Gli Scritti di Maria Valtorta

262. Une fille non désirée et le rôle de la femme rachetée.

262. Una figlia indesiderata e il ruolo della donna redenta.

262.1

Dans une suite de montées et de descentes de collines sur lesquelles serpente le chemin allant à Nazareth, Jésus, qui s’y rend, profite de l’ombre des oliveraies et des vergers qui recouvrent en grande partie cette région fertile et cultivée.

Arrivé à un carrefour où on croise la route pour Ptolémaïs, il s’arrête et dit :

« Reposons-nous près de cette maison où j’ai fait halte d’autres fois, prenons notre repas et, pendant que le soleil poursuit sa course, restons unis avant de nous séparer de nouveau : nous pour aller vers Tibériade, ma Mère et Marie à Nazareth, et Jean avec Hermastée à Sycaminon. »

Ils traversent une oliveraie en direction d’une maison de paysans large et basse, ornée de l’inévitable figuier et parée de la guirlande d’une vigne qui monte le long du petit escalier pour étendre ensuite ses branches sur la terrasse.

« Que la paix soit avec vous. Me revoilà.

– Viens, Maître, ta présence est toujours bienvenue. Que Dieu te rende la paix, à toi et à tes disciples » répond un vieil homme qui traversait la cour avec une brassée de branchages.

Puis il appelle :

« Sarah ! Sarah ! C’est le Maître avec ses disciples ! Ajoute de la farine à ton pain ! »

Il sort d’une pièce une femme toute blanche de la farine qu’elle tamisait car elle tient encore à la main le tamis avec les recoupes à l’intérieur, et elle s’agenouille en souriant devant Jésus.

« Paix à toi, femme. Je t’ai amené ma Mère comme promis. La voici. Et elle, c’est sa belle-sœur, la mère de Jacques et de Jude. Où sont Dina et Philippe ? »

Après avoir salué les deux Marie, la femme répond :

« Dina a eu sa troisième fille hier. Nous sommes un peu tristes car il ne nous a pas été donné d’avoir un petit-fils, mais contents tout de même, n’est-ce pas Mathatias ?

– Oui, parce que c’est une belle petite fille et c’est toujours notre sang. Nous allons te la montrer. Philippe est allé chercher Anna et Noémi chez ses parents, mais il sera bientôt de retour. »

La femme retourne à son pain pendant que l’homme, après avoir mis les branches dans le four, s’occupe de ses hôtes et leur donne des sièges et du lait tout juste trait pour ceux qui en veulent, des fruits et des olives pour ceux qui les préfèrent.

262.2

Le rez-de-chaussée est frais et ombragé, large et ouvert sur le devant et l’arrière de la maison ; les deux portes sont protégées du soleil, l’une par un figuier puissant, l’autre par une grande haie de fleurs étoilées, une sorte de tournesols pour ce qui est de la forme, mais avec des corolles moins grandes. Une lu­mière émeraude pénètre ainsi dans la grande pièce, soulageant les yeux fatigués par la lumière trop forte du soleil. Il y a des bancs et des tables dans cette grande pièce, qui est peut-être celle où les femmes filent et tissent et où les hommes réparent les outils agricoles. Mais peut-être sert-elle à abriter les provisions de fa­rine et de fruits, comme le laissent penser des soliveaux hérissés de crochets et des tablettes disposées sur des consoles en plus des longues caisses de bois le long des murs. Des étoupes flocon­neuses de lin ou de chanvre ressemblent à des tresses dénouées le long du mur blanchi à la chaux, et un tissu rouge feu, étendu sur un métier resté découvert, semble égayer toute l’ambiance par sa couleur riante, luxueuse.

La maîtresse de maison revient, après avoir fini de faire son pain, et demande aux hôtes s’ils veulent voir le nouveau-né.

Jésus répond :

« Certainement, je vais la bénir. »

Marie, de son côté, se lève et dit :

« Je vais saluer la mère. »

Toutes les femmes sortent.

« On est bien ici, dit Barthélemy, visiblement très fatigué.

– Oui, il y a de l’ombre et du silence. Nous allons finir par nous endormir, acquièsce Pierre déjà à moitié assoupi.

– D’ici trois jours, nous serons chez nous pour longtemps. Vous vous reposerez, car vous irez évangéliser dans les environs immédiats de Capharnaüm, dit Jésus.

– Et toi ?

– Moi, je resterai presque toujours à Capharnaüm avec des séjours à Bethsaïde. Et j’évangéliserai ceux qui m’y rejoindront. Puis, au début de la lune de Tisri, nous reprendrons nos voyages. Le soir, cependant, je continuerai à vous perfectionner… »

Jésus se tait quand il s’aperçoit que la somnolence rend ses paroles inutiles. Il sourit en hochant la tête à la vue du groupe de personnes que la fatigue a épuisées et qui, dans des poses plus ou moins commodes, se laissent aller au sommeil. Le silence de la maison et de la campagne ensoleillée est complet. On dirait un lieu enchanté. Jésus se met sur le seuil de la porte, près de la haie fleurie, et il regarde à travers les branches les douces collines de Galilée rendues toutes grises par les oliviers immobiles.

262.3

Un léger bruit de pas qu’accompagne un gémissement incertain de nouveau-né résonne au-dessus de sa tête. Jésus lève les yeux en souriant à sa Mère qui descend, portant dans ses bras un petit paquet tout blanc d’où émergent trois petites choses rouges : une petite tête et deux petits poings qui s’agitent.

« Regarde, Jésus, quelle belle enfant ! Elle te ressemble un peu quand tu avais un jour. Tu étais aussi blond qu’elle, au point de paraître sans cheveux s’ils n’avaient dès ce moment formé de légères boucles, comme un flocon de nuage, et tu avais le même teint, couleur de rose. Et regarde, regarde, maintenant qu’elle ouvre ses petits yeux à l’ombre et qu’elle cherche le sein, elle a tes yeux bleu foncé… Oh, ma chérie ! Mais moi, je n’ai pas le lait, ma petite, petite rose, ma petite tourterelle ! »

La Vierge berce le bébé, qui apaise son vagissement en un vrai gargouillis de petite tourterelle, et s’endort.

« Maman, c’est ce que tu faisais avec moi ? demande Jésus qui regarde sa Mère bercer la petite, en appuyant sa joue sur la petite tête blonde.

– Oui, mon Fils. Mais toi, je t’appelais : “ Mon petit agneau. ” Elle est belle, n’est-ce pas ?

– Elle est belle et robuste. Sa mère peut en être heureuse » approuve Jésus, penché lui aussi pour regarder le sommeil de l’innocente.

La maîtresse de maison, qui vient d’arriver, intervient en soupirant :

« Mais elle ne l’est pas… Son mari est fâché parce que tous ses enfants sont des filles. C’est vrai qu’avec les champs que nous avons, il vaut mieux des garçons, mais ce n’est pas la faute de notre fille…

– Ils sont jeunes. Qu’ils s’aiment et ils auront aussi des garçons, dit avec assurance le Seigneur.

262.4

– Voici Philippe… il va bientôt faire sombre… » murmure la femme, troublée. Et, plus fort :

« Philippe, le Rabbi de Nazareth est là !

– Très heureux de le voir. Paix à toi, Maître.

– A toi aussi, Philippe. J’ai vu ta jolie petite fille. Je suis même encore en train de la regarder car elle mérite des compliments. Dieu te bénit en te donnant de beaux enfants, en bonne santé et bons. Tu dois lui en être reconnaissant… Tu ne réponds pas ? Tu sembles fâché…

– J’espérais avoir un garçon, moi !

– Tu ne veux tout de même pas me dire que tu es injuste en accusant l’innocente d’être une fille, et encore moins en te montrant dur envers ton épouse ? demande Jésus avec sévérité.

– Moi, je voulais un garçon ! Pour le Seigneur et pour moi ! S’écrie Philippe, fâché.

– Et c’est par l’injustice et la révolte que tu crois l’obtenir ? As-tu donc lu dans les pensées de Dieu ? Es-tu plus grand que lui pour lui dire : “ Agis de telle manière, car c’est cela qui est juste ” ? Pour te donner un exemple, cette femme, mon disciple, n’a pas d’enfants et elle est arrivée à me dire : “ Je bénis ma stérilité qui me donne des ailes pour te suivre. ” Et cette autre, mère de quatre garçons, aspire au moment où tous les quatre ne lui appartiendront plus. Est-ce vrai, Suzanne et Marie ? Tu les entends ? Et toi, marié depuis peu d’années à une femme féconde, béni par trois boutons de rose qui réclament ton amour, tu es fâché ? Contre qui ? Pourquoi ? Tu ne veux pas le dire ? Moi, je te le dis : parce que tu es un égoïste. Laisse immédiatement tomber ta rancœur, ouvre les bras à cette enfant née de toi et aime-la. Allons ! Prends-la ! »

Jésus saisit le paquet de lin et le met dans les bras du jeune père. Puis il reprend :

« Va auprès de ta femme qui pleure, et dis-lui que tu l’aimes. Sinon, vraiment, Dieu ne te donnera jamais de garçon. C’est moi qui te l’affirme. Va !… »

L’homme monte dans la pièce où se trouve son épouse.

« Merci, Maître ! » dit tout bas sa belle-mère. « Depuis hier, il se montrait bien cruel… »

L’homme redescend après quelques minutes et dit :

« Je l’ai fait, Seigneur. Ma femme te remercie et elle me dit de te demander le prénom de la petite car… car je lui en avais destiné un trop déplaisant dans ma haine injuste…

– Appelle-la Marie. Elle a bu des larmes amères[1] avec la première goutte de lait, amères aussi à cause de ta dureté. Elle peut s’appeler Marie, et Marie l’aimera. N’est-ce pas, Mère ?

– Oui, la pauvre petite ! Elle est si gracieuse… elle sera sûrement bonne en devenant une petite étoile du Ciel ! »

262.5

Ils reviennent dans la grande pièce où les apôtres fatigués dorment d’un lourd sommeil, sauf Judas qui paraît être sur des charbons ardents.

« Tu voulais me voir, Judas ? demande Jésus.

– Non, Maître, mais je n’arrive pas à dormir et je voudrais sortir un peu.

– Qui t’en empêche ? Je sors, moi aussi. Je monte sur ce petit coteau. Il est tout ombragé… Je me reposerai en priant. Veux-tu venir avec moi ?

– Non, Maître. Je te dérangerais car je ne suis pas en état de prier. Peut-être… peut-être que je ne me sens pas bien et cela me trouble…

– Reste, alors. Je ne force personne. Adieu. Adieu, femmes. Mère, quand Jean d’En-Dor se réveillera, envoie-le-moi, tout seul.

– Oui, mon Fils. Que la paix soit avec toi. »

Jésus sort. Marie et Suzanne se penchent pour regarder l’é­toffe sur le métier. Marie s’assied, les mains sur les genoux, un peu courbée. Peut-être prie-t-elle, elle aussi. Marie, femme d’Alphée, se lasse vite de regarder le travail. Elle s’assied dans le coin le plus sombre et s’endort rapidement. Suzanne pense bien faire de l’imiter.

Restent éveillés Marie et Judas. L’une toute recueillie en elle-même, l’autre qui la regarde, les yeux bien ouverts sans jamais la perdre de vue. Finalement, il se lève et s’approche d’elle lentement, sans faire de bruit. Je ne sais pourquoi, mais malgré son indéniable beauté, il me fait penser à un félin ou un serpent qui s’approche de sa proie. Peut-être est-ce l’antipathie que j’éprouve pour lui qui me rend sournois et cruel ne serait-ce que son pas… Il appelle à voix basse :

« Marie !

– Que veux-tu de moi, Judas ? demande doucement Marie en portant sur lui un regard très doux.

– Je voudrais te parler…

– Parle. Je t’écoute.

– Pas ici… Je ne voudrais pas qu’on m’entende… Ne pourrais-tu sortir un peu, là dehors ? Là aussi, il y a de l’ombre…

– Allons-y. Mais, tu vois… Tout le monde dort… Tu pouvais aussi bien parler ici » dit la Vierge.

Elle se lève pourtant, sort la première et s’adosse à la haute haie fleurie.

« Que veux-tu de moi, Judas ? » demande-t-elle de nouveau en fixant d’un regard pénétrant l’apôtre qui se trouble un peu et semble avoir du mal à trouver les mots.

« Tu te sens mal ? Ou bien tu as fait du mal et tu ne sais comment le dire ? Ou encore tu te sens sur le point de mal agir et il t’est pénible d’avouer que tu es tenté ? Parle, mon fils. Comme j’ai soigné ton corps, je soignerai ton âme. Dis-moi ce qui te trouble et, si je peux, je te rendrai la sérénité. Si je ne le peux toute seule, je le dirai à Jésus. Même si tu avais beaucoup péché, lui te pardonnera si je lui demande pardon pour toi. Vraiment, Jésus aussi te pardonnerait immédiatement… Mais peut-être as-tu honte de t’adresser à lui, le Maître. Moi, je suis une mère… Tu n’as pas honte de t’adresser à moi…

– En effet, je n’éprouve pas de honte parce que tu es mère et tellement bonne. Tu es vraiment la paix parmi nous.

262.6

Moi… moi, je me sens très troublé. J’ai un très mauvais caractère, Marie. Je ne sais ce que j’ai dans le sang et dans le cœur… De temps en temps, je ne sais plus leur commander… et alors je ferais les choses les plus étranges… et les plus mauvaises.

– Même avec Jésus tout près, tu ne réussis plus à résister à celui qui te tente ?

– Même à ce moment-là. Et j’en souffre, crois-le. Mais c’est ainsi. Je suis un malheureux.

– Je prierai pour toi, Judas.

– Cela ne suffit pas.

– Je ferai prier sans dire pour qui est la prière que je demande aux justes.

– Ce n’est pas suffisant.

– Je ferai prier les enfants. Il y en a tant qui viennent chez moi, dans mon jardin, comme des oiseaux qui cherchent du grain. Et le grain, ce sont les caresses et les paroles que je leur donne. Je parle de Dieu… Et eux, ces innocents, préfèrent cela aux jeux et aux histoires. La prière des enfants est agréable au Seigneur.

– Jamais autant que la tienne, mais cela ne suffit pas encore.

– Je dirai à Jésus de prier le Père pour toi.

– Cela ne suffira pas encore.

– Mais il n’y a rien de plus que cela ! La prière de Jésus triomphe même des démons…

– Oui, mais Jésus ne priera pas toujours et j’en reviendrai à être moi… Jésus ne cesse de le dire, il s’en ira un jour. Je dois penser au moment où je serai sans lui. Jésus veut maintenant nous envoyer évangéliser. J’ai peur de m’en aller avec cet ennemi que je suis à moi-même, pour répandre la parole de Dieu. Je voudrais être formé pour cette heure.

– Mais, mon enfant, si Jésus lui-même n’y réussit pas, qui veux-tu qui le puisse ?

– Toi, Mère ! Permets-moi de rester un peu de temps avec toi. Les païens et les courtisanes y sont restés. Je peux y rester, moi aussi. Si tu ne veux pas que je reste pendant la nuit là où tu vis, j’irai coucher chez Alphée ou chez Marie, femme de Cléophas, mais je passerai la journée avec toi, avec les enfants. Les autres fois, j’ai essayé d’agir par moi-même et cela a été pire. Si je vais à Jérusalem, j’ai trop d’amis mauvais, et dans les conditions où je me trouve, quand cela me prend, je deviens leur jouet… Si je vais dans une autre ville, c’est la même chose. La tentation de la route m’enflamme en même temps que celle que j’ai déjà. Si je vais à Kérioth, chez ma mère, l’orgueil me rend esclave. Si je pars dans la solitude, le silence me déchire par les voix de Satan. Mais chez toi… chez toi, je sens que ce sera différent… Permets-moi de venir ! Demande à Jésus de me l’accorder ! Veux-tu que je me perde ? As-tu peur de moi ? Tu me regardes avec le regard d’une gazelle blessée qui n’a plus la force de fuir devant ses assaillants. Mais je ne t’offenserai pas. J’ai une mère, moi aussi… et je t’aime plus que ma mère. Aie pitié d’un pécheur, Marie ! Vois : je pleure à tes pieds… Si tu me repousses, ce peut être ma mort spirituelle… »

Judas pleure réellement aux pieds de Marie, qui le regarde d’un regard de pitié et d’angoisse mêlées de peur.

Elle est très pâle. Elle fait toutefois un pas en avant car elle s’était presque enfoncée dans la haie pour fuir Judas qui s’approchait trop, et elle pose la main sur les cheveux bruns de Judas.

« Tais-toi ! Qu’on ne t’entende pas. Je parlerai à Jésus et, si lui le veut… tu viendras chez moi. Je ne me soucie pas du jugement du monde. Il ne blesse pas mon âme et ce serait seulement d’être coupable, moi, envers Dieu, qui me ferait horreur. La calomnie me laisse indifférente. Mais je ne serai pas calomniée parce que Nazareth sait que sa fille n’est pas objet de scandale pour sa ville. Et puis, advienne que pourra, je tiens à ce que tu te sauves spirituellement. Je vais trouver Jésus. Reste en paix. »

Elle s’enveloppe dans son voile, blanc comme son vêtement, et s’engage rapidement dans le sentier qui mène à un petit coteau couvert d’oliviers.

262.7

Elle cherche son Jésus et le trouve absorbé dans une méditation profonde.

« Mon Fils, c’est moi… Ecoute-moi !

– Oh, Maman ! Tu viens prier avec moi ? Quelle joie, quel soulagement tu me donnes !

– Quoi, mon Fils ? Tu es fatigué spirituellement ? Triste ? Dis-le à ta Mère !

– Fatigué, tu l’as dit, et affligé. Moins à cause de la fatigue et des misères que je vois dans les cœurs, que de voir que mes amis ne changent pas. Mais je ne veux pas me montrer injuste envers eux. Un seul m’afflige et c’est Judas…

– Mon Fils, je venais t’en parler…

– Il a fait du mal ? Il t’a fait souffrir ?

– Non. Mais il m’a fait la peine que j’aurais en voyant quelqu’un de très infecté… Pauvre enfant ! Comme son âme est malade !

– Et tu en as pitié ? Tu n’en as plus peur ? Autrefois, tu en avais peur…

– Mon Fils, ma pitié est encore plus grande que ma peur. Et je voudrais t’aider, toi et lui, à sauver son âme. Tu peux tout, et tu n’as pas besoin de moi. Mais tu dis que tous doivent coopérer au rachat avec le Christ … or ce fils-là a tellement besoin de rédemption !

– Que dois-je faire de plus pour lui ?

– Toi, tu ne peux pas faire davantage, mais tu pourrais me laisser faire. Il m’a prié de lui permettre de faire un séjour chez nous, car il lui semble que, là-bas, il pourra se délivrer de son monstre… Tu secoues la tête ? Tu ne veux pas ? Je le lui dirai…

– Non, Maman. Ce n’est pas que je ne le veuille pas. Je secoue la tête parce que je sais que c’est inutile. Judas ressemble à un homme qui se noie, mais qui a beau s’en rendre compte, il repousse par orgueil la corde qu’on lui envoie pour le ramener à la rive. Il lui manque la volonté d’atteindre le rivage. Parfois, pris par la terreur de se noyer, il cherche et appelle à l’aide, il s’y cramponne… et puis, repris par l’orgueil, il lâche la corde, la repousse, veut se tirer d’affaire tout seul… et il s’enfonce toujours plus dans l’eau boueuse qui l’engloutit. Mais pour qu’on ne dise pas que j’ai laissé un remède sans l’essayer, faisons encore cet essai, pauvre Maman… Oui, pauvre Maman qui te soumets, pour l’amour d’une âme, à la souffrance d’avoir auprès de toi… quelqu’un qui te fait peur.

– Non, Jésus. Ne dis pas cela. Je suis une pauvre femme car je suis encore sujette aux antipathies. Reproche-le-moi. Je le mérite. Je ne devrais éprouver de répulsion pour personne, par amour pour toi. Mais je ne suis pas pauvre pour autre chose. Ah ! Si je pouvais te rendre Judas spirituellement guéri ! Te donner une âme, c’est te donner un trésor, et qui donne des trésors n’est pas pauvre. Mon Fils !… Je vais annoncer à Judas que oui, tu le permets ? Tu l’as dit[2] : “ Il viendra un temps où tu diras : ‘ Comme il est difficile d’être la Mère du Rédempteur. ’ ” Je l’ai déjà dit une fois… pour Aglaé… Mais qu’est-ce donc qu’une seule fois ? L’humanité est si nombreuse ! Et tu es le Rédempteur de tous. Mon Fils !… Mon Fils !… Comme j’ai tenu le bébé dans mes bras pour que tu lui donnes ta bénédiction, laisse-moi prendre Judas dans mes bras pour l’amener à ta bénédiction…

– Maman… Maman, il ne te mérite pas…

– Mon Jésus, quand tu hésitais à donner Marziam à Pierre, je t’ai dit que cela allait l’épanouir. Tu ne peux nier que Pierre est devenu un autre homme, depuis ce moment… Laisse-moi faire avec Judas.

– Comme tu veux ! Et sois bénie pour ton intention d’amour envers moi et envers Judas ! Maintenant, prions ensemble, Maman. Il est si doux de prier avec toi !… »

262.8

…Le crépuscule est à peine commencé quand je les vois partir de la maison qui les a reçus.

Jean d’En-Dor et Hermastée font leurs adieux à Jésus aussitôt après avoir atteint la route. De son côté, Marie, accompagnée des femmes, poursuit sa route avec son Fils à travers les oliviers des collines. Ils parlent, naturellement, des événements du jour.

Pierre lance :

« Un beau fou, ce Philippe ! Il allait presque renier sa femme et sa fille si tu ne lui avais pas fait entendre raison.

– Espérons toutefois qu’il gardera son actuel repentir et qu’il ne sera pas repris aussitôt par la manie de déprécier les femmes. Au fond…, c’est grâce aux femmes que le monde progresse » dit Thomas.

Plusieurs rient de la sortie.

« Bien sûr, c’est vrai. Mais elles sont plus impures que nous et…, répond Barthélemy.

– Allons ! Pour ce qui est de l’impureté !… Nous aussi, nous ne sommes pas des anges. Voilà, je voudrais savoir si, après la Rédemption, ce sera toujours la même chose pour la femme. Nous apprenons à honorer notre mère, à avoir le plus grand respect pour nos sœurs, filles, tantes, belles-filles, belles-sœurs, et puis… anathème par-ci, anathème par-là ! Au Temple, pas question. Les fréquenter souvent, non… C’est Eve qui a péché ? D’accord. Mais Adam aussi. Dieu a donné à Eve sa punition, et elle est bien sévère. N’est-ce pas assez ?

– Mais, Thomas ! Même Moïse considère la femme comme impure.

– Or, sans les femmes, il serait mort noyé… Mais écoute, Barthélemy, je te rappelle, bien que je ne sois pas un sage comme toi, mais seulement un orfèvre, que Moïse parle des impuretés corporelles de la femme pour qu’on la respecte, pas pour jeter sur elle l’anathème. »

262.9

La discussion s’anime. Jésus, qui était à l’avant – avec les femmes, justement, et aussi Jean et Judas –, s’arrête, se retourne et intervient :

« Dieu avait devant lui un peuple moralement et spirituellement informe, contaminé par les contacts avec les idolâtres. Il voulait en faire un peuple fort, physiquement et spirituellement. Il donna comme préceptes des normes salutaires à la robustesse physique, salutaires aussi à l’honnêteté des mœurs. Il ne pouvait faire autrement pour freiner les passions masculines, afin que les péchés, pour lesquels la terre fut submergée[3] et Sodome et Gomorrhe brûlées, ne se répètent pas. Mais, à l’avenir, la femme rachetée ne sera pas aussi opprimée qu’elle l’est maintenant. Il restera les interdictions concernant la prudence physique, mais les obstacles qui l’empêchent de venir au Seigneur seront levés. Moi, je les supprime déjà pour préparer les premières prêtresses de l’avenir.

– Oh ! Il y aura des femmes prêtres ? demande Philippe, stupéfait.

– Ne vous méprenez pas. Elles n’auront pas le sacerdoce des hommes, elles ne consacreront pas et n’administreront pas les dons de Dieu, ces dons que vous ne pouvez maintenant connaître. Mais elles appartiendront quand même à la classe sacerdotale en coopérant avec le prêtre au bien des âmes, de multiples façons.

– Elles prêcheront ? demande Barthélemy, incrédule.

– Comme ma Mère le fait déjà.

– Et elles feront des pèlerinages apostoliques ? demande Matthieu.

– Oui, en portant au loin la foi et, je dois le dire, avec encore plus d’héroïsme que les hommes.

– Feront-elles des miracles ? demande Judas en riant.

– Certaines feront aussi des miracles. Mais ne vous basez pas sur le miracle comme si c’était l’essentiel. Ces femmes saintes accompliront aussi beaucoup de miracles de conversions par la prière.

– Hum ! Les femmes, prier au point de faire des miracles ! Marmonne Nathanaël.

– Ne sois pas borné comme un scribe, Barthélemy. Selon toi, qu’est la prière ?

– S’adresser à Dieu avec les formules que nous connaissons.

– Davantage encore. La prière, c’est la conversation du cœur avec Dieu et elle devrait être l’état habituel de l’homme. La femme, de par sa vie plus retirée que la nôtre et par ses facultés affectives plus fortes que les nôtres, est portée plus que nous à cette conversation avec Dieu. Elle y trouve un réconfort pour ses peines, un soulagement pour ses fatigues, qui ne sont pas seulement celles du ménage et des enfantements, mais aussi celles de nous supporter, nous les hommes ; elle y trouve ce qui sèche les larmes et ramène un sourire au cœur. Car elle sait parler avec Dieu, et le saura plus encore à l’avenir. Les hommes seront les géants de l’enseignement, les femmes seront toujours celles qui, par leurs prières, soutiennent les géants et même le monde, car beaucoup de malheurs seront évités grâce à leurs prières et beaucoup de châtiments conjurés. Elles accompliront donc des miracles, invisibles la plupart du temps et connus de Dieu seul, mais tout aussi réels.

262.10

– Toi aussi, tu as fait aujourd’hui un miracle invisible et pourtant réel, n’est-ce pas, Maître ? demande Jude.

– Oui, mon frère.

– Il aurait été préférable qu’il soit visible, remarque Philippe.

– Voulais-tu que je change la petite fille en garçon ? Le mi­racle, en réalité, est une altération des choses qui sont fixées, un désordre bénéfique par conséquent, que Dieu accorde pour consentir à la prière de l’homme, pour lui montrer qu’il l’aime ou le persuader qu’il est Celui qui est. Mais étant donné que Dieu est ordre, il ne viole pas l’ordre exagérément. La fillette est née femme et elle reste femme.

– J’étais tellement affligée ce matin ! Soupire la Vierge.

– Pourquoi ? La fillette mal-aimée n’était pas la tienne » dit Suzanne, avant d’ajouter : « Moi, quand je vois quelque malheur chez un enfant, je dis : “ Heureusement pour moi, je n’en ai pas ! ”

– Ne dis pas cela, Suzanne ! Ce n’est pas charitable. Moi aussi, je pourrais le dire car mon unique Maternité dépassait les lois naturelles. Mais je ne le fais pas, car je pense toujours : “ Si Dieu ne m’avait pas voulue vierge, peut-être que cette semence serait tombée en moi, et je serais la mère de ce malheureux. ” Ainsi, j’ai pitié de tous… car je dis : “ Il aurait pu être mon fils ” et, comme mère, je les voudrais tous bons, en bonne santé, aimés et ai­mables, car c’est le désir de toute mère pour ses enfants » répond doucement Marie.

Jésus paraît la revêtir de lumière, tant il rayonne en la regardant.

« C’est pour cela que tu as pitié de moi…, dit Judas à mi-voix.

– De tous. Même s’il s’agissait de l’assassin de mon Fils, car je pense qu’il aurait le plus besoin de pardon… et d’amour. Car tout le monde le haïrait sûrement.

– Femme, tu devrais te donner beaucoup de mal à le défendre pour lui laisser le temps de se convertir… Moi, je commencerais par m’en débarrasser tout de suite…, conseille Pierre.

262.11

– Nous voici au lieu où nous nous séparons, Mère. Que Dieu soit avec toi. Et avec toi, Marie. Et aussi avec toi, Judas. »

Ils s’embrassent et Jésus ajoute :

« Souviens-toi que je t’ai accordé une grande faveur, Judas. Fais-en un bien, pas un mal. Adieu. »

Et Jésus se dirige rapidement vers l’orient avec les onze disciples restants et Suzanne, tandis que Marie, sa belle-sœur et Judas continuent tout droit.

262.1

In un sali-scendi di colline sulle quali si snoda la via che conduce a Nazaret, approfittando delle ombre degli uliveti, e dei frutteti in genere, sparsi in questa regione fertile e coltivata, Gesù torna verso Nazaret.

Arrivato però al crocicchio dove si interseca la via per Tolemaide, si ferma e dice: «Sostiamo presso questa casa dove già ho sostato altre volte, prendiamo il nostro ristoro e, mentre il sole fa il suo cammino, stiamo uniti prima di separarci di nuovo. Noi andando verso Tiberiade, mia Madre e Maria a Nazaret, e Giovanni con Ermasteo a Sicaminom».

Si dirigono attraverso un uliveto ad una casa di contadini larga e bassa, infiocchettata dall’immancabile fico e inghirlandata dai festoni di una vite che corre su per la scaletta per poi stendere i suoi rami sulla terrazza.

«La pace sia con voi. Sono qui nuovamente».

«Vieni, Maestro. Sempre benvenuta è la tua presenza. Dio ti renda la pace, a Te e ai tuoi», risponde un uomo vecchiotto che traversava la corte con una bracciata di fascine. E poi chiama:

«Sara! Sara! C’è il Maestro con i suoi discepoli. Aggiungi farina al tuo pane!».

Esce da una stanza una donna tutta imbiancata dalla farina che certo setacciava, perché ha ancora in mano il setaccio col cruschello dentro, e si inginocchia sorridendo davanti a Gesù.

«La pace a te, donna. Ti ho accompagnato la Madre come ti avevo promesso. Eccola. E questa è sua cognata, madre di Giacomo e Giuda. Dove sono Dina e Filippo?».

La donna, dopo aver salutato le due Marie, risponde: «Dina ha avuto ieri la sua terza bambina. Siamo un poco tristi perché non ci è dato di avere un nipote. Ma anche contenti, non è vero, Matatia?».

«Sì, perché è una bella bambina ed è sempre il nostro sangue. Te la mostreremo. Filippo è andato a riprendere Anna e Noemi dai vecchi suoi. Ma presto sarà di ritorno».

La donna torna al suo pane mentre l’uomo, deposte le fascine nel forno, si occupa degli ospiti, dando loro sedili e latte appena munto per chi lo vuole, frutta e ulive per chi le preferisce.

262.2

La stanza terrena è fresca e ombrosa, così ampia come è e aperta sul davanti e sul dietro della casa, con le due porte ombreggiate una dal potente fico, l’altra da un’alta siepe di fiori stellari, specie di girasoli nella forma ma meno giganteschi di questi nella corolla. Una luce smeraldina entra così nel camerone, con grande sollievo degli occhi stanchi dal molto sole. Panche e tavoli sono nella grande stanza, che è forse quella dove le donne filano e tessono e gli uomini aggiustano gli arnesi agricoli oppure ricoverano le provviste di farine e di frutta, come lo fanno pensare dei travicelli irti di ganci e delle tavole messe su mensoloni oltre delle lunghe cassepanche lungo le pareti. Dei fioccosi capecchi di lino o canapa sembrano trecce disciolte lungo il muro scialbato a calcina e un tessuto rosso fuoco, steso su un telaio rimasto scoperto, sembra rallegrare tutto l’ambiente col suo colore ridente e pomposo.

Torna la padrona di casa che ha finito il suo panificare e domanda agli ospiti se vogliono vedere la neonata.

Gesù risponde: «La benedirò certamente».

Maria invece si alza e dice: «Vengo a salutare la madre».

Escono tutte le donne.

«Si sta bene qui», dice Bartolomeo che è visibilmente molto stanco.

«Sì. C’è ombra e silenzio. Finiremo col dormire», conferma Pietro già mezzo insonnolito.

«Fra tre giorni saremo per molto tempo nelle nostre case. Vi riposerete perché andrete evangelizzando nelle immediate vicinanze», dice Gesù.

«E Tu?».

«Io starò fermo a Cafarnao quasi sempre con soste a Betsaida. Ed evangelizzerò quanti mi raggiungono lì. Poi, venuta la luna di tisri, riprenderemo ad andare. Alla sera, intanto, continuerò a migliorarvi…».

Gesù tace perché vede che il sonno rende inutili le sue parole. Sorride scuotendo il capo nel rimirare questa accolta di persone che la fatica ha sopraffatto e che in pose più o meno comode se la dorme. Il silenzio della casa e della campagna assolata è completo. Sembra un posto incantato. Gesù si fa sulla porta, presso la siepe dei fiori, e guarda, attraverso i rami, i dolci colli galilei tutti grigi di ulivi immobili.

262.3

Uno scalpiccio leggero, unito ad uno stridolino incerto di neonato, suona sulla sua testa. E Gesù alza il volto, sorridendo a sua Madre che scende portando sulle braccia un fagottino bianco dal quale emergono tre cosette rosee: una testolina e due pugnelli che annaspano.

«Guarda, Gesù, che bella bambina! Assomiglia un poco a Te quando avevi un giorno. Eri così biondo, tanto da parere senza capelli se non fossero stati fin d’allora sollevati in ricciolini lievi come un fiocco di nube, ed eri così come una rosa nel colore. E, guarda, guarda, ora che apre gli occhietti in quest’ombra e cerca il capezzolo, ha i tuoi occhi azzurro scuri… Oh! cara! Ma io non ce l’ho il latte, piccolina, rosellina, tortorina mia!», e la Madonna cuna la piccola, che calma il suo vagito in un gorgoglio proprio di tortorina e si addormenta.

«Mamma, facevi così anche con Me?», chiede Gesù che osserva sua Madre cullare la piccina, stando con la guancia appoggiata alla testolina bionda.

«Sì, Figlio. Ma a Te dicevo “agnellino mio”. È bella, non è vero?».

«Molto bella e robusta. La madre può esserne felice», conferma Gesù, curvo anche Lui ad osservare il sonno dell’innocente.

«Invece non lo è… Il marito è irritato perché tutti i figli sono femmine. È vero che coi campi che abbiamo sono meglio i maschi. Ma la nostra figlia non ne ha colpa…», sospira la padrona di casa, sopraggiunta.

«Sono giovani. Si amino e avranno anche maschi», dice sicuro il Signore.

262.4

«Ecco Filippo… Ora si farà scuro…», mormora turbata la donna. E più forte dice: «Filippo, c’è il Rabbi di Nazaret».

«Molto lieto di vederlo. Pace a Te, Maestro».

«E a te, Filippo. Ho visto la tua bella bambina. Anzi la sto ancora guardando perché è degna di lode. Dio ti benedice con bambini belli, sani e buoni. Gli devi essere molto grato… Non rispondi? Sembri crucciato…».

«Speravo fosse un maschio, io!».

«Non vorrai già dirmi che sei ingiusto accusando l’innocente di essere femmina, e tanto meno essere duro con la tua sposa?», chiede severo Gesù.

«Volevo un maschio io! Per il Signore e per me!», esclama risentito Filippo.

«Ed è con una ingiustizia ed una ribellione che credi di ottenerlo? Hai letto forse nel pensiero di Dio? Sei da più di Lui per dirgli: “Fa’ così perché ciò è giusto?”. Questa donna mia discepola non ha figli, ad esempio. Ed è giunta a dirmi: “Benedico la mia sterilità che mi dà ali per seguirti”. E questa, madre di quattro maschi, anela che tutti e quattro siano non più suoi. È vero, Susanna e Maria? Le senti? E tu, sposato da pochi anni ad una donna feconda, benedetto da tre bocci di rose che chiedono il tuo amore, sei sdegnato? Con chi? Perché? Non lo vuoi dire? Lo dico Io: perché sei un egoista. Deponi subito il tuo rancore. Apri le braccia a questa creatura nata dal tuo seme ed amala. Avanti! Prendila!», e Gesù prende il fagottino di lini e lo depone nelle braccia del giovane padre. Gesù riprende a parlare: «Vai da tua moglie che piange e dille che tu l’ami. O Dio veramente non ti darà mai più un maschio. Io te lo dico. Vai!…».

L’uomo sale nella camera dove è la sposa.

«Grazie, Maestro!», sussurra la suocera. «Egli da ieri era molto crudele…».

L’uomo ridiscende dopo qualche minuto e dice: «L’ho fatto, Signore. La donna ti ringrazia. E dice di chiederti il nome della piccina, perché… perché io avevo destinato a lei un nome troppo brutto nel mio odio ingiusto…».

«Chiamala Maria. Ha bevuto il pianto amaro insieme alla prima goccia di latte, amaro esso pure per la tua durezza; può chiamarsi Maria, e Maria l’amerà. Non è vero, Madre?».

«Sì, povera piccolina. È tanto graziosa. E sarà certo buona divenendo una stellina del Cielo».

262.5

Tornano nello stanzone dove gli apostoli stanchi dormono pesantemente, meno l’Iscariota che pare sulle spine.

«Mi volevi, Giuda?», chiede Gesù.

«No, Maestro, ma non riesco a dormire e vorrei uscire un poco».

«Chi te lo vieta? Io pure esco. Salgo su quel poggetto. C’è tutt’ombra… Riposerò pregando. Vuoi venire con Me?».

«No, Maestro. Ti darei disturbo perché non sono in condizione di pregare. Forse… forse non mi sento bene e ciò mi turba…».

«Resta, allora. Non forzo nessuno. Addio. Addio, donne.

Madre, quando Giovanni di Endor si sveglia lo mandi da Me, e da solo».

«Sì, Figlio. La pace sia con Te».

Gesù esce, Maria e Susanna si chinano ad osservare la stoffa sul telaio. Maria si siede con le mani in grembo, stando un poco curva. Forse prega Lei pure. Maria di Alfeo presto si stanca di osservare il lavoro. Si siede nell’angolo più buio e presto dorme. Susanna pensa bene di imitarla.

Restano svegli Maria e Giuda. L’una tutta raccolta in se stessa. L’altro che la guarda ad occhi ben aperti non perdendola mai di vista. Infine si alza e le si avvicina lentamente senza fare rumore. Non so perché, ma nonostante la sua indiscutibile bellezza mi fa pensare ad un felino o ad un serpente che si avvicini alla preda. Forse è l’antipatia che ho per lui, che mi fa vedere subdolo e crudele anche il suo passo… Chiama sottovoce: «Maria!».

«Che vuoi da me, Giuda?», chiede dolcemente Maria, e lo guarda col suo occhio dolcissimo.

«Vorrei parlarti…».

«Parla. Ti ascolto».

«Non qui… Non vorrei essere sentito… Non usciresti un poco lì fuori? C’è ombra anche lì…».

«Andiamo pure. Ma tu vedi… Dormono tutti… potevi parlare anche qui», dice la Vergine. Però si alza ed esce per la prima, addossandosi all’alta siepe di fiori.

«Che vuoi da me, Giuda?», torna a chiedere fissando acutamente l’apostolo, che si turba un poco e pare stenti a trovare le parole. «Ti senti male? O hai fatto del male e non sai come dirlo? O anche ti senti in procinto di fare del male e ti pesa confessarti tentato? Parla, figlio. Come ti ho curato la carne, ti curerò l’anima. Dimmi quello che ti turba, ed io se potrò ti rasserenerò. Se non potrò da sola, lo dirò a Gesù. Anche tu avessi molto peccato, Egli ti perdonerà se io chiedo perdono per te. Veramente anche Gesù ti perdonerebbe subito… Ma forse di Lui, Maestro, ti vergogni. Io sono una mamma… Non faccio vergogna…».

«Sì. Non fai vergogna perché sei madre e buona tanto. Sei veramente la pace fra di noi.

262.6

Io… io mi sento molto turbato. Ho un pessimo carattere, Maria. Io non so cosa ho nel sangue e nel cuore… Ogni tanto io non so più comandare ad essi… e allora farei le cose più strane… e più cattive».

«Anche con Gesù vicino non riesci più a resistere a chi ti tenta?».

«Anche. E ne soffro, credilo. Ma così è. Sono un infelice».

«Pregherò per te, Giuda».

«Non basta».

«Farò pregare senza dire per chi è la preghiera che chiedo ai giusti».

«Non basta».

«Farò pregare i bambini. Ce ne sono tanti che vengono da me, nel mio orto, come uccellini in cerca di grano. E il grano sono le carezze e le parole che do loro. Parlo di Dio… Ed essi, innocenti, preferiscono questo ai giuochi e alle favole. La preghiera dei bambini è grata al Signore».

«Mai quanto la tua. Ma non basta ancora».

«Dirò a Gesù di pregare il Padre per te».

«Non basta ancora».

«Ma più di così non c’è! La preghiera di Gesù vince anche i demoni…».

«Sì. Ma Gesù non pregherebbe sempre. E io tornerei ad essere io… Gesù, sempre lo dice, se ne andrà un giorno. Io devo pensare a quando sarò senza di Lui. Gesù ora ci vuole mandare ad evangelizzare. Io ho paura ad andare con questo mio nemico, che sono io stesso, a spargere la parola di Dio. Io vorrei essermi formato per quest’ora».

«Ma, figlio mio, se neppure Gesù ci riesce, chi vuoi che possa?».

«Tu, Madre! Lasciami stare un poco di tempo con te. Ci sono stati i pagani e le meretrici. Posso starci io pure. Se non vuoi che io stia dove tu vivi, nella notte, andrò a dormire da Alfeo o da Maria Cleofa, ma il giorno lo passerò con te, con i bambini. Le altre volte ho cercato di fare da me e ho fatto peggio. Se vado a Gerusalemme ho troppi amici malvagi, e nelle condizioni in cui sono quando mi prende questa cosa divento il loro zimbello… Se vado in altra città è uguale. La tentazione della via mi si accende insieme a questa che già ho. Se vado a Keriot, presso mia madre, la superbia mi fa schiavo. Se vado in solitudine, il silenzio mi dilania con le voci di Satana. Ma da te… oh! da te sento che sarà diverso!… Lasciami venire! Dillo a Gesù che me lo conceda! Vuoi tu che io mi perda? Hai paura di me? Mi guardi con lo sguardo di una gazzella ferita e che non ha più la forza di fuggire i suoi assalitori. Ma io non ti farò offesa. Ho una madre anche io… e ti amo più di mia madre. Abbi pietà di un peccatore, Maria! Guarda, piango ai tuoi piedi… Se tu mi respingi, può essere la mia morte spirituale…», e Giuda piange proprio ai piedi di Maria, che lo guarda con uno sguardo di pietà e di angoscia misto a paura.

È pallidissima. Ma pure fa un passo avanti, perché si era quasi sprofondata nella siepe per sfuggire Giuda che le si avvicinava troppo, e mette una mano sui capelli bruni dell’Iscariota. «Taci! Che non ti sentano. Parlerò a Gesù. E se Egli vorrà… verrai nella mia casa. Del giudizio del mondo non mi curo. Non lede l’anima mia. E solo di essere colpevole io verso Dio avrei orrore. La calunnia mi lascia indifferente. Ma non sarò calunniata perché Nazaret sa che la sua figlia non è scandalo alla sua città. E poi, avvenga ciò che vuole, mi preme che tu ti salvi nel tuo spirito. Vado da Gesù. Sta’ in pace». E si avvolge nel suo velo, bianco come la veste, e va svelta per il sentiero che porta ad un poggetto coperto di ulivi.

262.7

Cerca il suo Gesù e lo trova assorto in meditazione profonda.

«Figlio, sono io… Ascoltami!».

«Oh! Mamma! Vieni a pregare con Me? Che gioia, che sollievo mi dai!».

«Che, Figlio mio? Sei affaticato nello spirito? Triste? Dillo alla tua Mamma!».

«Affaticato, lo hai detto, e afflitto. Non tanto per la fatica e le miserie che vedo nei cuori, quanto per l’immutabilità di quelli che sono i miei amici. Ma non voglio essere ingiusto con loro. Uno solo mi affatica. Ed è Giuda di Simone…».

«Figlio, di lui venivo a parlarti…».

«Ha fatto del male? Ti ha dato dolore?».

«No. Ma mi ha fatto la pena che avrei vedendo uno molto infetto… Povero figlio! Quanto è malato nel suo spirito!».

«E tu ne hai pietà? Non ne hai più paura? Un tempo l’avevi…».

«Figlio mio, la mia pietà è ancora più grande della mia paura. E vorrei aiutare Te e lui a salvare il suo spirito. Tu tutto puoi e non hai bisogno di me. Ma Tu dici che tutti devono cooperare col Cristo nel redimere… e questo figlio è così bisognoso di redenzione!».

«Che devo fare più che non faccia per lui?».

«Tu non puoi fare di più. Ma potresti lasciarmi fare. Egli mi ha pregata di lasciarlo sostare nella nostra casa, perché gli pare che là potrà liberarsi dal suo mostro… Tu scuoti il capo?

Non vuoi? Glielo dirò…».

«No, Mamma. Non è che non voglia. Scuoto il capo perché so che è inutile. Giuda è come uno che affoga e che, nonostante senta di affogare, respinge per orgoglio la fune gettatagli per trarlo a riva. Manca in lui la volontà di venire a riva. Ogni tanto, preso dal terrore di affogare, cerca e invoca l’aiuto, ci si attacca… e poi, ripreso dall’orgoglio, lascia l’aiuto, lo respinge, vuol fare da sé… e sempre più si appesantisce per l’acqua melmosa che inghiotte. Ma perché non si dica che ho lasciato intentato un rimedio, si faccia anche questo, povera Mamma… Sì, povera Mamma che ti sottoponi, per amore di un’anima, alla sofferenza di avere vicino… uno che ti fa paura».

«No, Gesù. Non lo dire. Io sono una povera donna perché sono ancora soggetta ad antipatie. Rimproverami. Lo merito. Non dovrei avere ribrezzo di nessuno, per tuo amore. Ma non per altro sono povera. Oh! potessi renderti Giuda spiritualmente guarito! Darti un’anima è darti un tesoro. E chi dà tesori non è povero, Figlio!… Vado a dire a Giuda che sì, che Tu concedi? Tu lo hai detto[1]: “Verrà un tempo che tu dirai: ‘Come è difficile essere la Madre del Redentore’”. Una volta già l’ho detto… per Aglae… Ma cosa è mai una volta? L’umanità è tanta! E Tu di tutti sei Redentore. Figlio!… Figlio!… Come ho tenuto fra le braccia la piccolina, per portarla alla tua benedizione, lascia che tenga nelle braccia Giuda, per portarlo alla tua benedizione…».

«Mamma… Mamma… Egli non ti merita…».

«Gesù mio, quando Tu titubavi a dare Marziam a Pietro io ti ho detto che ciò gli avrebbe giovato. Non puoi negare che Pietro si è rinnovato da quel momento… Lasciami fare con Giuda».

«E sia come tu vuoi! E che tu sia benedetta per la tua intenzione d’amore per Me e per Giuda! Ora preghiamo insieme, Mamma. È così dolce pregare con te!…»…

262.8

…È il tramonto appena iniziato quando rivedo la partenza dalla casa che li ha ospitati.

Giovanni di Endor con Ermasteo si accomiatano da Gesù subito dopo essere giunti sulla via. Maria con le donne prosegue invece insieme al Figlio per una via fra gli uliveti dei colli.

Parlano. E, naturalmente, dei fatti del giorno.

Pietro dice: «Un bel matto quel Filippo! A momenti rinnegava la moglie e la figlia se non ti mettevi a fargli capire la ragione».

«Speriamo però che duri nel pentimento attuale e non gli ripigli subito la mattana del dispregio verso le femmine. In fondo… è per le donne che il mondo va avanti», dice Tommaso, e molti ridono dell’uscita.

«Certo. È vero. Ma sono più immonde di noi e…», risponde Bartolomeo.

«Ma va! Riguardo a immondezza!… Anche noi non siamo degli angeli. Ecco, io vorrei sapere se dopo la Redenzione sarà sempre così per la donna. Ci insegnano ad onorare la madre, ad avere il massimo rispetto alle sorelle, alle figlie, alle zie, alle nuore, alle cognate e poi… anatema di qua, anatema di là! Nel Tempio no. Avvicinarle, molte volte, no… Ha peccato Eva? D’accordo. Ma ha peccato anche Adamo. Dio ha dato ad Eva il suo castigo ed è ben severo. Non basta?».

«Ma Toma! La donna è considerata impura anche da Mosè».

«Il quale senza le donne sarebbe morto affogato… Però, abbi pazienza, Bartolmai, però ti ricordo, anche che io non sia dotto come te, ma solo un battiloro, che Mosè cita le impurità carnali della donna perché noi la si rispetti, non per metterla all’anatema».

262.9

La discussione si accende.

Gesù, che era avanti, proprio con le donne e con Giovanni e Giuda Iscariota, si ferma e si volta, e interviene: «Dio aveva davanti un popolo moralmente e spiritualmente informe, contaminato da contatti con idolatri. Voleva di esso farne un popolo forte nel fisico e nello spirito. Dette come precetti le norme salutari alla robustezza fisica e salutari all’onestà dei costumi. Non poteva fare diversamente per frenare le cupidigie maschili, acciò i peccati per cui fu sommersa la Terra[2] e arsa Sodoma e Gomorra non si ripetessero. Ma nel tempo futuro la donna redenta non sarà così oppressa come lo è ora. Rimarranno i divieti di prudenza fisica, ma saranno levati gli ostacoli al suo venire al Signore. Io già li levo per preparare le prime sacerdotesse del tempo futuro».

«Oh! ci saranno le donne sacerdoti?!», chiede quasi sbalordito Filippo.

«Non mi fraintendete. Non saranno sacerdotesse come gli uomini, non consacreranno e non amministreranno i doni di Dio, quelli che voi non potete per ora sapere. Ma saranno della classe sacerdotale lo stesso, cooperando con i sacerdoti al bene delle anime, in molti modi».

«Predicheranno?», chiede incredulo Bartolomeo.

«Come già predica mia Madre».

«Faranno pellegrinaggi apostolici?», chiede Matteo.

«Sì. Portando la Fede molto lontano e, devo dirlo, con ancor più eroismo degli uomini».

«Faranno miracoli?», chiede ridendo l’Iscariota.

«Qualcuna farà anche miracoli. Ma non vi basate sul miracolo come sulla cosa essenziale. Esse, le donne sante, faranno anche molti miracoli di conversioni con la preghiera».

«Umh! le donne pregare al punto di fare miracoli!», borbotta Natanaele.

«Non essere chiuso come uno scriba, Bartolomeo. Secondo te cosa è la preghiera?».

«Il rivolgersi a Dio con le formule che sappiamo».

«Questo e più ancora. La preghiera è la conversazione del cuore con Dio e dovrebbe essere lo stato abituale dell’uomo. La donna, per la sua vita più ritirata della nostra e per la sua facoltà affettiva più forte della nostra, è portata a questa conversazione con Dio più di noi. In essa ella trova conforto ai suoi dolori, sollievo alle sue fatiche, che non sono solo quelle della casa e del generare, ma anche quelle di sopportare noi uomini; trova ciò che asciuga i suoi pianti e riconduce un sorriso nel cuore. Perché essa sa parlare con Dio e più ancora lo saprà in futuro. Gli uomini saranno i giganti della dottrina, le donne saranno sempre quelle che col loro orare sostengono i giganti e anche il mondo, perché molte sventure saranno evitate per le loro preghiere e molti castighi trattenuti. Perciò faranno miracolo, invisibile per lo più e conosciuto solo da Dio, ma non perciò irreale».

262.10

«Anche Tu oggi hai fatto un miracolo invisibile ma certo reale. Non è vero, Maestro?», chiede il Taddeo.

«Sì, fratello».

«Era meglio farlo visibile», osserva Filippo.

«Volevi che cambiassi la piccola in un pargolo? Il miracolo in realtà è una alterazione delle cose destinate, un benefico disordine, perciò, che Dio concede per acconsentire alla preghiera dell’uomo, onde mostrargli che lo ama, o persuadere che Egli è Colui che è. Ma dato che Dio è ordine, non viola in maniera esagerata l’ordine. La bambina è nata donna e donna resta».

«Ero così afflitta questa mattina!», sospira la Vergine.

«Perché? La bambina disamata non era tua», dice Susanna.

E aggiunge: «Io quando vedo qualche disgrazia in un fanciullo dico: “Buon per me che non ne ho!”».

«Non lo dire, Susanna! Non è carità. Io pure potrei dirlo, perché la mia unica Maternità è trascesa dalle leggi naturali. Ma non lo dico perché sempre penso: “Se Dio non mi avesse voluta vergine, forse quel seme sarebbe caduto in me, e madre sarei io di quest’infelice”, e così ho pietà di tutti… Perché dico: “Avrebbe potuto essere mio figlio”, e come madre vorrei tutti buoni, sani, amati e amabili, perché così desiderano le madri per i figli loro», risponde dolcemente Maria. E Gesù pare vestirla di luce tanto la guarda con occhio radioso.

«È per questo che hai pietà di me…», dice l’Iscariota sottovoce.

«Di tutti. Fosse anche dell’assassino del mio Figlio. Perché penso che sarebbe il più bisognoso di perdono… e di amore. Perché tutto il mondo lo odierebbe certamente».

«Donna, dovresti faticare molto a difenderlo per dargli tempo di convertirsi… Io lo leverei subito di mezzo, per il primo…», dice Pietro.

262.11

«Eccoci al luogo di commiato. Madre, Dio sia con te. E con te, Maria. E anche con te, Giuda». Si baciano e Gesù aggiunge ancora: «Ricordati che ti ho concesso una grande cosa, Giuda.

Fattene un bene e non un male. Addio».

E Gesù con gli undici rimasti e con Susanna vanno lesti verso oriente, mentre Maria, la cognata e l’Iscariota vanno diritti.


Notes

  1. amères : Jésus fait allusion à l’une des nombreuses significations du prénom Marie. Celle-ci part de la racine M(a)RR(a) ou MaRiRi, qui signifie “ amère ”.
  2. Tu l’as dit en 157.7 ; Je l’ai dit, en 168.9.
  3. la terre fut submergée, selon le récit de Gn 6, 5-22 ; 7. Sodome et Gomorrhe brûlées, comme on le voit en Gn 19, 1-29.

Note

  1. hai detto, in 157.7; l’ho detto, in 168.9.
  2. sommersa la Terra, come si narra in: Genesi 6, 5-22; 7; arsa Sodoma e Gomorra, come si narra in: Genesi 19, 1-29.