The Writings of Maria Valtorta

375. Le cène rituelle à la maison de Lazare,

375. The ritual dinner in the palace of Lazarus

375.1

Quand Jésus entre dans le palais, il le voit envahi par une foule de serviteurs venus de Béthanie, affairés aux préparatifs. Etendu sur un lit, Lazare est très souffrant. Il salue d’un pâle sourire son Maître qui se hâte vers lui et se penche avec affection sur sa couche en demandant :

« Les secousses du char t’ont fait beaucoup souffrir, n’est-ce pas, mon ami ?

– Beaucoup, Maître, répond Lazare, épuisé au point que la seule évocation de ce qu’il a éprouvé lui donne les larmes aux yeux.

– C’est ma faute ! Pardonne-moi ! »

Lazare saisit une main de Jésus et la porte à son visage. Il la passe sur sa joue décharnée, la baise et murmure :

« Oh ! ce n’est pas ta faute, Seigneur ! Et je suis tellement content que tu fasses la Pâque avec moi… ma dernière Pâque !…

– Si Dieu le veut, malgré tout, tu en feras encore beaucoup, Lazare. Et ton cœur sera toujours avec moi.

– Ah ! pour moi, c’est la fin ! Tu me réconfortes… mais c’est fini. Et cela me désole, dit-il en pleurant.

– Tu vois, Seigneur ? Lazare ne fait que pleurer » dit Marthe avec pitié. « Dis-lui de ne pas le faire. Il s’épuise !

– La chair a encore ses droits. La souffrance est pénible, Marthe, et le corps gémit. Il a besoin de ce soulagement. Mais l’âme est résignée, n’est-ce pas, mon ami ? Ton âme de juste fait volontiers la volonté du Seigneur…

– Oui… Mais je pleure parce que, persécuté comme tu l’es, tu ne pourras m’assister à mon agonie… j’ai peur de la mort, je suis terrifié… Si tu étais présent, je n’éprouverais pas tous ces sentiments. Je me réfugierais dans tes bras… et je m’endormirais ainsi… Comment vais-je faire ? Comment vais-je faire pour mourir sans réagir contre l’obéissance à cette redoutable volonté ?

– Allons ! Ne pense pas à cela ! Tu vois ? Tu fais pleurer tes sœurs… Le Seigneur t’aidera si paternellement que tu n’auras pas peur. La peur, ce sont les pécheurs qui doivent l’avoir…

– Mais toi, si tu peux venir, tu viendras à mon agonie ? Promets-le-moi !

– Je te le promets. Cela et davantage encore.

– Pendant qu’on fait les préparatifs, raconte-moi ce que tu as fait ce matin… »

Jésus, assis sur le bord du lit, tenant dans ses mains une des mains décharnées de Lazare, raconte par le menu tout ce qui est arrivé jusqu’à ce que Lazare, épuisé, s’assoupisse. Et Jésus ne le quitte même pas à ce moment. Il reste immobile pour ne pas troubler ce sommeil réparateur, en faisant signe que l’on fasse le moins de bruit possible, si bien que Marthe, après avoir apporté à Jésus de quoi se restaurer, se retire sur la pointe des pieds en abaissant le lourd rideau et en fermant la porte massive. Le bruit de la maison en grande animation s’atténue ainsi en un bourdonnement à peine audible. Lazare dort. Jésus prie et médite.

375.2

Les heures passent ainsi, jusqu’à ce que Marie vienne apporter un lumignon parce que la nuit tombe et que l’on va fermer les fenêtres.

« Il dort encore ? murmure-t-elle.

– Oui. Il est tranquille. Cela va lui faire du bien.

– Cela fait des mois qu’il n’avait pas autant dormi… Je crois qu’il était très agité par la crainte de la mort. Avec toi auprès de lui, il n’a plus peur… de rien… Il a de la chance, lui !

– Pourquoi, Marie ?

– Parce qu’il pourra t’avoir à ses côtés à son décès. Mais moi…

– Pourquoi pas toi ?

– Parce que tu veux mourir… bientôt. Et moi, qui sait quand cela m’arrivera ! Fais-moi mourir avant toi, Maître !

– Non, tu dois me servir encore pendant longtemps.

– Dans ce cas, j’ai raison de dire que Lazare a de la chance !

– Les bien-aimés auront tous la même chance que lui, et même davantage.

– De qui s’agit-il ? Des purs, n’est-ce pas ?

– De ceux qui savent aimer totalement. Toi, par exemple, Marie.

– Oh, mon Maître ! »

Marie glisse par terre sur la natte multicolore qui couvre le dallage de cette pièce, et elle reste là, dans l’adoration de son Jésus.

Marthe, qui la cherche, passe la tête à l’intérieur.

« Viens donc ! Nous devons préparer la salle rouge pour la cène du Seigneur.

– Non, Marthe. Celle-là, vous la donnerez aux plus humbles, aux paysans de Yokhanan, par exemple.

– Pourquoi donc, Maître ?

– Parce que les pauvres sont autant de Jésus et que je suis en eux. Honorez toujours le pauvre que personne n’aime, si vous voulez être parfaites. Pour moi, vous ferez les préparatifs dans l’atrium. En tenant ouvertes les nombreuses portes qui donnent sur les salles intérieures, tous me verront, et moi, je verrai tout le monde. »

Marthe, guère satisfaite, objecte :

« Toi, dans un vestibule ! Ce n’est pas digne de toi !

– Va, va. Fais ce que je te dis. Il est très digne de faire ce que le Maître conseille. »

Marthe et Marie sortent sans faire de bruit, et Jésus reste patiemment pour veiller son ami qui repose.

375.3

Toutes les cènes sont en cours. La répartition des hôtes n’est guère juste humainement parlant, mais elle est établie d’un point de vue supérieur qui tend à faire honneur et à montrer de l’amour à ceux que le monde néglige habituellement.

Ainsi, dans la splendide et royale salle rouge, dont la voûte est soutenue par deux colonnes de porphyre grenat entre lesquelles on a dressé la longue table, sont assis les paysans de Yokhanan, avec Marziam, Isaac, et d’autres disciples pour arriver au nombre prescrit[1]. Dans la salle où eut lieu le repas du soir précédent se trouvent d’autres disciples parmi les plus humbles. Dans la salle blanche — un rêve de blancheur — se trouvent les disciples vierges et, avec elles qui sont seulement quatre, il y a les sœurs de Lazare, Anastasica et d’autres jeunes. Mais la reine de la fête, c’est Marie, la Vierge par excellence. Dans la pièce voisine, qui est peut-être une bibliothèque, car elle est garnie de hauts coffres sombres qui contiennent probablement des rouleaux ou en contenaient, se trouvent les veuves et les épouses, avec à leur tête Elise de Beth-Çur et Marie, femme d’Alphée. Et ainsi de suite.

Mais ce qui frappe le plus, c’est de voir Jésus dans l’atrium de marbre. Il est vrai que le goût raffiné des deux sœurs de Lazare a fait du vestibule carré un véritable salon lumineux, fleuri, plus splendide qu’une salle. Mais c’est tout de même un vestibule ! Jésus est avec les douze, mais à côté de lui, il y a Lazare, ainsi que Maximin.

Les cènes se poursuivent selon le rite… et Jésus rayonne de joie d’être au milieu de tous ses fidèles disciples.

375.4

Une fois les cènes terminées, la dernière coupe bue, le dernier psaume chanté, tous ceux qui se trouvaient dans les différentes salles affluent vers l’atrium. Mais ils n’y entrent pas tous à cause de la table trop encombrante.

« Allons dans la salle rouge, Maître. Nous pousserons la table contre le mur et nous nous tiendrons tous autour de toi » suggère Lazare, en faisant signe aux serviteurs de s’exécuter.

Jésus est maintenant assis au centre, entre les deux précieuses colonnes, sous un lampadaire qui l’éclaire vivement, élevé sur un piédestal fait de deux lits-sièges qui servaient pour le repas rituel. Il ressemble vraiment à un roi assis sur son trône au milieu de ses courtisans. Son habit de lin, qu’il a revêtu avant la cène, brille comme s’il était fait de fils précieux et il semble d’autant plus blanc qu’il se détache sur le rouge sombre des murs et celui, lumineux, des colonnes. Son visage est vraiment divin et royal pendant qu’il parle ou écoute ceux qui l’entourent. Même les plus humbles, qu’il a voulus très proches, se sentant aimés par les autres comme des frères, parlent avec assurance en partageant leurs espoirs et leurs ennuis avec simplicité et foi.

375.5

Mais le plus heureux parmi tant d’heureux, c’est le grand-père de Marziam ! Il ne quitte pas son petit-fils un seul instant et c’est pour lui un vrai plaisir de le regarder, de l’entendre… De temps à autre, assis près de Marziam qui se tient debout, il penche sa tête chenue sur la poitrine de son petit-fils qui la caresse.

Jésus le voit faire plusieurs fois, et il interpelle le vieillard :

« Père, ton cœur est joyeux ?

– Ah ! très joyeux, mon Seigneur ! Tout cela me semble irréel. Je n’ai plus qu’un désir…

– Lequel ?

– Celui que j’ai dit à mon fils, mais lui ne l’approuve pas.

– De quoi s’agit-il ?

– Je voudrais, si possible, mourir dans cette paix. Bientôt, du moins. Car j’ai connu désormais mon plus grand bonheur. Une créature ne peut en connaître davantage sur la terre. M’en aller… ne plus peiner… Partir… Comme tu l’as bien dit au Temple, Seigneur ! “ Celui qui offre un sacrifice avec le bien des pauvres ressemble à celui qui égorge un fils sous les yeux de son père. ” Seule la crainte que tu lui inspires retient Yokhanan de rivaliser avec Doras. Il est en train de perdre le souvenir de ce qui est arrivé à l’autre. Ses champs prospèrent, et il les fertilise avec notre sueur. Cette sueur n’est-elle pas le bien du pauvre, son être propre, qu’il épuise dans des fatigues supérieures à ses forces ? Il ne nous frappe pas, il nous donne seulement de quoi tenir bon au travail. Mais ne nous exploite-t-il pas plus que des bœufs ? Dites-le, vous, mes compagnons… »

Les paysans, anciens et nouveaux, de Yokhanan acquiescent.

« Hum ! Je crois que… Oui, que tes paroles le rendent plus vampire que jamais, et à leur détriment… Pourquoi en avoir parlé, Maître ? demande Pierre.

– Parce qu’il le méritait déjà. N’est-ce pas, vous qui travaillez les champs ?

– Oh oui ! Les premiers mois… tout allait bien. Mais maintenant… c’est pire qu’avant, affirme Michée.

– Le seau du puits descend par son propre poids, observe sentencieusement le prêtre Jean.

– Oui, et le loup se lasse vite de faire l’agneau » renchérit Hermas.

Apitoyées, les femmes murmurent entre elles. Jésus, les yeux dilatés par la pitié, regarde les pauvres paysans, affligé de son impuissance à les soulager.

Lazare dit :

« J’avais offert des sommes folles pour obtenir ces champs et leur donner la paix. Mais je n’y suis pas parvenu. Doras me hait. Il ressemble en tout point à son père.

– Eh bien… nous mourrons ainsi. C’est notre sort. Mais le repos dans le sein d’Abraham viendra bien ! s’exclame Saul, un autre paysan de Yokhanan.

– Dans le sein de Dieu, mon fils, dans le sein de Dieu ! La Rédemption sera accomplie, les Cieux seront ouverts, vous irez au Ciel et… »

375.6

Mais voilà qu’au portail on frappe des coups vigoureux qui retentissent fortement. Toute l’assemblée est en état d’alerte.

« Qui est-ce ?

– Qui circule un soir de Pâque ?

– Des troupes ?

– Des pharisiens ?

– Des soldats d’Hérode ? »

Mais alors que l’agitation s’étend, apparaît Lévi, le gardien du palais :

« Pardonne-moi, Rabbi » dit-il. « Il y a un homme qui te demande. Il est dans l’entrée. Il paraît très affligé. Il est âgé et me semble être du peuple. Il te veut, toi, et vite.

– Oh là, là ! Ce n’est pas un soir de miracles ! Qu’il revienne demain… dit Pierre.

– Non. Toute soirée est une heure de miracles et de miséricorde » rétorque Jésus.

Il se lève et descend de son siège pour aller dans l’atrium.

« Tu y vas seul ? Je viens moi aussi, dit Pierre.

– Non. Toi, reste ici. »

Il sort à côté de Lévi.

Au fond, près du lourd portail, dans l’atrium à demi obscur — car on a éteint les lampes qui l’éclairaient auparavant —, se tient un vieillard très agité. Jésus l’aborde.

« Arrête-toi, Maître. J’ai peut-être touché un mort, et je ne veux pas te contaminer. Je suis Abraham, le parent de Samuel, l’époux d’Annalia. Nous consommions la cène et Samuel buvait, buvait… comme il n’est pas permis de le faire. Mais le jeune homme me semblait fou depuis quelque temps. C’est le remords, Seigneur ! A moitié ivre, il disait en buvant encore : “ Ainsi, je ne me rappelle plus lui avoir dit que je le hais. Car, sachez-le, j’ai maudit le Rabbi. ” Et il me semblait être Caïn parce qu’il répétait : “ Mon iniquité est trop grande. Je ne mérite pas de pardon ! Il faut que je boive ! Boire pour ne pas me rappeler ! Car il est dit[2] que celui qui maudit son Dieu portera son péché et est passible de mort. ” Il délirait déjà de la sorte, quand le frère de la mère d’Annalia est entré dans la maison pour demander raison de la répudiation. Samuel, à moitié ivre, a réagi par de mauvaises paroles et l’homme l’a menacé de l’amener devant le magistrat pour le tort qu’il fait à l’honneur de la famille. Samuel a commencé par le gifler. Ils en sont venus aux mains… Ma sœur et moi sommes âgés, mon serviteur et ma servante également. Que pouvions-nous faire, nous quatre et les deux filles, les sœurs de Samuel ? Nous pouvions crier, essayer de les séparer, mais rien de plus… Alors Samuel prit la hache à l’aide de laquelle nous avions préparé le bois pour l’agneau et il en asséna un coup sur la tête de l’autre… Il ne lui a pas fendu la tête, car il a frappé avec le revers, pas avec la lame. Mais l’autre chancela en gargouillant et tomba… Nous n’avons plus crié… pour… pour ne pas attirer les gens… Nous nous sommes barricadés dans la maison… Nous étions atterrés… Nous espérions que l’homme reviendrait à lui, en lui jetant de l’eau sur la tête. Mais il gargouille tant et plus. Il va sûrement mourir. Par moments, il semble déjà mort. Je me suis enfui pour t’appeler à un de ces moments. Demain… peut-être avant, sa parenté va chercher l’homme. Et chez nous, puisqu’ils savent certainement qu’il est venu. Et ils vont le trouver mort… Alors Samuel, selon la Loi, sera tué… Seigneur ! Seigneur ! Le déshonneur est déjà sur nous… Mais cela, non ! Pitié pour ma sœur, Seigneur ! Lui, il t’a maudit… Mais sa mère t’aime… Que devons-nous faire ?

– Attends-moi ici. Je viens. »

Jésus revient vers la salle et hèle de la porte :

« Judas de Kériothh, viens avec moi.

– Où, Seigneur ? dit Judas en obéissant aussitôt.

– Tu vas le savoir. Vous tous, restez dans la paix et l’amour. Nous serons bientôt de retour. »

375.7

Ils sortent de la salle, du vestibule, de la maison. Les rues désertes et sombres sont vite parcourues. Ils arrivent à la maison du malheur.

« La maison de Samuel ? Pourquoi…

– Silence, Judas. Je t’ai emmené parce que j’ai confiance en ton bon sens. »

Le vieillard s’est fait reconnaître. Ils entrent. Ils montent à la pièce du cénacle où on a traîné l’hommes frappé.

« Un mort ? ! Mais, Maître ! Nous allons nous contaminer !

– Il n’est pas mort. Tu vois qu’il respire et tu l’entends râler. Je vais maintenant le guérir…

– Mais il a reçu un coup à la tête ! Il y a eu un crime, ici ! Qui l’a frappé ?… Et le jour de l’agneau ! »

Judas est terrifié.

« C’est lui » dit Jésus en désignant Samuel, qui s’est jeté dans un coin, pelotonné sur lui-même, plus mourant que le mourant lui-même, râlant de terreur comme l’autre râle dans l’agonie, un pan de son manteau sur la tête pour ne pas voir ni être vu. Tous le regardent avec épouvante, à l’exception de sa mère qui, à l’horreur de l’homicide, unit le déchirement pour son fils coupable et condamné d’avance par la loi de fer d’Israël.

« Tu vois à quoi conduit un premier péché ? A cela, Judas ! Il a commencé par être parjure à sa femme, puis à Dieu ; ensuite, il est devenu calomniateur, menteur, blasphémateur, après quoi, il s’est adonné au vin et maintenant, il est homicide. C’est ainsi que l’on devient la possession de Satan, Judas. Gardes-en toujours le souvenir… »

Le bras tendu, Jésus montre Samuel. Il a l’air terrible.

Mais ensuite, il regarde la mère qui, appuyée à la fenêtre, secouée par des tremblements, a du mal à rester debout,. Elle paraît sur le point de mourir.

Jésus dit avec tristesse :

« C’est comme cela, Judas, que les mères sont tuées sans autre arme que celle du crime de leur fils… les pauvres mères !… C’est d’elle que j’ai pitié. J’ai pitié des mères, moi ! Moi, le Fils qui ne verra pas de pitié pour sa Mère… »

Jésus pleure… Judas l’observe avec stupéfaction…

375.8

Jésus se penche alors sur le mourant et lui pose une main sur la tête. Il prie. L’homme ouvre les yeux, il paraît un peu ivre, étonné… Mais il revient vite à lui. Il s’assied en appuyant ses poings au sol, regarde Jésus, et demande :

« Qui es-tu ?

– Jésus de Nazareth.

– Le Saint ! Pourquoi es-tu auprès de moi ? Où suis-je ? Où sont ma sœur et sa fille ? Qu’est-il arrivé ? »

Il cherche à se rappeler.

« Homme, tu me dis saint : tu crois donc que je le suis ?

– Oui, Seigneur. Tu es le Messie du Seigneur.

– Ma parole est donc sacrée pour toi ?

– Oui, Seigneur.

– Alors… »

Jésus se dresse sur ses pieds. Il est imposant :

« Alors, moi, comme Maître et comme Messie, je t’ordonne de pardonner. Tu es venu ici et tu as été insulté…

– Ah ! Samuel ! Oui !… La hache ! Je vais le dénon… dit-il en se levant.

– Non. Pardonne au nom de Dieu. C’est pour cela que je t’ai guéri. La mère d’Annalia te tient à cœur, parce qu’elle a souffert. Celle de Samuel souffrirait plus encore. Pardonne. »

L’homme tergiverse quelque peu. Il regarde celui qui l’a frappé, avec une rancœur manifeste. Il regarde la mère angoissée. Il regarde Jésus qui le domine… Il n’arrive pas à se décider.

Jésus lui ouvre les bras et l’attire sur sa poitrine en disant :

« Par amour pour moi ! »

L’homme s’effondre en larmes… Etre ainsi dans les bras du Messie, sentir son haleine dans ses cheveux, et un baiser là où il avait reçu le coup !… Il sanglote tant et plus…

« Oui, n’est-ce pas ? » dit Jésus. « Tu pardonnes par amour pour moi ? Ah ! bienheureux les miséricordieux ! Pleure, pleure sur mon cœur. Que toute rancœur sorte avec tes larmes ! Tout nouveau ! Tout pur ! Voilà, comme ça ! Doux, oh doux comme doit l’être un fils de Dieu… »

L’homme lève la tête et dit à travers ses sanglots :

« Oui, oui. Ton amour est si doux ! Elle a raison, Annalia ! je la comprends maintenant… Femme, ne pleure plus ! Le passé est passé. Personne ne saura rien par ma bouche. Profite de ton fils retrouvé, s’il peut te donner de la joie. Adieu, femme. Je rentre chez moi. »

Et il s’apprête à sortir. Jésus lui dit :

« Je viens avec toi, homme. Adieu, mère. Adieu, Abraham. Adieu, mes filles. »

Pas un mot pour Samuel qui, de son côté, ne trouve rien à dire. Sa mère lui enlève de la tête le manteau et, par réaction de ce qui s’est passé, elle se jette sur son fils :

« Remercie ton Sauveur, âme dure ! Remercie-le, indigne que tu es !…

– Laisse-le, laisse-le, femme ! Sa parole serait sans valeur. Le vin le rend stupide et son âme est fermée. Prie pour lui… Adieu. »

375.9

Il descend l’escalier, et rejoint sur la route Judas et l’autre homme. Il se dégage du vieil Abraham qui veut lui baiser les mains et se met à marcher rapidement à la clarté de la lune qui se lève.

« Tu habites loin ? demande-t-il à l’homme.

– Au pied du mont Moriah.

– Dans ce cas, il nous faut nous séparer.

– Seigneur, tu m’as laissé à mes enfants, à mon épouse, à la vie. Que dois-je faire pour toi ?

– Etre bon, pardonner et te taire. Jamais, pour aucune raison, tu ne dois dire un mot sur ce qui est arrivé. Le promets-tu ?

– Je le jure sur le Temple sacré ! Bien que je souffre de ne pouvoir raconter que tu m’as sauvé…

– Sois juste, et moi, je sauverai ton âme. Et cela, tu pourras le dire. Adieu, homme, que la paix soit avec toi. »

L’homme s’agenouille, salue. Ils se séparent.

« Quelle histoire ! Quelle histoire ! répète Judas, maintenant qu’ils sont seuls.

– Oui. Horrible. Judas, toi non plus tu n’en parleras pas.

– Non, Seigneur, mais pourquoi as-tu voulu que je vienne avec toi ?

– N’es-tu pas content de ma confiance ?

– Si, vraiment ! Mais…

– Je voulais te faire réfléchir en te montrant où peuvent conduire le mensonge, le désir d’argent, l’ivrognerie et les pratiques mortes d’une religion dépourvue de sentiments et de progression spirituelle. Qu’était le repas symbolique pour Samuel ? Rien ! Une ripaille. Un sacrilège. Et c’est pendant ce repas qu’il est devenu homicide. Beaucoup, à l’avenir, seront comme lui. Avec le goût de l’Agneau sur la langue, non pas de l’agneau né d’une brebis, mais de l’Agneau divin, ils s’en iront vers le crime. Pourquoi cela ? Comment cela ? Tu ne te le demandes pas ? Mais moi, je te le dis quand même : parce qu’ils auront préparé cette heure par beaucoup de précédents, au commencement, par entêtement ensuite. Souviens-toi de cela, Judas.

– Oui, Maître. Et qu’allons-nous dire aux autres ?

– Que quelqu'un était dans un état très grave. C’est la vérité. »

Ils tournent rapidement par une route, et je les perds de vue.

375.1

When Jesus enters the palace, He sees that it is crowded with servants from Bethany, who are busy making preparations. Lazarus, who is lying on a little bed and is suffering very much, greets the Master with a faint smile. He hastens towards him, bending kindly over the little bed and asking: «You have suffered a great deal, My dear friend, because of the jolting of the wagon, have you not?»

«Very much,Master» replies Lazarus, so exhausted that the very memory of what he felt makes tears well up in his eyes.

«Through My fault! Forgive Me!»

Lazarus takes one of Jesus’ hands up to his face, rubs his skinny cheek against it, kisses it and whispers: «Oh! It was no fault of Yours, Lord! I am so happy that You are celebrating Passover with me… my last Passover!…»

«With God’s will, notwithstanding everything, you will celebrate many more, Lazarus. And your heart will always be with Me.»

«Oh! I am a finished man! You are consoling me… but it is all over. And I am sorry…» He weeps.

«See, Lord? Lazarus does nothing but weep» says Martha compassionately. «Tell him not to cry. He wears himself out!»

«The body still has its rights. It is painful to suffer, Martha, and the flesh weeps. And it needs relief. But the soul is resigned, is it not, My friend? Your just soul is willing to do the will of the Lord…»

«Yes… But I weep because, since You are so persecuted, You will not be able to assist me at the hour of my death… I shudder at the thought of death, I am afraid to die… But if You were here, I would not feel thus. I would take shelter in Your arms… and I would fall asleep like that… What shall I do? How shall I be able to die without feeling that I do not want to obey the dreadful Will?»

«Cheer up! Do not let that worry you! See? You are making your sisters weep… The Lord will help you so paternally’that you will not be afraid. Sinners must be afraid…»

«But You, if You can, will You come to me when I am in agony? Promise me!»

«I promise that and even more.»

«While they are preparing, tell me what You have done this morning…»

And Jesus, sitting on the edge of the little bed, holding one of Lazarus’ skinny hands in His own, tells him in detail what happened, until Lazarus, who is exhausted, falls asleep. Jesus does not leave him even then. He remains still in order not to disturb his refreshing slumber and makes signs to make the least possible noise, so much so that Martha, after bringing a refreshment to Jesus, withdraws on tiptoe, drawing the heavy curtain and closing the solid door. The noise of the busy house is thus deadened to a barely perceptible low sound. Lazarus is sleeping. Jesus is engrossed in prayer and meditation.

375.2

Some hours pass thus, until Mary of Magdala brings a small lamp, because it is getting dark and the windows are closed.

«Is he still sleeping?» she whispers.

«Yes. He is very calm. It will do him good.»

«He has never slept so long for months… I think that the fear of death made him restless. With You close to him he is not afraid of anything… He is fortunate!»

«Why, Mary?»

«Because he will be able to have You beside him when he dies. But I…»

«Why not?»

«Because You want to die… soon. And who knows when I will die. Let me die before You, Master!»

«No, you will have to serve Me for a long time yet.»

«So I am right in saying that Lazarus is fortunate!»

«All the beloved ones will be as fortunate as he is, even more so…»

«Who are they? The pure, are they not?»

«Those who know how to love totally. You, for instance, Mary.»

«Oh! My Master!» Mary throws herself down, on the multi-coloured mat that covers the floor of this room, and she remains there, adoring her Jesus.

Martha, who is looking for her, looks into the room. «Come on, then! We must prepare the red hall for the supper of the Lord.»

«No, Martha. Give that room to the most humble guests, to Johanan’s peasants, for instance.»

«Why, Master?»

«Because each poor man is Jesus and I am in all of them. Always love the poor whom no one loves, if you want to be perfect. Prepare for Me in the entrance-hall. If you leave open the doors of the many rooms opening on to it, everybody will be able to see Me and I shall see everybody.»

Martha, who is not very happy, objects: «What? You in the entrance-hall?… It is not worthy of You!…»

«Go, do as I say. It is most worthy to do what the Master advises.»

Martha and Mary go out silently and Jesus remains patiently to watch His friend who is resting.

375.3

Supper has now begun, with a distribution of the guests, which from a human point of view is not very just, but with a superior view aiming at giving honour and love to those who are usually neglected by the world.

Thus Johanan’s peasants with Marjiam, Isaac and other disciples, to make up the ritual number[1], are sitting in the splendid regal red hall, the vault of which is supported by two columns of red porphyry, between which a long table has been placed. In the hall where they had supper the previous evening there are some more of the most humble disciples. In the white hall, a dream of white splendour, there are the virgin-disciples, and with them, only four in number, there are Lazarus’ sisters and Anastasica and other young women. But the queen of the feast is Mary, the preeminent Virgin. In the next room, which is perhaps a library because the walls are lined with tall dark bookcases, which perhaps contain or contained rolls, there are the widows and the wives and they are looked after by Eliza of Bethzur and Mary of Alphaeus. And so on.

But what strikes one is to see Jesus in the marble entrance-hall. It is true that the refined taste of Lazarus’ sisters has turned the square entrance into a large hall, which is brighter, more embellished and splendid than any hall. But it is still the entrance! Jesus is with the Twelve, but Lazarus is beside Him. And with Lazarus there is also Maximinus.

The supper proceeds according to the rite… and Jesus shines with joy and pleasure being in the centre of all His faithful disciples.

375.4

When the supper is over, the last chalice has been consumed and the last psalm sung, all those who were in the different rooms crowd into the entrance. But they cannot all go in, because the table takes up much room.

«Let us go into the red hall, Master. We will push the table against the wall and we will all be around You» suggests Lazarus beckoning to the servants to do so.

Jesus, Who is sitting in the centre, between the two precious columns, under the bright chandelier, on a tall pedestal formed with two bed-seats used for the supper, now really looks like a king on a throne in the midst of His courtiers. His linen tunic, which He put on before supper, shines as if it were woven with precious threads, and looks even whiter against the opaque red of the walls and the bright red of the columns. And His countenance is really divine and regal while He speaks or listens to those around Him. Even the most humble ones, whom He wanted near Him, speak confidently, mentioning their hopes, their worries with simplicity and faith, as they feel that they are loved in a brotherly way by the others.

375.5

But the happiest among so many happy people is Marjiam’s grandfather! He does not part from his grandson even for one moment, and he delights in looking at him and listening to him… Now and again, as he is sitting beside Marjiam, who is standing, he rests his white head on the chest of his grandson, who caresses it.

Jesus sees him do this several times and He asks him: «Father, is your heart happy?»

«Oh! very happy, my Lord! I cannot believe that it is true. I have but one desire now…»

«Which?»

«The one I mentioned to my son. But he does not approve of it.»

«What is your desire?»

«I would like to die, if possible, in this peace. Soon, at least. Because I have already received the greatest blessing. No human being can have more on the Earth. I want to go… suffer no more… go… How rightly You spoke in the Temple, Lord! “Offering sacrifice from the property of the poor is as bad as slaughtering a son before his father’s very eyes”. Only his fear of You prevents Johanan from emulating Doras. He is forgetting what happened to the other one, his fields are thriving and he fertilises them with our perspiration. Is perspiration not the property of the poor workman, his very self that is worn out with work exceeding his strength? He does not beat us, he gives us enough to enable us to work. But does he not exploit us more than his oxen? Will you tell Him, O my companions…»

Johanan’s new and old peasants nod assent.

«H’m! I think that… Yes, that Your words have made him a greater vampire… to their detriment… Why did You say them, Master?» asks Peter.

«Because he deserved them. What do you say, you workers of his fields?»

«Oh! yes! The first months… it was all right. But now… it is worse than before» avers Micah.

«The bucket of the well is pulled down by its own weight» declares John the priest.

«Yes, and a wolf soon grows weary of looking like a lamb» confirms Hermas.

The women, who are deeply moved, whisper to one another.

Jesus looks at the poor peasants with eyes wide with pity, and He is anguished at not being able to relieve them.

Lazarus says: «I offered absurd amounts of money to have those fields and give these men peace. But I did not succeed in getting them. Doras hates me, he is exactly like his father.»

«Well… we shall die thus. It is our destiny. But the time for us to rest in Abraham’s bosom will certainly come!» exclaims Saul, another peasant of Johanan’s.

«In God’s bosom, son! In God’s bosom. Redemption will be completed, Heaven will be open and you will go to Heaven and…»

375.6

Somebody hammers at the main door, which resounds loudly. The guests become agitated.

«Who is it?»

«Who goes about on the evening of the Passover?»

«Soldiers?»

«Pharisees?»

«Herod’s soldiers?»

But while the agitation spreads, Levi, the caretaker of the palace, appears. «Forgive me, Rabbi» he says «there is a man who wants You. He is in the entrance. He looks very depressed. He is old and looks like a man of the people. He wishes to see You at once.»

«Hey! This is no evening for miracles! Tell him to come back tomorrow…» says Peter.

«No. Every evening is the hour for miracles, and mercy» says Jesus standing up and descending from His seat to go towards the hall.

«Are You going alone? I will come with You» says Peter.

«No, stay where you are.» He goes out with Levi.

Near the heavy main door, at the other end of the entrance, which is now in half-darkness as all the lights have been put out, there is a very excited old man. Jesus approaches him.

«Stop, Master. I have perhaps touched a dead body and I do not want to contaminate You. I am the relative of Samuel, Annaleah’s fiance. We were eating our supper and Samuel drank all the time… as it is not right to do. But the young man seems to have become mad for some time. It’s remorse, Lord! He was half-drunk and while drinking again he was saying: “So I cannot remember whether I told Him that I hate Him. Because, I must tell you that I cursed the Rabbi”. And he looked like Cain to me, because he went on repeating: “My wickedness is too great. I do not deserve to be forgiven! I must drink! I must drink to forget. Because it is written[2] that he who curses his God will carry his sin and must die”. He was raving like that when a relative of Annaleah’s mother came into the house to ask about the repudiation. Samuel, who was almost drunk, replied with coarse words and the man threatened to take him to justice for the damage he was causing to the family honour. Samuel slapped his face. They came to blows… I am old, my sister is old, the servant and the maid are also old. What could the four of us and the two girls, Samuel’s sisters, do? All we could do was to shout and try to separate them! Nothing else… And Samuel took the hatchet with which we had prepared the firewood for the lamb and hit the man on the head with it… He did not split his head, because he hit him with the butt-end and not the blade. The man staggered babbling and fell… We did not shout any longer… as we did not wish to attract the attention of people… We bolted the door… We were terrified… We poured some water on the man’s head hoping he would come round. But he babbled all the time. He was certainly dying. At times he seemed dead. So I ran here to call You. His relatives will be looking for him tomorrow, perhaps earlier. And they will come to us, because they certainly know that he came. And they will find him dead… And Samuel, according to the Law, will be killed… Lord! Lord! Disgrace is already on top of us… We don’t want that! For the sake of my sister, Lord, have mercy on us! He cursed You… But his mother loves You… What shall we do?»

«Wait for Me here. I will come» and Jesus goes back to the hall and from the door He calls: «Judas of Kerioth, come with Me.»

«Where, Lord?» asks Judas obeying promptly.

«You will see. All of you stay here in peace and love. We shall soon be back.»

375.7

They go out the hall, through the entrance and leave the house. Through deserted dark roads they soon reach the tragic house.

«Samuel’s house?! Why?…»

«Be quiet, Judas. I brought you with Me, because I rely on your common sense.»

The old man has made himself known. They go in. They go upstairs, to the supper room, where they dragged the injured man.

«A dead man?! But Master, we will be contaminated!»

«He is not dead. You can see that he breathes and you can hear him groan. I will now cure him…»

«But his head has been struck! It’s a crime! Who committed it?… And on the day of the lamb!» Judas is terrified.

«It was he» says Jesus pointing at Samuel, who is curled up in a corner, closer to death than the dying man, panting for breath with terror as the other man has the death-rattle in his throat, with part of his mantle over his head not to see and not to be seen, looked at with terror by everybody, except his mother, who with horror at the crime feels the torture of a guilty son already condemned by the rigid law of Israel. «Do you see to what result a first sin leads? To this, Judas! He began by perjuring himself over the girl, then over God; he then became slanderer, liar, blasphemer, then he took to drinking and now he is a murderer. That is how one becomes subject to Satan, Judas. Always bear it in mind…» Jesus is dreadfully solemn while He points at Samuel with His arm outstretched.

He then looks at Samuel’s mother, who clinging to a shutter can hardly stand up and struck with terror seems to be dying, and He sadly says: «Judas, that is how poor mothers are killed by no weapon other than the crimes of their sons!… I feel sorry for her. I feel sorry for mothers! I, the Son, Who will see no mercy for His Mother…»

Jesus weeps… Judas looks at Him in bewilderment…

375.8

Jesus bends over the dying man and lays His hand on his head. He prays.

The man opens his eyes. He looks stunned and amazed… but he soon revives. He sits up helping himself with his arms. He looks at Jesus and asks: «Who are You?»

«Jesus of Nazareth.»

«The Holy One! Why are You here with me! Where am I! Where is my sister and her daughter? What happened?» He tries to remember.

«Man, you called Me the Holy One. So, do you believe that I am such?»

«Yes, Lord. I do. You are the Messiah of the Lord.»

«So, is My word sacred to you?»

«Yes, Lord, it is.»

«Then…» Jesus stands up. He is imposing: «Then I, as Master and Messiah, order you to forgive. You came here and you were insulted…»

«Ah! Samuel! Of course!… The hatchet! I will denounce…» he says getting up.

«No. Forgive in the name of God. That is why I cured you. You care for Annaleah’s mother because she has suffered. Samuel’s mother would suffer even more. So forgive.»

The man hesitates somewhat. He looks at the injurer with evident ill-feeling. He looks at the anguished mother. He looks at Jesus Who commands him… He cannot make up his mind.

Jesus stretches His arms towards him, and draws him to His chest saying: «For My sake!»

The man begins to weep… To be thus in the arms of the Messiah to feel His breath in his hair and a kiss where the wound was!… He weeps…

Jesus says: «Yes, is that true? You forgive him for My sake? Oh! blessed be the merciful! Weep, do weep on My Heart. Let all ill-feeling come out with your tears! All new! All pure! There you are! Be meek! Oh! meek, as a child of God ought to be…»

The man looks and, still weeping, says: «Yes. Your love is so sweet! Annaleah is right! I now understand her… Woman, do not weep anymore! Let bygones be bygones. No one will learn anything from my mouth. Enjoy your son, providing he can give you joy. Goodbye woman. I am going back to my house» and he is on the point of going out.

Jesus says to him: «I am coming with you, man. Goodbye, mother. Goodbye, Abraham. Goodbye, girls.» Not a word to Samuel, who finds no word either.

His mother tears the mantle off his head, and as a result of what she suffered, she rushes upon her son: «Thank your Saviour, you heartless man! Thank Him, you worthless man!…»

«Leave him, woman. His word would be of no value. Wine makes him silly and his soul is dull. Pray for him… Goodbye.»

375.9

He goes downstairs, in the street He joins Judas and the other man, He frees Himself from old Abraham, who wants to kiss His hands, and He begins to stride out in the early moonlight.

«Do you live far from here?» He asks the man.

«At the foot of Moriah.»

«Then we must part.»

«Lord, You have preserved me for my children, my wife, my life. What shall I do for You?»

«Be good, forgive and be quiet. Never, for any reason whatsoever, are you to say one word about what happened. Will you promise?»

«I swear to it on the Sacred Temple! However, I regret I cannot say that You saved me…»

«Be just, and I will save your soul. And you will be able to say that. Goodbye, man. Peace be with you.»

The man kneels down greeting Him. They part. «How dreadful!» says Judas now that they are alone.

«Yes. Horrible. Judas, you are not to speak either.»

«No, Lord, I will not. But why did You want me with You?»

«Are you not happy to have My confidence?»

«Oh! Very! But…»

«But because I wanted you to ponder on what falsehood, greed for money, orgy and the lifeless practice of a religion, which is no longer felt and practised spiritually, can lead to. What did the symbolic supper mean to Samuel? Nothing! A guzzling. A sacrilege. And through it he became homicidal. Many in the future will be like him, and with the taste of the Lamb in their mouths, not of a lamb born of a sheep, but of the divine Lamb, they will commit crimes. Why? How? Are you not inquiring why? I will tell you just the same: because they will have prepared that hour through previous deeds performed carelessly first, and stubbornly later. Remember that, Judas.»

«Yes, Master, I will. But what shall we tell the others?»

«That a man was seriously ill. It is the truth.»

They turn the corner of a street and I no longer see them.


Notes

  1. au nombre prescrit peut faire référence, comme en 372.6, à la prescription d’Ex 12, 4 dans le contexte du rituel pour la célébration de la Pâque. On en trouvera plus de détails dans le chapitre de la dernière Cène pascale (à partir de 600.7). Pour ce qui est de la Pâque juive, nous renvoyons une fois pour toutes à Ex 12 ; 13, 1-16 ; 23, 14-19 ; 34, 10-28 ; Lv 23, 5-8 ; Nb 9, 1-14 ; 28, 16-25 ; Dt 16, 1-8 ; Ez 45, 18-24. On trouvera des prophéties tirées de la Pâque mosaïque en 589.3/7.
  2. Car il est dit : en Lv 24, 15-16.

Notes

  1. the ritual number this may refer, as in 372.6, to the prescription of the Exodus 12,4 in the context of the ritual for the celebration of Easter, with greater details in the chapter on the Last Easter supper (from 600.7 onwards). With regards to the Hebrew Easter, reference is made, once and for all, to Exodus 12; 13,1-16; 23,14-19; 34,10-28; Leviticus 23,5-8; Numbers 9,1-14, 28,16-25; Deuteronomy 16,1-8; Ezekiel 45,18-24. Prophecies taken from the Mosaic Easter can be found in 589.3/7.
  2. it is written, in: Leviticus 24,15-16.