245.1
Le premier arrêt de Jésus à Nazareth est à la maison d’Alphée. Il est sur le point d’entrer dans le jardin quand il rencontre Marie, femme d’Alphée, qui sort avec deux amphores de cuivre pour aller à la fontaine.
« Que la paix soit avec toi, Marie ! » dit Jésus en étreignant sa parente qui, expansive comme toujours, l’embrasse avec un cri de joie.
« Ce sera sûrement un jour de paix et de fête, mon Jésus, puisque tu es venu ! Oh, mes fils bien-aimés ! Quelle bonheur pour votre maman de vous revoir ! »
Elle embrasse affectueusement ses deux grands fils qui se tenaient juste derrière Jésus.
« Vous restez avec moi, aujourd’hui, n’est-ce pas ? J’ai justement allumé le four pour le pain. J’allais chercher de l’eau pour ne plus avoir à arrêter la cuisson.
– Maman, c’est nous qui y allons, disent ses fils en s’emparant des cruches.
– Comme ils sont bons ! N’est-ce pas, Jésus ? reprend Marie, femme d’Alphée.
– Très bons, confirme Jésus.
– Mais avec toi aussi, n’est-ce pas ? Car s’ils devaient t’aimer moins qu’ils ne m’aiment, ils me seraient moins chers.
– Ne crains rien, Marie. Ils ne sont que joie pour moi.
– Tu es seul ? Marie est partie à l’improviste… Je serais venue, moi aussi. Elle était avec une femme… disciple, elle aussi ?
– Oui, la sœur de Marthe.
– Ah ! Que Dieu en soit béni ! J’ai tant prié pour cela ! Où est-elle ?
– La voilà qui arrive avec ma Mère, Marthe et Suzanne. »
Effectivement, les femmes sont au détour du chemin, suivies des apôtres. Marie, femme d’Alphée, court à leur rencontre et s’écrie :
« Comme je suis heureuse de t’avoir pour sœur ! Je devrais te dire “ ma fille ” car tu es jeune et moi âgée. Mais je t’appelle du nom qui m’est si cher depuis que je le donne à ma Marie. Ma chérie, viens ! Tu dois être fatiguée… Mais sûrement heureuse aussi. »
Elle embrasse Marie-Madeleine puis lui prend la main comme pour lui faire encore mieux sentir qu’elle l’aime.
La beauté fraîche de Marie-Madeleine semble encore plus éclatante auprès de la figure fanée de la bonne Marie, femme d’Alphée.
« Aujourd’hui, tous chez moi ! Je ne vous laisse pas partir ! »
Et, avec un soupir involontaire de l’âme, elle avoue :
« Je suis toujours tellement seule ! Quand ma belle-sœur n’est pas là, je passe des journées bien tristes et solitaires.
– Tes fils sont absents ? » demande Marthe.
Marie, femme d’Alphée, rougit et soupire :
« Par l’âme, oui, encore. Etre disciple unit et sépare… Mais de même que toi, Marie, tu es venue à Jésus, eux aussi viendront. »
Elle essuie une larme, regarde Jésus qui l’observe avec pitié, et s’efforce de sourire pour lui demander :
« ce sont des choses qui demandent du temps, n’est-ce pas ?
– Oui, Marie, mais tu les verras.
– J’espérais… Après que Simon… Mais ensuite, il a appris d’autres… choses et il est revenu à ses hésitations. Aime-le quand même, Jésus !
– Peux-tu en douter ? »
Marie, tout en parlant, prépare pour les voyageurs de quoi se restaurer, sourde aux paroles de toutes les personnes qui déclarent n’avoir besoin de rien.
« Laissons les femmes disciples en paix » dit Jésus qui ajoute : « Et allons parcourir la ville.
– Tu t’en vas ? Peut-être mes autres fils viendront-ils ?
– Je reste toute la journée de demain. Nous serons donc ensemble. Maintenant, je vais trouver des amis. Paix à vous, femmes. Mère, adieu. »