The Writings of Maria Valtorta

296. Entrée à Aéra et guérison des malades qui l’attendent.

296. The arrival in Aera under the rain

296.1

Arbela aussi est loin désormais. Philippe d’Arbel et un autre disciple que j’entends appeler Marc se sont ajoutés à la compagnie de Jésus.

La route est boueuse comme s’il avait beaucoup plu. Le ciel est gris. Un petit cours d’eau, tout juste digne de ce nom, coupe la route d’Aéra. Gonflé par les pluies qui se sont certainement déversées sur la région, il est loin d’être bleu ciel, mais plutôt d’un jaune rougeâtre comme s’il charriait des eaux passées sur des terrains ferreux.

« Maintenant le temps est maussade. Tu as bien fait de renvoyer les femmes. Pour elles, ce n’est plus un temps à être sur les chemins » dit sentencieusement Jacques.

Et Simon le Zélote, toujours paisible dans son abandon absolu au Maître et paisible, proclame :

« Le Maître fait bien tout ce qu’il fait. Il n’est pas inintelligent comme nous. Lui, il voit et prévoit tout pour le mieux, et plutôt pour nous que pour lui. »

Jean, heureux d’être au côté de Jésus, le regarde par-dessous, le visage riant, et il dit :

« Tu es le plus cher, le meilleur Maître qu’on ait eu, qu’on a et qu’aura, qui plus est, tu es le plus saint.

– Ces pharisiens… Quelle déception ! Le mauvais temps lui-même a servi à les persuader que justement Jean d’En-Dor n’était pas là. Mais qu’est-ce qu’ils ont contre lui ? » demande Hermastée, qui éprouve une grande tendresse pour Jean d’En-Dor.

Jésus répond :

« Leur haine ne s’adresse pas à lui personnellement : c’est un instrument dont ils se servent contre moi. »

Philippe d’Arbel dit :

« Eh bien, l’eau les a plus que persuadés qu’il était inutile d’attendre et d’avoir des soupçons sur Jean d’En-Dor. Vive la pluie ! Elle a aussi servi à te retenir cinq jours chez moi.

– Qui sait comme ils seront inquiets à Aéra ! C’est étonnant que nous ne voyions pas mon frère venir à notre rencontre, dit André.

– A notre rencontre ? Il arrivera derrière nous, corrige Matthieu.

– Non. Il a suivi la route du lac car il allait de Gadara au lac, puis en barque à Bethsaïde pour voir sa femme et lui dire que l’enfant est à Nazareth et que lui-même sera bientôt de retour. De Bethsaïde à Mérom, il prendra la route de Damas pendant quelque temps, puis celle d’Aéra. Il est certainement à Aéra. »

296.2

Il se fait un silence, puis Jean dit en souriant :

« Mais cette petite vieille, Seigneur !

– Moi, je croyais que tu lui donnerais la joie de mourir sur ton sein comme à Saul de Kérioth[1], souligne Simon le Zélote.

– Je lui ai même voulu plus de bien parce que j’attends pour l’appeler à moi que le Christ soit sur le point d’ouvrir les portes des Cieux. Elle ne m’attendra pas longtemps, la petite mère. Maintenant, elle vit de son souvenir et avec l’aide de ton père, Philippe, sa vie sera moins triste. Je te bénis encore, toi et tes parents. »

La joie de Jean s’est voilée d’un nuage plus épais que celui qui couvre le ciel. Jésus le voit et dit :

« Tu n’es pas content que cette petite vieille aille bientôt au Paradis ?

– Si… mais je ne le suis pas parce que cela voudra dire que tu t’en vas… Pourquoi mourir, Seigneur ?

– Qui est né de la femme meurt.

– Tu n’auras qu’elle seule, Seigneur ?

– Oh non ! Et comme elle sera joyeuse, la marche de ceux que je sauve comme Dieu et que j’ai aimés comme homme… »

296.3

Deux autres ruisseaux, très voisins l’un de l’autre, sont traversés. Il commence à pleuvoir sur la région plate qui s’étend devant les voyageurs après qu’ils ont franchi les collines à leur croisement avec la route, qui profite d’une vallée pour continuer vers le nord[2].

Au nord, ou plutôt au nord-ouest, se dessine une haute et puissante chaîne de montagnes que chevauchent des masses énormesde nuages formant des cimes illusoires sur les sommets réels de roches couvertes de bois sur leurs flancs et de neige tout en haut. Mais c’est une chaîne très lointaine.

« Ici, il y a de l’eau. Là-haut de la neige. C’est la chaîne de l’Hermon. Elle s’est couverte d’un plus grand manteau blanc sur le sommet. Si nous avons du soleil à Aéra, vous verrez comme le grand pic est beau quand le soleil le rosit, dit Timon, que l’amour de sa patrie pousse à louer les beautés de son pays.

– Mais en attendant, il pleut. Aéra est-elle encore loin ? demande Matthieu.

– Oui. Nous n’y serons qu’en fin de soirée.

– Dans ce cas, que Dieu nous épargne les ennuis de santé » termine Matthieu, peu enthousiaste à l’idée de faire route par ce temps.

Ils sont tous emmitouflés dans leurs manteaux et il portent les sacs de voyage dessous, pour les mettre à l’abri de l’humidité et ainsi épargner leurs vêtements pour pouvoir les changer dès leur arrivée, car ceux qu’ils portent ruissellent d’eau et, en bas, sont alourdis par la boue.

Jésus marche en tête, absorbé par ses pensées. Les autres grignotent leur pain et Jean plaisante :

« Pas besoin de chercher de fontaine pour la soif. Il suffit de rester la tête en arrière et la bouche ouverte, et les anges nous donnent l’eau. »

En raison de sa jeunesse, Hermastée partage avec Philippe d’Arbel et Jean la capacité enviable de tout prendre gaiement, et il dit :

« Simon, fils de Jonas, se plaignait des chameaux, mais je préférerais être sur une telle tour secouée par un tremblement de terre que dans cette boue. Qu’en dis-tu ? »

Et Jean :

« Je dis que je suis bien partout, pourvu qu’il y ait Jésus… »

Les trois jeunes se mettent à parler sans arrêt entre eux. Les quatre plus âgés hâtent le pas pour rejoindre Jésus. Timon et Marc restent à la queue en discutant.

296.4

« Maître, à Aéra, il y aura Judas…, dit André.

– Certainement. Et avec lui, Thomas, Nathanaël et Philippe.

– Maître… je regrette ces jours de paix, soupire Jacques.

– Tu ne dois pas parler ainsi, Jacques.

– Je le sais… Mais je ne peux pas m’en empêcher… »

Il soupire encore.

« Il y aura aussi Simon-Pierre avec mes frères. Ne t’en réjouis-tu pas ?

– Si, beaucoup ! Maître, pourquoi Judas est-il si différent de nous ?

– Pourquoi la pluie alterne-t-elle avec le soleil, la chaleur avec le froid, la lumière avec les ténèbres ?

– Mais parce qu’on ne pourrait pas toujours avoir la même chose. Ce serait la fin de la vie sur la terre.

– Bien dit, Jacques.

– Oui, mais cela n’a pas de rapport avec Judas.

– Réponds : pourquoi les étoiles ne sont-elles pas toutes comme le soleil, grandes, chaudes, belles, puissantes ?

– Parce que… la terre brûlerait sous tant de feu.

– Pourquoi les plantes ne sont-elles pas toutes comme ces noyers ? Par plante, j’entends tout végétal.

– Parce que… les bêtes ne pourraient en manger.

– Et pourquoi les végétaux ne sont-ils pas tous comme l’herbe ?

– Parce que… nous n’aurions pas de bois pour brûler, pour les maisons, les outils, les chars, les barques, les meubles.

– Pourquoi les oiseaux ne sont-ils pas tous des aigles, et les animaux tous des éléphants ou des chameaux ?

– Nous serions frais, s’il en était ainsi !

– Cette diversité te paraît donc une bonne chose ?

– Sans aucun doute.

– Tu juges donc que… Pourquoi, selon toi, Dieu l’a-t-il faite ?

– Pour nous donner toute l’aide possible.

– Donc dans une bonne intention ? En es-tu sûr ?

– Comme de vivre en ce moment !

– Alors, si tu trouves juste qu’il y ait de la diversité dans les espèces animales, végétales et astrales, pourquoi voudrais-tu que tous les hommes soient pareils ? Chacun a sa mission et ses dispositions. L’infinie variété des espèces te paraît-elle signe de puissance ou d’impuissance du Créateur ?

– De puissance. L’un fait ressortir l’autre.

– Très bien. Judas a le même rôle, de même que toi auprès de tes compagnons et tes compagnons auprès de toi. Nous avons trente-deux dents dans la bouche et, si tu les regardes bien, toutes sont très différentes. Non seulement dans les trois catégories, mais entre les dents d’une même catégorie. Et pourtant, puisque tu es en train de manger, observe leur fonction. Tu verras que celles qui semblent peu utiles, qui travaillent peu, ce sont précisément celles qui font le premier travail de couper le pain et de l’amener aux autres qui le mettent en miettes pour le passer à celles du fond qui le réduisent en bouillie. N’en est-il pas ainsi ? Judas te semble ne rien faire ou mal agir. Je te rappelle qu’il a évangélisé la Judée méridionale – et fort bien –, et que, c’est toi qui l’as dit, il sait avoir du tact avec les pharisiens.

– C’est vrai. »

Matthieu renchérit :

« Il est aussi très capable de trouver de l’argent pour les pauvres. Il demande, il sait demander alors que même moi je ne sais pas le faire… Peut-être parce que, moi, maintenant, je suis dégoûté de l’argent. »

296.5

Simon le Zélote baisse la tête et devient cramoisi à force d’être rouge. André, qui le voit, lui demande :

« Tu te sens mal ?

– Non, non… La fatigue… je ne sais pas. »

Jésus le regarde fixement, et Simon rougit toujours plus. Mais Jésus ne dit rien. Timon court en avant :

« Maître, on aperçoit le village qui précède Aéra. Nous pourrons nous y arrêter ou demander des ânes.

– Mais voilà que la pluie cesse. Il vaut mieux continuer.

– Comme tu veux, Maître. Cependant, si tu le permets, je vais en avant.

– Bien. »

Timon part en courant avec Marc, et Jésus observe en souriant :

« Il veut que nous ayons une entrée triomphale. »

Les voilà tous regroupés. Jésus les laisse s’échauffer à parler de la diversité des régions, puis va à l’arrière en emmenant Simon le Zélote. Quand ils sont seuls, Jésus lui demande :

« Pourquoi as-tu rougi, Simon ? »

Simon, dont le visage redevient comme de la braise, garde le silence. Jésus réitère sa question et il devient plus écarlate et plus silencieux. Une fois encore, Jésus renouvelle sa question.

« Seigneur, tu le sais ! Pourquoi me le fais-tu dire ? s’écrie Simon le Zélote qui souffre comme si on le torturait.

– En as-tu la certitude ?

– Il ne l’a pas nié. Mais il a dit : “ J’agis ainsi par prévoyance. J’ai du bon sens. Le Maître ne pense jamais au lendemain. ” Si on veut, c’est vrai. Cependant… c’est toujours… c’est toujours… Maître, trouve toi-même le mot exact.

– C’est toujours une preuve que Judas est seulement un “ homme ”. Il ne sait pas s’élever pour être avant tout un “ esprit ”. Mais, plus ou moins, vous êtes tous pareils. Vous redoutez des risques improbables. Vous vous tourmentez pour des précautions inutiles. Vous ne savez pas croire que la Providence est puissante et présente. Eh bien ! Que cela reste entre nous deux. N’est-ce pas ?

– Oui, Maître. »

Un silence. Puis Jésus ajoute :

« Nous allons bientôt revenir au lac… Un peu de recueillement après tant de marche nous fera du bien. Nous irons tous deux à Nazareth pour quelque temps, vers les Encénies. Toi, tu es seul… Les autres seront en famille. Tu resteras avec moi.

– Seigneur, Judas et Thomas, et même Matthieu sont seuls.

– Ne t’en soucie pas : chacun passera les fêtes en famille. Matthieu a sa sœur. Toi, tu es seul. A moins que tu ne veuilles aller chez Lazare…

– Non, Seigneur » éclate Simon. « Non. J’aime Lazare, mais être avec toi, c’est être au Paradis. Merci, Seigneur. »

Il lui baise la main.

296.6

Le hameau est dépassé depuis peu lorsque, sous une nouvelle averse, Timon et Marc réapparaissent sur le chemin inondé en criant :

« Arrêtez-vous ! Voilà Simon-Pierre avec des bourricots. Je l’ai rencontré qui venait. Cela fait trois jours qu’il est en route vers cet endroit avec les animaux, sous l’eau. »

Ils s’arrêtent sous le couvert de rouvres qui les abritent un peu de l’averse. Et voilà qu’arrive, à califourchon sur un âne en tête d’une colonne de montures, Pierre qui ressemble à un moine sous la couverture qui lui cache la tête et les épaules.

« Que Dieu te bénisse, Maître ! Mais je l’avais bien dit, qu’il serait trempé comme s’il était tombé dans le lac ! Allons, vite, tout le monde en selle. Depuis trois jours, Aéra est en feu à force de garder les cheminées allumées pour te sécher ! Vite, vite… Dans quel état tu es ! Voyez-vous ça ! Vous n’étiez pas capables de le retenir ? Ah ! Quand je n’y suis pas ! Regardez donc : il a les cheveux plaqués comme si c’était un noyé. Tu dois être gelé. Sous cette eau ! Quelle imprudence ! Et vous ? Et vous ? Oh, malheureux ! Toi le premier, mon imbécile de frère, et puis tous les autres ! Ah ! Vous voilà beaux ! Vous ressemblez à des sacs tombés dans un étang. Allons, vite ! Ah ! Je ne me risquerai plus à vous le confier. J’en suffoque d’horreur…

– Et de trop parler, Simon » dit calmement Jésus pendant que son âne trottine à côté de celui de Pierre, en tête de la caravane. Jésus répète :

« De trop parler et de parler inutilement. Tu ne m’as pas dit si les autres sont arrivés… Si les femmes sont parties, si ta femme va bien. Tu ne m’as rien dit.

– Je te dirai tout, mais pourquoi es-tu parti sous cette pluie ?

– Et toi, pourquoi es-tu venu ?

– Parce que j’avais hâte de te voir, mon Maître.

– Parce que j’avais hâte de te retrouver, mon Simon.

– Oh ! Mon cher Maître ! Comme je t’aime ! Epouse, enfant, maison, cela ne m’est rien : tout est laid si tu n’y es pas. Tu le crois, que je t’aime ainsi ?

– Je le crois. Je sais qui tu es, Simon.

– Qui ?

– Un grand enfant plein de petits défauts et sous ceux-ci sont ensevelies beaucoup de belles qualités. Mais il y en a une qui n’est pas ensevelie. C’est ton honnêteté en tout.

296.7

Eh bien, qui y a-t-il à Aéra ?

– Ton frère Jude avec Jacques, et puis Judas avec les autres. Il paraît avoir fait beaucoup de bien, Judas. Tous font son éloge…

– Il t’a posé des questions ?

– Beaucoup ! Je n’ai répondu à aucune, j’ai dit que je ne savais rien. Qu’est-ce que je sais, d’ailleurs, sinon que j’ai accompagné les femmes jusqu’à proximité de Gadara ? Tu sais… je ne lui ai rien dit sur Jean d’En-Dor. Il croit qu’il est avec toi. Tu devrais le dire aux autres.

– Non. Eux aussi, comme toi, ne savent pas où est Jean. Inutile d’en dire davantage. Mais ces ânes !… pendant trois jours !… Quelle dépense ! Et les pauvres ?

– Les pauvres… Judas est cousu de deniers et il s’en occupe. Ces ânes ne nous coûtent rien. Les habitants d’Aéra m’en auraient donné pour toi mille sans payer. J’ai dû faire la grosse voix pour les empêcher de venir à ta rencontre avec une armée d’ânes. Timon a raison. Ici, tout le monde croit en toi. Ils valent mieux que nous… »

Et il soupire.

« Simon, Simon ! De l’autre côté du Jourdain, nous avons été honorés : un galérien, des païennes, des pécheresses, des femmes vous ont donné une leçon de perfection. Gardes-en le souvenir, Simon, fils de Jonas. Toujours.

– J’essaierai, Seigneur. Voilà, voilà les premiers d’Aéra. Regarde ce monde ! Voici la mère de Timon. Voilà tes frères, dans la foule. Voici les disciples que tu avais envoyés en avant et ceux qui sont venus avec Judas. Voici l’homme le plus riche d’Aéra avec ses serviteurs. Il voulait que tu sois son hôte, mais la mère de Timon a fait valoir ses droits et tu es chez elle. Regarde, regarde ! Ils sont ennuyés parce que la pluie éteint les torches.

296.8

Il y a beaucoup de malades, tu sais ? Ils sont restés en ville près des portes pour te voir tout de suite. Un homme qui a un entrepôt de bois les a accueillis sous les hangars. Cela fait trois jours qu’ils sont là, ces pauvres gens ; depuis que nous sommes arrivés, étonnés que tu ne sois pas là. »

Les acclamations de la foule empêchent Pierre de continuer et il se tait, restant au côté de Jésus comme un écuyer. La foule, qu’ils ont rejointe, s’ouvre, et Jésus passe sur son ânon sans cesser de bénir.

Ils entrent en ville.

« Vers les malades, tout de suite » dit Jésus sans se soucier des protestations de ceux qui voudraient l’abriter sous un toit et lui procurer de la nourriture et du feu, de crainte qu’il ne souffre trop.

« Eux souffrent plus que moi » répond-il.

Ils tournent à droite. Voici l’enceinte rudimentaire de l’entrepôt de bois. La porte est grande ouverte et un cri plaintif en sort :

« Jésus, Fils de David, aie pitié de nous ! »

C’est un chœur de supplications insistantes, comme une litanie: voix d’enfants, voix de femmes, voix d’hommes, voix de vieillards. Tristes comme les bêlements d’agneaux qui souffrent, affligées comme des mères qui meurent, découragées comme celles de gens qui n’ont plus qu’une seule espérance, tremblantes comme celles de gens qui ne savent plus que pleurer…

Jésus met le pied dans l’enceinte. Il se redresse le plus qu’il peut sur les étriers et, levant sa main droite, dit de sa voix puissante :

« A tous ceux qui croient en moi, salut et bénédiction. »

Il s’appuie de nouveau sur la selle et essaie de revenir sur le chemin, mais la foule le presse, ceux qui ont été guéris se serrent contre lui. Et à la lumière des torches, qui brûlent à l’abri des portiques et éclairent le crépuscule, on voit la foule manifester en un délire de joie en acclamant le Seigneur. Le Seigneur disparaît presque au milieu d’un bouquet d’enfants guéris que les mères lui ont mis autour du cou, sur son sein et jusque sur la crinière de l’âne, en les tenant pour qu’ils ne tombent pas. Jésus en a plein les bras comme si c’étaient des fleurs et il sourit d’un air bienheureux, les embrassant car il ne peut les bénir, puisqu’il les tient enlacés. Enfin les enfants lui sont enlevés et ce sont les vieux qu’il a guéris qui pleurent de joie et qui baisent son vêtement, puis les hommes et les femmes…

Il fait complètement nuit quand il peut entrer dans la maison de Timon et se reposer auprès du feu, avec des vêtements secs.

296.1

Arbela also is now far away. Philip of Arbela and the other disciple, whose name I hear is Mark, are also in the group.

The road is muddy because of the heavy rain. The sky is overcast. A little river, but quite worthy of this name, crosses the road to Aera. Swollen with the rain which has stormed in this area it is certainly not sky-blue; it is reddish yellow, as if the water had been flowing through ferrous ground.

«The weather is now bad. You did the right thing in sending the women away. It is no longer the season for them to be on the roads» states James sententiously.

And Simon the Zealot, who is always calm in his devotion to the Master, proclaims: «Everything He does, the Master does well. He is not dull like us. He sees and arranges everything for the best, and more for us than for Himself.»

John, who is happy to be beside Him, looks up at Him with a smiling face and exclaims: «You are the dearest and best Master the earth ever had, has or will have, besides being the most holy.»

«Those Pharisees… What a disappointment! Also the bad weather has helped to convince them that John of Endor was not there. But why are they so hostile to him?» asks Ermasteus, who is very fond of John of Endor.

Jesus replies: «Their hatred is not against him or because of him. He is an instrument which they manoeuvre against Me.»

Philip of Arbela says: «Well the rain has more than convinced them that it was useless to wait for and suspect John of Endor. Long live the rain! It helped also to keep You in my house for five days.»

«I wonder how worried those at Aera are! It is surprising that my brother has not come to meet us» says Andrew.

«Meet us? He will be following us» remarks Matthew.

«No. He was taking the road along the lake. Because he was going from Gadara to the lake and by boat to Bethsaida to see his wife and tell her that the boy is at Nazareth and that he will be soon going back. From Bethsaida through Merom he will take the road to Damascus for a little while, and then the road to Aera. He is certainly at Aera.»

296.2

There is silence. Then John says smiling: «But that little old woman, Lord!»

«I thought that You were going to grant her the joy of dying on Your chest, as You did with Saul of Kerioth[1]» remarks Simon Zealot.

«I have loved her even more. Because I will wait to call her to Me when the Christ is about to open the gates of Heaven. The little mother will not have to wait long for Me. She now lives with her memory, and with the assistance of your father, Philip, her life will not be so sad. I bless you and your relatives once again.»

John’s joy is darkened by a cloud thicker than the ones in the sky. Jesus notices it and asks: «Are you not glad that the old woman will soon be coming to Paradise?»

«Yes… but I am not, as it means that You will be going… Why die, Lord?»

«Those who are born of woman, die.»

«Will You have her only?»

«Oh! no! How joyfully will those proceed, whom I save as God, and whom I loved as man…»

296.3

They cross two more little rivers, one close to the other. It is beginning to rain on the flat region which stretches in front of the pilgrims after they have climbed the hills at the junction with the road, which follows a valley and runs northwards. A mighty mountain chain appears to the north, or rather to the north-west, but more north than west, with many clouds piling on the mountain tops, forming almost unreal new tops on the real ones, covered with woods on the sides and with snow on the peaks. But the chain is very far away.

«There is water down here, and snow up there. That is the chain of the Hermon. It has covered its summit with a large white blanket. If there is sunshine at Aera, you will see how beautiful it looks when the sun tinges the high peak with pink» says Timoneus, who is urged by the love for his fatherland to praise the beauty of the country.

«But it is raining now. Is Aera still far?» asks Matthew.

«Yes, very. We shall not be there until this evening.»

«In that case, may God save us from aches and pains» concludes Matthew, who is not very keen on walking in such weather.

They are all wrapped up in their mantles, under which they hold their travelling sacks to protect them from dampness, so that they may change their clothes when they arrive, as the ones they are wearing are soaking wet and the bottom parts are heavy with mud.

Jesus is ahead of them, engrossed in thought. The others are nibbling at their pieces of bread and John says jokingly: «There is no need to look for fountains to quench our thirst. It is enough to hold sore heads back and open our mouths and the angels will give us water.»

Ermasteus, who being young, is like Philip of Arbela and John so lucky as to take everything humorously, says: «Simon of Jonah was complaining of the camels. But I would rather be on one of those towers shaken by an earthquake than in this mud. What do you think?»

And John: «I say that I am comfortable everywhere, providing Jesus is there…»

The three young men carry on talking incessantly. The four older ones quicken their steps and reach Jesus. The remaining couple, that is, Timoneus and Mark follow the rest speaking…

296.4

«Master, Judas of Simon will be at Aera…» says Andrew.

«Of course. And Thomas, Nathanael and Philip will be with him.»

«Master… I will regret these peaceful days» says James with a sigh.

«You must not say that, James.»

«I know… But I cannot help it…» and he draws another deep sigh.

«There will be also Simon Peter with My brothers. Does that not make you happy?»

«It does, very much! Master, why is Judas of Simon so different from us?»

«Why do rain and sunshine, warm and cold, light and darkness alternate?»

«Because it is not possible to have the same situation all the time. Life would come to an end on the earth.»

«Quite right, James.»

«Yes, but that has got nothing to do with Judas.»

«Tell Me. Why are all the stars not like the sun, that is, huge, warm, beautiful, mighty?»

«Because… because the earth would burn with so much heat.»

«Why are the trees not all like those walnut-trees? By trees I mean all vegetables.»

«Because animals would not be able to eat from them.»

«Well, why are they not all like grass?»

«Because… we would have no wood to light fires, to build houses, to make tools, carts, boats, furniture.»

«Why are the birds not all eagles, and the animals are not all elephants or camels?»

«We would be in a mess if it were so!»

«So, do you think that such varieties are a good thing?»

«Undoubtedly.»

«So you think… Why, according to you, did God make them?»

«To give us all possible help.»

«So, for a good purpose. Are you sure?»

«As I am sure that I am now alive.»

«Well, if you consider that it is right that there should be different kinds of animals, vegetables and stars, why do you expect all men to be alike? Each man has his mission and his temperament. Do you think that the infinite variety of species is a sign of the power or powerlessness of the Creator?»

«Of His power. One species enhances another.»

«Very well. Judas also serves the same purpose, as you do with your companions, and your companions with you. You have thirty-two teeth in your mouth and if you examine them carefully, you will see that one is quite different from another. Not only in their three basic groups, but each individually in its group. And consider their task when you eat. You will see that also those which seem of little use and to be doing little work, are instead the ones which fulfil the first task of breaking the bread and conveying it to others which crunch it and then pass it to others which turn it into soft pulp. Is it not so? You think that Judas does nothing or does wrong. I remind you that he evangelized southern Judaea very well, and, as you said yourself, he is very tactful with Pharisees.»

«That is true.»

Matthew remarks: «He is also very clever in collecting money for the poor. He can ask for it better than I can… Probably because money disgusts me now.»

296.5

Simon Zealot bends his head and he blushes so much that his face turns crimson.

Andrew notices it and asks him: «Are you not feeling well?»

«No… Fatigue… I don’t know.»

Jesus gazes at him and he blushes more and more. But Jesus does not say anything.

Timoneus comes forward running: «Master, over there you can see the village before Aera. We can stop there or get some donkeys.»

«The rain is now ceasing. It is better to go on.»

«As You wish, Master. But, if You allow, I will go ahead.»

«You may go.»

Timoneus runs away with Mark. And Jesus remarks smiling: «He wants us to have a triumphal entrance.»

They are all together in a group once again. Jesus lets them get excited talking about the difference of regions and He then withdraws to the back of the group taking the Zealot with Him. As soon as they are alone He asks: «Why did you blush, Simon?»

The apostle turns crimson again but does not reply. Jesus repeats His question. Simon blushes more and more but remains silent. Jesus asks him once again.

«My Lord, You already know! Why do You want me to tell You?» shouts the Zealot sorrowfully, as if he were tortured.

«Are you certain?»

«He did not deny it. But he said: “I do so because I am provident. I have common sense. The Master never thinks of the future”. Which we can say is true. But… it is always… it is always… Master, tell me the right word.»

«It is always proof that Judas is only a “man”. He cannot elevate himself to be a spirit. But, you are all more or less alike. You are afraid of silly things. You worry about useless providence. You cannot believe that Providence is powerful and always present. Well: let us keep that to ourselves. All right?»

«Yes, Master.»

There is silence. Then Jesus says: «We shall soon be going back to the lake… A little meditation after so much travelling will be lovely. You and I will be going to Nazareth for some time, towards the feast of the Dedication. You are alone… The others will be with their families. You will stay with Me.»

«My Lord, Judas, Thomas and Matthew are also alone.»

«Do not worry about that. Everyone will celebrate the festivity in his own family. Matthew has a sister. You are alone. Unless you want to go to Lazarus…»

«No, Lord» exclaims Simon. «No. I love Lazarus. But to be with You is to be in Paradise. Thank You, Lord» and he kisses Jesus’ hand.

296.6

They have just left the little village behind when, in another heavy shower Timoneus and Mark appear on the flooded road shouting: «Stop! Simon Peter is coming with some donkeys. I met him on the way. He has been coming for three days to this place with the donkeys, always in the rain.»

They stop under a thicket of oak-trees which shelter them somewhat from the downpour. And then Peter appears riding a donkey and leading a line of donkeys; he looks like a friar under the blanket that covers his head and shoulders.

«May God bless You, Master! I said that He would be drenched like one who had fallen into the lake! Come on, quick, all of you, mount the donkeys, because Aera has been on fire for three days, as the people have kept the fireplaces lit to dry You! Quick… Look what a state He is in! But you… could you not keep Him back? Ah! if I am not there! But I say: just look at that! His hair is hanging as if he were drowned. You must be frozen. In all this rain! How thoughtless! And what about you all? You reckless ones! And you first of all, my stupid brother, and all the rest of you. How pretty you all look! You are like sacks soaked in a pond. Come on, quick. I will never entrust Him to you again. I am almost dying with horror…»

«And with talking, Simon» says Jesus calmly while His donkey trots along beside Peter’s at the head of the caravan of donkeys. Jesus repeats: «And with talking. And with talking uselessly. You have not told Me whether the others have arrived. Whether the women left. Whether your wife is well. You have told Me nothing.»

«I will tell You everything. But why did You leave in all this rain?»

«And why did you come?»

«Because I was anxious to see You, my Master.»

«Because I was anxious to join you, My Simon.»

«Oh! My dear Master! How much I love You! Wife, boy, house? They are nothing, nothing is beautiful without You. Do You believe that I love You so much?»

«I do. I know who you are, Simon.»

«Who?»

«A big boy full of little faults, under which so many lovely qualities are buried. But one is not buried. And that is your honesty in everything.

296.7

Well, who was there at Aera?»

«Your brothers Judas and James, Judas of Kerioth with the others. Judas seems to have done a lot of good. Everybody praises him…»

«Did he ask you any questions?»

«Oh! So many! I did not reply to any of them, I said that I did not know anything. In fact what do I know, except that I took the women as far as Gadara? You know… I did not tell him anything about John of Endor. He thinks that John is with You. You ought to tell the others.»

«No. Like you, they do not know where John is. There is no point in saying anything else. But all these donkeys!… For three days!… What an expense! And the poor?»

«The poor… Judas has loads of money and he sees to them. The donkeys cost me nothing. The people of Aera would have given me a thousand for You without any charge. I had to raise my voice against them to avoid coming here with an army of donkeys. Timoneus is right. Everybody believes in You here. They are better than we are…» and he sighs.

«Simon, Simon! In Trans-Jordan they honoured us; a galley-slave, some heathen women, prostitutes, women gave you a lesson in perfection. Remember that, Simon of Jonah. Always.»

«I will try, Lord. Here are the first people from Aera. Look how many! There is the mother of Timoneus. There are Your brothers among the crowds. There are the disciples whom You sent ahead of those who came with Judas of Kerioth. And there is the richest man in Aera with his servants. He wanted You to stay in his house. But Timoneus’ mother asserted her rights and You will be staying with her. Look, look! They are irritated because the rain is putting out their torches.

296.8

There are many sick people, You know. They remained in town, near the gates, to see You at once. A man who owns a timber store sheltered them under the sheds. The poor people have been there for three days, since we arrived and we were surprised that You were not here.»

The shouts of the crowds prevent Peter from doing on speaking, so he becomes quiet riding beside Jesus like an equerry. The crowds, whom they have now reached, part and Jesus passes through them on his little donkey, blessing them unceasingly.

They enter the town.

«To the sick people at once» says Jesus, Who pays no attention to the protests of those who would like to take Him into their houses to give Him food and warmth, lest He might suffer too much. «They suffer more than I do» He replies.

They turn right and there is the rustic enclosure of the timber store. The door is wide open and complaining laments can be heard through it: «Jesus, Son of David, have mercy on us!»

It is an imploring chorus as unchanging as a litany: voices of children, of women, of men, of old people. They are as sad as the bleating of suffering lambs, as melancholy as the voices of dying mothers, as dejected as the voices of those who have but one hope left, as trembling as the voices of those who can but weep…

Jesus enters the enclosure. He stands up as much as He can in the stirrups and with His right hand up, He says with His powerful voice: «To all those who believe in Me, health and blessing.»

He sits on the saddle once again and is about to go back to the road, but the crowds press Him and the cured people throng around Him. And in the light of the torches, which burn in the shelter of the sheds and illuminate the twilight, the crowds can be seen acclaiming the Lord in a frenzy of joy. And the Lord disappears in a flowery collection of cured children, that mothers have put on His arms, on His lap and even on the neck of the little donkey, holding them so that they might not fall. Jesus’ arms are full of them, as if they were flowers, and He smiles happily, kissing them as He cannot bless them, since His arms are engaged in supporting them. The children are then taken away, and it is the turn of the old people who have also been cured and are now weeping out of joy; they kiss His mantle and are followed by the men and women…

It is dark when He can enter Timoneus’ house and rest near the fire wearing dry clothes.


Notes

  1. comme à Saul de Kérioth, en 78.8.
  2. vers le nord. Maria Valtorta a fait le dessin que nous imprimons sur la page suivante au crayon, sans légende, dans le texte autographe.

Notes

  1. as You did with Saul of kerioth, in 78.8.