dolce, accorre chiedendo: «Ma il figlio si è forse sentito male?».

«No, donna. Ma mi ha guidato a vedere i tuoi telai. Sono forestiero».

«Vuoi fare acquisti?».«No. Io non ho denaro. Ma ho amici che amano le cose belle e che hanno denaro».

La donna guarda curiosamente quest’uomo, che confessa così senza perifrasi di essere povero, e dice: «Ti credevo un signore. Hai modi e aspetto da gran signore».

«Invece sono semplicemente un rabbi galileo, Gesù, il Nazareno».

«Noi abbiamo commerci e non abbiamo prevenzioni. Vieni e guarda». E lo porta a guardare i suoi telai dove fanciulle lavorano sotto la direzione della padrona.

I tappeti sono veramente pregevoli di disegno e di tinte; alti, soffici, sembrano aiuole tutte in fiore, o un caleidoscopio di gemme. Altri hanno mescolato ai fiori delle figure allegoriche come ippogrifi, sirene, draghi, oppure grifoni araldici simili ai nostri.

Gesù ammira: «Sei molto brava. Sono contento di avere visto tutto questo. E sono contento che tu sia buona».

«Come lo sai?».

«Si vede al viso, e il bambino mi ha detto di Dina. Dio te ne compensi. Anche che tu non lo creda, tu sei molto vicina alla Verità, avendo carità in te».

«Quale verità?».

«Al Signore altissimo. Chi ama il prossimo, e nella famiglia e nei dipendenti esercita la carità e la estende sui miseri, ha già in sé la Religione.

218.9

Quella è Dina, non è vero?».

«Sì. Ha la madre morente. Dopo la prenderò io, ma non per i telai. Troppo piccola e troppo gracile. Vieni, Dina, da questo signore».

La bambina, dal visetto triste dei bambini infelici, si accosta timidamente.

Gesù la carezza e dice: «Mi conduci da tua madre? Vorresti che guarisse, vero? Allora portami da lei. Addio, donna. E addio, Alessandro. E sii buono».

Esce con la bambina per mano. «Sei sola?», chiede.

«Ho tre fratellini. L’ultimo non ha conosciuto il padre».

«Non piangere. Sei capace di credere che Dio può guarire tua madre? Lo sai, non è vero, che c’è un solo Dio, il quale ama gli uomini che Egli ha creati e specie i bambini buoni? E che può tutto?».

«Lo so, Signore. Prima andava a scuola mio fratello Tolmé, e a scuola si è mescolati coi giudei. Si sa per questo tante cose. So che c’è e che si chiama Jeové e che ci ha puniti perché i filistei furono cattivi con Lui. Ce lo rimproverano sempre i bambini ebrei. Ma io non c’ero allora, e non la mamma e non il padre. Perché allora…», il pianto fa argine alla parola.

«Non piangere. Dio ama anche te e mi ha portato qui, per te e per tua mamma. Sai che gli israeliti attendono il Messia che deve venire per fondare il Regno dei Cieli? Il Regno di Gesù Redentore e Salvatore del mondo?».

«Lo so, Signore. E ci minacciano dicendo: “Allora guai a voi sarà”».

«E sai che farà il Messia?».

«Farà grande Israele e ci tratterà molto male».

«No. Farà redento il mondo, leverà il peccato, insegnerà a non peccare, amerà i poveri, i malati, gli afflitti, andrà da essi, insegnerà ai ricchi, ai sani, ai felici ad amarli, raccomanderà di essere buoni per avere la Vita eterna e beata nel Cielo. Questo farà. E non opprimerà nessuno».

«E come si capirà che è Lui?».

«Perché amerà tutti e guarirà i malati che credono in Lui, redimerà i peccatori e insegnerà l’amore».

«Oh! se ci fosse prima che la mamma muoia! Come crederei io! Come lo pregherei! Andrei a cercarlo finché lo avessi trovato e gli direi: “Sono una povera bambina senza padre, la madre mi muore, io spero in Te”, e sono sicura che anche che io sia filistea mi ascolterebbe».

Tutta una fede semplice e forte vibra nella voce della fanciulla. Gesù sorride guardando la poverina che gli cammina a lato. Lei non vede questo sorriso fulgido perché guarda avanti, verso la casa ormai vicina…

218.10

Giungono ad una casupola ben povera, in fondo ad un vicolo cieco. «È qui, Signore. Entra…». Una cameretta meschina, un saccone con sopra un corpo sfinito, tre piccoli di età dai dieci ai tre anni, seduti presso il saccone. Miseria e fame tralucono da tutto.

«Pace a te, donna. Non ti agitare. Non ti scomodare. Ho trovato la tua bambina e so che sei malata. Sono venuto. Vorresti guarire?».La donna in un filo di voce risponde: «Oh! Signore!… Ma per me è finita!…», e piange.

«Tua figlia è giunta a credere che il Messia potrebbe guarirti. E tu?».

«Oh! crederei anche io. Ma dove è il Messia?».

«Io sono che ti parlo». E Gesù, che era curvo sul saccone mormorando le sue parole presso il volto dell’indebolita, si raddrizza e grida: «Lo voglio. Sii guarita».

I bambini hanno quasi paura della sua imponenza e stanno, tre volti di stupore, a far corona al giaciglio materno.

Dina si preme le mani sul piccolo petto. Una luce di speranza, di beatitudine balena sul suo visetto. Anela quasi, tanta è la sua emozione. Ha la bocca aperta per una parola che già il cuore mormora, e quando vede che la madre, prima cerea e abbandonata, come se una forza la attirasse trasfondendosi in lei, si alza a sedere, e poi, sempre con gli occhi fissi in quelli del Salvatore, si alza in piedi, Dina ha un urlo di gioia: «Mamma!». La parola che empiva il cuore è detta!… E poi un’altra:

«Gesù!». E abbracciando la madre la obbliga a inginocchiarsi dicendo: «Adora, adora! È Lui quello che il maestro di Tolmé diceva il profetizzato Salvatore».

«Adorate il vero Dio, siate buoni, ricordatevi di Me.

Addio». E lesto esce, mentre ancora le due felici sono prostese al suolo…


Notes

  1. Samson : nous trouvons le récit de ses entreprises contre les Philistins en : Jg 14-16. En outre, les combats entre Israël et les Philistins dont il est fait mention dans ce chapitre et dans les suivants (jusqu’en 221.9) sont le sujet dominant de 1 S 4-7 ; 13-14 ; 17 ; 23 ; 28 ; 31.

Note

  1. Sansone, le cui imprese contro i filistei sono narrate in: Giudici 14-16. Inoltre, le lotte tra Israele e i filistei, cui più volte si accenna nel presente capitolo e nei successivi (l’ultima volta in 221.9), sono l’argomento dominante di: 1 Samuele 47; 13-14; 17; 23; 28; 31.