375.1
Quand Jésus entre dans le palais, il le voit envahi par une foule de serviteurs venus de Béthanie, affairés aux préparatifs. Etendu sur un lit, Lazare est très souffrant. Il salue d’un pâle sourire son Maître qui se hâte vers lui et se penche avec affection sur sa couche en demandant :
« Les secousses du char t’ont fait beaucoup souffrir, n’est-ce pas, mon ami ?
– Beaucoup, Maître, répond Lazare, épuisé au point que la seule évocation de ce qu’il a éprouvé lui donne les larmes aux yeux.
– C’est ma faute ! Pardonne-moi ! »
Lazare saisit une main de Jésus et la porte à son visage. Il la passe sur sa joue décharnée, la baise et murmure :
« Oh ! ce n’est pas ta faute, Seigneur ! Et je suis tellement content que tu fasses la Pâque avec moi… ma dernière Pâque !…
– Si Dieu le veut, malgré tout, tu en feras encore beaucoup, Lazare. Et ton cœur sera toujours avec moi.
– Ah ! pour moi, c’est la fin ! Tu me réconfortes… mais c’est fini. Et cela me désole, dit-il en pleurant.
– Tu vois, Seigneur ? Lazare ne fait que pleurer » dit Marthe avec pitié. « Dis-lui de ne pas le faire. Il s’épuise !
– La chair a encore ses droits. La souffrance est pénible, Marthe, et le corps gémit. Il a besoin de ce soulagement. Mais l’âme est résignée, n’est-ce pas, mon ami ? Ton âme de juste fait volontiers la volonté du Seigneur…
– Oui… Mais je pleure parce que, persécuté comme tu l’es, tu ne pourras m’assister à mon agonie… j’ai peur de la mort, je suis terrifié… Si tu étais présent, je n’éprouverais pas tous ces sentiments. Je me réfugierais dans tes bras… et je m’endormirais ainsi… Comment vais-je faire ? Comment vais-je faire pour mourir sans réagir contre l’obéissance à cette redoutable volonté ?
– Allons ! Ne pense pas à cela ! Tu vois ? Tu fais pleurer tes sœurs… Le Seigneur t’aidera si paternellement que tu n’auras pas peur. La peur, ce sont les pécheurs qui doivent l’avoir…
– Mais toi, si tu peux venir, tu viendras à mon agonie ? Promets-le-moi !
– Je te le promets. Cela et davantage encore.
– Pendant qu’on fait les préparatifs, raconte-moi ce que tu as fait ce matin… »
Jésus, assis sur le bord du lit, tenant dans ses mains une des mains décharnées de Lazare, raconte par le menu tout ce qui est arrivé jusqu’à ce que Lazare, épuisé, s’assoupisse. Et Jésus ne le quitte même pas à ce moment. Il reste immobile pour ne pas troubler ce sommeil réparateur, en faisant signe que l’on fasse le moins de bruit possible, si bien que Marthe, après avoir apporté à Jésus de quoi se restaurer, se retire sur la pointe des pieds en abaissant le lourd rideau et en fermant la porte massive. Le bruit de la maison en grande animation s’atténue ainsi en un bourdonnement à peine audible. Lazare dort. Jésus prie et médite.