222.1
Après Jabnia, les collines, dirigées d’ouest en est par rapport à l’étoile polaire, prennent de l’altitude et on en voit surgir de plus hautes, de toujours plus hautes les unes derrière les autres. Au loin, les sommets verts et violets des montagnes de Judée se profilent à la dernière lueur du soir.
Le soleil est tombé rapidement comme il le fait dans les pays situés au midi. De l’orgie de rouge du couchant, il est passé en moins d’une heure au premier scintillement des étoiles ; il paraît impossible que l’incendie solaire se soit éteint si vite, faisant disparaître le rouge sang du ciel sous un voile de plus en plus épais d’améthyste sanguine, puis d’un mauve qui pâlit et devient de plus en plus transparent pour laisser voir un ciel irréel, non pas bleu mais vert pâle, qui ensuite s’assombrit en une couleur glauque d’avoines nouvelles, prélude à l’indigo qui dominera pendant la nuit en se parsemant de diamants comme un manteau royal.
Et les premières étoiles rient déjà à l’orient en même temps qu’une faucille de lune à son premier quartier. Sous la lumière des astres et dans le silence des hommes, la terre devient peu à peu un vrai paradis. C’est l’heure du chant de ce qui ne pèche pas : celui du rossignol, l’arpège des eaux, le bruissement des feuillages, le chant des grillons, des crapauds qui émettent des notes de hautbois en chantant à la rosée. Peut-être que les étoiles, là haut, chantent elles aussi… Elles sont plus proches des anges que nous… L’incendie de la chaleur s’éteint progressivement dans l’air de la nuit, humide d’une rosée si douce à l’herbe, aux hommes et aux animaux !