Gli Scritti di Maria Valtorta

296. Entrée à Aéra et guérison des malades qui l’attendent.

296. L’arrivo ad Aera sotto la pioggia e guarigione dei malati in attesa.

296.1

Arbela aussi est loin désormais. Philippe d’Arbel et un autre disciple que j’entends appeler Marc se sont ajoutés à la compagnie de Jésus.

La route est boueuse comme s’il avait beaucoup plu. Le ciel est gris. Un petit cours d’eau, tout juste digne de ce nom, coupe la route d’Aéra. Gonflé par les pluies qui se sont certainement déversées sur la région, il est loin d’être bleu ciel, mais plutôt d’un jaune rougeâtre comme s’il charriait des eaux passées sur des terrains ferreux.

« Maintenant le temps est maussade. Tu as bien fait de renvoyer les femmes. Pour elles, ce n’est plus un temps à être sur les chemins » dit sentencieusement Jacques.

Et Simon le Zélote, toujours paisible dans son abandon absolu au Maître et paisible, proclame :

« Le Maître fait bien tout ce qu’il fait. Il n’est pas inintelligent comme nous. Lui, il voit et prévoit tout pour le mieux, et plutôt pour nous que pour lui. »

Jean, heureux d’être au côté de Jésus, le regarde par-dessous, le visage riant, et il dit :

« Tu es le plus cher, le meilleur Maître qu’on ait eu, qu’on a et qu’aura, qui plus est, tu es le plus saint.

– Ces pharisiens… Quelle déception ! Le mauvais temps lui-même a servi à les persuader que justement Jean d’En-Dor n’était pas là. Mais qu’est-ce qu’ils ont contre lui ? » demande Hermastée, qui éprouve une grande tendresse pour Jean d’En-Dor.

Jésus répond :

« Leur haine ne s’adresse pas à lui personnellement : c’est un instrument dont ils se servent contre moi. »

Philippe d’Arbel dit :

« Eh bien, l’eau les a plus que persuadés qu’il était inutile d’attendre et d’avoir des soupçons sur Jean d’En-Dor. Vive la pluie ! Elle a aussi servi à te retenir cinq jours chez moi.

– Qui sait comme ils seront inquiets à Aéra ! C’est étonnant que nous ne voyions pas mon frère venir à notre rencontre, dit André.

– A notre rencontre ? Il arrivera derrière nous, corrige Matthieu.

– Non. Il a suivi la route du lac car il allait de Gadara au lac, puis en barque à Bethsaïde pour voir sa femme et lui dire que l’enfant est à Nazareth et que lui-même sera bientôt de retour. De Bethsaïde à Mérom, il prendra la route de Damas pendant quelque temps, puis celle d’Aéra. Il est certainement à Aéra. »

296.2

Il se fait un silence, puis Jean dit en souriant :

« Mais cette petite vieille, Seigneur !

– Moi, je croyais que tu lui donnerais la joie de mourir sur ton sein comme à Saul de Kérioth[1], souligne Simon le Zélote.

– Je lui ai même voulu plus de bien parce que j’attends pour l’appeler à moi que le Christ soit sur le point d’ouvrir les portes des Cieux. Elle ne m’attendra pas longtemps, la petite mère. Maintenant, elle vit de son souvenir et avec l’aide de ton père, Philippe, sa vie sera moins triste. Je te bénis encore, toi et tes parents. »

La joie de Jean s’est voilée d’un nuage plus épais que celui qui couvre le ciel. Jésus le voit et dit :

« Tu n’es pas content que cette petite vieille aille bientôt au Paradis ?

– Si… mais je ne le suis pas parce que cela voudra dire que tu t’en vas… Pourquoi mourir, Seigneur ?

– Qui est né de la femme meurt.

– Tu n’auras qu’elle seule, Seigneur ?

– Oh non ! Et comme elle sera joyeuse, la marche de ceux que je sauve comme Dieu et que j’ai aimés comme homme… »

296.3

Deux autres ruisseaux, très voisins l’un de l’autre, sont traversés. Il commence à pleuvoir sur la région plate qui s’étend devant les voyageurs après qu’ils ont franchi les collines à leur croisement avec la route, qui profite d’une vallée pour continuer vers le nord[2].

Au nord, ou plutôt au nord-ouest, se dessine une haute et puissante chaîne de montagnes que chevauchent des masses énormesde nuages formant des cimes illusoires sur les sommets réels de roches couvertes de bois sur leurs flancs et de neige tout en haut. Mais c’est une chaîne très lointaine.

« Ici, il y a de l’eau. Là-haut de la neige. C’est la chaîne de l’Hermon. Elle s’est couverte d’un plus grand manteau blanc sur le sommet. Si nous avons du soleil à Aéra, vous verrez comme le grand pic est beau quand le soleil le rosit, dit Timon, que l’amour de sa patrie pousse à louer les beautés de son pays.

– Mais en attendant, il pleut. Aéra est-elle encore loin ? demande Matthieu.

– Oui. Nous n’y serons qu’en fin de soirée.

– Dans ce cas, que Dieu nous épargne les ennuis de santé » termine Matthieu, peu enthousiaste à l’idée de faire route par ce temps.

Ils sont tous emmitouflés dans leurs manteaux et il portent les sacs de voyage dessous, pour les mettre à l’abri de l’humidité et ainsi épargner leurs vêtements pour pouvoir les changer dès leur arrivée, car ceux qu’ils portent ruissellent d’eau et, en bas, sont alourdis par la boue.

Jésus marche en tête, absorbé par ses pensées. Les autres grignotent leur pain et Jean plaisante :

« Pas besoin de chercher de fontaine pour la soif. Il suffit de rester la tête en arrière et la bouche ouverte, et les anges nous donnent l’eau. »

En raison de sa jeunesse, Hermastée partage avec Philippe d’Arbel et Jean la capacité enviable de tout prendre gaiement, et il dit :

« Simon, fils de Jonas, se plaignait des chameaux, mais je préférerais être sur une telle tour secouée par un tremblement de terre que dans cette boue. Qu’en dis-tu ? »

Et Jean :

« Je dis que je suis bien partout, pourvu qu’il y ait Jésus… »

Les trois jeunes se mettent à parler sans arrêt entre eux. Les quatre plus âgés hâtent le pas pour rejoindre Jésus. Timon et Marc restent à la queue en discutant.

296.4

« Maître, à Aéra, il y aura Judas…, dit André.

– Certainement. Et avec lui, Thomas, Nathanaël et Philippe.

– Maître… je regrette ces jours de paix, soupire Jacques.

– Tu ne dois pas parler ainsi, Jacques.

– Je le sais… Mais je ne peux pas m’en empêcher… »

Il soupire encore.

« Il y aura aussi Simon-Pierre avec mes frères. Ne t’en réjouis-tu pas ?

– Si, beaucoup ! Maître, pourquoi Judas est-il si différent de nous ?

– Pourquoi la pluie alterne-t-elle avec le soleil, la chaleur avec le froid, la lumière avec les ténèbres ?

– Mais parce qu’on ne pourrait pas toujours avoir la même chose. Ce serait la fin de la vie sur la terre.

– Bien dit, Jacques.

– Oui, mais cela n’a pas de rapport avec Judas.

– Réponds : pourquoi les étoiles ne sont-elles pas toutes comme le soleil, grandes, chaudes, belles, puissantes ?

– Parce que… la terre brûlerait sous tant de feu.

– Pourquoi les plantes ne sont-elles pas toutes comme ces noyers ? Par plante, j’entends tout végétal.

– Parce que… les bêtes ne pourraient en manger.

– Et pourquoi les végétaux ne sont-ils pas tous comme l’herbe ?

– Parce que… nous n’aurions pas de bois pour brûler, pour les maisons, les outils, les chars, les barques, les meubles.

– Pourquoi les oiseaux ne sont-ils pas tous des aigles, et les animaux tous des éléphants ou des chameaux ?

– Nous serions frais, s’il en était ainsi !

– Cette diversité te paraît donc une bonne chose ?

– Sans aucun doute.

– Tu juges donc que… Pourquoi, selon toi, Dieu l’a-t-il faite ?

– Pour nous donner toute l’aide possible.

– Donc dans une bonne intention ? En es-tu sûr ?

– Comme de vivre en ce moment !

– Alors, si tu trouves juste qu’il y ait de la diversité dans les espèces animales, végétales et astrales, pourquoi voudrais-tu que tous les hommes soient pareils ? Chacun a sa mission et ses dispositions. L’infinie variété des espèces te paraît-elle signe de puissance ou d’impuissance du Créateur ?

– De puissance. L’un fait ressortir l’autre.

– Très bien. Judas a le même rôle, de même que toi auprès de tes compagnons et tes compagnons auprès de toi. Nous avons trente-deux dents dans la bouche et, si tu les regardes bien, toutes sont très différentes. Non seulement dans les trois catégories, mais entre les dents d’une même catégorie. Et pourtant, puisque tu es en train de manger, observe leur fonction. Tu verras que celles qui semblent peu utiles, qui travaillent peu, ce sont précisément celles qui font le premier travail de couper le pain et de l’amener aux autres qui le mettent en miettes pour le passer à celles du fond qui le réduisent en bouillie. N’en est-il pas ainsi ? Judas te semble ne rien faire ou mal agir. Je te rappelle qu’il a évangélisé la Judée méridionale – et fort bien –, et que, c’est toi qui l’as dit, il sait avoir du tact avec les pharisiens.

– C’est vrai. »

Matthieu renchérit :

« Il est aussi très capable de trouver de l’argent pour les pauvres. Il demande, il sait demander alors que même moi je ne sais pas le faire… Peut-être parce que, moi, maintenant, je suis dégoûté de l’argent. »

296.5

Simon le Zélote baisse la tête et devient cramoisi à force d’être rouge. André, qui le voit, lui demande :

« Tu te sens mal ?

– Non, non… La fatigue… je ne sais pas. »

Jésus le regarde fixement, et Simon rougit toujours plus. Mais Jésus ne dit rien. Timon court en avant :

« Maître, on aperçoit le village qui précède Aéra. Nous pourrons nous y arrêter ou demander des ânes.

– Mais voilà que la pluie cesse. Il vaut mieux continuer.

– Comme tu veux, Maître. Cependant, si tu le permets, je vais en avant.

– Bien. »

Timon part en courant avec Marc, et Jésus observe en souriant :

« Il veut que nous ayons une entrée triomphale. »

Les voilà tous regroupés. Jésus les laisse s’échauffer à parler de la diversité des régions, puis va à l’arrière en emmenant Simon le Zélote. Quand ils sont seuls, Jésus lui demande :

« Pourquoi as-tu rougi, Simon ? »

Simon, dont le visage redevient comme de la braise, garde le silence. Jésus réitère sa question et il devient plus écarlate et plus silencieux. Une fois encore, Jésus renouvelle sa question.

« Seigneur, tu le sais ! Pourquoi me le fais-tu dire ? s’écrie Simon le Zélote qui souffre comme si on le torturait.

– En as-tu la certitude ?

– Il ne l’a pas nié. Mais il a dit : “ J’agis ainsi par prévoyance. J’ai du bon sens. Le Maître ne pense jamais au lendemain. ” Si on veut, c’est vrai. Cependant… c’est toujours… c’est toujours… Maître, trouve toi-même le mot exact.

– C’est toujours une preuve que Judas est seulement un “ homme ”. Il ne sait pas s’élever pour être avant tout un “ esprit ”. Mais, plus ou moins, vous êtes tous pareils. Vous redoutez des risques improbables. Vous vous tourmentez pour des précautions inutiles. Vous ne savez pas croire que la Providence est puissante et présente. Eh bien ! Que cela reste entre nous deux. N’est-ce pas ?

– Oui, Maître. »

Un silence. Puis Jésus ajoute :

« Nous allons bientôt revenir au lac… Un peu de recueillement après tant de marche nous fera du bien. Nous irons tous deux à Nazareth pour quelque temps, vers les Encénies. Toi, tu es seul… Les autres seront en famille. Tu resteras avec moi.

– Seigneur, Judas et Thomas, et même Matthieu sont seuls.

– Ne t’en soucie pas : chacun passera les fêtes en famille. Matthieu a sa sœur. Toi, tu es seul. A moins que tu ne veuilles aller chez Lazare…

– Non, Seigneur » éclate Simon. « Non. J’aime Lazare, mais être avec toi, c’est être au Paradis. Merci, Seigneur. »

Il lui baise la main.

296.6

Le hameau est dépassé depuis peu lorsque, sous une nouvelle averse, Timon et Marc réapparaissent sur le chemin inondé en criant :

« Arrêtez-vous ! Voilà Simon-Pierre avec des bourricots. Je l’ai rencontré qui venait. Cela fait trois jours qu’il est en route vers cet endroit avec les animaux, sous l’eau. »

Ils s’arrêtent sous le couvert de rouvres qui les abritent un peu de l’averse. Et voilà qu’arrive, à califourchon sur un âne en tête d’une colonne de montures, Pierre qui ressemble à un moine sous la couverture qui lui cache la tête et les épaules.

« Que Dieu te bénisse, Maître ! Mais je l’avais bien dit, qu’il serait trempé comme s’il était tombé dans le lac ! Allons, vite, tout le monde en selle. Depuis trois jours, Aéra est en feu à force de garder les cheminées allumées pour te sécher ! Vite, vite… Dans quel état tu es ! Voyez-vous ça ! Vous n’étiez pas capables de le retenir ? Ah ! Quand je n’y suis pas ! Regardez donc : il a les cheveux plaqués comme si c’était un noyé. Tu dois être gelé. Sous cette eau ! Quelle imprudence ! Et vous ? Et vous ? Oh, malheureux ! Toi le premier, mon imbécile de frère, et puis tous les autres ! Ah ! Vous voilà beaux ! Vous ressemblez à des sacs tombés dans un étang. Allons, vite ! Ah ! Je ne me risquerai plus à vous le confier. J’en suffoque d’horreur…

– Et de trop parler, Simon » dit calmement Jésus pendant que son âne trottine à côté de celui de Pierre, en tête de la caravane. Jésus répète :

« De trop parler et de parler inutilement. Tu ne m’as pas dit si les autres sont arrivés… Si les femmes sont parties, si ta femme va bien. Tu ne m’as rien dit.

– Je te dirai tout, mais pourquoi es-tu parti sous cette pluie ?

– Et toi, pourquoi es-tu venu ?

– Parce que j’avais hâte de te voir, mon Maître.

– Parce que j’avais hâte de te retrouver, mon Simon.

– Oh ! Mon cher Maître ! Comme je t’aime ! Epouse, enfant, maison, cela ne m’est rien : tout est laid si tu n’y es pas. Tu le crois, que je t’aime ainsi ?

– Je le crois. Je sais qui tu es, Simon.

– Qui ?

– Un grand enfant plein de petits défauts et sous ceux-ci sont ensevelies beaucoup de belles qualités. Mais il y en a une qui n’est pas ensevelie. C’est ton honnêteté en tout.

296.7

Eh bien, qui y a-t-il à Aéra ?

– Ton frère Jude avec Jacques, et puis Judas avec les autres. Il paraît avoir fait beaucoup de bien, Judas. Tous font son éloge…

– Il t’a posé des questions ?

– Beaucoup ! Je n’ai répondu à aucune, j’ai dit que je ne savais rien. Qu’est-ce que je sais, d’ailleurs, sinon que j’ai accompagné les femmes jusqu’à proximité de Gadara ? Tu sais… je ne lui ai rien dit sur Jean d’En-Dor. Il croit qu’il est avec toi. Tu devrais le dire aux autres.

– Non. Eux aussi, comme toi, ne savent pas où est Jean. Inutile d’en dire davantage. Mais ces ânes !… pendant trois jours !… Quelle dépense ! Et les pauvres ?

– Les pauvres… Judas est cousu de deniers et il s’en occupe. Ces ânes ne nous coûtent rien. Les habitants d’Aéra m’en auraient donné pour toi mille sans payer. J’ai dû faire la grosse voix pour les empêcher de venir à ta rencontre avec une armée d’ânes. Timon a raison. Ici, tout le monde croit en toi. Ils valent mieux que nous… »

Et il soupire.

« Simon, Simon ! De l’autre côté du Jourdain, nous avons été honorés : un galérien, des païennes, des pécheresses, des femmes vous ont donné une leçon de perfection. Gardes-en le souvenir, Simon, fils de Jonas. Toujours.

– J’essaierai, Seigneur. Voilà, voilà les premiers d’Aéra. Regarde ce monde ! Voici la mère de Timon. Voilà tes frères, dans la foule. Voici les disciples que tu avais envoyés en avant et ceux qui sont venus avec Judas. Voici l’homme le plus riche d’Aéra avec ses serviteurs. Il voulait que tu sois son hôte, mais la mère de Timon a fait valoir ses droits et tu es chez elle. Regarde, regarde ! Ils sont ennuyés parce que la pluie éteint les torches.

296.8

Il y a beaucoup de malades, tu sais ? Ils sont restés en ville près des portes pour te voir tout de suite. Un homme qui a un entrepôt de bois les a accueillis sous les hangars. Cela fait trois jours qu’ils sont là, ces pauvres gens ; depuis que nous sommes arrivés, étonnés que tu ne sois pas là. »

Les acclamations de la foule empêchent Pierre de continuer et il se tait, restant au côté de Jésus comme un écuyer. La foule, qu’ils ont rejointe, s’ouvre, et Jésus passe sur son ânon sans cesser de bénir.

Ils entrent en ville.

« Vers les malades, tout de suite » dit Jésus sans se soucier des protestations de ceux qui voudraient l’abriter sous un toit et lui procurer de la nourriture et du feu, de crainte qu’il ne souffre trop.

« Eux souffrent plus que moi » répond-il.

Ils tournent à droite. Voici l’enceinte rudimentaire de l’entrepôt de bois. La porte est grande ouverte et un cri plaintif en sort :

« Jésus, Fils de David, aie pitié de nous ! »

C’est un chœur de supplications insistantes, comme une litanie: voix d’enfants, voix de femmes, voix d’hommes, voix de vieillards. Tristes comme les bêlements d’agneaux qui souffrent, affligées comme des mères qui meurent, découragées comme celles de gens qui n’ont plus qu’une seule espérance, tremblantes comme celles de gens qui ne savent plus que pleurer…

Jésus met le pied dans l’enceinte. Il se redresse le plus qu’il peut sur les étriers et, levant sa main droite, dit de sa voix puissante :

« A tous ceux qui croient en moi, salut et bénédiction. »

Il s’appuie de nouveau sur la selle et essaie de revenir sur le chemin, mais la foule le presse, ceux qui ont été guéris se serrent contre lui. Et à la lumière des torches, qui brûlent à l’abri des portiques et éclairent le crépuscule, on voit la foule manifester en un délire de joie en acclamant le Seigneur. Le Seigneur disparaît presque au milieu d’un bouquet d’enfants guéris que les mères lui ont mis autour du cou, sur son sein et jusque sur la crinière de l’âne, en les tenant pour qu’ils ne tombent pas. Jésus en a plein les bras comme si c’étaient des fleurs et il sourit d’un air bienheureux, les embrassant car il ne peut les bénir, puisqu’il les tient enlacés. Enfin les enfants lui sont enlevés et ce sont les vieux qu’il a guéris qui pleurent de joie et qui baisent son vêtement, puis les hommes et les femmes…

Il fait complètement nuit quand il peut entrer dans la maison de Timon et se reposer auprès du feu, avec des vêtements secs.

296.1

Anche Arbela è lontana ormai. Nella comitiva ora sono Filippo d’Arbela e l’altro discepolo che sento chiamare Marco.

La strada è fangosa come avesse molto piovuto. Il cielo è bigio. Un fiumicello abbastanza degno di questo nome taglia la via per Aera. Gonfio per le piogge, che certo hanno imperversato sulla zona, non è certo cerulo, ma di un giallo rossastro come avesse in sé acque passate su terreni ferrosi.

«Ormai il tempo è al brutto. Bene hai fatto a mandare via le donne. Non è più tempo per loro stare per le strade», sentenzia Giacomo.

E Simone lo Zelote, sempre pacato anche nella sua assoluta dedizione al Maestro, proclama: «Il Maestro fa tutto bene quello che fa. Non è ottuso come noi. Egli vede e prevede tutto per il meglio, e più per noi che per Lui».

Giovanni, felice di essergli a lato, lo guarda di sotto in su col suo volto ridente e dice: «Sei il più caro e buon Maestro che la Terra ebbe, ha e avrà, oltre che il più santo».

«Quei farisei… Che delusione! Ed è servito anche il maltempo a persuaderli che proprio Giovanni di Endor non c’era. Ma perché poi ce l’hanno così con lui?», chiede Ermasteo, che ha per Giovanni di Endor molta tenerezza.

Risponde Gesù: «Non è su lui e per lui il loro astio. Ma è uno strumento che agitano contro di Me».

Filippo di Arbela dice: «Ebbene, l’acqua li ha fatti più che persuasi che era inutile aspettare e sospettare di Giovanni di Endor. Viva l’acqua! Ha servito anche a tenerti nella mia casa cinque giorni».

«Chissà come sono in pensiero quelli ad Aera! È molto se non vediamo venirci incontro mio fratello», dice Andrea.

«Incontro? Verrà dietro a noi», osserva Matteo.

«No. Faceva la strada del lago. Perché da Gadara andava al lago e con qualche barca a Betsaida, per vedere la moglie e dirle che il bambino è a Nazaret e che lui presto sarà di ritorno. Da Betsaida per Meron prendeva la via di Damasco per qualche po’, e poi quella per Aera. È certo ad Aera».

296.2

Vi è un silenzio. Poi Giovanni dice sorridendo: «Ma quella vecchierella, Signore!».

«Io quasi credevo che Tu le dessi la gioia di morirti sul seno, come a Saul di Keriot[1]», osserva Simone Zelote.

«Le ho voluto anche più bene. Perché aspetto a chiamarla a Me quando il Cristo starà per aprire le porte dei Cieli. Non farà molta sosta in mia attesa, la piccola madre. Ora vive col suo ricordo e con l’aiuto di tuo padre, Filippo, la sua vita sarà meno triste. Io ancora benedico te e i tuoi parenti».

La letizia di Giovanni si è velata di una nube più spessa di quella che copre il cielo.

Gesù lo vede e dice: «Non sei contento tu che la vecchierella venga presto in Paradiso?».

«Sì… ma non lo sono perché ciò vorrà dire che Tu te ne vai… Perché morire, Signore?».

«Chi è nato da donna muore».

«Avrai quella sola, Signore?».

«Oh! no! E come sarà festoso l’andare di questi che salvo come Dio e che ho amato come uomo…».

296.3

Altri due fiumiciattoli, molto vicini l’uno all’altro, vengono superati. Comincia a piovere sulla piatta regione, che si stende davanti ai pellegrini dopo che hanno superato i colli all’incrocio di essi con la strada che si approfitta di una valle per proseguire in avanti verso nord.

A nord, anzi a un nord-ovest molto poco ovest, si delinea un’alta, poderosa catena di monti, sui quali si accavallano nubi e nubi quasi a fare nuove cime illusorie, di nuvole, sulle reali cime di roccia coperte di boschi sui fianchi e sulla vetta di nevi. Ma è una catena molto lontana.

«Qui acqua. Lassù neve. Quella è la catena dell’Hermon. Si è messa più ampia coltre di biancore sulla vetta. Se avremo sole ad Aera, voi vedrete come è bello quando il sole fa di rosa il grande picco», dice Timoneo, che amor di patria spinge a lodare le bellezze della sua regione.

«Ma intanto piove. È ancora lontana Aera?», chiede Matteo.

«Molto. Fino a sera non vi saremo».

«Dio ci salvi allora dai malanni», termina Matteo, poco entusiasta di camminare con questo maltempo.

Sono tutti imbacuccati nei mantelli e sotto hanno le sacche da viaggio per ripararle dall’umido, e così riparare le vesti per poterle mutare appena giunti, posto che queste che hanno sono ormai grondanti d’acqua e nel basso sono tutte pesanti di fanghiglia.

Gesù è in testa, assorto nei suoi pensieri. Gli altri sbocconcellano il loro pane, e Giovanni scherza dicendo: «Non c’è bisogno di cercare fontane per la sete. Basta stare a capo indietro e a bocca aperta, e l’acqua ce la dànno gli angeli».

Ermasteo, che per essere lui pure giovane ha con Filippo di Arbela e Giovanni l’invidiabile sorte di prendere tutto allegramente, dice: «Simone di Giona si lagnava dei cammelli. Ma preferirei di essere su quella torre scrollata da un terremoto che in questo fango. Tu che ne dici?».

E Giovanni: «Io dico che sto bene da per tutto, purché ci sia Gesù…».

I tre giovani si dànno a parlare fitto fitto fra loro. I quattro più adulti affrettano il passo raggiungendo Gesù. La superstite coppia di Timoneo e Marco si mette in coda parlando…

296.4

«Maestro, ad Aera ci sarà Giuda di Simone…», dice Andrea.

«Certamente. E con lui Toma, Natanaele e Filippo».

«Maestro… io rimpiango questi giorni di pace», sospira Giacomo.

«Non devi dire così, Giacomo».

«Lo so… Ma non posso farne a meno…», e tira un altro sospirone.

«Ci sarà anche Simon Pietro coi miei fratelli. Non ne sei contento?».

«Io tanto! Maestro, perché Giuda di Simone è tanto diverso da noi?».

«Perché l’acqua si alterna col sole, il caldo col freddo, la luce con le tenebre?».

«Ma perché non si potrebbe avere sempre una cosa. Morirebbe la vita sulla Terra».

«Ben detto, Giacomo».

«Sì, ma ciò non c’entra con Giuda».

«Rispondi. Perché le stelle non sono tutte come il sole, grandi, calde, belle, potenti?».

«Perché… la Terra si brucerebbe sotto tanto fuoco».

«Perché le piante non sono tutte come quei noci? Per piante intendo ogni vegetale».

«Perché… le bestie non potrebbero mangiarne».

«E allora perché non sono tutte come erbe?».

«Perché… non avremmo legna per ardere, per le case, per gli utensili, carri, barche, mobili».

«Perché gli uccelli non sono tutti aquile e gli animali tutti elefanti o cammelli?».

«Si starebbe freschi se ciò fosse!».

«Queste varietà ti paiono dunque buona cosa?».

«Senza dubbio».

«Giudichi dunque che… Perché, secondo te, Dio le ha fatte?».

«Per darci tutto l’aiuto possibile».

«Dunque a fin di bene? Ne sei sicuro?».

«Come di vivere in questo momento».

«E allora, se trovi giusto che ci siano diversità nelle specie animali, vegetali e astrali, perché pretendi che tutti gli uomini siano uguali? Ognuno ha la sua missione e la sua forma. La infinita diversità delle specie ti pare segno di potenza o di impotenza del Creatore?».

«Di potenza. Una serve a far risaltare l’altra».

«Molto bene. Anche Giuda serve alla stessa cosa, e tu servi presso i compagni, e i compagni verso te. Abbiamo trentadue denti in bocca e, se li guardi bene, sono ben differenti fra loro. Non solo nelle tre classi, ma fra gli individui di una stessa classe. Eppure, posto che stai mangiando, osserva il loro ufficio. Vedrai che anche quelli che sembrano poco utili, poco lavoratori, sono proprio quelli che fanno il primo lavoro di tagliare il pane e di portarlo agli altri, che lo sgranocchiano per passarlo agli altri, che lo riducono a poltiglia. Non è così? Giuda a te sembra che non faccia nulla, o faccia male. Ti ricordo che ha evangelizzato, e bene, la Giudea meridionale, e che, tu lo hai detto, sa avere tatto coi farisei».

«È vero».

Matteo osserva: «È anche molto capace di far moneta per i poveri. Chiede, sa chiedere come neppure io so… Forse perché il denaro a me, ora, fa schifo».

296.5

Simone Zelote china il volto che diventa cremisi tanto è rosso.

Andrea, che vede, chiede: «Ti senti male?».

«No, no… La fatica… non so».

Gesù lo guarda fisso e quello diventa sempre più rosso. Ma Gesù non dice nulla.

Corre avanti Timoneo: «Maestro, ecco là che si vede il paese che precede Aera. Potremo sostare lì o chiedere asinelli».

«Ma ormai la pioggia cessa. È meglio proseguire».

«Come vuoi, Maestro. Però allora, se permetti, vado avanti».

«Vai pure».

Timoneo parte di corsa con Marco. E Gesù sorridendo osserva: «Vuole che abbiamo un ingresso trionfale».

Sono di nuovo tutti in gruppo. Gesù lascia che si accalorino a parlare della diversità delle regioni e poi si ritira indietro, prendendo con Sé lo Zelote.

Appena sono soli chiede: «Perché sei arrossito, Simone?».

Quello torna di bragia e non parla. Gesù ripete la domanda, e quello più rosso e più zitto. Gesù torna a chiedere.

«Signore, ma Tu sai! Perché mi fai dire?», grida lo Zelote, dolente come fosse un torturato.

«Ne hai la certezza?».

«Egli non me l’ha negato. Però ha detto: “Faccio così per previdenza. Io ho buon senso. Il Maestro non pensa mai al domani”. Se si vuole, è vero. Ma però… è sempre… è sempre…

Maestro, metti Tu la parola esatta».

«È sempre dimostrazione che Giuda è soltanto un “uomo”.

Non sa elevarsi ad essere uno spirito. Ma, più o meno, siete tutti tali. Temete di cose stolte. Vi crucciate per previdenze inutili. Non sapete credere che la Provvidenza è potente e presente. Ebbene, ciò resti fra noi due. Non è vero?».

«Sì, Maestro».

Un silenzio. Poi Gesù dice: «Presto torneremo al lago…

Sarà bello un poco di raccoglimento dopo tanto andare. Noi due andremo a Nazaret per qualche tempo, verso le Encenie.

Tu sei solo… Gli altri saranno in famiglia. Tu sarai con Me».

«Signore, Giuda e Tommaso, e anche Matteo, sono soli».

«Non ci pensare. Ognuno farà le feste in famiglia. Matteo ha la sorella. Tu sei solo. A meno che tu voglia andare da Lazzaro…».

«No, Signore», prorompe Simone. «No. Amo Lazzaro. Ma stare con Te è stare in Paradiso. Grazie, Signore», e gli bacia la mano.

296.6

Il paesello è sorpassato da poco quando, sotto un nuovo acquazzone, riappaiono sulla via inondata Timoneo e Marco che urlano: «Fermatevi! C’è Simon Pietro con dei ciuchini. L’ho incontrato che veniva. È tre giorni che viene verso questo luogo con le bestie, sotto l’acqua».

Si fermano sotto un folto di roveri che riparano un poco dallo scroscio. Ed ecco venire a cavallo di un asino, capofila di una fila di somarelli, Pietro, che pare un frate sotto la coperta che si è messa sul capo e sulle spalle.

«Dio ti benedica, Maestro! Ma se l’ho detto io che sarebbe bagnato come uno caduto nel lago! Su, presto, a cavallo tutti, che Aera da tre giorni è in fuoco tanto tiene accesi i camini per asciugare Te! Presto, presto… In che stato! Ma guardate qui!

Ma voi non eravate buoni di trattenerlo? Ah! se non ci sono io! Ma dico io! Guardate qua! Ha i capelli stesi come fosse un annegato. Devi essere gelato. Sotto quest’acqua! Che imprudenze! E voi? E voi? Oh! sciagurati! Tu per il primo, fratello stolto, e poi tutti gli altri. Bellini siete! Sembrate sacchi cascati in una gora. Su, svelti! Ah! non mi fido più di affidarvelo. Sono dietro che affogo[2] dall’orrore…».

«E dal parlare, Simone», dice calmo Gesù mentre l’asino trotterella a fianco di quello di Pietro, in capo alla carovana asinina. Gesù ripete: «E dal parlare. E da un inutile parlare. Non mi hai detto se sono giunti gli altri… Se le donne sono partite. Se tua moglie sta bene. Niente mi hai detto».

«Ti dirò tutto. Ma perché sei partito sotto quest’acqua?».

«E tu perché sei venuto?».

«Perché avevo fretta di vederti, Maestro mio».

«Perché avevo fretta di riunirmi a te, Simone mio».

«Oh! caro il mio Maestro! Come ti voglio bene! Sposa, bambino, casa? Niente, niente! Tutto brutto se non ci sei Tu. Lo credi che ti amo così?».

«Lo credo. So chi sei, Simone».

«Chi?».

«Un grande bambino pieno di piccoli difetti, e sotto questi sono sepolte tante belle doti. Ma una non è sepolta. Ed è la tua onestà in tutto.

296.7

Ebbene, chi c’è ad Aera?».

«Giuda tuo fratello con Giacomo, più Giuda di Keriot con gli altri. Pare che abbia fatto un gran bene Giuda. Tutti lo lodano…».

«Ti ha fatto domande?».

«Oh! tante! Non ho risposto a nulla dicendo che non sapevo nulla. Infatti che so, se non che di avere accompagnato fin presso Gadara le donne? Sai… non gli ho detto nulla di Giovanni di Endor. Egli crede sia con Te. Dovresti dirlo agli altri».

«No. Essi pure, come te, non sanno dove è Giovanni. Inutile dire di più. Ma questi asini!… per tre giorni!… Quanta spesa! E i poveri?».

«I poveri… Giuda è pieno di denaro e ci pensa lui. Questi non mi costano uno spicciolo. Quelli di Aera me ne avrebbero dati mille, senza spesa, per Te. Ho dovuto alzare la voce per impedire di venirti incontro con un esercito di asini. Ha ragione Timoneo. Qui tutti credono in Te. Sono meglio di noi…», e sospira.

«Simone, Simone! Nell’Oltre Giordano fummo onorati; un galeotto, delle pagane, delle peccatrici, delle donne vi hanno dato lezione di perfezione. Ricordatelo, Simone di Giona. Sempre».

«Cercherò, Signore. Ecco, ecco i primi di Aera. Guarda quanta gente! Ecco la madre di Timoneo. Ecco i tuoi fratelli fra la folla. Ecco i discepoli che avevi mandato avanti e quelli venuti con Giuda di Keriot. Ecco il più ricco di Aera con i suoi servi. Ti voleva in casa sua. Ma la madre di Timoneo ha fatto valere il suo diritto, e Tu sei da lei. Guarda, guarda! Sono stizziti perché l’acqua spegne le torce.

296.8

Ci sono molti malati, sai?

Sono rimasti in città, presso le porte, per vederti subito. Uno che ha un magazzino di legna li ha accolti sotto le tettoie. Sono tre giorni che stanno là, povera gente; da quando siamo arrivati noi, stupendoci che Tu non ci fossi».

L’urlo della folla impedisce a Pietro di continuare, ed egli tace stando a fianco di Gesù come uno scudiero. La folla, ormai raggiunta, si fende, e Gesù passa sul suo asinello, benedicendo mentre passa, continuamente.

Entrano in città.

«Dai malati, subito», dice Gesù, incurante delle proteste di chi lo vorrebbe ricoverare sotto un tetto e dargli cibo e fuoco per paura che soffra troppo. «Essi soffrono più di Me», risponde.

Piegano a destra. Ecco il rustico recinto del magazzino del legno.

La porta è spalancata e un querulo lagnio ne viene: «Gesù, Figlio di Davide, abbi pietà di noi!». Un coro supplice, costante come una litania. Voci di bimbi, voci di donne, voci di uomini, voci di vecchi. Tristi come belati di agnelli sofferenti, accorate come di madri che muoiono, avvilite come di chi ha una sola speranza, tremule di chi non sa più che piangere…

Gesù pone piede nel recinto. Si raddrizza più che può sulla staffa e, con la destra alta, dice con la sua voce potente: «A tutti coloro che credono in Me, salute e benedizione».

Si riappoggia alla sella e fa per arretrare nella via. Ma la folla lo pigia, ma i risanati gli si serrano intorno. E alla luce di torce, che al riparo dei portici ardono e fanno vivo di luci il crepuscolo, si vede la folla che tumultua in un delirio di gioia acclamando il Signore. Il Signore che scompare quasi in una fiorita di bambini risanati che le mamme gli hanno posto fra le braccia, sul grembo, e fin sul collo del ciuchino, sorreggendoli perché non cadano. Gesù ne ha colme le braccia come fossero fiori e sorride beato, baciandoli perché non può benedirli, così con le braccia messe a far da sostegno. Infine i bimbi vengono tolti di lì e sono i vecchi risanati che piangono di gioia e che gli baciano la veste, e poi gli uomini e le donne…

È notte fatta quando può entrare nella casa di Timoneo e ristorarsi col fuoco e con le vesti asciutte.


Notes

  1. comme à Saul de Kérioth, en 78.8.
  2. vers le nord. Maria Valtorta a fait le dessin que nous imprimons sur la page suivante au crayon, sans légende, dans le texte autographe.

Note

  1. come a Saul di Keriot, in 78.8.
  2. Sono dietro che affogo significa Sto affogando. MV ha corretto tale modo di dire in 102.1 e in 109.3; lo ha mantenuto almeno in 7.1 e qui.