The Writings of Maria Valtorta

363. A Rama, chez la sœur de Thomas.

363. In Rama, in Thomas sister’s house. The sermon

363.1

Thomas, qui était resté à l’arrière du groupe des apôtres et qui parlait avec Manahen et Barthélemy, quitte ses compagnons et rejoint le Maître, qui marche devant avec Marziam et Isaac.

« Maître, nous serons bientôt proches de Rama. Tu ne voudrais pas bénir l’enfant de ma sœur ? Elle désire tant te voir ! Nous pourrions y séjourner, il y a de la place pour tous. Fais-moi ce plaisir, Seigneur !

– Oui, et avec joie ! Demain, nous entrerons à Jérusalem reposés.

– Oh ! Dans ce cas j’y vais en avant pour prévenir ! Tu me laisses y aller ?

– Va. Mais rappelle-toi que je ne suis pas un ami mondain. Ne pousse pas ta famiolle à faire beaucoup de dépenses. Traite-moi en “ Maître ”. Tu m’as compris ?

– Oui, mon Seigneur. Je le leur dirai. Tu m’accompagnes, Marziam ?

– Si Jésus le veut…

– Va, va, mon fils. »

Les autres, qui ont vu Thomas et Marziam partir en direction de Rama, située un peu à l’écart de la route qui mène, je crois, de la Samarie à Jérusalem, hâtent le pas pour demander ce qui arrive.

« Nous allons chez la sœur de Thomas. J’ai séjourné dans toutes les maisons de vos familles. Il est juste que j’aille aussi chez lui, et c’est pour cela que je l’ai envoyé devant.

– Alors, si tu le permets, aujourd’hui j’irai moi aussi en avant pour voir un peu s’il n’y a rien de nouveau. Je serai à ton entrée à la Porte de Damas s’il y a des ennuis. Sinon, je te verrai… où, Seigneur ? dit Manahen.

– A Béthanie, Manahen. Je vais sur-le-champ chez Lazare. Mais je laisserai les femmes à Jérusalem. J’y vais seul et même, je t’en prie, après la halte d’aujourd’hui, accompagne les femmes à leurs maisons.

– Comme tu veux, Seigneur.

– Prévenez le conducteur de nous suivre à Rama. »

En effet, le char arrive lentement par derrière, pour suivre le groupe des apôtres. Isaac et Simon le Zélote restent à l’attendre alors que les autres prennent la route secondaire en pente douce qui les amène à la petite colline très basse sur laquelle se trouve Rama.

363.2

Thomas ne se tient pas de joie et le bonheur qui éclate sur son visage le fait paraître encore plus rouge. Il les attend à l’entrée du village. Il court à la rencontre de Jésus :

« Quel bonheur, Maître ! Toute ma famille est là ! Mon père qui voulait tant te voir, ma mère, mes frères ! Comme je suis con­tent ! »

Et il se met à côté de Jésus, pour traverser le village en plastronnant comme un conquérant à l’heure de son triomphe.

La maison de la sœur de Thomas se trouve à un carrefour à l’est de la ville. C’est la maison typique des israélites aisés, avec une façade quasiment sans fenêtres, un portail en fer avec son judas, une terrasse qui sert de toit et les murs du jardin hauts et sombres, qui se prolongent derrière la maison et que dépassent les feuillages des arbres fruitiers.

Mais, aujourd’hui, la servante n’a pas besoin de regarder par le judas. Le portail est grand ouvert et tous les habitants de la maison sont rassemblés dans l’atrium. Les grandes personnes sont toutes occupées par les enfants, garçons et filles, dont la foule serrée, turbulente, exaltée par la nouvelle, rompt continuellement l’ordre hiérarchique et joue devant les adultes aux places d’honneur où se trouvent au premier rang les parents de Thomas et sa sœur avec son mari.

Mais quand Jésus paraît sur le seuil, qui pourrait retenir cette marmaille ? Elle ressemble à une couvée qui sort du nid après une nuit de repos. Et Jésus reçoit le choc de cette ribambelle turbulente et gentille qui s’abat contre ses genoux et l’enserre, levant des frimousses en quête de baisers, et qui ne peut se calmer malgré les avertissements paternels ou maternels ou même quelques tapes que Thomas distribue pour rétablir l’ordre.

« Laisse-les faire ! Laisse-les faire ! Si tout le monde pouvait être comme eux ! » s’exclame Jésus, qui se penche pour satisfaire tous ces bons petits diables.

363.3

Enfin, il peut entrer parmi les salutations plus respectueuses des adultes. Mais celle du père de Thomas me plaît particulièrement ; c’est un vieillard typiquement juif, que Jésus relève, car il veut l’embrasser “ par reconnaissance pour la générosité dont il a fait preuve en lui donnant un apôtre. ”

« Oh ! Dieu m’a aimé plus que tout autre en Israël. Alors que tout Hébreux a un fils consacré au Seigneur, le premier-né, moi j’en ai deux : le premier et le dernier. Et le dernier est encore plus sacré, car, sans être lévite ni prêtre, il fait ce que le grand-prêtre lui-même ne peut pas faire : il voit constamment Dieu et il accueille ses commandements ! » dit-il d’une voix un peu chevrotante de vieillard, que l’émotion fait trembler encore davantage.

Et il achève :

« Dis-moi seulement une chose pour satisfaire mon âme. Toi qui ne mens pas, dis-moi : mon fils, par la façon dont il te suit, est-il digne de te servir et de mériter la vie éternelle ?

– Sois en paix, père. Ton Thomas a une grande place dans le cœur de Dieu par la façon dont il se conduit ; et il aura une grande place au Ciel pour la manière dont il aura servi Dieu jusqu’à son dernier soupir. »

Sous le coup de l’émotion due à ce qu’il entend dire, Thomas halète comme un poisson hors de l’eau.

Le vieillard lève ses mains tremblantes, tandis que deux larmes coulent par les rides profondes pour se perdre dans sa barbe patriarcale, et il dit :

« Que vienne sur toi la bénédiction de Jacob[1], la bénédiction du patriarche au juste parmi les fils : “ Que le Tout-Puissant te bénisse par les bénédictions du ciel en haut, par les bénédictions de l’abîme en bas, par les bénédictions des mamelles et du sein. Que les bénédictions de ton père surpassent celles que lui-même a reçues de ses pères et qu’elles se posent sur la tête de Thomas jusqu’à ce que vienne le désir des collines éternelles, sur la tête de celui qui est le nazir parmi ses frères ! ” »

Et tous répondent :

« Ainsi soit-il.

– Et maintenant, Seigneur, bénis à ton tour cette maison et surtout ceux qui sont le sang de mon sang » dit le vieillard en montrant les enfants.

Ouvrant les bras, Jésus entonne la bénédiction de Moïse et il y ajoute :

« Que Dieu, en présence de qui vos pères ont marché, que Dieu qui m’a nourri depuis ma jeunesse jusqu’à ce jour, que l’ange qui m’a délivré de tout mal, bénisse ces petits, qu’ils portent mon Nom et aussi le nom de mes pères, et qu’ils se multiplient largement sur la terre. »

Et il achève, en prenant le dernier-né des bras de sa mère pour lui donner un baiser sur le front :

« Et qu’en toi descendent comme du miel et du beurre les hautes vertus qui ont habité dans le Juste dont le nom t’a été donné, en le rendant plein de vie pour les Cieux et orné comme le sont le palmier de ses blondes dattes et le cèdre de sa royale frondaison. »

Tous les assistants sont émus et extasiés, mais ensuite c’est une explosion de joie qui jaillit de toutes les bouches et accompagne Jésus ; celui-ci entre dans la maison et ne s’arrête que lorsqu’il est dans la cour où il présente à ses hôtes sa Mère, les femmes disciples, les apôtres et les disciples.

363.4

Ce n’est plus le matin et ce n’est plus midi. Les rayons maladifs du soleil percent difficilement les nuages ébouriffés de ce temps qui a du mal à se remettre. Le soleil ne va pas tarder à se coucher. C’est le crépuscule.

Les femmes ne sont plus là, ni Isaac ni Manahen, alors que Marziam est resté ; il est tout heureux aux côtés de Jésus. Il sort de la maison avec lui, les apôtres et toute la parenté masculine de Thomas, pour voir certaines vignes qui ont des qualités particulières. Aussi bien le père que le beau-frère de Thomas vantent l’orientation du vignoble et la rareté des ceps qui, pour le moment, n’ont que des feuilles nouvelles et très tendres.

Jésus écoute d’une oreille bienveillante ces explications, s’intéressant à la taille et au sarclage comme si c’était les choses les plus importantes du monde. A la fin, il dit en souriant à Thomas :

« Est-ce que je dois bénir cette dot de ta sœur jumelle ?

– Ah ! Mon Seigneur ! Je ne suis pas Doras ni Ismaël. Je sais que ton souffle, ta présence dans un lieu constituent déjà une bénédiction. Mais si tu veux lever ta main droite sur ces vignes, fais-le, et leur fruit sera certainement saint.

– Et abondant, non ? Qu’en dis-tu, père ?

– Il suffit qu’il soit saint. Cela suffit ! Et moi, je le presserai, je te l’enverrai pour la Pâque de l’an prochain et tu t’en serviras dans le calice rituel.

– C’est d’accord. J’y compte. Je veux, à la prochaine Pâque, consommer le vin d’un véritable israélite. »

Ils sortent du vignoble pour retourner au village.

363.5

La nouvelle de la présence de Jésus de Nazareth à Rama s’est répandue, et les habitants sont tous sur les routes avec un grand désir de l’aborder.

Jésus les voit et dit à Thomas :

« Pourquoi ne s’approchent-ils pas ? Ils ont peut-être peur de moi ? Dis-leur que je les aime. »

Ah ! Thomas ne se le fait pas dire deux fois ! Il court d’un groupe à l’autre, si rapide qu’on dirait un papillon voletant de fleur en fleur. Et les gens qui ont entendu l’invitation ne se le font pas dire deux fois non plus. Ils accourent tous autour de Jésus, en se donnant le mot, de sorte que lorsqu’ils arrivent au carrefour où se trouve la maison de Thomas, il y a toute une foule discrète qui parle avec respect aux apôtres et à la famille de Thomas, s’informant de choses et autres.

Je me rends compte que Thomas a beaucoup travaillé pendant les mois d’hiver et qu’une partie notable de la doctrine évangélique est connue dans le village. Mais ils désirent avoir de Jésus des explications particulières. Quelqu’un, qui a été très impressionné par la bénédiction que Jésus a donnée aux enfants de la maison qui l’accueille et par ce qu’il a dit de Thomas, demande :

« Seront-ils donc tous des justes sous l’effet de ta bénédic­tion ?

– Pas sous l’effet de ma bénédiction, mais en raison de leurs mérites. Moi, je leur ai donné la grâce de ma bénédiction pour les fortifier dans leurs œuvres. Mais ce sont eux qui doivent les accomplir et en faire seulement de justes pour avoir le Ciel. Moi, je bénis tout le monde… mais tous ne se sauveront pas en Israël.

– Et même, il s’en sauvera très peu, s’ils comportent comme ils le font maintenant, murmure Thomas.

– Que dis-tu ?

– La vérité. Celui qui persécute le Christ et le calomnie, celui qui ne pratique pas ce qu’il enseigne, ne prendra pas part à son Royaume » dit Thomas de sa grosse voix.

363.6

Quelqu’un le tire par la manche :

« Il est très sévère ? demande-t-il en montrant Jésus.

– Non. Au contraire, il est trop bon.

– Moi, qu’en dis-tu, est-ce que je me sauverai ? Je ne suis pas au nombre des disciples. Mais tu sais comme je suis et comme j’ai toujours cru à ce que tu me disais. Mais je ne sais pas faire davantage. Comment dois-je m’y prendre exactement pour me sauver, en plus de ce que je fais déjà ?

– Demande-le-lui. Il aura une main et un jugement plus doux et plus juste que le mien. »

L’homme s’avance et dit :

« Maître, je suis fidèle à la Loi et, depuis que Thomas m’a répété tes paroles, j’essaie de l’être davantage. Mais je suis peu généreux. Je fais ce que je suis bien obligé de faire. Je m’abstiens de ce qui est mal, car j’ai peur de l’enfer. Mais j’aime mes aises et… je l’avoue, je m’efforce d’agir de façon à ne pas pécher, mais sans trop me gêner pour autant. Est-ce que je me sauverai en me conduisant ainsi ?

– Tu te sauveras. Mais pourquoi être avare avec le bon Dieu qui est si généreux envers toi ? Pourquoi ne souhaiter pour soi que le salut, obtenu difficilement, et non pas la grande sainteté qui donne tout de suite une paix éternelle ? Allons, homme ! Sois généreux avec ton âme ! »

L’homme dit humblement :

« J’y réfléchirai, Seigneur. J’y réfléchirai. Je sais que tu as raison et que je fais tort à mon âme en l’obligeant à une longue purification avant d’avoir la paix.

– Bravo ! Cette pensée est déjà un début de perfec­tionnement. »

363.7

Un autre habitant de Rama demande :

« Seigneur, ceux qui se sauvent sont-ils peu nombreux?

– Si l’homme savait se conduire avec respect envers lui-même et avec un amour respectueux pour Dieu, tous les hommes se sauveraient, comme Dieu le désire. Mais l’homme n’agit pas ainsi. Et, comme un insensé, il se divertit avec le clinquant au lieu de prendre l’or véritable. Soyez généreux dans votre recherche du bien. Cela vous coûte-t-il ? C’est en cela que réside le mérite. Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. L’autre, large et attirante, est une séduction de Satan pour vous dévoyer. Celle du Ciel est étroite, basse, nue et sévère. Pour y passer, il faut être agile, léger, sans faste et sans matérialité. Il faut vivre par l’esprit pour pouvoir le faire. Sinon, quand sera venue l’heure de la mort, vous n’arriverez pas à franchir cette porte. Et en vérité, on en verra beaucoup qui chercheront à entrer sans pouvoir y réussir, tant la matière les rend obèses, tant les pompes mondaines les rendent compliqués, tant la croûte du péché les raidit, tant l’orgueil qui est leur squelette les empêche de se plier. Alors le Maître du Royaume viendra fermer la porte, et ceux qui sont au-dehors, ceux qui n’auront pas pu entrer au moment voulu, frapperont de dehors en criant: “ Seigneur, ouvre-nous ! Nous sommes là, nous aussi. ” Mais lui répondra : “ En vérité, je ne vous connais pas, et je ne sais pas d’où vous venez. ”

Et eux : “ Comment ? Tu ne te souviens pas de nous ? Nous avons mangé et bu avec toi et nous t’avons écouté quand tu enseignais sur nos places. ” Mais lui répondra : “ En vérité, je ne vous reconnais pas. Plus je vous regarde et plus vous m’apparaissez rassasiés de ce que j’ai déclaré nourriture impure. En vérité, plus je vous examine et plus je vois que vous n’êtes pas de ma famille. En vérité, voici, maintenant je vois de qui vous êtes les fils et les sujets : de l’Autre. Vous avez pour père Satan, pour mère la chair, pour nourrice l’orgueil, pour serviteur la haine, pour trésor vous avez le péché, et les vices sont vos pierres précieuses. Sur votre cœur il est écrit ‘ Egoïsme ’. Vos mains sont souillées des vols faits à vos frères. Hors d’ici ! Eloignez-vous de moi, vous tous, artisans d’iniquité. ” Et, alors que des profondeurs des Cieux Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes et les justes du Royaume de Dieu arriveront tout étincelants de gloire, eux, ceux qui auront fait preuve d’égoïsme au lieu d’amour, de mollesse au lieu du sacrifice, seront chassés au loin, relégués là où les pleurs sont éternels et où il n’y a que terreur. Quant aux glorieux ressuscités, venus de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, ils se rassembleront à la table nuptiale de l’Agneau, le Roi du Royaume de Dieu. Et on verra alors que beaucoup de ceux qui semblaient être les “ plus petits ” dans l’armée de la terre seront les premiers dans la population du Royaume. Et l’on verra de même que les puissants d’Israël ne seront pas tous puissants au Ciel, et que ceux que le Christ a choisis pour être ses serviteurs n’ont pas tous su mériter d’être choisis pour la table nuptiale. On verra encore que beaucoup de ceux que l’on croyait “ les premiers ” seront non seulement derniers, mais ne seront même pas derniers. Car nombreux sont les appelés, mais peu nombreux sont ceux qui de leur élection ont su se faire une vraie gloire. »

363.8

Pendant que Jésus parle, surviennent des pharisiens avec un pèlerinage qui va à Jérusalem ou qui en vient. Ils sont en quête de logement. Ils voient le rassemblement et s’approchent pour regarder. Ils ont vite fait de reconnaître la tête blonde de Jésus qui se détache sur le mur sombre de la maison de Thomas.

« Laissez-nous passer, car nous voulons dire un mot au Nazaréen » crient-ils avec autorité.

Sans enthousiasme, la foule s’ouvre et les apôtres voient arriver vers eux le groupe des pharisiens.

« Maître, paix à toi !

– Paix à vous. Que voulez-vous?

– Tu vas à Jérusalem ?

– Comme tout juif fidèle.

– N’y va pas ! Un danger t’y attend. Nous le savons, car nous en venons pour aller à la rencontre de nos familles et nous sommes venus t’avertir dès que nous avons appris que tu étais à Rama.

– Par qui, s’il est permis de le demander ? demande Pierre, soupçonneux et tout prêt à amorcer une dispute.

– Cela ne te regarde pas, homme. Sache seulement, toi qui nous traites de serpents, que près du Maître les serpents sont nombreux et que tu ferais bien de te méfier de ses disciples trop nombreux et trop puissants.

– Eh ! Tu ne voudrais pas insinuer que Manahen ou…

– Silence, Pierre ! Et toi, pharisien, sache qu’aucun danger ne peut détourner un fidèle de son devoir. Perdre la vie n’est rien. Ce qui est grave, c’est de perdre son âme en contrevenant à la Loi. Mais tu le sais, et tu sais que je le sais. Pourquoi donc me tentes-tu ? Tu ignores donc que, moi, je sais pourquoi tu le fais ?

– Je ne te tente pas. C’est la vérité. Beaucoup d’entre nous peuvent être tes ennemis, mais pas tous. Nous, nous ne te haïssons pas.

363.9

Nous savons qu’Hérode te recherche, et nous te conseillons : pars. Va-t’en d’ici, car si Hérode s’empare de toi, il va te tuer. C’est ce qu’il veut.

– C’est ce qu’il veut, mais il ne le fera pas. Cela, je le sais, moi. Du reste, allez dire à ce vieux renard que celui qu’il recherche est à Jérusalem. En effet, j’y vais en chassant les démons, en opérant des guérisons, sans me cacher. Je le fais et le ferai aujourd’hui, demain et après-demain, jusqu’à ce que mon temps soit achevé. Mais il faut que je marche, tant que je ne serai pas arrivé au terme. Et il faut qu’aujourd’hui et puis une autre fois, et une autre fois, et une autre fois encore, j’entre à Jérusalem, car il n’est pas possible que mon chemin s’arrête auparavant. Or il doit s’achever comme il est juste, c’est-à-dire à Jérusalem.

– Jean-Baptiste est mort ailleurs.

– Il est mort en sainteté, et sainteté veut dire : “ Jérusalem ”. Si maintenant Jérusalem veut dire “ péché ”, c’est seulement pour ce qui n’est que terrestre et qui bientôt ne sera plus. Mais je parle de ce qui est éternel et spirituel, c’est-à-dire de la Jérusalem des Cieux. C’est en elle, en sa sainteté, que meurent tous les justes et les prophètes. C’est en elle que je mourrai, et c’est inutilement que vous voulez m’amener à pécher. Je mourrai aussi dans les collines de Jérusalem, non pas de la main d’Hérode, mais par la volonté de ceux qui me haïssent plus subtilement que lui, parce qu’ils voient en moi l’usurpateur du Sacerdoce qu’ils convoitent et celui qui purifie Israël de toutes les maladies qui le corrompent. Ne mettez donc pas sur le dos d’Hérode tout le désir de tuer, mais prenez chacun votre part. Car, en vérité, l’Agneau se tient sur une montagne que gravissent de tous côtés des loups et des chacals pour l’égorger et… »

Les pharisiens s’enfuient sous la grêle de ces brûlantes vérités…

363.10

Jésus les regarde fuir. Il se tourne ensuite du côté du midi vers une clarté plus lumineuse qui indique peut-être la région de Jérusalem, et dit avec tristesse :

« Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues tes prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois n’ai-je pas voulu rassembler tes enfants comme l’oiseau sur son nid rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! Voilà ! La Maison de ton vrai Maître sera laissée vide. Lui, il viendra, il accomplira ce que le rite exige, comme doit le faire le premier et le dernier homme d’Israël, puis il s’en ira. Il ne séjournera plus entre tes murs pour les purifier par sa présence. Et je t’assure que tes habitants et toi, vous ne me verrez plus, sous ma vraie figure, jusqu’au jour où vous direz : “ Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ”… Quant à vous, habitants de Rama, rappelez-vous ces paroles et toutes les autres pour ne pas être pris, absorbés dans le châtiment de Dieu. Soyez fidèles… Allez. Que la paix soit avec vous. »

Et Jésus, suivi de ses apôtres, se retire dans la maison de Thomas avec tous les membres de la famille.

363.1

Thomas, who was at the back of the group speaking to Manaen and Bartholomew, leaves his companions and catches up with the Master, Who is in front with Marjiam and Isaac. «Master, we shall soon be near Ramah. Would You come and bless my sister’s baby? She is so anxious to see You! We could stop there. There is room for everybody. Make me happy, Lord!»

«I will, and with great joy! We shall enter Jerusalem tomorrow and we shall be well rested.»

«Oh! I will go ahead and warn them! May I go?»

«Yes, go. But remember that I am not a worldly friend. Do not compel your relatives to spend a lot of money. Treat Me as a “Master”. Is that clear?»

«Yes, my Lord, it is. I will tell my relatives. Are you coming with me, Marjiam?»

«If Jesus will allow me…»

«You may go, son.»

The others who have seen Thomas and Marjiam go towards Ramah, situated on the left hand side of the road, which, I think, takes one from Samaria to Jerusalem, quicken their paces to find out what is happening.

«We are going to the house of Tom’s sister. I have stayed in all the houses of your relatives. It is fair that I should go to his as well. And that is why I sent him ahead.»

«Well if You do not mind, I will go away, too. I want to see whether there is anything new. If there is bad news I will be at the Damascus Gate when You arrive there. Otherwise I will meet You… Where, Lord?» says Manaen.

«At Bethany, Manaen. I am going to Lazarus’ house at once. But I am leaving the women in Jerusalem. I will be going alone. Instead, I would ask you to escort the women to their houses after today’s rest.»

«As You wish, Lord.»

«Tell the driver to follow us to Ramah.»

In fact the wagon is coming up slowly behind the apostolic group. Isaac and the Zealot stop waiting for it, while all the others take the side road, which with a good gradient leads to the very low little hill on which Ramah is built.

363.2

Thomas, who is beside himself with joy and looks even more rubicond as his face is so bright, is waiting at the entrance of the village. He runs to meet Jesus: «How happy we are, Master! All the family is here! My father who was so anxious to see You, my mother, my brothers!… How happy I am!» And he walks beside Jesus strutting through the village like a conqueror in triumph.

The house of Thomas’ sister is at a cross-roads on the eastern side of the town. It is the typical house of a well to do Israelite, with very few windows, with an iron door with judas-hole, a terraced-roof and high dark walls enclosing the garden also at the rear of the house, with tall fruit trees standing above them.

Today the maidservant does not have to look through the peep-hole. The door is wide open and all the inhabitants of the house are lined up in the hall where the adults are busy holding back boys and girls, who, excited at the news, are restless and are continuously rushing to the front, thus infringing the hierarchical order, as the first row, the place of honour, is for Thomas parents, his sister and her husband.

But when Jesus appears at the door, no one can hold the children back. They are like a brood of chickens coming out of their nest after a night’s rest. And Jesus receives the impact of the kind garrulous group who clash against His knees and press Him, raising their little faces to be kissed, and will not move away notwithstanding the fact that their fathers and mothers call them and Thomas gives a few slaps to restore order.

«Leave them! Leave them alone! I wish the whole world were like that!» exclaims Jesus Who has stooped to please all the children.

363.3

At last He can go in and is welcomed by the more respectful greetings of the adults. What I particularly like is the greeting of Thomas’ father, a typical elderly Jew, who is raised from his knees by Jesus, Who wants to kiss him «out of gratitude for his generosity in giving Him an apostle».

«Oh! God has loved me more than He loved anybody else in Israel, because while every Jew has one son, the first-born, consecrated to the Lord, I have two: the first and the last one; and the last one is even more sacred, because, although he is neither a Levite nor a Priest, he does what not even the High Priest does: he constantly sees God and receives His commands!» he says in the trembling voice of elderly people, made even more trembling by emotion. And he concludes: «Tell me one thing only to make my soul happy. Since You do not lie, tell me: this son of mine, by the way he follows You, is he worthy of serving You and deserving eternal Life?»

«You may rest in peace, father. Your Tom has a great position in the heart of God because of his behaviour, and he will have a great place in Heaven because of the way he will serve God till he breathes his last breath.»

Thomas gasps for air like a fish out of water, deeply moved by what he has heard. The old man raises his trembling hands, while tears stream down the deep wrinkles of his face and disappear in his patriarchal beard, and he says: «May the blessing of Jacob[1] descend upon you; the blessing of the patriarch upon the just one among his sons: may the Almighty bless you with the blessings of Heaven above, blessings of the deep lying below, blessings of breasts and womb. May the blessings of your father exceed those of his ancestors and until the desire of the eternal hills comes, may they rest upon the head of Thomas, upon the head of him who is nazirite among his brothers!»

And they all reply: «Amen.»

«And now, my Lord, will You please bless this house and above all these little ones who are blood of my blood» says the old man pointing at the children.

And Jesus, stretching His arms out, says the Mosaic blessing in a loud voice and He adds: «May God, in Whose presence your ancestors walked, God Who has nourished Me since My childhood to the present day, may the angel who has delivered Me from all evil, bless these children; may they be named after Me and after My ancestors and may they multiply copiously upon the earth» and He ends by taking the last born from his mother’s arms to kiss his forehead saying: «And may the chosen virtues, that dwelt in the Just Man, after whom you have been named, descend upon you like butter and honey, making your name worthy of Heaven and adorned like a palm-tree laden with golden dates and a cedar covered with royal leaves.»

Everybody is moved and enraptured. Then they all utter a cry of joy while Jesus enters the house and they stop only when He is in the yard, where He introduces His Mother, the women disciples, the apostles and the disciples.

363.4

It is no longer morning, neither is it noon. The weak ray of sunlight which pierces the ruffled clouds with difficulty while the weather is still so unsettled, makes me understand that the sun is about to set and that twilight is approaching.

The women are no longer here. Neither are Isaac and Manaen. Marjiam instead is with Jesus, and is so happy to be with Him, while He goes out with the apostles and all the male relatives of Thomas to see some vineyards, which appear to be of a special quality. Both the old man and Thomas’ brother-in-law enlarge upon the position of the vineyard and the rarity of the vines, which at present have but a few tender leaves.

Jesus listens kindly to the explanations showing an interest in pruning and hoeing, as if they were the most useful things on the earth. At the end He says to Thomas smiling: «Shall I bless this dowry of your twin sister?»

«Oh! My Lord! I am neither Doras nor Ishmael. I know that Your very breath, Your presence in a place is already a blessing. But if You wish to raise Your hand on these plants, please do so, and their fruit will certainly be holy.»

«And will it not be plentiful? What do you say, father?»

«Holy… is enough. And I will press the grapes and will send You the wine for next Passover, so that You may use it in the ritual chalice.»

«Very well. I will look forward to that. At next Passover I want to use the wine of a true Israelite.»

They leave the vineyard to go back to the village.

363.5

The news of the presence of Jesus of Nazareth in the village has spread and the people of Ramah are all in the streets and are anxious to approach Him.

Jesus notices it and says to Thomas: «Why do they not come? Are they perhaps afraid of Me? Tell them that I love them.»

Oh! Thomas does not wait to be told twice! He goes from one group to another so quickly that he looks like a large butterfly fluttering from flower to flower. And those who hear the invitation do not wait to be told twice either. They all run, passing the word round, and gather round Jesus, so that when they arrive at the cross-roads, where Thomas’ house is, there is quite a large crowd speaking respectfully to the apostles and Thomas’ relatives, asking various questions.

I realize that Thomas has worked hard during the winter months and much of the Gospel is already known in the village. But they wish to have detailed elucidations and one who has been deeply affected by the blessing given by Jesus to the little ones of the hospitable house and by what the Master said of Thomas, asks: «Will they thus be all just, because of Your blessing?»

«Not because of it, but because of their actions. I gave them the strength of My blessing to strengthen them in their actions. But it is for them to perform deeds and only good deeds to attain Heaven. I bless everybody… but not everybody in Israel will be saved.»

«On the contrary, only very few will be saved, if they continue to behave as they are behaving now» grumbles Thomas.

«What are you saying?»

«The truth. Those who persecute the Christ and calumniate Him, those who do not practise what He teaches will have no part in His Kingdom» says Thomas in his deep voice.

363.6

One pulls him by the sleeve asking: «Is He very severe?» pointing at Jesus.

«No, He is not. On the contrary, He is too good.»

«What do you think, shall I be saved? I am not one of the disciples. But you know what I am like and that I always believed what you said. But I do not know what I should do, in addition to that. What should I do exactly to be saved, besides what I already do?»

«Ask Him. His judgement will be more truthful and kind than mine.»

The man comes forward. He says: «Master, I comply with the Law and since Thomas repeated Your words to me, I try to comply more and more. But I am not very generous. I do what I must do. I refrain from doing what it is not right to do, because I am afraid of Hell. But I am very fond of a comfortable life and, I admit it, I endeavour to do things in such a way that while I do not commit sin, I do not trouble myself too much either. Shall I be saved by behaving so?»

«You will. But why be avaricious with a good God Who is so generous with you? Why do you only expect to be saved, and with some difficulty, and you do not wish to attain great holiness, which gives eternal peace at once? Come on, man! Be generous with your soul!»

The man says humbly: «I will think about it, my Lord. I feel that You are right and that I am wronging my soul by compelling it to go through a long purification period before having peace.»

«Very well. Your thought is already the beginning of perfectioning.»

363.7

Another man from Ramah asks: «Lord, are only few people saved?»

«If man knew how to behave with respect towards himself and with reverential love towards God, all men would be saved, as God desires. But man does not behave thus. And like a fool, he plays with tinsel, instead of taking pure gold. Be generous in wishing Good. Does it hurt you? That is where is the merit. Strive to go through the narrow door. The other one, which is wide and ornate is an allurement of Satan to lead you astray. The gate of Heaven is narrow, low, barren and rough. In order to enter it one must be agile, light, without pomp and without materialism. One must be spiritual to be able to do so. Otherwise when the hour of your death comes, you will not be able to pass through it. And many will be really seen trying to pass through it without being successful, as they are so laden with materialism, so decked out with worldly pomp, so stiffened by the crust of sin, unable to stoop because of their pride, which acts as a skeleton. And the Landlord of the Kingdom will then come to close the gate, and those who are outside, those who have not been able to go in at the right time, will knock at the door shouting: “Lord, open the gate to us. We are here as well”. But He will reply: “I really do not know you, neither do I know where you come from”. And they will say: “What? Do You not remember us? We ate and drank with You and we listened to You when You preached in our squares”. But He will reply: “I really do not know you. The more I look at you the more you seem to be sated with what I declared was impure food. The more I examine you, the more I see that you do not belong to My family. Now, I really see whose sons and subjects you are: the Other one’s. Satan is your father, Flesh your mother, Pride your nurse, Hatred your servant, sin is your treasure, vices your gems. On your hearts there is written: ‘Selfishness’. Your hands are dirty with the robberies committed against your brothers. Away from here! Away from Me, all of you, operators of iniquity”. Then, while Abraham, Isaac, Jacob and all the prophets and the just of the Kingdom of God will come from the heights of Heaven shining with glory, those who did not love but were selfish, who did not sacrifice themselves but lived in the lap of luxury, will be driven away and confined to the place where there is eternal weeping and nothing but terror. And those who have risen gloriously and have come from east and west, from north and south, will gather around the nuptial table of the Lamb, the King of the Kingdom of God. And then one will see that many who appeared to be “the least” in the army of the earth, will be the first in the city of the Kingdom. And one will also see that not all the mighty ones in Israel are mighty in Heaven, and not all those chosen by the Christ to be His servants have deserved to be elected to the nuptial table. Instead one will see that many, who were considered to be “the first” will be not only the last, but not even the last. Because many are called, but few are those who can turn their election into true glory.»

363.8

While Jesus is speaking, some Pharisees arrive with a pilgrimage on its way to Jerusalem, or coming from Jerusalem looking for lodgings, the Holy City being overcrowded. They see the concourse of people and approach them to see. They soon see Jesus’ fair-haired head shining against the dark wall of Thomas’ house.

«Let us pass, because we want to speak to the Nazarene» they shout overbearingly.

The crowds open out with no enthusiasm and the apostles see the group of Pharisees come towards them.

«Peace to You, Master!»

«Peace to you. What do you want?»

«Are You going to Jerusalem?»

«Like every faithful Israelite.»

«Don’t go! A serious danger threatens You there. We know because we have come from Jerusalem to meet our families. And we came to warn You because we heard that You were at Ramah.»

«Who told you, if you do not mind Me asking you?» asks Peter who has become suspicious and is ready to begin a discussion.

«It does not concern you, man. All you need know, since you call us snakes, is that there are many snakes near the Master and that you ought to mistrust the too many and too powerful disciples.»

«Hey! You are not insinuating that Manaen or…»

«Be silent, Peter. And you, Pharisee, you ought to know that no danger can dissuade a faithful believer from fulfilling his duty. If one loses his life, it is nothing. What is serious, is to lose one’s soul by infringing the Law. But you know. And you know that I know. So why are you tempting Me? Do you perhaps not know that I am aware why you are doing it?»

«I am not tempting You. It is the truth. Many among us are hostile to You. But not everybody. We do not hate You.

363.9

We know that Herod is looking for You and we say to You: go away. Go away from here, because if Herod captures You, he will certainly kill You. That is what he wants.»

«It is what he wants, but he will not do it. I know that for certain. In any case you may go and tell the old fox that He, Whom he is seeking, is in Jerusalem. In fact I come expelling demons and curing people, without hiding Myself. And I do and will do it today, tomorrow and the day after tomorrow, until My time is over. But I must proceed until I reach the end. And I must enter Jerusalem today and then once more, and once more and once more again, because it is not possible for Me to stop before. And it must be fulfilled with justice, that is, in Jerusalem.»

«The Baptist died elsewhere.»

«He died in holiness, and holiness means: “Jerusalem”. If Jerusalem now means “Sin”, that is only because of what is only earthly and will soon no longer be. But I am talking of what is eternal and spiritual, that is, of the Heavenly Jerusalem. All the just and the prophets die in it, in its holiness. And I will die in it and in vain you are trying to lead Me into sin. And I will die also among the hills of Jerusalem but not by Herod’s hand, but by the will of him who hates Me more subtly than Herod does, because he sees in Me the usurper of the longed for Priesthood and the Purifier of Israel from all the infectious diseases polluting it. So do not throw on Herod all the eagerness to kill, but each of you should take his share, because truly, the Lamb is on a mountain which wolves and jackals are climbing on every side to slaughter it and…»

The hailstorm of burning truth makes the Pharisees flee.

363.10

Jesus watches them run away. He then looks southwards, towards a clearer brightness, which perhaps indicates the area of Jerusalem and He sadly says: «Jerusalem, Jerusalem, you that kill your prophets and stone those who are sent to you, how often have I longed to gather your children, as a hen gathers her brood under her wings, and you refused! So be it! Your House will be left to you devoid of its true Master. He will come, He will act, as prescribed by the rite, as the first and last son of Israel must act, and then He will go away. He will no longer stay within your walls to purify you by means of His presence. And I assure you that you and your inhabitants will no longer see Me, in My true figure, till the time comes when you say: “Blessings on Him Who comes in the name of the Lord”… And you people of Ramah, remember these words and all the others so that you may not be involved in the punishment of God. Be faithful… Go. Peace be with you.»

And Jesus withdraws to the house of Thomas with all his relatives and the apostles.


Notes

  1. bénédiction de Jacob qui se trouve en Gn 49, 25-26.

Notes

  1. blessing of Jacob, in: Genesis 49:25-26.