The Writings of Maria Valtorta

294. La grosse obole laissée par le marchand.

294. The rich pouch left by the merchant.

294.1

La vénération de Misace se révèle le matin suivant. Pour les premiers kilomètres de route, il a fait arranger la charge des chameaux de manière à former un berceau commode pour les cavaliers inexperts. Et c’est assez amusant de voir émerger des paquets et des caisses, les têtes brunes ou blondes des hommes, aux cheveux longs jusqu’aux oreilles ou les tresses qui appa­raissent sous le voile des femmes. De temps à autre le vent, produit par la course accélérée des chameaux, rejette en arrière ces voiles et on voit briller au soleil les cheveux d’or de Marie de Magdala ou ceux d’un blond plus doux de la Vierge Marie, alors que les têtes de couleurs plus ou moins foncées de Jeanne, Syntica, Marthe, Marcelle, Suzanne et Sarah prennent des reflets d’indigo ou de bronze foncé, et que les têtes chenues d’Elise, de Salomé et de Marie, femme de Cléophas, saupoudrées d’argent, brillent sous le clair soleil qui les chauffe. Les hommes avancent bravement sur leur nouveau moyen de transport et Marziam rit de bonheur.

On s’aperçoit que l’explication du marchand est vraie quand, en se retournant, on voit tout en bas Bozra avec ses tours et ses hautes maisons dans le dédale de ses rues étroites. Des collines en pente douce se présentent au nord-ouest. C’est à leur base que passe la route pour Arbel, et c’est là que la caravane s’arrête pour faire descendre les voyageurs et se séparer. Les chameaux s’agenouillent avec leur charge mouvante, ce qui fait pousser des cris à plus d’une femme. Je m’aperçois maintenant que les femmes avaient été prudemment attachées à leurs selles. Elles descendent un peu étourdies par le roulis, mais reposées.

Misace descend lui aussi ; il avait pris Marziam en selle et, pendant que les chameliers refont les chargements suivant la méthode habituelle, il s’approche de Jésus pour une nouvelle salutation.

« Je te remercie, Misace. Tu nous as épargné beaucoup de fa­tigue et de perte de temps.

– Oui, on a fait vingt milles en une petite heure. Les chameaux ont de longues jambes, même si leur démarche n’est pas douce. Je veux espérer que les femmes n’en ont pas trop souffert. »

Les femmes assurent toutes qu’elles se sont reposées et sans souffrance.

« Vous êtes maintenant à six milles d’Arbel. Que le ciel vous accompagne et vous donne un agréable chemin. Adieu, mon Seigneur. Permets-moi de baiser tes pieds saints. Je suis heureux de t’avoir rencontré, Seigneur. Souviens-toi de moi. »

Misace baise les pieds de Jésus puis remonte en selle et son crrr, crrr fait se lever les chameaux… Et la caravane part au galop sur la route plate, soulevant des nuages de poussière.

Pierre dit :

« Le brave homme ! Je suis tout mal fichu, mais mes pieds sont délassés. Mais quelles secousses ! C’est autre chose qu’une tempête du nord sur le lac ! Vous riez ? Moi, je n’avais pas de coussins comme les femmes. Vive ma barque ! C’est encore la façon de voyager la plus propre et la plus sûre.

294.2

Et maintenant, mettons nos sacs sur le dos et allons-y. »

C’est à qui prendra la plus lourde charge. Mais les vainqueurs sont ceux qui doivent rester avec Jésus, c’est-à-dire Mat­thieu, Simon le Zélote, Jacques et Jean, Hermastée et Timon. Ils prennent tout pour épargner les trois autres qui doivent partir avec les femmes, ou plutôt les quatre s’il faut compter Jean d’En-Dor, mais comme il est mal en point, son aide aurait été toute relative.

Ils marchent à vive allure pendant quelques kilomètres. Ils arrivent au sommet de la colline qui servait de paravent du côté ouest, et là réapparaît une plaine fertile entourée par un cercle de collines plus élevées que celles qu’ils avaient rencontrées auparavant ; au milieu s’élève une colline longue et isolée. Dans la plaine, une ville : c’est Arbel[1].

Ils descendent et arrivent vite dans la plaine.

Ils marchent encore quelque temps, puis Jésus s’arrête en disant :

« Voici l’heure de la séparation. Prenons ensemble notre repas, puis séparons-nous. C’est la bifurcation pour Gadara. Vous prendrez cette route. C’est le chemin le plus court et, avant ce soir, vous pourrez être sur les terres que Kouza a en garde. »

Il n’y a guère d’enthousiasme… Mais enfin, on obéit.

294.3

Pendant le repas, Marziam dit :

« Alors, c’est le moment de te donner cette bourse. Elle m’a été donnée par le marchand quand j’étais en selle avec lui. Il m’a dit : “ Tu la donneras à Jésus avant de le quitter et tu lui diras de m’aimer autant qu’il t’aime. ” La voilà. Elle pesait ici, dans mon vêtement. Elle semble pleine de cailloux.

– Fais voir ! Fais voir ! L’argent c’est lourd ! »

Ils sont tous curieux. Jésus délie les cordons de cuir qui ferment la bourse en peau de gazelle – je crois, parce qu’elle me paraît être en peau de chamois – et il en renverse le contenu sur son vêtement. Des pièces de monnaie roulent. Mais c’est ce qu’il y a en moins grande quantité. Il en sort plein de sachets d’un byssus soyeux, des sachets attachés avec un fil. Des couleurs délicates transparaissent à travers le lin très fin et le soleil semble allumer un petit brasier dans ces paquets, comme si c’étaient des braises sous une couche de cendre.

« Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ? Délie, Maître ! »

Tous sont penchés sur lui qui dénoue calmement le nœud d’un premier paquet de feu blond : libérées, des topazes de différentes tailles, encore brutes, resplendissent au soleil. Un autre paquet : ce sont des rubis, des gouttes de sang coagulé. Un autre : voilà des éclats d’émeraude à la riante couleur verte. Un autre encore : des morceaux de ciel avec de purs saphirs. Un autre contient des douces améthystes. Un autre, l’indigo violet des béryls. Un autre, la splendeur noire des onyx… Et ainsi de suite pour les douze paquets. Dans le dernier, le plus lourd, au milieu de toute la splendeur d’or des chrysolithes, il y a un petit parchemin : « Pour ton rational de vrai Pontife et Roi. »

Le vêtement de Jésus est un petit pré sur lequel sont effeuillés des pétales lumineux… Les apôtres plongent les mains dans cette lumière qui est devenue matière multicolore. Ils sont stupéfaits… Pierre murmure :

« Si Judas était là !…

– Tais-toi ! Il vaut mieux qu’il n’y soit pas » répond Jude avec brusquerie.

294.4

Jésus demande un morceau de toile pour faire un seul paquet des pierres et, pendant que durent les commentaires, il réfléchit.

Les apôtres disent : « Mais il était bien riche cet homme ! » et Pierre provoque les rires lorsqu’il s’écrie :

« Nous avons trotté sur un trône de joyaux. Je ne croyais pas être sur une pareille splendeur. Mais si cela avait été un peu plus moelleux ! Que vas-tu en faire maintenant ?

– Je vais le vendre pour les pauvres. »

Il lève les yeux et regarde les femmes en souriant.

« Et où vas-tu trouver ici un joaillier qui achète cette marchandise ?

– Où ? Ici. Jeanne, Marthe, Marie, achetez-vous mon trésor ? »

Les trois femmes, sans même se consulter, disent : « Oui » avec vivacité. Mais Marthe ajoute :

« Ici nous avons peu d’argent.

– Vous me le ferez trouver à Magdala pour la nouvelle lune.

– Combien veux-tu, Seigneur ?

– Pour moi, rien. Pour mes pauvres, beaucoup.

– Donne donc. Tu auras beaucoup » dit Marie-Madeleine qui prend la bourse et la met dans son sein.

Jésus garde seulement les pièces de monnaie. Il se lève, embrasse sa Mère, sa tante, ses cousins, Pierre, Jean d’En-Dor et Marziam. Il bénit les femmes et les congédie. Et elles s’en vont, se retournant encore et encore jusqu’à ce qu’un tournant de la route les cache.

Jésus, avec ceux qui restent, se dirige vers Arbel. Ce n’est plus qu’une toute petite troupe, désormais, de seulement huit personnes. Ils marchent rapidement et en silence vers la ville qui se rapproche de plus en plus.

[…].

294.1

The reverential respect of Misace is shown the following morning when he makes the pilgrims go the first miles on the camels after adjusting their loads, turning them into comfortable cradles for the inexperienced riders. And it is quite funny to see dark or fair-haired heads emerging from bundles and cases, with long hair reaching down to the men’s ears, or tresses showing through the women’s veils. As the camels are moving very fast, the wind now and again blows back the veils and the bright golden hair of Mary Magdalene or the milder fair hair of the Blessed Virgin shines in the sunshine, while the dark or brown-haired heads of Johanna, Syntyche, Martha, Marcella, Susanna and Sarah show indigo or dark bronze reflections, and the grey-haired heads of Eliza, Salome and Mary Clopas seem to be sprayed with silver dust in the clear warm sun. The men are proceeding bravely on the new means of transport and Marjiam is laughing happily.

They realise that the merchant’s statement is true when, turning around, they see Bozrah down in the valley, with its towers and high houses in the labyrinth of the narrow streets. Low hills appear to the north-west. The road to Aera runs at their feet; the caravan stops to let the pilgrims dismount and part. The camels kneel down with remarkable pitching which makes more than one woman scream. I now see that wisely the women had been fastened to the saddles with belts. The women are somewhat stunned with so much rolling, but they are well rested.

Misace dismounts as well; he had taken Marjiam up on his saddle, and while the cameleers resettle the loads in the usual way, he approaches Jesus to bid Him goodbye once again.

«Thank you, Misace. You have saved us a lot of fatigue and time.»

«Yes. We have covered twenty miles in a short time. The camels have long legs, even if they do not amble smoothly. I do hope that the women have not suffered too much because of that.»

All the women reassure him that they are well rested and have not suffered.

«You are now six miles from Arbela. May Heaven accompany you and make your journey smooth. Goodbye, my Lord. Allow me to kiss Your holy feet. I am happy to have met You, Lord. Remember me.» Misace kisses Jesus’ feet, he mounts again and his cry makes the camels rise… And the caravan leaves at a gallop on the flat road, in a cloud of dust.

«A good man! I am all bruised, but in compensation my feet have had a rest. But how much knocking! A north wind storm on the lake is nothing in comparison! Are you laughing? But I did not have the cushions the women had. Long live my boat! It is still the cleanest and safest thing.

294.2

And now let us pick up our bags and move on.»

They compete with one another in loading themselves. The winners are those who will be staying with Jesus, that is, Matthew, the Zealot, James and John, Ermasteus and Timoneus, who take everything to spare the three who will be going with the women, or rather the four, because there is also John of Endor, whose help must be very relative, owing to the poorly state he is in.

They walk fast for a few miles. When they reach the top of a low hill, which acted as a screen to the west, a fertile plain appears surrounded by a ring of hills, which are higher than the one they met previously, and in the middle of the plain there is a long isolated hill. There is a town in the plain: Arbela.

They descend and are soon in the plain.

They proceed for a little while, then Jesus stops saying: «This is where we part. Let us take our food together and then we shall part. This is the cross-road to Gadara. You will take that road. It is the shortest one and before evening you will be in the territory watched over by Chuza.»

There is not much enthusiasm… But they obey.

294.3

While taking their food Marjiam says: «Well, it is also the

moment to give You this pouch. The merchant gave it to me when I was in the saddle with him. He said to me: “You will give it to Jesus before parting from Him and you will tell Him to love me as He loves you”. Here it is. It was heavy here, in my tunic. It seems to be full of stones.»

«Let us see! Money is heavy!» They are all curious.

Jesus undoes the thin twisted leather strips which fasten the pouch made with gazelle leather, I think, because it looks like chamois leather, and empties its contents on His lap. Some coins roll out. But they are the least. Many small bags of very fine byssus roll out as well: little bundles tied with a thread. Beautiful hues shine through the very light linen tissue and the sun seems to light a tiny fire in each little bundle, as if they were embers under a thin veil of ash.

«What is it? Undo them, Master.»

They are all bending over Jesus Who calmly unties the knot of a little bundle shining with golden reflections: topazes of various sizes, still unrefined, sparkle freely in the sun. Another little bundle: rubies, drops of coagulated blood. Another one: a precious delightful display of green emerald chips. Another one: bits of sky in pure sapphires. Another one: languid amethysts. Another: violet indigo of beryls. Another: wonderful black onyxes… And so on for twelve little bundles. In the last one, the heaviest, a golden sparkling of chrysolites, there is a small parchment: «For Your Rational[1] of true Pontiff and King».

Jesus’ lap is a little meadow strewn with bright stripped petals… The apostles plunge their hands into that light which has become multi-coloured matter. They are bewildered…

Peter whispers: «If Judas of Kerioth were here!…»

«Be quiet! It is better that he is not» says Thaddeus resolutely.

294.4

Jesus asks for a piece of cloth to make one parcel only of the stones and He is pensive while the others continue commenting.

The apostles say: «That man was rich indeed!» and Peter makes everybody laugh exclaiming: «We have been trotting on a throne of gems. I did not think I was sitting on such splendour. I wish it had been softer! What will You do with it now?»

«I will sell it for the poor.» He looks up at the women smiling.

«And where will You find a jeweller here, who can buy those things?»

«Where? Here. Johanna, Martha, Mary, will you buy My treasure?»

The three women, without even consulting with one another, say: «Yes» impulsively. But Martha adds: «We have little money here.»

«You will let Me have it at Magdala at the new moon.»

«How much do You want, Lord?»

«For Myself, nothing. For My poor, very much.»

«Give it to me. You will have very much» says the Magdalene, and she takes the purse and conceals it in her breast.

Jesus keeps only the money. He stands up. He kisses His Mother, His aunt His cousins and then he kisses Peter, John of Endor and Marjiam. He blesses the women and dismisses them. And they go away, looking back now and again, until they disappear around a bend.

Jesus goes with the rest towards Arbela. It is only a small group now, only eight people in all. They walk fast without speaking towards the town which is becoming closer and closer.

[…].


Notes

  1. Arbel. Suit ce dessin de Maria Valtorta : la ligne transversale qui unit Bozra (au sud-est) à Arbel (au nord-ouest) est la route principale Bozra-Arbel. Elle croise la ligne verticale marquée “ Route des caravanes vers Aéra ”.

Notes

  1. Rational: it was the precious pectoral – the breastpiece of Judgment – worn by the High Priest when he went into the presence of Yahweh. As it is prescribed in Exodus 28:15-30.