The Writings of Maria Valtorta

262. Une fille non désirée et le rôle de la femme rachetée.

262. An unwelcomed baby-daughter. The key role

262.1

Dans une suite de montées et de descentes de collines sur lesquelles serpente le chemin allant à Nazareth, Jésus, qui s’y rend, profite de l’ombre des oliveraies et des vergers qui recouvrent en grande partie cette région fertile et cultivée.

Arrivé à un carrefour où on croise la route pour Ptolémaïs, il s’arrête et dit :

« Reposons-nous près de cette maison où j’ai fait halte d’autres fois, prenons notre repas et, pendant que le soleil poursuit sa course, restons unis avant de nous séparer de nouveau : nous pour aller vers Tibériade, ma Mère et Marie à Nazareth, et Jean avec Hermastée à Sycaminon. »

Ils traversent une oliveraie en direction d’une maison de paysans large et basse, ornée de l’inévitable figuier et parée de la guirlande d’une vigne qui monte le long du petit escalier pour étendre ensuite ses branches sur la terrasse.

« Que la paix soit avec vous. Me revoilà.

– Viens, Maître, ta présence est toujours bienvenue. Que Dieu te rende la paix, à toi et à tes disciples » répond un vieil homme qui traversait la cour avec une brassée de branchages.

Puis il appelle :

« Sarah ! Sarah ! C’est le Maître avec ses disciples ! Ajoute de la farine à ton pain ! »

Il sort d’une pièce une femme toute blanche de la farine qu’elle tamisait car elle tient encore à la main le tamis avec les recoupes à l’intérieur, et elle s’agenouille en souriant devant Jésus.

« Paix à toi, femme. Je t’ai amené ma Mère comme promis. La voici. Et elle, c’est sa belle-sœur, la mère de Jacques et de Jude. Où sont Dina et Philippe ? »

Après avoir salué les deux Marie, la femme répond :

« Dina a eu sa troisième fille hier. Nous sommes un peu tristes car il ne nous a pas été donné d’avoir un petit-fils, mais contents tout de même, n’est-ce pas Mathatias ?

– Oui, parce que c’est une belle petite fille et c’est toujours notre sang. Nous allons te la montrer. Philippe est allé chercher Anna et Noémi chez ses parents, mais il sera bientôt de retour. »

La femme retourne à son pain pendant que l’homme, après avoir mis les branches dans le four, s’occupe de ses hôtes et leur donne des sièges et du lait tout juste trait pour ceux qui en veulent, des fruits et des olives pour ceux qui les préfèrent.

262.2

Le rez-de-chaussée est frais et ombragé, large et ouvert sur le devant et l’arrière de la maison ; les deux portes sont protégées du soleil, l’une par un figuier puissant, l’autre par une grande haie de fleurs étoilées, une sorte de tournesols pour ce qui est de la forme, mais avec des corolles moins grandes. Une lu­mière émeraude pénètre ainsi dans la grande pièce, soulageant les yeux fatigués par la lumière trop forte du soleil. Il y a des bancs et des tables dans cette grande pièce, qui est peut-être celle où les femmes filent et tissent et où les hommes réparent les outils agricoles. Mais peut-être sert-elle à abriter les provisions de fa­rine et de fruits, comme le laissent penser des soliveaux hérissés de crochets et des tablettes disposées sur des consoles en plus des longues caisses de bois le long des murs. Des étoupes flocon­neuses de lin ou de chanvre ressemblent à des tresses dénouées le long du mur blanchi à la chaux, et un tissu rouge feu, étendu sur un métier resté découvert, semble égayer toute l’ambiance par sa couleur riante, luxueuse.

La maîtresse de maison revient, après avoir fini de faire son pain, et demande aux hôtes s’ils veulent voir le nouveau-né.

Jésus répond :

« Certainement, je vais la bénir. »

Marie, de son côté, se lève et dit :

« Je vais saluer la mère. »

Toutes les femmes sortent.

« On est bien ici, dit Barthélemy, visiblement très fatigué.

– Oui, il y a de l’ombre et du silence. Nous allons finir par nous endormir, acquièsce Pierre déjà à moitié assoupi.

– D’ici trois jours, nous serons chez nous pour longtemps. Vous vous reposerez, car vous irez évangéliser dans les environs immédiats de Capharnaüm, dit Jésus.

– Et toi ?

– Moi, je resterai presque toujours à Capharnaüm avec des séjours à Bethsaïde. Et j’évangéliserai ceux qui m’y rejoindront. Puis, au début de la lune de Tisri, nous reprendrons nos voyages. Le soir, cependant, je continuerai à vous perfectionner… »

Jésus se tait quand il s’aperçoit que la somnolence rend ses paroles inutiles. Il sourit en hochant la tête à la vue du groupe de personnes que la fatigue a épuisées et qui, dans des poses plus ou moins commodes, se laissent aller au sommeil. Le silence de la maison et de la campagne ensoleillée est complet. On dirait un lieu enchanté. Jésus se met sur le seuil de la porte, près de la haie fleurie, et il regarde à travers les branches les douces collines de Galilée rendues toutes grises par les oliviers immobiles.

262.3

Un léger bruit de pas qu’accompagne un gémissement incertain de nouveau-né résonne au-dessus de sa tête. Jésus lève les yeux en souriant à sa Mère qui descend, portant dans ses bras un petit paquet tout blanc d’où émergent trois petites choses rouges : une petite tête et deux petits poings qui s’agitent.

« Regarde, Jésus, quelle belle enfant ! Elle te ressemble un peu quand tu avais un jour. Tu étais aussi blond qu’elle, au point de paraître sans cheveux s’ils n’avaient dès ce moment formé de légères boucles, comme un flocon de nuage, et tu avais le même teint, couleur de rose. Et regarde, regarde, maintenant qu’elle ouvre ses petits yeux à l’ombre et qu’elle cherche le sein, elle a tes yeux bleu foncé… Oh, ma chérie ! Mais moi, je n’ai pas le lait, ma petite, petite rose, ma petite tourterelle ! »

La Vierge berce le bébé, qui apaise son vagissement en un vrai gargouillis de petite tourterelle, et s’endort.

« Maman, c’est ce que tu faisais avec moi ? demande Jésus qui regarde sa Mère bercer la petite, en appuyant sa joue sur la petite tête blonde.

– Oui, mon Fils. Mais toi, je t’appelais : “ Mon petit agneau. ” Elle est belle, n’est-ce pas ?

– Elle est belle et robuste. Sa mère peut en être heureuse » approuve Jésus, penché lui aussi pour regarder le sommeil de l’innocente.

La maîtresse de maison, qui vient d’arriver, intervient en soupirant :

« Mais elle ne l’est pas… Son mari est fâché parce que tous ses enfants sont des filles. C’est vrai qu’avec les champs que nous avons, il vaut mieux des garçons, mais ce n’est pas la faute de notre fille…

– Ils sont jeunes. Qu’ils s’aiment et ils auront aussi des garçons, dit avec assurance le Seigneur.

262.4

– Voici Philippe… il va bientôt faire sombre… » murmure la femme, troublée. Et, plus fort :

« Philippe, le Rabbi de Nazareth est là !

– Très heureux de le voir. Paix à toi, Maître.

– A toi aussi, Philippe. J’ai vu ta jolie petite fille. Je suis même encore en train de la regarder car elle mérite des compliments. Dieu te bénit en te donnant de beaux enfants, en bonne santé et bons. Tu dois lui en être reconnaissant… Tu ne réponds pas ? Tu sembles fâché…

– J’espérais avoir un garçon, moi !

– Tu ne veux tout de même pas me dire que tu es injuste en accusant l’innocente d’être une fille, et encore moins en te montrant dur envers ton épouse ? demande Jésus avec sévérité.

– Moi, je voulais un garçon ! Pour le Seigneur et pour moi ! S’écrie Philippe, fâché.

– Et c’est par l’injustice et la révolte que tu crois l’obtenir ? As-tu donc lu dans les pensées de Dieu ? Es-tu plus grand que lui pour lui dire : “ Agis de telle manière, car c’est cela qui est juste ” ? Pour te donner un exemple, cette femme, mon disciple, n’a pas d’enfants et elle est arrivée à me dire : “ Je bénis ma stérilité qui me donne des ailes pour te suivre. ” Et cette autre, mère de quatre garçons, aspire au moment où tous les quatre ne lui appartiendront plus. Est-ce vrai, Suzanne et Marie ? Tu les entends ? Et toi, marié depuis peu d’années à une femme féconde, béni par trois boutons de rose qui réclament ton amour, tu es fâché ? Contre qui ? Pourquoi ? Tu ne veux pas le dire ? Moi, je te le dis : parce que tu es un égoïste. Laisse immédiatement tomber ta rancœur, ouvre les bras à cette enfant née de toi et aime-la. Allons ! Prends-la ! »

Jésus saisit le paquet de lin et le met dans les bras du jeune père. Puis il reprend :

« Va auprès de ta femme qui pleure, et dis-lui que tu l’aimes. Sinon, vraiment, Dieu ne te donnera jamais de garçon. C’est moi qui te l’affirme. Va !… »

L’homme monte dans la pièce où se trouve son épouse.

« Merci, Maître ! » dit tout bas sa belle-mère. « Depuis hier, il se montrait bien cruel… »

L’homme redescend après quelques minutes et dit :

« Je l’ai fait, Seigneur. Ma femme te remercie et elle me dit de te demander le prénom de la petite car… car je lui en avais destiné un trop déplaisant dans ma haine injuste…

– Appelle-la Marie. Elle a bu des larmes amères[1] avec la première goutte de lait, amères aussi à cause de ta dureté. Elle peut s’appeler Marie, et Marie l’aimera. N’est-ce pas, Mère ?

– Oui, la pauvre petite ! Elle est si gracieuse… elle sera sûrement bonne en devenant une petite étoile du Ciel ! »

262.5

Ils reviennent dans la grande pièce où les apôtres fatigués dorment d’un lourd sommeil, sauf Judas qui paraît être sur des charbons ardents.

« Tu voulais me voir, Judas ? demande Jésus.

– Non, Maître, mais je n’arrive pas à dormir et je voudrais sortir un peu.

– Qui t’en empêche ? Je sors, moi aussi. Je monte sur ce petit coteau. Il est tout ombragé… Je me reposerai en priant. Veux-tu venir avec moi ?

– Non, Maître. Je te dérangerais car je ne suis pas en état de prier. Peut-être… peut-être que je ne me sens pas bien et cela me trouble…

– Reste, alors. Je ne force personne. Adieu. Adieu, femmes. Mère, quand Jean d’En-Dor se réveillera, envoie-le-moi, tout seul.

– Oui, mon Fils. Que la paix soit avec toi. »

Jésus sort. Marie et Suzanne se penchent pour regarder l’é­toffe sur le métier. Marie s’assied, les mains sur les genoux, un peu courbée. Peut-être prie-t-elle, elle aussi. Marie, femme d’Alphée, se lasse vite de regarder le travail. Elle s’assied dans le coin le plus sombre et s’endort rapidement. Suzanne pense bien faire de l’imiter.

Restent éveillés Marie et Judas. L’une toute recueillie en elle-même, l’autre qui la regarde, les yeux bien ouverts sans jamais la perdre de vue. Finalement, il se lève et s’approche d’elle lentement, sans faire de bruit. Je ne sais pourquoi, mais malgré son indéniable beauté, il me fait penser à un félin ou un serpent qui s’approche de sa proie. Peut-être est-ce l’antipathie que j’éprouve pour lui qui me rend sournois et cruel ne serait-ce que son pas… Il appelle à voix basse :

« Marie !

– Que veux-tu de moi, Judas ? demande doucement Marie en portant sur lui un regard très doux.

– Je voudrais te parler…

– Parle. Je t’écoute.

– Pas ici… Je ne voudrais pas qu’on m’entende… Ne pourrais-tu sortir un peu, là dehors ? Là aussi, il y a de l’ombre…

– Allons-y. Mais, tu vois… Tout le monde dort… Tu pouvais aussi bien parler ici » dit la Vierge.

Elle se lève pourtant, sort la première et s’adosse à la haute haie fleurie.

« Que veux-tu de moi, Judas ? » demande-t-elle de nouveau en fixant d’un regard pénétrant l’apôtre qui se trouble un peu et semble avoir du mal à trouver les mots.

« Tu te sens mal ? Ou bien tu as fait du mal et tu ne sais comment le dire ? Ou encore tu te sens sur le point de mal agir et il t’est pénible d’avouer que tu es tenté ? Parle, mon fils. Comme j’ai soigné ton corps, je soignerai ton âme. Dis-moi ce qui te trouble et, si je peux, je te rendrai la sérénité. Si je ne le peux toute seule, je le dirai à Jésus. Même si tu avais beaucoup péché, lui te pardonnera si je lui demande pardon pour toi. Vraiment, Jésus aussi te pardonnerait immédiatement… Mais peut-être as-tu honte de t’adresser à lui, le Maître. Moi, je suis une mère… Tu n’as pas honte de t’adresser à moi…

– En effet, je n’éprouve pas de honte parce que tu es mère et tellement bonne. Tu es vraiment la paix parmi nous.

262.6

Moi… moi, je me sens très troublé. J’ai un très mauvais caractère, Marie. Je ne sais ce que j’ai dans le sang et dans le cœur… De temps en temps, je ne sais plus leur commander… et alors je ferais les choses les plus étranges… et les plus mauvaises.

– Même avec Jésus tout près, tu ne réussis plus à résister à celui qui te tente ?

– Même à ce moment-là. Et j’en souffre, crois-le. Mais c’est ainsi. Je suis un malheureux.

– Je prierai pour toi, Judas.

– Cela ne suffit pas.

– Je ferai prier sans dire pour qui est la prière que je demande aux justes.

– Ce n’est pas suffisant.

– Je ferai prier les enfants. Il y en a tant qui viennent chez moi, dans mon jardin, comme des oiseaux qui cherchent du grain. Et le grain, ce sont les caresses et les paroles que je leur donne. Je parle de Dieu… Et eux, ces innocents, préfèrent cela aux jeux et aux histoires. La prière des enfants est agréable au Seigneur.

– Jamais autant que la tienne, mais cela ne suffit pas encore.

– Je dirai à Jésus de prier le Père pour toi.

– Cela ne suffira pas encore.

– Mais il n’y a rien de plus que cela ! La prière de Jésus triomphe même des démons…

– Oui, mais Jésus ne priera pas toujours et j’en reviendrai à être moi… Jésus ne cesse de le dire, il s’en ira un jour. Je dois penser au moment où je serai sans lui. Jésus veut maintenant nous envoyer évangéliser. J’ai peur de m’en aller avec cet ennemi que je suis à moi-même, pour répandre la parole de Dieu. Je voudrais être formé pour cette heure.

– Mais, mon enfant, si Jésus lui-même n’y réussit pas, qui veux-tu qui le puisse ?

– Toi, Mère ! Permets-moi de rester un peu de temps avec toi. Les païens et les courtisanes y sont restés. Je peux y rester, moi aussi. Si tu ne veux pas que je reste pendant la nuit là où tu vis, j’irai coucher chez Alphée ou chez Marie, femme de Cléophas, mais je passerai la journée avec toi, avec les enfants. Les autres fois, j’ai essayé d’agir par moi-même et cela a été pire. Si je vais à Jérusalem, j’ai trop d’amis mauvais, et dans les conditions où je me trouve, quand cela me prend, je deviens leur jouet… Si je vais dans une autre ville, c’est la même chose. La tentation de la route m’enflamme en même temps que celle que j’ai déjà. Si je vais à Kérioth, chez ma mère, l’orgueil me rend esclave. Si je pars dans la solitude, le silence me déchire par les voix de Satan. Mais chez toi… chez toi, je sens que ce sera différent… Permets-moi de venir ! Demande à Jésus de me l’accorder ! Veux-tu que je me perde ? As-tu peur de moi ? Tu me regardes avec le regard d’une gazelle blessée qui n’a plus la force de fuir devant ses assaillants. Mais je ne t’offenserai pas. J’ai une mère, moi aussi… et je t’aime plus que ma mère. Aie pitié d’un pécheur, Marie ! Vois : je pleure à tes pieds… Si tu me repousses, ce peut être ma mort spirituelle… »

Judas pleure réellement aux pieds de Marie, qui le regarde d’un regard de pitié et d’angoisse mêlées de peur.

Elle est très pâle. Elle fait toutefois un pas en avant car elle s’était presque enfoncée dans la haie pour fuir Judas qui s’approchait trop, et elle pose la main sur les cheveux bruns de Judas.

« Tais-toi ! Qu’on ne t’entende pas. Je parlerai à Jésus et, si lui le veut… tu viendras chez moi. Je ne me soucie pas du jugement du monde. Il ne blesse pas mon âme et ce serait seulement d’être coupable, moi, envers Dieu, qui me ferait horreur. La calomnie me laisse indifférente. Mais je ne serai pas calomniée parce que Nazareth sait que sa fille n’est pas objet de scandale pour sa ville. Et puis, advienne que pourra, je tiens à ce que tu te sauves spirituellement. Je vais trouver Jésus. Reste en paix. »

Elle s’enveloppe dans son voile, blanc comme son vêtement, et s’engage rapidement dans le sentier qui mène à un petit coteau couvert d’oliviers.

262.7

Elle cherche son Jésus et le trouve absorbé dans une méditation profonde.

« Mon Fils, c’est moi… Ecoute-moi !

– Oh, Maman ! Tu viens prier avec moi ? Quelle joie, quel soulagement tu me donnes !

– Quoi, mon Fils ? Tu es fatigué spirituellement ? Triste ? Dis-le à ta Mère !

– Fatigué, tu l’as dit, et affligé. Moins à cause de la fatigue et des misères que je vois dans les cœurs, que de voir que mes amis ne changent pas. Mais je ne veux pas me montrer injuste envers eux. Un seul m’afflige et c’est Judas…

– Mon Fils, je venais t’en parler…

– Il a fait du mal ? Il t’a fait souffrir ?

– Non. Mais il m’a fait la peine que j’aurais en voyant quelqu’un de très infecté… Pauvre enfant ! Comme son âme est malade !

– Et tu en as pitié ? Tu n’en as plus peur ? Autrefois, tu en avais peur…

– Mon Fils, ma pitié est encore plus grande que ma peur. Et je voudrais t’aider, toi et lui, à sauver son âme. Tu peux tout, et tu n’as pas besoin de moi. Mais tu dis que tous doivent coopérer au rachat avec le Christ … or ce fils-là a tellement besoin de rédemption !

– Que dois-je faire de plus pour lui ?

– Toi, tu ne peux pas faire davantage, mais tu pourrais me laisser faire. Il m’a prié de lui permettre de faire un séjour chez nous, car il lui semble que, là-bas, il pourra se délivrer de son monstre… Tu secoues la tête ? Tu ne veux pas ? Je le lui dirai…

– Non, Maman. Ce n’est pas que je ne le veuille pas. Je secoue la tête parce que je sais que c’est inutile. Judas ressemble à un homme qui se noie, mais qui a beau s’en rendre compte, il repousse par orgueil la corde qu’on lui envoie pour le ramener à la rive. Il lui manque la volonté d’atteindre le rivage. Parfois, pris par la terreur de se noyer, il cherche et appelle à l’aide, il s’y cramponne… et puis, repris par l’orgueil, il lâche la corde, la repousse, veut se tirer d’affaire tout seul… et il s’enfonce toujours plus dans l’eau boueuse qui l’engloutit. Mais pour qu’on ne dise pas que j’ai laissé un remède sans l’essayer, faisons encore cet essai, pauvre Maman… Oui, pauvre Maman qui te soumets, pour l’amour d’une âme, à la souffrance d’avoir auprès de toi… quelqu’un qui te fait peur.

– Non, Jésus. Ne dis pas cela. Je suis une pauvre femme car je suis encore sujette aux antipathies. Reproche-le-moi. Je le mérite. Je ne devrais éprouver de répulsion pour personne, par amour pour toi. Mais je ne suis pas pauvre pour autre chose. Ah ! Si je pouvais te rendre Judas spirituellement guéri ! Te donner une âme, c’est te donner un trésor, et qui donne des trésors n’est pas pauvre. Mon Fils !… Je vais annoncer à Judas que oui, tu le permets ? Tu l’as dit[2] : “ Il viendra un temps où tu diras : ‘ Comme il est difficile d’être la Mère du Rédempteur. ’ ” Je l’ai déjà dit une fois… pour Aglaé… Mais qu’est-ce donc qu’une seule fois ? L’humanité est si nombreuse ! Et tu es le Rédempteur de tous. Mon Fils !… Mon Fils !… Comme j’ai tenu le bébé dans mes bras pour que tu lui donnes ta bénédiction, laisse-moi prendre Judas dans mes bras pour l’amener à ta bénédiction…

– Maman… Maman, il ne te mérite pas…

– Mon Jésus, quand tu hésitais à donner Marziam à Pierre, je t’ai dit que cela allait l’épanouir. Tu ne peux nier que Pierre est devenu un autre homme, depuis ce moment… Laisse-moi faire avec Judas.

– Comme tu veux ! Et sois bénie pour ton intention d’amour envers moi et envers Judas ! Maintenant, prions ensemble, Maman. Il est si doux de prier avec toi !… »

262.8

…Le crépuscule est à peine commencé quand je les vois partir de la maison qui les a reçus.

Jean d’En-Dor et Hermastée font leurs adieux à Jésus aussitôt après avoir atteint la route. De son côté, Marie, accompagnée des femmes, poursuit sa route avec son Fils à travers les oliviers des collines. Ils parlent, naturellement, des événements du jour.

Pierre lance :

« Un beau fou, ce Philippe ! Il allait presque renier sa femme et sa fille si tu ne lui avais pas fait entendre raison.

– Espérons toutefois qu’il gardera son actuel repentir et qu’il ne sera pas repris aussitôt par la manie de déprécier les femmes. Au fond…, c’est grâce aux femmes que le monde progresse » dit Thomas.

Plusieurs rient de la sortie.

« Bien sûr, c’est vrai. Mais elles sont plus impures que nous et…, répond Barthélemy.

– Allons ! Pour ce qui est de l’impureté !… Nous aussi, nous ne sommes pas des anges. Voilà, je voudrais savoir si, après la Rédemption, ce sera toujours la même chose pour la femme. Nous apprenons à honorer notre mère, à avoir le plus grand respect pour nos sœurs, filles, tantes, belles-filles, belles-sœurs, et puis… anathème par-ci, anathème par-là ! Au Temple, pas question. Les fréquenter souvent, non… C’est Eve qui a péché ? D’accord. Mais Adam aussi. Dieu a donné à Eve sa punition, et elle est bien sévère. N’est-ce pas assez ?

– Mais, Thomas ! Même Moïse considère la femme comme impure.

– Or, sans les femmes, il serait mort noyé… Mais écoute, Barthélemy, je te rappelle, bien que je ne sois pas un sage comme toi, mais seulement un orfèvre, que Moïse parle des impuretés corporelles de la femme pour qu’on la respecte, pas pour jeter sur elle l’anathème. »

262.9

La discussion s’anime. Jésus, qui était à l’avant – avec les femmes, justement, et aussi Jean et Judas –, s’arrête, se retourne et intervient :

« Dieu avait devant lui un peuple moralement et spirituellement informe, contaminé par les contacts avec les idolâtres. Il voulait en faire un peuple fort, physiquement et spirituellement. Il donna comme préceptes des normes salutaires à la robustesse physique, salutaires aussi à l’honnêteté des mœurs. Il ne pouvait faire autrement pour freiner les passions masculines, afin que les péchés, pour lesquels la terre fut submergée[3] et Sodome et Gomorrhe brûlées, ne se répètent pas. Mais, à l’avenir, la femme rachetée ne sera pas aussi opprimée qu’elle l’est maintenant. Il restera les interdictions concernant la prudence physique, mais les obstacles qui l’empêchent de venir au Seigneur seront levés. Moi, je les supprime déjà pour préparer les premières prêtresses de l’avenir.

– Oh ! Il y aura des femmes prêtres ? demande Philippe, stupéfait.

– Ne vous méprenez pas. Elles n’auront pas le sacerdoce des hommes, elles ne consacreront pas et n’administreront pas les dons de Dieu, ces dons que vous ne pouvez maintenant connaître. Mais elles appartiendront quand même à la classe sacerdotale en coopérant avec le prêtre au bien des âmes, de multiples façons.

– Elles prêcheront ? demande Barthélemy, incrédule.

– Comme ma Mère le fait déjà.

– Et elles feront des pèlerinages apostoliques ? demande Matthieu.

– Oui, en portant au loin la foi et, je dois le dire, avec encore plus d’héroïsme que les hommes.

– Feront-elles des miracles ? demande Judas en riant.

– Certaines feront aussi des miracles. Mais ne vous basez pas sur le miracle comme si c’était l’essentiel. Ces femmes saintes accompliront aussi beaucoup de miracles de conversions par la prière.

– Hum ! Les femmes, prier au point de faire des miracles ! Marmonne Nathanaël.

– Ne sois pas borné comme un scribe, Barthélemy. Selon toi, qu’est la prière ?

– S’adresser à Dieu avec les formules que nous connaissons.

– Davantage encore. La prière, c’est la conversation du cœur avec Dieu et elle devrait être l’état habituel de l’homme. La femme, de par sa vie plus retirée que la nôtre et par ses facultés affectives plus fortes que les nôtres, est portée plus que nous à cette conversation avec Dieu. Elle y trouve un réconfort pour ses peines, un soulagement pour ses fatigues, qui ne sont pas seulement celles du ménage et des enfantements, mais aussi celles de nous supporter, nous les hommes ; elle y trouve ce qui sèche les larmes et ramène un sourire au cœur. Car elle sait parler avec Dieu, et le saura plus encore à l’avenir. Les hommes seront les géants de l’enseignement, les femmes seront toujours celles qui, par leurs prières, soutiennent les géants et même le monde, car beaucoup de malheurs seront évités grâce à leurs prières et beaucoup de châtiments conjurés. Elles accompliront donc des miracles, invisibles la plupart du temps et connus de Dieu seul, mais tout aussi réels.

262.10

– Toi aussi, tu as fait aujourd’hui un miracle invisible et pourtant réel, n’est-ce pas, Maître ? demande Jude.

– Oui, mon frère.

– Il aurait été préférable qu’il soit visible, remarque Philippe.

– Voulais-tu que je change la petite fille en garçon ? Le mi­racle, en réalité, est une altération des choses qui sont fixées, un désordre bénéfique par conséquent, que Dieu accorde pour consentir à la prière de l’homme, pour lui montrer qu’il l’aime ou le persuader qu’il est Celui qui est. Mais étant donné que Dieu est ordre, il ne viole pas l’ordre exagérément. La fillette est née femme et elle reste femme.

– J’étais tellement affligée ce matin ! Soupire la Vierge.

– Pourquoi ? La fillette mal-aimée n’était pas la tienne » dit Suzanne, avant d’ajouter : « Moi, quand je vois quelque malheur chez un enfant, je dis : “ Heureusement pour moi, je n’en ai pas ! ”

– Ne dis pas cela, Suzanne ! Ce n’est pas charitable. Moi aussi, je pourrais le dire car mon unique Maternité dépassait les lois naturelles. Mais je ne le fais pas, car je pense toujours : “ Si Dieu ne m’avait pas voulue vierge, peut-être que cette semence serait tombée en moi, et je serais la mère de ce malheureux. ” Ainsi, j’ai pitié de tous… car je dis : “ Il aurait pu être mon fils ” et, comme mère, je les voudrais tous bons, en bonne santé, aimés et ai­mables, car c’est le désir de toute mère pour ses enfants » répond doucement Marie.

Jésus paraît la revêtir de lumière, tant il rayonne en la regardant.

« C’est pour cela que tu as pitié de moi…, dit Judas à mi-voix.

– De tous. Même s’il s’agissait de l’assassin de mon Fils, car je pense qu’il aurait le plus besoin de pardon… et d’amour. Car tout le monde le haïrait sûrement.

– Femme, tu devrais te donner beaucoup de mal à le défendre pour lui laisser le temps de se convertir… Moi, je commencerais par m’en débarrasser tout de suite…, conseille Pierre.

262.11

– Nous voici au lieu où nous nous séparons, Mère. Que Dieu soit avec toi. Et avec toi, Marie. Et aussi avec toi, Judas. »

Ils s’embrassent et Jésus ajoute :

« Souviens-toi que je t’ai accordé une grande faveur, Judas. Fais-en un bien, pas un mal. Adieu. »

Et Jésus se dirige rapidement vers l’orient avec les onze disciples restants et Suzanne, tandis que Marie, sa belle-sœur et Judas continuent tout droit.

262.1

Jesus is going back towards Nazareth along a road that winds through hills, benefitting from the shade of olive-groves and orchards spread in this fertile and well cultivated region.

But when He arrives at a crossroad, intersecting the road to Ptolemais, He stops and says: «Let us stop at that house, where I have rested before, we shall have our meal, and while the sun follows its course, let us stay together before we part again. We shall go towards Tiberias, My Mother and Mary will go to Nazareth, John and Ermasteus to Sicaminon.»

Through an olive-grove they move towards a low large house of peasants, adorned with the usual fig-tree, and decked with the festoons of a vine which climbs up an outside staircase and expands its branches over the terrace.

«Peace be with you. I am here once again.»

«Come, Master. You are always welcome. May God grant peace to You and to Your friends» replies an elderly man who was crossing the yard carrying an armful of faggots. He then shouts: «Sarah! Sarah! The Master is here with His disciples. Add more flour to your bread!»

A woman covered with flour comes out of one of the rooms: she has obviously been sieving, because she is still holding a sieve in her hands with some bran in it; she kneels in front of Jesus smiling.

«Peace to you, woman. I brought you My Mother, as I promised you. Here She is. And this is Her sister-in-law, the mother of James and Judas. Where are Dinah and Philip?»

The woman, after greeting the two Maries, replies: «Dinah had her third baby-girl yesterday. We are a little sad, because we have not yet been given a nephew. But we are happy, too, is that right, Mattathias?»

«Yes, because she is a beautiful baby and she is always our blood. We will show her to You. Philip has gone to bring back Anna and Naomi from his old parents, but he will soon be back.»

The woman goes back to her baking while the man, after putting the faggots into the oven, takes care of the guests, offering them seats and fresh milk, if they want it, or fruit and olives, if they prefer them.

262.2

The room on the ground floor is cool and shady, large as it is and with two doors, one at the front, the other at the back, the former being shaded by the large fig-tree, the latter by a tall hedge of star-shaped flowers, which resemble sunflowers in shape, but with smaller corollas. Thus an emerald green light enters the large room, and it is of great relief to eyes tired by the strong sunshine. There are benches and tables in the room, which is perhaps the one where the women spin and weave and the men repair their agricultural tools or store their supplies of flour and fruit, as it would appear by some small beams with many hooks and boards placed on consoles, besides long chests along the walls. Fluffy hurds of linen or hemp look like loose plaits hanging on the whitewashed wall, and a piece of bright red cloth stretched on an uncovered loom seems to cheer up the whole room with its pompous joyful colour.

The landlady, who has finished her baking, comes back and asks the guests whether they wish to see the new-born baby.

Jesus replies: «I will certainly bless her.»

Mary instead stands up saying: «I will come and greet the mother.»

All the women go out.

«It is very comfortable here» says Bartholomew who is clearly very tired.

«Yes. It is quiet and shady. We shall end up by falling asleep» confirms Peter, who is already drowsy.

«In three days’ time we shall be at home for a long time. You will be able to rest because you will be going evangelizing in the neighbourhood» says Jesus.

«And what about You?»

«I will stay at Capernaum most of the time, going to Bethsaida now and again. And I will evangelize those who join Me there. Then at the moon of Tishri we shall begin to go about again. In the meantime, I will instruct you in the evening…»

Jesus becomes silent because He sees that sleep makes His words useless. He shakes His head smiling, while watching the group overwhelmed by fatigue and sleeping in more or less comfortable postures. There is dead silence in the house and in the sunny country. It looks like an enchanted place. Jesus goes to the door near the hedge of flowers and through the branches He contemplates the gentle Galilean hills, covered with grey still olive-trees.

262.3

A light shuffling is heard above His head together with the uncertain crying of a new-born baby. Jesus looks up and smiles at His Mother Who is coming down holding in Her arms a white little bundle from which three tiny red things emerge: a little head and two lively little fists.

«Look, Jesus, what a beautiful baby! She is somewhat like You when You were one day old. Your hair was so fair, that You did not seem to have any, if it had not been even then raised in light curls like a woolly cloud, and You were as red as a rose as well. And, look, look, now that she has opened her little eyes here in the shade and she is looking for her mother’s breast, her eyes are dark blue, like Yours… Oh! darling! But I have no milk, My dear little one, My little rose, My little dove!» and Our Lady lulls the baby who stops crying and falls asleep, gurgling like a little dove.

«Mother, did You do that to Me also?» asks Jesus watching His Mother lull the baby, with Her cheek pressed against the little fair-haired head.

«Yes, Son. But I called You “My little lamb”. She is beautiful, is she not?»

«Really beautiful and strong. Her mother can be proud of her» confirms Jesus, Who is also stooped watching the sleep of the innocent child.

«Instead she is not… Her husband is angry because all the children are girls. It is true that men are better for the fields we have. But it is no fault of our daughter…» says with a sigh the landlady who has just arrived.

«They are young. Let them love each other and they will have boys also» says the Lord confidently.

262.4

«Here is Philip… He will become gloomy now…» moans the upset woman. And in a louder voice she says: «Philip, the Rabbi of Nazareth is here.»

«I am glad to see Him. Peace to You, Master.»

«And to you, Philip. I saw your lovely baby. I am still looking at her, because she is really praiseworthy. God blesses you with beautiful, healthy and good children. You must be very grateful to Him… Are you not answering Me? You seem to be annoyed…»

«I was hoping it was a boy!»

«You are not going to tell Me that you are unfair by accusing the innocent child of being a female or that you are going to be hard on your wife?» asks Jesus severely.

«I wanted a boy! For the Lord and for myself!» exclaims Philip resentfully.

«And do you think you are going to get one through injustice and rebellion? Have you perhaps read God’s thought? Are you above Him that you may say to Him: “Do that because that is just?” This woman disciple of Mine has no children, for instance. And yet she said to Me: “I bless my sterility which gives me wings to follow You”. And this disciple, the mother of four sons, is anxious that all four of them may no longer belong to her. Is it true, Mary and Susanna? Do you hear them? And you, although you have been married only a few years to a fertile woman, and have been blessed with three rose-buds who seek your love, you are angry? With whom? Why? You do not want to tell Me? Well, I will tell you: because you are selfish. Pocket your ill-feeling. Open your arms to this child born of your seed and love her. Come on! Take her!» and Jesus takes the little bundle of linens and lays it in the arms of the young father. He then resumes speaking: «Go to your wife, who is weeping, and tell her that you love her. Or God really will never give you a son. I am telling you. Go!…»

The man goes up to his wife’s room.

«Thank You, Master!» whispers his mother-in-law. «He has been very rude since yesterday…»

The man comes down after a few minutes and says: «I did it, my Lord. She thanks You. And she told me to ask You to name the baby because… in my unjust hatred I had decided on a name that was too ugly…»

«Call her Mary. She has sucked bitter tears through the first drop of milk, which was also bitter because of your harshness, so she may be called Mary and Mary will love her. Is that right, Mother?»

«Of course, poor little darling. And she is so pretty. And she will certainly be good and become a little star of Heaven.»

262.5

They go back into the large room where the apostles are fast asleep, with the exception of Judas, who seems to be on tenter-hooks.

«Did you want Me, Judas?» asks Jesus.

«No, Master, but I cannot get to sleep and I would like to go out for a little while.»

«Who stops you? I am going out as well. I am going up to that hillock. It is all in the shade… I will rest praying. Do you want to come with Me?»

«No, Master. I would disturb You because I am not in condition to pray. Perhaps… perhaps I am not feeling very well and that is upsetting me…»

«Stay here, then. I do not force anybody. Goodbye. Goodbye, women. Mother, when John of Endor wakes, send him to Me, by himself.»

«Yes, Son. Peace be with You.»

Jesus goes out, Mary and Susanna bend to watch the cloth on the loom. Mary sits down with Her hands in Her lap, slightly bent. Perhaps She is praying, too. Mary of Alphaeus soon tires of watching the work. She sits in the darkest corner and soon falls asleep. Susanna thinks it is a good idea and imitates her.

Only Mary and Judas are awake: the former deeply absorbed in Her thoughts, the latter looking at Her with wide open gaze, which never leaves Her. In the end he gets up and approaches Her slowly and noiselessly. Although he is most definitely a handsome man, he gives me the impression of a feline or snake approaching its prey, I do not know why. Probably because I dislike him, I feel that his very steps are deceitful and dangerous… He calls Her in a low voice: «Mary!»

«What do you want from Me, Judas?» Mary asks kindly looking at him with Her most loving eyes.

«I would like to speak to You…»

«Do so. I am listening.»

«Not here… I do not want anybody to hear me… Would You mind going out there for a moment? It is shady out there as well…»

«Let us go… But see. They are all sleeping… you could have spoken here as well» says the Blessed Virgin. But she gets up and goes out before him leaning against the tall flowery hedge.

«What do you want from Me, Judas?» She asks again, staring at the apostle who appears to be somewhat upset and finds it difficult to speak. «Are you not feeling well? Or have you done something wrong and you do not know how to tell? Or do you feel that you are on the point of doing something wrong and it is a burden for you to admit that you are tempted? Speak, son. As I cured your body, I will cure your soul. Tell Me what is upsetting you, and if I can I will help you. If I cannot do so by Myself, I will tell Jesus. Even if you had committed a serious sin, He will forgive you if I ask Him. Really, Jesus would forgive you at once, as well… But perhaps you are ashamed of Him, the Master. I am a mother… I do not make anyone feel ashamed…»

«No, You do not, because You are a mother and You are so good. You are peace to all of us.

262.6

I feel… very upset. I have a very bad character, Mary. I do not know what I have in my blood and in my heart… Now and again I am no longer able to control them… and then I would do the strangest… and worst things.»

«Even with Jesus near you, can you not resist temptation?»

«Yes. And I suffer because of that, believe me. It is so. I am a poor wretch.»

«I will pray for you, Judas.»

«It is not enough.»

«I will get just people to pray for you without telling them for whom it is.»

«It is not enough.»

«I will make children pray. So many of them come to Me, to My kitchen garden, like little birds looking for corn. And My caresses and the words I speak to them are corn to them. I speak to them of God… And they, little innocent souls, prefer that to games and tales. The prayer of children is pleasing to the Lord.»

«Never as much as Yours. But it is still not enough.»

«I will tell Jesus to pray to the Father for you.»

«It is still not sufficient.»

«More than that is impossible! Jesus’ prayer defeats also demons…»

«Yes, but Jesus would not always pray. And I would go back to being myself… Jesus always says so, He will go away one day. I must think of the time when I shall be without Him. Jesus now wants to send us evangelizing. I am afraid to go with this enemy of mine, which is myself, to spread the word of God. I would like to be already perfected.»

«But, son, if not even Jesus is successful, who can ever be so?»

«You, Mother! Let me stay a little while with You. Pagans and prostitutes have stayed with You. So I can stay as well. If You do not want me to be where You live, at night I will go and sleep at Alphaeus and Mary of Clopas’, but I will spend the day with You and the children. In the past I tried to do things by myself, and I made the situation worse. If I go to Jerusalem, I have too many wicked friends and in the situation I am in now, when I feel like this, I become their laughing-stock… It is the same if I go to any other town. The temptation of the road burns me with this one which I already have. If I go to Kerioth, to my mother’s, I become the slave of pride. If I withdraw to a solitary place, silence rends me with Satan’s voices. But if I am staying with You, oh! I feel that it will be different!… Let me come! Tell Jesus to grant me this! Do You want me to be lost? Are You afraid of me? You are looking at me with the countenance of a wounded gazelle which has no strength left to escape its assailants. But I will not offend You. I have a mother, too… and I love You more than her. Have mercy on a sinner, Mary! Look: I am weeping at Your feet… If You reject me, it may be my spiritual death…» and Judas is really weeping at Mary’s feet; She looks at him and Her eyes are full of pity and anguish mixed with fear. She is very pale.

But She takes a step forward, because She had almost sunk into the hedge to keep away from Judas who was going too close to Her, and She lays a hand on Judas’ dark hair. «Be quiet, lest they should hear you! I will speak to Jesus. And if He agrees… you will come to My house. I disregard the opinion of the world. It does not injure My soul. I would be horror-struck only at being guilty towards God. Calumny leaves Me cold. No one will speak ill of Me because Nazareth knows that its daughter does not cause scandal to Her town. In any case, let come what may, I am anxious that you may save your soul. I am now going to Jesus. Peace to you.» And She covers Herself with Her veil, which is white like Her dress and She walks fast along the path which leads up to a hillock covered with olive-trees.

262.7

She looks for Her Jesus and finds Him engrossed in meditation.

«Son, it is I… Listen to Me!»

«Oh! Mother! Have You come to pray with Me? What joy and relief You bring Me!»

«What is it, Son? Is Your soul anguished? Are You sad? Tell Your Mother!»

«You have said it, anguished and tired. Not so much because of work or of the miseries I see in hearts, as for the immutability of My friends. But I do not wish to be unfair to them. One only worries Me: Judas of Simon…»

«Son, I have come to speak to You of him…»

«Has he wronged You? Has he grieved You?»

«No. But I feel sorry for him just as I would feel sorry if I saw a very infected person… Poor son! How ill his soul is!»

«And You feel sorry for him? Are You no longer afraid of Him? You were once…»

«Son, My pity is even greater than My fear. And I would like to help You and him to save his soul. You can do everything, and You do not need Me. But You say that everybody must cooperate with Christ in redeeming… and that son needs to be redeemed so badly!»

«What else can I do for him in addition to what I already do?»

«You cannot do any more. But You could let Me do He asked Me to let him stay in our house because he thinks that he will be able to get rid of his monster there… You are shaking Your head? You do not want that? I will tell him…»

«No, Mother. It is not that I do not want. I am shaking My head because I know that it is useless. Judas is like one who is drowning and although he realises that he is drowning, out of pride he rejects the rope that has been thrown to him to draw him to the shore. He has no will to come to the shore. Now and again, he is in terror of drowning and he seeks and invokes help, he clings to the rope… and then, seized once again by pride, he refuses help, rejects it, he wants to be independent… and he becomes heavier and heavier because of the muddy water that swallows him down. But as I wish to leave no stone unturned, let that be done as well, poor Mother… Yes, poor Mother, as You are subjecting Yourself, for the love of a soul, to the pain of having near You… one who frightens You.»

«No, Jesus. Do not say that. I am a poor woman because I am still subject to antipathies. Reproach Me. I deserve it. I should not be disgusted at anybody, for Your sake. That is why I am a poor woman. Oh! I wish I could give You back Judas spiritually cured! To give You a soul is to give You a treasure. And the person who gives a treasure is not poor. Son!… Shall I go and tell Judas that it is all right, that You agree? You said once[1]: “The day will come when You will say: ‘How difficult it is to be the Mother of the Redeemer’ “I have already said it once… for Aglae… But what is once only? Mankind is so numerous! And You are the Redeemer of all men. Son!… Son!… As I held the little baby in My arms to bring her to You to be blessed, let Me hold Judas in My arms, that I may bring him to Your blessing…»

«Mother… Mother… He does not deserve You…»

«Jesus, when You hesitated to give Marjiam to Peter, I told You that it would be beneficial to him. You cannot deny that Peter has become a new man since that moment… Let Me try with Judas.»

«Let it be done as You wish! And may You be blessed for Your loving intention towards Me and Judas! Now let us pray together, Mother. It is so pleasant to pray with You!…»…

262.8

… The sun is just beginning to set when I see them depart from the house that gave them hospitality.

John of Endor and Ermasteus take leave of Jesus as soon as they reach the road. Mary with the women instead proceeds with Her Son along a road through the olive-groves on the hills. They are talking of the events of the day.

Peter says: «Philip must be really crazy! He was almost going to disown his wife and daughter, if You had not been there to make him listen to reason.»

«Let us hope that he will persevere in his repentance and he does not have another fit of bad temper against females. After all… it is due to women that the world goes on» says Thomas and many laugh at his witty remark.

«It is certainly true. But they are more unclean than we are and…» replies Bartholomew.

«Never! With regards to uncleanliness… we are not angels either! Now, I would like to know whether after Redemption it will always be the same for women. They teach us to honour mothers, and hold in great respect sisters, daughters, aunts, daughters and sisters-in-law and then… Anathema here, anathema there! The Temple is out of the question. Many times we are not allowed to approach them… Eve sinned? Agreed. But also Adam sinned. God punished Eve… and very severely. Is that not enough?»

«Thomas! Moses also considers women unclean.»

«And Moses, without women, would have been drowned… But, mind you, Bartholomew, although I am not so learned as you are, as I am only a gold-beater, I would remind you that Moses mentions the bodily uncleanliness of women so that we may respect them, not to anathematise them.»

262.9

The debate is becoming livelier. Jesus, Who was ahead of them with the women and John and Judas Iscariot, stops and turning around He comes in to the discussion: «God had in front of Him a people which was morally and spiritually amorphous and contaminated by connections with idolaters. He wanted to make the people physically and spiritually strong. Thus the precepts He gave were instructions beneficial to both physical strength and moral honesty. He could not do otherwise to check the lust of men and thus prevent repetition of the sins which caused the earth to be submerged[2] and Sodom and Gomorrah to be burned down. But in the future the redeemed woman will not be oppressed as she is now. Prohibitions concerning physical prudence will remain, but obstacles to her coming to the Lord will be removed. I am already removing them to prepare the first female priests of the future era.»

«Oh! Will there be female priests?!» asks Philip who is almost dumb-founded.

«Do not misunderstand Me. They will not be female priests like men, they will not consecrate and will not administer the gifts of God, which you are not yet capable of understanding. But they will belong to the sacerdotal class, cooperating in many ways with priests to the benefit of souls.»

«Will they preach?» asks Bartholomew incredulously.

«As My Mother already preaches.»

«Will they make apostolic pilgrimages?» asks Matthew.

«Yes, they will. They will take faith very far, and I must admit it, with greater heroism than men.»

«Will they work miracles?» asks the Iscariot laughing.

«Some will work also miracles. But do not consider miracles the essential thing. They, being holy women, will work many miracles of conversions through their prayers.»

«Bah! Can you imagine women praying to the extent of working miracles!» grumbles Nathanael.

«Do not be narrow minded like a scribe, Bartholomew. What is prayer, according to you?»

«To address God by means of the formulae known to us.»

«That and much more. Prayer is the conversation of the heart with God and it ought to be the habitual state of man. Women, because of their more retired lives than ours and because of their affective faculties that are stronger than ours, are inclined to such conversation with God more than we are. They find comfort to their sorrows in it, relief in their work, which is not only the work in the house and in procreating, but also in tolerating us men, they find what wipes their tears and brings peace and joy to their hearts. Because they know how to speak to God and they will know even better in future. Men will be giants in doctrine, women will be those who support men and the world with their prayers, because many misfortunes will be avoided through their prayers and many punishments will be withheld. They will thus work miracles, invisible in most cases and known to God only, but not less real.»

262.10

«You also worked an invisible but real miracle today. Is that right, Master?» asks Thaddeus.

«Yes, brother.»

«It would have been better to work a visible one» remarks Philip.

«Did you want Me to change the little girl into a boy? A miracle really is the alteration of what has been destined, a beneficial disorder thus, which God grants to hear the prayer of man and thus prove to him that He loves him, or that He is He Who is. But since God is order He never violates order immoderately. The child was born a female, and a female she will remain.»

«I was so distressed this morning!» says the Blessed Virgin with a sigh.

«Why? The loveless baby was not Yours» says Susanna. And she adds: «When I see an unfortunate child I say: “Luckily for me I have none!”»

«Do not say so, Susanna! It is not charitable. I, too, could say so because My only Maternity is beyond natural laws. But I do not say that, because I always think: “If God had not wanted Me to be a virgin, that seed might have fallen on Me, and I would be the mother of the unhappy child”, and thus I pity them all… Because I say: “He might have been My son” and as a mother I would like all children to be good, healthy, loved and loving, because every mother wishes that for her own children» replies Mary kindly. And Jesus seems to wrap Her in light, so radiantly He looks at Her.

«That is why You pity me…» says the Iscariot in a low voice.

«I pity everybody. Even if one were the murderer of My Son. Because I think that he would be the most in need of help… and love. Because the whole world would certainly hate him.»

«Donna, You would have to work hard defending him to give him time to repent… I would get rid of him immediately…» says Peter.

262.11

«This is where we part, Mother, God be with You. And with you, Mary. And with you, too, Judas.» They kiss one another and Jesus adds: «Remember that I have granted you a great thing, Judas. Make it beneficial and not detrimental to you. Goodbye.»

And Jesus with the eleven apostles left and Susanna goes eastwards at a quick pace, while Mary, Her sister-in-law and the Iscariot go straight ahead.


Notes

  1. amères : Jésus fait allusion à l’une des nombreuses significations du prénom Marie. Celle-ci part de la racine M(a)RR(a) ou MaRiRi, qui signifie “ amère ”.
  2. Tu l’as dit en 157.7 ; Je l’ai dit, en 168.9.
  3. la terre fut submergée, selon le récit de Gn 6, 5-22 ; 7. Sodome et Gomorrhe brûlées, comme on le voit en Gn 19, 1-29.

Notes

  1. You said once, in 157.7; I have already said, in 168.9.
  2. the earth to be submerged, as narrated in: Genesis 6:5-22; 7; Sodom and Gomorrah to be burned down, in: Genesis 19:1-29.