The Writings of Maria Valtorta

260. Deux paraboles de Pierre pour les paysans de la plaine d’Esdrelon.

260. In two parables Peter speaks

260.1

« Que faites-vous, mes amis, près de ce feu ? » demande Jésus en trouvant ses disciples autour d’un feu bien nourri qui resplendit dans les premières ombres du soir à un carrefour de la plaine d’Esdrelon.

Les apôtres sursautent car ils ne l’ont pas vu venir, et ils oublient le feu pour saluer le Maître. On dirait qu’il y a un siècle qu’ils ne l’ont pas vu. Puis ils expliquent :

« Chut ! Nous avons arrangé un différend entre deux frères de Jezréël et ils ont été si contents que chacun d’eux a voulu nous donner un agneau. Nous avons pensé les cuire pour les donner aux serviteurs de Doras. Michée de Yokhanan les a égorgés et préparés et nous allons les mettre à rôtir. Ta Mère, Marie et Suzanne sont allées avertir les serviteurs de Doras de venir à la fin de la soirée, quand l’intendant s’enferme chez lui pour boire. Les femmes se font moins remarquer… Nous, nous avons essayé de les voir en passant comme des voyageurs à travers les champs, mais on a fait peu de chose. Nous avions décidé de nous réunir ici ce soir, et de dire… quelque chose de plus, pour l’âme, et pour qu’ils se sentent bien aussi dans leurs corps, comme tu l’as fait les autres fois. Mais maintenant que tu es là, ce sera plus beau.

– Qui aurait parlé ?

– Eh bien… un peu tous… Comme ça, sans façon. On ne peut pas davantage, d’autant plus que Jean, Simon le Zélote et ton frère ne veulent pas parler, pas plus que Judas ; Barthélemy lui aussi cherche à ne rien dire… Nous nous sommes même disputés pour ça, dit Pierre.

– Et pourquoi refusent-ils de parler ?

– Jean et Simon, parce qu’ils disent que ce n’est pas bien que ce soit toujours eux… Ton frère parce qu’il veut que je parle, moi, sous prétexte que, je ne commence jamais… Barthélemy parce que… parce qu’il a peur de parler trop en maître et de ne pas savoir convaincre. Tu vois que ce sont des excuses…

– Et toi, Judas, pourquoi refuses-tu parler ?

– Mais pour les mêmes raisons que les autres ! Pour toutes à la fois, car elles sont toutes justes…

– Cela fait beaucoup de raisons. Et il y en a une qu’on n’a pas mentionnée.

260.2

Maintenant, c’est moi qui juge, et mon jugement est sans appel. Toi, Simon-Pierre, tu parleras comme le dit Jude : il le dit avec sagesse. Et toi, Judas, tu parleras aussi. Ainsi, une des multiples raisons, celle que Dieu et toi connaissez, cessera d’être.

– Maître, crois-moi, il n’y a rien d’autre… » tente de répliquer Judas.

Mais Pierre lui coupe la parole :

« Oh, Seigneur ! Moi, parler en ta présence ? Je n’y arriverai pas ! J’ai peur de te faire rire…

– Tu ne veux pas être seul, tu ne veux pas être avec moi… Que veux-tu donc ? demande Jésus.

– Tu as raison. Mais… qu’est-ce que je dois dire ?

– Regarde ton frère, qui arrive avec les agneaux. Aide-le et penses-y pendant qu’ils cuisent. Tout sert à trouver des sujets.

– Même un agneau sur la flamme ? demande Pierre, incrédule.

– Oui. Obéis. »

Pierre pousse un soupir vraiment pitoyable, mais ne réplique plus. Il va à la rencontre d’André et l’aide à embrocher les animaux sur un bâton taillé en pointe qui fait office de broche, et il se met à en surveiller la cuisson avec sur le visage une concentration qui lui donne l’air d’un juge au moment de la sentence.

« Allons à la rencontre des femmes, Judas » ordonne Jésus.

Il se dirige vers les champs désolés de Doras.

« Un bon disciple ne méprise pas ce que le Maître ne méprise pas, Judas, dit-il après un moment et sans préambule.

– Maître, je n’éprouve aucun mépris. Mais, comme Barthélemy, je sens que je ne serais pas compris et je préfère me taire.

– Nathanaël le fait par peur de ne pas savoir répondre convenablement à mon désir, c’est-à-dire éclairer et réconforter les cœurs. Il agit mal, lui aussi, parce qu’il manque de confiance dans le Seigneur. Mais tu fais beaucoup plus mal, parce que, chez toi, ce n’est pas la peur de n’être pas compris, mais le dédain de te faire comprendre par de pauvres paysans ignorants en tout, sauf en matière de vertu. En cette matière, ils surpassent vraiment beaucoup d’entre vous. Tu n’as encore rien compris, Judas. L’Evangile est justement la Bonne Nouvelle apportée aux pauvres, aux malades, aux esclaves, à ceux qui sont désolés. Plus tard, elle le sera aussi aux autres, mais c’est précisément pour que ceux qui subissent toutes sortes de malheur trouvent aide et réconfort, qu’elle est donnée. »

Judas baisse la tête sans mot dire.

260.3

D’un bosquet débouchent Marie, Marie, femme de Cléophas, et Suzanne.

« Mère, je te salue ! Paix à vous, femmes !

– Mon Fils ! J’étais allée chez ces gens… torturés. Mais j’ai eu une bonne nouvelle pour ne pas me faire souffrir outre mesure : Doras s’est débarrassé de ces terres et Yokhanan les a prises. Ce n’est pas le paradis… mais ce n’est plus l’enfer. L’intendant de Doras l’a annoncé aujourd’hui aux paysans. Il est déjà parti, en emportant sur les chars jusqu’au dernier grain de blé et en les laissant tous sans vivres. Et comme le surveillant de Yokhanan n’a aujourd’hui des vivres que pour ses serviteurs, ceux de Doras auraient dû rester sans manger. Cela a été vraiment providentiel d’avoir ces agneaux !

– C’est tout aussi providentiel qu’ils n’appartiennent plus à Doras. Nous avons vu leurs maisons… de vraies porcheries…, ajoute Suzanne, scandalisée.

– Ces pauvres gens sont tout heureux ! Achève Marie femme de Cléophas.

– Je le suis moi aussi. Ils auront toujours un meilleur sort qu’auparavant » répond Jésus, qui revient vers les apôtres.

Jean d’En-Dor le rejoint avec des brocs d’eau qu’il porte avec Hermastée.

« Ce sont les paysans de Yokhanan qui nous les ont donnés » explique-t-il après avoir vénéré Jésus.

Tous reviennent à l’endroit où rôtissent les deux agneaux au milieu d’épaisses nuées de fumée grasse. Pierre continue à tourner sa broche et, pendant ce temps, rumine ses pensées. De son côté, Jude, tenant son frère par la taille, marche de long en large en parlant sans arrêt. Quant aux autres, les uns ap­portent du bois, les autres préparent… la table, en apportant de grosses pierres pour servir de sièges ou de table, je ne sais.

260.4

Arrivent les paysans de Doras, encore plus maigres et en guenilles. Mais tellement heureux ! Ils sont une vingtaine et il n’y a même pas un enfant, ni une femme. Pauvres hommes seuls…

« Que la paix soit avec vous tous ! Bénissons ensemble le Seigneur de vous avoir donné un meilleur maître. Bénissons-le en priant pour la conversion de celui qui vous a tant fait souffrir. N’est-ce pas ? Tu es heureux, vieux père ? Moi aussi. Je pourrai venir plus souvent avec l’enfant. Ils t’en ont parlé ? Tu pleures de joie, n’est-ce pas ? Viens, viens sans crainte… » dit-il en parlant avec le grand-père de Marziam qui se courbe pour lui baiser les mains en pleurant et murmurant :

« Je ne demande plus rien au Très-Haut. Il m’a donné plus que je ne demandais. Maintenant, je voudrais mourir par peur de vivre encore tellement longtemps que je retomberais dans mes souffrances. »

D’abord un peu gênés de se trouver avec le Maître, les paysans ont vite fait de s’enhardir. On dépose les deux agneaux sur de larges feuilles étendues sur les pierres qu’on a apportées auparavant, puis on découpe les parts en les déposant chacune sur une mince et large fouace qui sert de plat. Avec leur simplicité, les voilà déjà tranquilles et ils mangent avec appétit, apaisant toute la faim qu’ils ont accumulée, tout en parlant des derniers événements.

L’un d’eux dit :

« J’ai toujours maudit les sauterelles, les taupes et les fourmis. Mais elles me sembleront désormais autant de messagères du Seigneur puisque c’est grâce à elles que nous avons quitté l’enfer. »

Bien que la comparaison des sauterelles et des fourmis avec les troupes angéliques soit un peu forte, personne ne rit, car tous sentent le tragique qui se cache sous ces mots.

La flamme illumine ce groupe de personnes, mais les visages ne sont pas tournés vers la flamme et il en est peu qui regardent ce qu’ils ont devant eux. Tous les yeux se portent sur le visage de Jésus, ne s’en détournant que pour un instant quand Marie, femme d’Alphée, qui s’occupe de faire les parts, revient mettre une nouvelle portion de viande sur les fouaces des paysans affamés, et termine son travail en enveloppant deux gigots rôtis dans d’autres larges feuilles en disant au grand-père de Marziam :

« Tiens. Vous en aurez encore une bouchée chacun, demain. En attendant, le surveillant de Yokhanan pourvoira.

– Mais vous autres…

– Nous, nous serons moins chargés. Prends, prends, homme. »

Il ne reste des deux agneaux que les os rongés et une odeur persistante de gras fondu qui brûle encore sur la braise qui s’éteint. La lueur du feu est remplacée par la lumière du clair de lune.

260.5

Les paysans de Yokhanan viennent eux aussi s’unir aux autres. C’est le moment de parler.

Les yeux bleus de Jésus se lèvent pour chercher Judas qui s’est mis près d’un arbre, un peu à l’ombre. Voyant qu’il fait semblant de ne pas comprendre ce regard, Jésus appelle à haute voix : « Judas ! » Il le force à se lever et à se présenter.

« Ne te mets pas à l’écart. Je te prie d’évangéliser à ma place. Je suis très fatigué, et, si je n’étais pas arrivé ce soir, vous auriez bien été obligés de parler vous-mêmes !

– Maître… je ne sais que dire… Pose-moi au moins des questions.

– Ce n’est pas à moi de le faire. A vous : que désirez-vous entendre ou sur quel point voulez-vous avoir des explications ? » demande-t-il ensuite aux paysans.

Embarrassés, les hommes se regardent les uns les autres… Finalement, un paysan l’interroge :

« Nous avons connu la puissance du Seigneur et sa bonté, mais nous savons bien peu de chose de sa doctrine. Nous pourrons peut-être en savoir davantage, maintenant que nous sommes avec Yokhanan. Mais nous avons un vif désir de savoir quelles sont les choses indispensables qu’il faut faire pour obtenir le Royaume que le Messie promet. Avec ce peu que nous pouvons faire, pourrons-nous l’obtenir ? »

Judas répond :

« Il est certain que vous êtes dans des conditions très pé­nibles. Tout en vous et autour de vous se ligue pour vous éloigner du Royaume. La liberté que vous n’avez pas de venir au Maître quand cela vous semble bon, le fait d’être serviteur d’un maître qui, s’il n’est pas une hyène comme Doras est, semble-t-il, un molosse qui tient prisonniers ses serviteurs, les souffrances et l’avilissement où vous êtes, sont autant de conditions défavorables à votre élection au Royaume. C’est qu’il vous sera difficile de ne pas éprouver du ressentiment et des sentiments de rancœur, de critique et de vengeance à l’égard de celui qui vous traite durement. Or le minimum nécessaire, c’est d’aimer Dieu et son prochain. Sans cela, il n’y a pas de salut. Vous devrez veiller à maintenir votre cœur dans une soumission passive à la volonté de Dieu qui se manifeste dans votre sort et vous devrez supporter avec patience votre maître, sans même laisser à votre pensée la liberté d’un jugement qui ne pourrait certainement pas être bienveillant à l’égard de votre maître, ni de remerciement pour votre… pour votre… En somme, vous ne devrez pas réfléchir afin de ne pas vous révolter, car cette révolte tuerait l’amour. Et celui qui n’a pas l’amour n’a pas le salut, car il contrevient au premier commandement. Mais personnellement, je suis pour ainsi dire certain que vous pourrez vous sauver car je vois en vous de la bonne volonté unie à de la douceur d’âme, ce qui laisse l’espoir que vous saurez tenir loin de vous la haine et l’esprit de vengeance. Du reste, la miséricorde de Dieu est si grande qu’il vous pardonnera ce qui manque encore à votre perfection. »

260.6

Silence. Jésus garde la tête très penchée, ce qui empêche de voir l’expression de son visage. Mais on peut voir le visage des autres, et ce ne sont vraiment pas des visages heureux. Les paysans semblent plus humiliés qu’auparavant, les femmes et les apôtres sont stupéfaits, je pourrais presque dire épouvantés.

« Nous essaierons de ne faire surgir en nous aucune pensée qui ne soit de patience et de pardon » répond humblement le vieillard.

Un autre paysan soupire :

« Il nous sera sûrement difficile d’arriver à la perfection de l’amour. Pour nous, c’est déjà beaucoup de ne pas être devenus assassins de ceux qui nous torturent ! L’esprit souffre, souffre, souffre, et même s’il ne hait pas, il a du mal à aimer, comme ces enfants émaciés qui ont du mal à grandir…

– Mais non, homme. Moi, au contraire, je crois que, justement parce que vous avez tant souffert sans en arriver à l’assassinat et à la vengeance, vous avez l’âme plus forte que la nôtre en fait d’amour. Vous aimez sans même vous en rendre compte » dit Pierre pour les consoler.

260.7

Pierre s’aperçoit qu’il a pris la parole et s’interrompt pour dire :

« Oh, Maître !… Mais… tu m’as dit que je devais parler… et même d’illustrer mes paroles par l’agneau que je faisais rôtir. J’ai continué à le regarder pour chercher de bonnes paroles à dire à nos frères, dans leur situation. Mais, certainement parce que je suis sot, je n’ai rien trouvé qui convienne et, je ne sais comment, je suis parti très loin dans mes pensées ; je ne sais pas dire si elles sont extravagantes – et alors elles sont bien de moi –, ou saintes et dans ce cas elles sont sûrement venues du Ciel. Je les dis comme elles me sont venues et toi, Maître, tu m’en donneras l’explication ou tu me désapprouveras et vous aurez tous pitié de moi.

Donc je regardais tout d’abord la flamme, et j’ai pensé : “ Voilà : Qu’est-ce qui alimente la flamme ? Le bois. Mais le bois ne s’en­flamme pas tout seul. Et même, s’il n’est pas bien sec, il ne s’allume pas du tout car l’eau l’alourdit et empêche l’amadou de l’enflammer. Le bois, quand il est mort, arrive à pourrir et à se réduire en poussière par l’action des vers mais il ne s’allume pas tout seul. Mais si on l’arrange comme il faut et qu’on en approche l’amadou et l’allume-feu, on fait surgir l’étincelle ; on aide le feu à prendre en soufflant sur les brindilles pour faire grandir la flamme, car on commence toujours par les branches les plus fines ; et voilà que la flamme surgit et devient belle et utile, et elle envahit tout, même les grosses bûches. ” Et je me disais : “ Nous sommes le bois. Par nous-mêmes, nous ne nous allumons pas. Mais il faut veiller à ne pas trop nous laisser imprégner par les lourdes eaux de la chair et du sang pour permettre à l’amadou de nous embraser. Et nous devons désirer être brûlés car, si nous restons inertes, nous pouvons être détruits par les intempéries et les vers, c’est-à-dire par l’humanité et le démon. Alors que, si nous nous abandonnons au feu de l’amour, il commencera par brûler les brindilles et les détruira – et pour moi, ces brindilles, c’étaient les imperfections –, puis il grandira et s’attaquera aux bûches les plus grosses, c’est-à-dire aux passions les plus fortes. Et nous, le bois, chose matérielle, dure, opaque, grossière aussi, nous deviendrons cette chose belle, immatérielle, agile, qu’est la flamme. Et tout cela parce que nous aurons mis l’amour en pratique : l’allume-feu et l’amadou qui, de notre être misérable d’hommes pécheurs font l’ange du temps futur, le citoyen du Royaume des Cieux. ” Cela a été ma première pensée. »

260.8

Jésus a levé un peu la tête et reste à écouter, les yeux fermés, avec une ombre de sourire sur les lèvres. Les autres regardent Pierre, encore étonnés, mais ne sont plus effrayés.

Ce dernier reprend tranquillement :

« Une autre pensée m’est venue en regardant les agneaux qui cuisaient. Ne dites pas que mes pensées sont puériles. Le Maître m’a dit de les chercher dans ce que je voyais… Et j’ai obéi.

Je regardais donc les animaux et je me disais : “ Voilà, ce sont deux êtres innocents et doux. Notre Ecriture est pleine de douces allusions[1] à l’agneau, à la fois pour rappeler celui qui est le Messie et Sauveur promis depuis le moment où il a été représenté par l’agneau mosaïque, et pour dire que Dieu aura pitié de nous. C’est ce que disent les prophètes. Il vient rassembler ses brebis, secourir celles qui sont blessées, porter celles qui ont un membre fracturé. ” Et je me disais : “ Quelle bonté ! Comme il ne faut pas avoir peur d’un Dieu qui nous promet tant de pitié, pour nous qui sommes misérables ! Mais, me disais-je encore, il faut être doux, doux au moins, puisque nous ne sommes pas innocents. Doux et désireux d’être consumés par l’amour, car même l’agneau le plus tendre et le plus pur, que devient-il une fois tué, si la flamme ne le cuit pas ? Une charogne putride, alors que si le feu l’enveloppe, il devient une nourriture saine et bénie. ”

Et je concluais : “ En somme, tout bien est fait par amour. Il nous débarrasse des lourdeurs de l’humanité, nous rend resplendissants et utiles, il nous rend bons pour nos frères et agréables à Dieu. Il sublime nos bonnes qualités naturelles en les portant à une hauteur où elles prennent le nom de vertus surnaturelles. Et qui est vertueux est saint, qui est saint possède le Ciel. Car ce qui ouvre les voies de la perfection, ce ne sont ni la science ni la peur, mais l’amour. Beaucoup plus que la crainte du châtiment, c’est lui qui nous tient éloignés du mal par le désir de ne pas contrister le Seigneur. Il nous donne de la compassion et du dévouement pour nos frères, parce qu’ils viennent de Dieu. L’amour est donc le salut et la sanctification de l’homme. ” Voilà ce que je pensais en regardant mon rôti et en obéissant à mon Jésus. Et pardonnez-moi si je n’ai eu que ces seules pensées. Mais à moi, elles m’ont fait du bien. Je vous les confie dans l’espoir qu’elles vous fassent du bien, à vous aussi. »

260.9

Jésus ouvre les yeux. Il est radieux. Il allonge le bras et pose la main sur l’épaule de Pierre :

« En vérité, tu as trouvé les paroles qu’il fallait. L’obéissance et l’amour te les ont fait trouver. L’humilité et le désir de donner des consolations à tes frères feront d’elles plein d’étoiles dans la nuit de leur ciel. Que Dieu te bénisse, Simon, fils de Jonas !

– Que Dieu te bénisse, toi, mon Maître ! Et toi, tu ne parles pas ?

– Demain, ils vont entrer dans leur nouvelle dépendance. Je bénirai leur entrée par mes paroles. Maintenant allez en paix, et que Dieu soit avec vous. »

260.1

«My dear friends, what are you doing near this fire?» asks Jesus when He finds His disciples around a well fed fire, which blazes in the early evening shadows at a crossroads in the plain at Esdraelon.

The apostles start, as they did not see Him come, and they forget the fire to greet the Master. They look as if they had not seen Him for a long time. They then explain: «Listen! We settled an issue between two brothers from Jezreel and they were so pleased that they gave us a lamb each. We decided to cook them and give them to Doras’ men. Micah of Johanan slaughtered and prepared them and we are now going to roast them. Your Mother has gone with Mary and Susanna to tell Doras’ men to come here after vesper, when the steward goes home to tipple. Women do not attract attention so much… We endeavoured to see them pretending we were wayfarers passing by their fields, but we did not do much. We decided to gather here this evening and say… a little more, for their souls, and satisfy also their bodies, as You have done in the past. And now that You are here it will be even more pleasant.»

«Who was going to speak?»

«Well… A little each… informally. We are not capable of doing any more, also because John, the Zealot and Your brother do not want to speak. Judas of Simon and Bartholomew are not anxious to speak either… We even quarrelled over that…» says Peter.

«Why do those five not want to speak?»

«John and Simon because they say that it is not right that they should be the ones who always speak. Your brother because he wants me to speak and says that if I never start… Bartholomew because… because he is afraid that he may speak too masterly and that he may not succeed in convincing people. You can see that they are excuses…»

«And you, Judas of Simon, why do you not want to speak?»

«For the same reasons as the others! For all those reasons; because they are all fair…»

«Many reasons. But not one is specified.

260.2

I will now decide, and My verdict will be inappealable. You, Simon of Jonah, shall speak, as Thaddeus wisely says. And you, Judas of Simon, shall also speak. Thus, one of the many reasons, the one known to God and to you, will no longer exist.»

«Master, believe me, there is nothing else…» Judas endeavours to retort.

But Peter cuts him short saying: «Oh! My Lord! How can I speak in Your presence? I shall never be able! I am afraid You may laugh at me…»

«You do not want to be alone; you do not want to be with Me… What do you want?»

«You are right. But… what shall I say?»

«Look, here is your brother coming with the lambs. Help him, and while you are cooking them, think it over. Everything helps to find a subject.»

«Even a lamb on the spit?» asks Peter incredulously.

«Yes. So obey.»

Peter heaves a deep sigh, a really pitiful one, but does not reply. He goes towards Andrew and helps him to fix the lambs on to a sharpened stick which is used as a spit, and he watches them cooking with such a serious countenance, that he looks like a judge on the point of passing sentence.

«Judas of Simon, let us go and meet the women» orders Jesus. And He goes away through the barren fields of Doras. «Judas, a good disciple does not despise what his Master does not despise» He says after a little while without wasting words.

«Master, I do not despise. But like Bartholomew, I feel that I would not be understood, and I prefer not to speak.»

«Nathanael is afraid that he may not fulfil My desire, which is to enlighten and relieve hearts. He is at fault, too, because he lacks confidence in the Lord. But you are much more at fault, because you are not afraid of not being understood, but you disdain being understood by poor peasants, who are ignorant of everything, except virtue. They surpass many of you, in fact, as far as virtue is concerned. You have not yet understood anything, Judas. The Gospel is really the Good News brought to the poor, the sick, the afflicted and the slaves. Later it will be given also to others. But it is given just to assist and relieve those who suffer from all kinds of misfortunes.»

Judas lowers his head but does not reply.

260.3

The Blessed Virgin, Mary of Clopas and Susanna appear coming out from a thicket.

«I greet You, Mother! Peace to you, women!»

«Son! I went to those… poor wretches. But I was given news that did not make Me suffer too much. Doras has got rid of this land and Johanan has taken it. It is not paradise… But it is no longer hell. The steward told the peasants today. He has already gone taking away on his carts all the corn to the last grain, and thus leaving everybody without anything to eat. And as Johanan’s steward today has food only for his own men, Doras’ peasants were to be left with nothing to eat. Those lambs are really providential!»

«It is also providential that the men no longer belong to Doras. We saw their houses… Pigsties» says Susanna who is obviously scandalised.

«The poor people are so happy!» concludes Mary of Clopas.

«I am happy, too. They will be better off than before» replies Jesus going towards the apostles.

John of Endor joins Him carrying some pitchers of water, which he is taking along with Ermasteus. «Johanan’s men gave them to us» he explains, after greeting Jesus respectfully.

They all go towards the spot where they are roasting the two lambs in a thick cloud of greasy smoke. Peter keeps turning his spit and in the meantime he broods over his thoughts. Judas Thaddeus instead, is walking backwards and forwards, engrossed in conversation holding one arm around his brother’s waist. Of the other apostles some bring firewood, some… lay the table, carrying large stones to be used as seats or as a table. I do not know.

260.4

Doras’ peasants arrive. They are thinner and more ragged than ever. But they are so happy! They are about twenty in number and there is not even a child or a woman with them. Poor men all alone…

«Peace to you all and let us bless the Lord for giving you a better master. Let us bless Him by praying for the conversion of the man who has caused you to suffer so much. Is that right? Are you happy, old father? I am glad, too. I shall be able to come more frequently with the boy. Have they told you? You are weeping for joy, are you not? Come here, be not afraid…» He says speaking to Marjiam’s grandfather, who stoops kissing His hand and weeping whispers: «I beg nothing else of the Most High. He has granted me more than I asked. I would now like to die lest I should live so long that suffering may overwhelm me again.»

The peasants, who were somewhat embarrassed being with the Master, soon take heart again, and when the two lambs are laid on large leaves arranged on the stones brought previously, and the portions are made, each of which is placed on a large bread-cake that serves also as a dish, they relax in their simplicity and they eat with relish, satisfying their hunger, after starving so long: they talk of the recent events.

One of them says: «I have always cursed locusts, moles and ants. But from now on they will look like messengers of the Lord to me because it is through them that we are leaving hell.» And although the comparison of ants and locusts with angelical cohorts is somewhat queer, nobody laughs because they all perceive the tragic circumstances concealed in those words.

The fire lights up the assembly, but their faces do not look at the flame, neither do they pay much attention to what is in front of them. All eyes are turned towards Jesus’ face, and are diverted only for a few moments when Mary of Alphaeus, who is busy making portions, lays more meat on the flat bread-cakes of the hungry peasants, and she finishes her work by wrapping two roasted legs in some large leaves and says to Marjiam’s grandfather: «Take this. You will have a morsel each also tomorrow. And Johanan’s steward in the meantime will provide something.»

«But what about you…»

«We will have less to carry. Take it, man.»

Of the two lambs there is nothing left but the picked bones and the persistent smell of dripped fat still burning on the fire, which is dying out and its light is being replaced by moonlight.

260.5

Johanan’s men also join the others. It is the moment to speak to them.

Jesus’ blue eyes look up in search of Judas who is sitting near a tree half hidden in the shade. And when Jesus sees that Judas pretends he does not understand, He calls in a loud voice: «Judas!» Judas is thus compelled to stand up and come forward. «Do not seclude yourself. Please evangelize in My place. I am very tired. In any case, if I had not come this evening, one of you would have had to speak!»

«Master… I do not know what to say.. At least ask me some questions.»

«It is not for Me to ask you them. Men, what do you wish to hear or to have explained to you?» He then asks the peasants.

The men look at one another… they are uncertain… At last a peasant asks: «We have become aware of the power of the Lord and of His bounty. But we know little about His doctrine. Perhaps we will now be able to learn a little more, being with Johanan. But we are really anxious to know which are the essential things we must do in order to gain the Kingdom that the Messiah promises. As we can practically do nothing, shall we be able to gain it?»

Judas replies: «You are certainly in a very painful situation. Everything in you and around you conspires to drive you away from the Kingdom. The lack of freedom to come to the Master whenever you wish, your condition of servants of a master, who if not a hyena like Doras, is, as far as we know, a Molossian hound who keeps his servants prisoners, your sufferings and dejection, are unfavourable conditions to your election to the Kingdom. Because it is difficult for you not to cherish resentment and feelings of grudge, criticism and revenge for the man who treats you so hard. And the bare essential is to love God and one’s neighbour. Otherwise there is no salvation. You must be watchful to maintain your hearts passively submitted to God’s will, which is revealed to you in your destiny, and bear your master patiently without ever taking the liberty of expressing a judgement that certainly could not be kind to your master, or express gratitude for your… your… In short, you must not ponder on your situation, to avoid feelings of rebellion that would kill love. And he who does not love will not reach salvation, because he infringes the first precept. But I am almost certain that you will be saved because I see that you have goodwill joined to kind souls, which give rise to hope that you will be able to refrain from hatred and desire for revenge. In any case God’s mercy is so great that He will remit what is still lacking for your perfection.»

260.6

There is silence. Jesus has lowered His head so much that His countenance cannot be seen; but the faces of the rest can be seen and their expression is certainly not happy. The peasants look more dejected than before, the apostles and the women seem surprised and almost frightened.

«We shall endeavour to repress every thought against patience and forgiveness» the old man replies humbly.

Another peasant says with a sigh: «It will certainly be difficult for us to reach the perfection of love, because it is already a great thing that we have not become the murderers of those who tortured us! A soul suffers a great deal, and even when it does not hate, it finds it difficult to love, like emaciated children who grow with difficulty…»

«No, man. I, instead, think that just because you have suffered so much without becoming murderers and revengeful, your souls love more strongly than ours. You love without even realising it» says Peter to comfort them.

260.7

And he becomes aware that he has spoken and he stops to say: «Oh! Master!… But… You told me that I had to speak… and to find the subject even in the lambs that I was roasting. And I continued to watch them to find some good words for our brothers here, and for their situation. But, as I am stupid, I did not find anything suitable, and I do not know how, I found that I was wandering away in thoughts, which I do not know whether they are strange, in which case they are certainly mine, or holy, and if so, they have certainly come from Heaven. I will express them, exactly as they came to me, and You, Master, will explain them to me or reproach me, and you, my friends, will bear with me. I was looking first at the fire, and I thought: “Now: what is a fire made of? Of wood. But wood does not burn by itself. And if it is not dry, it will not burn at all, because water makes it heavy and prevents the tinder from lighting it. And when wood is dead, it rots and woodworms pulverise it, but it will not catch fire by itself. And yet if one arranges it in a suitable manner and holding tinder and flint close to it produces a spark and helps it to light by blowing on thin branches to increase the flame, because one always starts from the smallest things, then the flame rises and becomes beautiful and useful and sets everything on fire, also thick pieces of wood”. And I said to myself: “We are like wood. We do not light up by ourselves. But we must take care not to be too impregnated with the heavy moisture of flesh and blood, to allow the tinder to be lit up by a spark. And we must desire to be burnt because if we remain inactive we may be destroyed by inclement weather and by woodworms, that is, by mankind and by the demon. Whereas if we give ourselves to the fire of love, it will begin to burn the thinner branches and will destroy them, and I considered the little branches to be imperfections, then it will grow and set on fire the bigger pieces of wood, that is the stronger passions. And we, being like wood, something material, hard, dull, even ugly, will become the beautiful, incorporeal, agile, bright thing that a flame is. And that is because we have given ourselves to love, which is the flint and tinder that turn us poor sinners into future angels and citizens of the Kingdom of Heaven”. And that was one thought.»

260.8

Jesus has raised His head a little and is listening with His eyes closed and the shadow of a smile on His lips. The others are looking, they are still surprised but no longer frightened.

Peter continues to speak peacefully. «Another thought came to my mind looking at the lambs that were roasting. Do not say that my thoughts are childish. The Master told me to look for them in what I was watching… And I obeyed. So I was looking at the lambs and I said: “There you are. They are two innocent meek animals. Our Holy Scriptures are full of gentle allusions[1] to lambs, both to remember Him Who is the promised Messiah and Saviour as was symbolised in the Mosaic lamb, and to remind us that God will have mercy on us. The prophets say so. He comes to gather His flock together, to assist wounded sheep and carry those whose limbs are fractured. How much goodness!” I was saying to myself. “We must not be afraid of a God Who promises us, poor wretches, so much mercy! But”, I still said to myself, “we must be meek, at least meek, since we are no longer innocent. We must be meek and anxious to be consumed by love. Because what would even the most beautiful and pure little lamb become, after it has been slaughtered, if it is not cooked on a fire? A putrid carrion. Fire instead turns it into wholesome blessed food”. And I concluded: “In short, all good things are achieved through love. Love relieves us of the burden of humanity, it makes us bright and useful, it enables us to be good to our brothers and grateful to God. It elevates our good natural qualities raising them to a height that bears the name of supernatural virtues. And he who is virtuous is holy, and he who is holy possesses Heaven. So it is not science or fear that open the way to perfection for us, it is love. It detaches us from evil, much more than the fear of punishment, as through it we do not wish to grieve the Lord. It makes us pity our brothers and love them because they come from God. Therefore love is the salvation and the sanctification of man”. That is what I was thinking while watching my roast and obeying my Jesus. Forgive me if that is all. But those thoughts did me good. I offer them to you hoping they may do you good as well.»

260.9

Jesus opens His eyes, which are radiant with joy. He stretches out one arm and lays His hand on Peter’s shoulder: «I solemnly tell you that you have found the words that you had to find. Obedience and love made you find them and humility and the desire to give solace to your brothers will make as many stars of them in their dark sky. May God bless you, Simon of Jonah.»

«May God bless You, Master! And are You not speaking?»

«They will be commencing their new service tomorrow. I will bless their commencement with My word. Go now in peace and may God be with you.»


Notes

  1. allusions : par exemple en Is 53, 7 ; Jr 11, 19 ; agneau mosaïque, prescrit en Ex 12, 1-11 ; disent les prophètes, comme en Jr 23, 3 ; Ez 34, 11-16.

Notes

  1. allusions, for example in: Isaiah 53:7; Jeremiah 11:19; Mosaic lamb written in: Exodus 12:1-11; the prophets say so as in: Jeremiah 23:3; Ezekiel 34:11-16.