275.1
Jésus se trouve dans les plaines de Chorazeïn, le long de la vallée du haut Jourdain, entre le lac de Génésareth et le lac Mérom. C’est une campagne pleine de vignobles où déjà commencent les vendanges.
Il doit y être depuis quelques jours déjà car, ce matin, les disciples qui étaient à Sycaminon sont avec lui, et parmi eux, de nouveau Etienne et Hermas. Isaac s’excuse de n’avoir pu être là plus tôt, car, dit-il, il se demandait s’il était bien d’amener ou non avec lui les nouveaux venus et ces réflexions l’avaient retardé.
« Mais, ajoute-t-il, j’ai pensé que le chemin du Ciel est ouvert à tous les hommes de bonne volonté et il me semble que ceux-ci, bien que disciples de Gamaliel, le sont.
– Tu as bien dit et bien fait. Amène-les-moi ici. »
Isaac s’en va et revient avec les deux hommes.
« paix à vous. Est-ce que la parole des apôtres vous a semblé si vraie que vous vouliez vous y unir ?
– Oui, et la tienne davantage. Ne nous repousse pas, Maître.
– Pourquoi le devrais-je ?
– Parce que nous appartenons à Gamaliel.
– Et avec cela ? J’honore le grand Gamaliel et je voudrais qu’il soit avec moi, car il est digne d’y être. Il ne lui manque que cela pour faire de sa sagesse une perfection. Que vous a-t-il dit quand vous l’avez quitté ? Car vous l’avez certainement salué.
– Oui. Il nous a dit : “ Heureux êtes-vous de pouvoir croire. Priez pour que j’oublie pour pouvoir me souvenir. ” »
Curieux, les apôtres qui se serrent autour de Jésus, se regardent l’un l’autre et se demandent à voix basse :
« Qu’est-ce qu’il a voulu dire ? Que veut-il ? Oublier pour se souvenir ? »
Jésus entend ce chuchotement et explique :
« Il veut oublier sa propre sagesse pour prendre la mienne. Il veut oublier qu’il est le rabbi Gamaliel pour se rappeler qu’il est un fils d’Israël qui attend le Christ. Il veut s’oublier lui-même pour se rappeler la vérité.
– Ce n’est pas un menteur, Gamaliel, Maître, dit Hermas pour l’excuser.
– Non. Mais c’est le fatras des pauvres mots humains qui est mensonge. Les paroles qui remplacent la Parole, il faut les oublier, s’en dépouiller, venir nu et vierge à la vérité pour être revêtu et fécondé. Cela requiert de l’humilité. L’écueil…
– Alors, nous aussi, nous devons oublier ?
– Sans aucun doute. Oublier tout ce qui est d’ordre humain. Se rappeler tout ce qui est d’ordre divin. Venez, vous pouvez le faire.
– Nous voulons le faire, assure Hermas.
– Avez-vous déjà vécu la vie des disciples ?
– Oui, à partir du jour où nous avons appris le meurtre de Jean-Baptiste. La nouvelle est arrivée très vite à Jérusalem, apportée par des courtisans et des officiers d’Hérode. Sa mort nous a tirés de notre torpeur, répond Etienne.
– Le sang des martyrs est toujours vie pour ceux qui sont dans la torpeur. Rappelle-le-toi, Etienne.
– Oui, Maître.