The Writings of Maria Valtorta

450. Miracles dans une bourgade proche

450. Miracles in the village near Hippo

450.1

Hippos ne se trouve pas sur la rive du lac, comme je le croyais en voyant ces maisons sur la rive presque à la limite sud-est du lac. Ce sont les propos des disciples qui me le font remarquer. Ce groupe de maisons forme, pour ainsi dire, l’avant-garde d’Hippos, qui se trouve plus à l’intérieur des terres. Comme Ostie pour Rome ou le Lido pour Venise, ces maisons représentent le débouché sur le lac de la ville de l’intérieur, qui l’utilise comme chemin lacustre d’importation et d’exportation, ou pour abréger les voyages de cette région à la rive opposée de Galilée, ou enfin comme lieu de promenade pour les oisifs de la ville et la fourniture de poisson que leur procurent les nombreux pêcheurs de la bourgade.

Dans cette soirée tranquille, ils débarquent près d’un petit port naturel formé par le lit d’un torrent maintenant à sec, et où arrivent sur quelques mètres les eaux bleuâtres du lac que ne repousse plus le torrent. Il y a là des maisons et des maisonnettes de pêcheurs qui exploitent les eaux poissonneuses, et de maraîchers qui cultivent une bande de terres grasse et humide. Arrosée par les eaux toutes proches, elle va du rivage vers l’intérieur et s’étend davantage au nord qu’au sud, où elle se termine rapidement là où commence la haute falaise qui tombe presque à pic dans le lac et d’où se sont précipités les porcs du miracle[1] des Géraséniens.

450.2

A cette heure, les habitants sont sur les terrasses ou dans les jardins en train de dîner. Mais comme les jardins ont des haies basses, et que les terrasses ont des murets peu élevés, les habitants voient la petite flottille de barques entrer dans le port. Les uns par curiosité, les autres parce qu’ils les connaissent, se lèvent et vont à la rencontre des arrivants.

Un pêcheur déclare :

« C’est la barque de Simon, fils de Jonas, accompagnée de celle de Zébédée. Ce ne peut donc être que le Rabbi qui vient ici avec ses disciples.

– Femme, prends immédiatement l’enfant et suis-moi. C’est peut-être lui. Il le guérira. C’est l’ange de Dieu qui le conduit à nous, ordonne un maraîcher à sa femme dont le visage est brûlé par les larmes.

– Personnellement, je crois. Moi, je me rappelle ce miracle : tous ces porcs ! Les porcs qui éteignent dans l’eau la chaleur des démons entrés en eux… Ce devait être un grand tourment pour que ces animaux, si dédaigneux de la propreté, se soient jetés à l’eau… dit un homme qui accourt et fait de la propagande pour le Maître.

– Tu as bien raison ! Ce devait sûrement être une vraie torture. J’y étais moi aussi et je m’en souviens. Les corps fumaient, les eaux fumaient. Le lac était devenu plus chaud que les eaux d’Hamatha. Et là où ils sont passés en courant, le bois et l’herbe ont été brûlés.

– Moi, j’y suis allé, mais je n’ai rien vu de changé… lui répond un troisième.

– Rien ? Mais tu as des écailles sur les yeux ! Regarde ! On le voit d’ici. Tu vois, là où se trouve ce cours d’eau à sec ? Va vérifier d’un peu plus près, et rends-toi compte si…

– Mais non ! Ce sont les soldats de Rome qui ont tout dévasté quand ils recherchaient ce scélérat pendant les froides nuits de Tébèt. Ils ont campé là et y ont fait du feu.

– Et ils ont brûlé tout un bois pour faire du feu ? Regarde combien d’arbres il manque !

– Un bois ? Deux ou trois chênes !

– Et cela te paraît peu ?

– Non, mais on le sait bien : ils ne font aucun cas de ce qui nous appartient. Ils sont les maîtres et nous les opprimés. Ah ! Jusqu’à quand… »

La discussion glisse du terrain spirituel au terrain politique.

450.3

« Qui me conduit au Rabbi ? Pitié pour un aveugle ! Où est-il ? Dites-le-moi. Je l’ai cherché à Jérusalem, à Nazareth, à Capharnaüm. Il était toujours parti avant que j’arrive… Où est-il ? Ah ! Pitié pour moi ! »

C’est un homme d’environ quarante ans qui se plaint en sondant le terrain autour de lui avec un bâton.

Il est insulté par ceux qui reçoivent dans les jambes ou sur les épaules son coup de bâton, mais personne n’a pitié et tous le heurtent en passant, sans qu’une main se tende pour le conduire. Effrayé et découragé, le pauvre aveugle s’arrête…

« Le Rabbi ! Le Rabbi ! Haï Haï Hi li li è lè lè ! » (je m’efforce de rendre, sous forme de… parole, le youyou aigu des femmes qui le modulent. Mais c’est un huhulement, pas une parole ! Il rappelle davantage le cri de certains oiseaux que la parole humaine).

« Il va bénir nos enfants !

– Sa parole va faire tressaillir le fruit que je porte en mon sein. Réjouis-toi, mon enfant ! Le Sauveur te parle, dit une épouse à la mine épanouie en caressant son ventre gonflé sous son vêtement flou.

– Peut-être va-t-il rendre fécond le mien ! Cela susciterait joie et paix entre Elisée et moi. Je suis allée dans tous les endroits où l’on dit que la femme obtient la fécondité. J’ai bu de l’eau du puits près de la tombe de Rachel et celle du ruisseau de la grotte où la Mère l’a enfanté… Je suis allée à Hébron pour prendre pendant trois jours la terre du lieu où est né Jean-Baptiste… J’ai mangé des fruits du chêne d’Abraham et j’ai pleuré en invoquant Abel à l’endroit où il fut enfanté et tué… Tout ce qui est saint, tout ce qui est miraculeux sur terre et au Ciel, je l’ai essayé : médecins et remèdes, vœux et prières, offrandes… mais mon sein ne s’est pas ouvert à la semence, et c’est à peine si Elisée me supporte, tout juste s’il ne me hait pas ! Hélas ! gémit une femme déjà fanée.

– Tu es vieille désormais, Sella ! Résigne-toi ! » lui disent, avec une pitié mêlée à un léger mépris et à un air triomphal bien visible, celles qui passent, la taille gonflée par la maternité ou avec des bébés qu’elles allaitent à leur florissante poitrine.

– Non ! Ne dites pas cela ! Il a ressuscité les morts ! Ne pourra-t-il pas donner vie à mes entrailles ?

– Place ! Place ! Faites place à ma mère malade » crie un jeune homme qui tient les barres d’un brancard improvisé, soutenu de l’autre côté par une fillette très affligée.

Une femme encore jeune y est étendue, réduite à l’état de squelette jaunâtre.

« Il faudra lui parler du malheureux Jean, et lui montrer l’endroit où il se trouve. C’est le plus malheureux de tous car, étant lépreux, il ne peut aller à la recherche du Maître… dit un homme âgé, influent.

– Nous d’abord ! Nous d’abord ! S’il se dirige vers Hippos, c’est fini : les gens de la ville vont l’accaparer et nous, comme toujours, nous resterons à la traîne.

450.4

– Mais qu’arrive-t-il là-bas ? Pourquoi les femmes crient-elles ainsi, sur la rive ?

– Parce qu’elles sont folles !

– Non. Ce sont des cris de joie ! Courons… »

Le chemin est un fleuve de foule, canalisé dans la direction de la grève et du torrent, là où Jésus et ses disciples sont restés bloqués par les premiers qui sont accourus.

« Miracle ! Miracle ! Le fils d’Elise, abandonné par les médecins, le voilà guéri! Le Rabbi l’a guéri en lui mettant de la salive dans la gorge. »

Les cris des femmes deviennent encore plus stridents et plus aigus, et se mêlent aux hosannas puissants des hommes.

Jésus est littéralement assiégé, malgré sa grande taille. Les apôtres essaient par tous les moyens de le dégager. Mais en vain ! Les femmes disciples, avec Marie au milieu, sont séparées du groupe des apôtres. L’enfant, dans les bras de Marie, femme d’Alphée, hurle de peur. Ses cris attirent l’attention de plusieurs sur elles, et c’est l’habituel je sais-tout qui dit :

« Oh ! il y aussi la Mère du Rabbi et celles des disciples !

– Lesquelles ? C’est qui ?

– Sa Mère, c’est celle qui est pâle et blonde, vêtue de lin ; et les autres, ce sont les plus âgées, dont l’une tient un bébé et l’autre a une corbeille sur la tête.

– Et le petit, qui est-ce ?

– Son fils, hein ! Ne l’entendez-vous pas l’appeler maman ?

– Le fils de qui ? De la plus âgée ? Ce n’est pas possible !

– De la jeune ! Tu vois qu’il veut aller vers elle ?

– Non. Le Rabbi n’a pas de frères. Je le sais de source sûre. »

450.5

Des femmes ont entendu la conversation et, tandis que Jésus, après s’être dégagé non sans peine, a réussi à rejoindre le brancard porté par les enfants et guéri la malade, elles se dirigent vers Marie avec curiosité.

Mais ce n’est pas cet intérêt qui anime l’une d’elle. Elle se prosterne aux pieds de Marie en disant :

« Au nom de ta maternité, aie pitié de moi. »

C’est la femme stérile.

Marie se penche sur elle :

« Que veux-tu, ma sœur ?

– Etre mère… Un enfant ! Un seul ! Je suis maudite à cause de ma stérilité. Je crois que ton Fils peut tout, mais j’ai une foi si grande en lui que je pense qu’étant né de toi, il t’a faite sainte et puissante comme lui. Maintenant, je t’en prie… pour tes délices de Mère, je t’en prie : rends-moi féconde. Touche-moi de ta main et je serai heureuse…

– Ta foi est grande, femme, mais c’est à Dieu qu’elle doit s’adresser de droit. Viens donc vers mon Jésus… »

Et, la prenant par la main, elle demande avec une insistance gracieuse la permission de passer pour rejoindre Jésus.

Les autres disciples la suivent dans le sillage qui s’ouvre parmi les gens, de même que les femmes accourues vers la Vierge ; tout en marchant, elles demandent à Marie, femme d’Alphée, qui est ce petit garçon qu’elle tient élevé au-dessus de la foule.

« Un enfant que sa mère n’aime plus ; il est venu chercher de l’amour auprès du Rabbi…

– Un enfant que sa mère n’aime plus !

– Tu as entendu, Suzanne ?

– Qui est cette hyène ?

– Hélas ! Et moi qui brûle d’en avoir ! Donne-le-moi, donne-le-moi, afin qu’un enfant m’embrasse au moins une fois ! »

Et Sella, la femme stérile, arrache presque le bambin des bras de Marie, femme d’Alphée, et le serre sur son cœur en cherchant à suivre Marie, déjà séparée d’elle, depuis le moment où Sella a abandonné la main de Marie pour prendre le petit.

450.6

« Jésus, écoute. Il y a là une femme qui demande une grâce : elle est stérile…

– Ne dérange pas le Maître pour elle, femme. Ses entrailles sont mortes » dit quelqu’un qui ignore qu’il s’adresse à la Mère de Dieu.

Puis, confus de son erreur quand il en est averti, il cherche à se faire tout petit et à disparaître pendant que Jésus lui répond ainsi qu’à la femme qui supplie :

« Je suis la Vie. Femme, qu’il te soit fait ce que tu demandes. »

Et il pose un instant sa main sur la tête de Sella.

« Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » s’écrie l’aveugle de tout à l’heure, qui est arrivé lentement près de la foule et, de derrière, lance son cri lamentable.

Jésus, qui s’était penché pour écouter la supplication de Sella, relève la tête et regarde vers l’endroit d’où, syncopée comme l’appel d’un naufragé, arrive la voix de l’aveugle.

« Que veux-tu que je fasse pour toi ? demande-t-il.

– Que je voie. Je suis dans les ténèbres.

– Je suis la Lumière. Je le veux !

– Ah ! Je vois ! Je vois ! Je vois de nouveau ! Laissez-moi passer, pour que je dépose un baiser sur les pieds de mon Seigneur !

450.7

– Maître, tu les as tous guéris, ici. Mais il y a un lépreux dans une cabane, dans le bois. Il ne cesse de nous prier de t’amener à lui…

– Allons-y ! Allons ! Laissez-moi passer. Ne vous faites pas de mal ! Je suis ici pour tous… Allons, écartez-vous ! Vous faites mal aux femmes et aux enfants. Je ne pars pas de sitôt. Je reste demain, et ensuite je serai dans la région pendant cinq jours. Vous pourrez me suivre si vous voulez… »

Jésus tente de discipliner la cohue, d’obtenir que, pour bénéficier de sa venue, les habitants ne se fassent pas de mal. Mais la foule est comme une matière molle qui se déplace, mais revient ensuite se presser autour de lui. C’est comme une avalanche qui, par une loi naturelle ne peut que grossir en se déplaçant, c’est comme un morceau de fer attiré par un aimant… Et la marche est lente, entravée, fatigante… Tout le monde transpire, les apôtres braillent, jouent des coudes dans les poitrines et de coups de pieds dans les jambes pour ouvrir un passage… Que d’efforts en vain ! Pour faire dix mètres, il faut un quart d’heure.

Une femme d’environ quarante ans réussit à force de persévérance à se frayer un chemin jusqu’à Jésus et lui touche le coude.

« Que veux-tu, femme ?

– Cet enfant… j’ai appris… Je suis veuve et sans enfant… Souviens-toi de moi. Je suis Sarah d’Aphéqa, la veuve du marchand de vaisselle. Rappelle-toi. J’ai une maison près de la place de la fontaine rouge, mais aussi des vignes et un bois. J’ai de quoi offrir à quelqu’un de seul… et je serais heureuse…

– Je m’en souviendrai, femme. Que ta pitié soit bénie. »

450.8

Le village s’étend plutôt parallèlement que verticalement au lac. On a vite fait de le traverser et d’arriver à la campagne. Douce, silencieuse, elle les accueille au coucher du soleil, mais il n’y a pas d’obscurité car le clair de lune succède insensiblement à la lumière crépusculaire. Ils se dirigent vers les contreforts de la haute falaise qui borde le lac plus au sud. Dans l’escarpement, il y a des grottes ; j’ignore si elles sont naturelles ou creusées exprès dans la roche. Plusieurs sont murées et blanchies au dehors : ce sont certainement des tombeaux.

« Nous y voilà ! Arrêtons-nous pour ne pas être contaminés. Nous voici près du tombeau du mort-vivant, et c’est l’heure où il vient à ce rocher prendre ce qu’on lui offre. Il était riche, tu sais ? Nous nous en souvenons. Il était bon aussi, mais maintenant c’est un saint. Plus la douleur l’a frappé, plus il est devenu juste. Nous ignorons comment il est devenu lépreux. On dit que c’est par des pèlerins qu’il avait hébergés. Ils allaient à Jérusalem, disaient-ils. Ils paraissaient en bonne santé, mais ils étaient certainement infectés. Le fait est qu’après leur passage, ils attrapèrent tous la lèpre, d’abord sa femme et ses serviteurs, puis ses enfants et enfin lui. Pour commencer — et par les mains —, ceux qui avaient lavé les pieds et les vêtements des pèlerins, c’est pourquoi nous pensons que c’étaient eux qui devaient être la cause de tout. Les trois enfants sont morts en très peu de temps. Ce fut ensuite le tour de leur mère, et plutôt de douleur que de maladie… Lui… Quand le prêtre les déclara tous lépreux, il acheta ce coin de colline avec ses richesses désormais inutiles et il y fit déposer des provisions pour lui et les siens… serviteurs compris, ainsi que des pioches et des pics… et il commença à creuser les tombeaux… et l’un après l’autre, il les y plaça tous : ses enfants, sa femme, les serviteurs… Lui est resté, seul et pauvre, car tout s’épuise avec le temps… et voilà quinze ans que cela dure… Malgré cela… jamais une plainte. Il était cultivé : il sait l’Ecriture par cœur. Il l’annonce aux étoiles, aux plantes, aux arbres, aux oiseaux ; il nous la répète, à nous qui avons tant à apprendre de lui, et il nous console de nos souffrances… justement lui, tu comprends ? Il nous console de nos souffrances ! Il vient des gens d’Hippos, de Gamla et jusque de Guerguesa et d’Aphéqa pour l’entendre. Quand il a appris le miracle des deux possédés, il s’est mis à prêcher la foi en toi. Seigneur, si les hommes t’ont salué du nom de Messie, si les femmes t’ont salué comme vainqueur et roi, si nos enfants connaissent ton nom et savent que tu es le Saint d’Israël, c’est grâce à ce pauvre lépreux. »

Voilà ce que raconte, au nom de tous, le vieillard qui auparavant avait parlé de Jean.

« Vas-tu le guérir ? demandent plusieurs.

– Vous me demandez cela ? J’ai pitié des pécheurs, mais qu’en sera-t-il pour un juste ?

450.9

Mais c’est peut-être lui qui vient, là-bas, parmi ces buissons…

– C’est certainement lui. Quelle vue tu as, Seigneur ! Nous entendons le bruit, mais nous ne voyons rien… »

Le bruit même cesse. Tout est silence et attente…

Jésus est bien en vue, seul, un peu en avant, car il est allé jusqu’au rocher où l’on a déposé des provisions. Les autres, dans la pénombre de quelques arbres, disparaissent au milieu des troncs d’arbres et des buissons. Même les enfants se taisent, dorment dans les bras de leurs mères, ou sont effrayés par le silence, les tombeaux, et les ombres bizarres que produit la lumière lunaire éclairant les arbres et les rochers.

Mais, de sa cachette, le lépreux doit voir et bien voir, à commencer par la grande et solennelle stature du Seigneur, tout blanc dans la clarté de la lune, très beau. Le regard fatigué du lépreux croise certainement le regard lumineux de Jésus. Quel langage peut donc jaillir de ces pupilles divines, dilatées, brillantes comme des étoiles ? Quel langage peut surgir des lèvres qui s’ouvrent dans un sourire d’amour ? Quel langage du cœur s’établit-il, surtout du cœur du Christ ? Mystère… Un des si nombreux mystères entre Dieu et les âmes dans leurs relations spirituelles.

Il est certain que le lépreux comprend, car il s’écrie :

« Voici l’Agneau de Dieu ! Voici Celui qui est venu pour guérir toute la douleur du monde ! Jésus, Messie béni, notre Roi et notre Sauveur, aie pitié de moi !

– Que veux-tu ? Comment peux-tu croire dans l’Inconnu et voir en lui l’Attendu ? Qui suis-je pour toi ? L’Inconnu…

– Non. Tu es le Fils du Dieu vivant. Comment je le sais et je le vois ? Je l’ignore. Ici, à l’intérieur de moi, une voix a crié : “ Voici l’Attendu ! Il est venu récompenser ta foi. ” Inconnu ? Oui. Personne n’a connu le visage de Dieu. Tu es donc “ l’Inconnu ” sous ton apparence. Mais tu es le Connu selon ta nature, ta réalité, Jésus, Fils du Père, Verbe incarné et Dieu comme le Père. Voilà qui tu es, et je te salue et te prie, croyant en toi.

– Et si je ne pouvais rien, et si ta foi était déçue ?

– Je dirais que c’est la volonté du Très-Haut, et je continuerais à croire et à aimer, espérant toujours dans le Seigneur. »

450.10

Jésus se retourne vers la foule qui écoute attentivement le dialogue, et il dit :

« En vérité, en vérité je vous dis que cet homme a la foi qui déplace les montagnes. En vérité, en vérité je vous dis que la vraie charité, la vraie foi et la véritable espérance s’éprouvent dans la douleur plus que dans la joie, car l’excès de joie est parfois une ruine pour une âme encore informe. Il est facile de croire et d’être bon, quand la vie n’est qu’une succession de jours semblables, tranquilles sinon joyeux. Mais celui qui sait persister dans la foi, l’espérance et la charité, même quand les maladies, les misères, la mort, les malheurs lui apportent solitude, abandon, et éloignement de tous, et qui ne cesse de répéter : “ Qu’il me soit fait ce que le Très-Haut croit bon pour moi ”, en vérité celui-là mérite l’aide de Dieu. Bien plus, je vous le déclare, sa place est toute prête dans le Royaume des Cieux, et il ne séjournera pas au purgatoire, car sa justice a effacé toutes les dettes de sa vie passée. Homme, je te le dis : “ Va en paix, car Dieu est avec toi ! ” »

Ce disant, il se tourne et tend les bras vers le lépreux, l’attire pour ainsi dire par son geste, et quand il est tout près, bien en vue, il ordonne :

« Je le veux ! Sois purifié !… »

On dirait que la lune, par ses rayons d’argent, nettoie et fait disparaître les pustules, les plaies, les nodules et les croûtes de cette horrible maladie. Le corps se reconstitue et redevient sain.

C’est un vieillard digne, d’aspect ascétique tant il est maigre, qui, instruit du miracle par les hosannas de la foule, se courbe pour baiser le sol, ne pouvant toucher Jésus ni personne avant le temps prescrit par la Loi.

« Lève-toi. On va t’apporter un vêtement propre pour que tu puisses aller te montrer au prêtre. Mais sache garder toujours la pureté de ton âme devant ton Dieu. Adieu, homme. Que la paix soit avec toi ! »

Jésus se joint à la foule et revient lentement au village pour se reposer.

450.1

Hippo is not on the shore of the lake, as I thought, when I saw some houses on the shore almost at the south-eastern end. I realize that, from the words of the disciples. That group of houses, I would say, is the forefront of Hippo, which is farther back in the hinterland. Like Ostia with regards to Rome, or the Lido with regards to Venice, it represents the outlet on the lake for the inland town which makes use of the lake routes for imports and exports, and also to shorten journeys from this area to the Galilean shores on the other side, and finally, as a place of amusement for the idle citizens of the town and for the supplies of fish procured by the many fishermen of the village.

In the calm evening they land here, near a little natural port formed by the bed of a torrent at present dry, and where the sky-blue water of the lake comes in calmly for a few metres, as it is no longer driven back by the water of the torrent. On the shore there are large and small houses of fishermen, who toil the waters abounding in fish, and of market-gardeners, who cultivate a strip of rich moist ground, which is irrigated by the nearby waters and stretches from the shore inland, more northwards than southwards, ending sharply at the beginning of the high cliff, which rises almost sheer from the lake. It is the same cliff from which the pigs of the miracle[1] of the Gerasenes rushed into the lake.

450.2

As it is evening, the inhabitants are on the terraces or in the kitchen gardens having supper. But as the kitchen gardens are surrounded by low hedges and the terraces by low walls, their inhabitants soon see the little fleet of boats moor in the little harbour and many get up and go to meet those who have arrived, some out of curiosity, some because they know them.

«It’s the boat of Simon of Jonah together with that of Zebedee. So it can be no one but the Rabbi Who has come here with His disciples» declares a fisherman.

«Woman take the child at once and follow me. Perhaps it is Him. He will cure him. The angel of God has brought Him to us» a kitchen gardener orders his wife, whose face is tear-stained.

«As far as I am concerned, I believe. I remember that miracle very well! All those pigs! The pigs which extinguish with water the heat of the demons possessing them… The torture must have been dreadful, if the pigs, which are always so disdainful of cleanliness, threw themselves into the water…» says a man who hastens there in support of the Master.

«Oh! You are right! It must have been real torture. I was there as well, and I remember. The bodies exhaled fumes, so did the waters. The lake became warmer than the water of Hamatha. And the wood and the grass across which they ran were burnt.»

«I went there but I saw no change…» a third man observes.

«No change! Well your eyes are covered with scales!. Look! You can see it from here. See over there? Where the dry river-bed is? Look a little farther away and you will see whether…»

«No! That devastation was brought about by the Roman soldiers when they were looking for that rogue in the cold nights of the month of Tebeth. They camped there and lit fires.»

«And did they burn all the wood to light fires? Look how many trees are missing there!»

«A wood! Two or three oak-trees!»

«And is that nothing?»

«No. But you know! As far as they are concerned, our property is of no account. They are the rulers and we the oppressed people. Ah! Until…» the discussion moves from the supernatural to the political field.

450.3

«Who will take me to the Rabbi? Have mercy on a blind man! Where is He? Tell me. I looked for Him in Jerusalem; at Nazareth, at Capernaum. He had always left before I arrived… Where is He? Oh! Have mercy on me!» moans a man about forty years old groping about with a stick.

Those whose legs or backs are struck abuse him, but no one feels pity for him and everybody knocks against him passing by, without stretching out a hand to guide him. The poor blind man stops, frightened and depressed…

«The Rabbi! The Rabbi! Ahc-Ahc, il il Ieee!» (I am striving to reproduce… the word of a shrill cry of the women modulating it. But it is a cry, not a word! It resembles more the chirping of some birds than a human word.)

«He will bless our children!»

«His word will startle the fruit which I have in my womb. Rejoice, my creature! The Saviour is speaking to you» says a buxom wife caressing her swollen abdomen under her loose dress.

«Oh! Perhaps He will make mine prolific! It would be joy and peace between Elisha and me. I have been to all the places where they say that a woman becomes fertile. I drank the water of the well near Rachel’s tomb and that of the stream in the grotto where His Mother gave birth to Him… I went to Hebron to take for three days the earth of the place where the Baptist was born… I fed on the fruit of Abraham’s oak-tree and I wept invoking Abel where he was delivered and killed… I have tried all the holy things, all the miraculous things of Heaven and earth, as well as medicines, and doctors, and vows, and prayers, and offerings… but my womb has not opened to the seed, and Elisha can hardly put up with me and he finds it difficult not to hate me!!! Alas!» moans an already withered woman.

«You are old now, Sella! Resign yourself!» reply those women – with pity mixed with slight contempt and evident triumphant mien – who pass by with their wombs swollen with maternity or with sucklings feeding at their flourishing mammae.

«No! Don’t say that! He raised the dead! Will He not be able to give life to my womb?»

«Make room! Make room! Make room for my sick mother» shouts a young man who is holding the shafts of an improvised litter, which is held at the other end by a very depressed girl. On the litter is a woman, still young, but reduced to a yellowish skeleton.

«We will have to inform Him of poor John and show Him where he is. He is the most unhappy of all, because he is a leper and he cannot go looking for the Master…» says an authoritative old man.

«We are first! If He goes towards Hippo, we have no hope. The townspeople will take Him for themselves and we will be neglected as usual.»

450.4

«But what is happening there? Why are the women shouting thus over there, on the shore?»

«Because they are silly!»

«No. They are shouts of joy. Let’s run…»

The road is thronged with people moving towards the shore and the gravel-bed, where Jesus and His apostles have been blocked by the people who flocked there first. .

«A miracle! A miracle! Eliza’s son, who was given up by doctors, has been cured! The Rabbi cured him by putting some saliva in his throat.»

The «Ahc-Ahc-il-il-Ieee» of the women becomes more trilling and piercing, mingled with the loud hosannas of men.

Jesus is literally overwhelmed notwithstanding His height. The apostles do everything they can to make room for Him. Nothing to be done! The women disciples with Mary in the middle of them are separated from the group of the apostles. The little boy is frightened and is crying in the arms of Mary of Alphaeus. And his weeping draws the attention of many people to the group of the women disciples, and there is the usual well-informed man who says: «Oh! there is also the Mother of the Rabbi and the mothers of the disciples!…»

«Which? Which are they?»

«The Mother is the pale fair-haired one wearing a linen dress, and the others are the old ones, the one with the little boy and the one with a basket on her head.»

«And who is the little’boy?»

«Her son, eh! Can’t you hear him call her mummy?»

«Whose son? The old woman’s? Not possible!»

«The young woman’s. Can’t you see that he wants to.go to her?»

«No. The Rabbi has no brothers. I know that for certain.»

450.5

Jesus, moving with difficulty, manages to reach the litter on which the sick woman is lying, carried by her children and He cures her. Meanwhile some women, who have overheard the conversation, curious as they are, go towards Mary.

But one of them is not curious. She throws herself at Her feet saying: «For the sake of Your maternity, have mercy on me.» She is the barren woman.

Mary bends and asks: «What do you want, sister?»

«To be a mother… A son!… Only one!… I am hated because I am barren. I believe that Your Son can do everything, but I have such great faith in Him, that I think that as He was born of You, He made You as holy and powerful as He is. Now I beg You… for Your joys of mother I beg You: make me fertile. Touch me with Your hand and I will be happy…»

«Your faith is great, woman. But faith is to be given to Him, Who is entitled to it: to God. Come, therefore, to My Jesus…» and She takes her by the hand asking with graceful insistance to be allowed to pass until She reaches Jesus.

The other women disciples follow Her in the wake which opens in the crowd and the women who had approached Mary do likewise and in the meantime they ask Mary of Alphaeus who is the little boy whom she is holding up above the crowds.

«A little boy who is no longer loved by his mother. He has come to the Rabbi seeking love…»

«A little boy no longer loved by his mother!?!»

«Have you heard, Susanna?»

«Who is the hyena?»

«Alas! And I am suffering agonies because I have none! Give him to me, give him to me, that a son may kiss me at least once!…» and Sella, the barren woman, almost tears the little child from the arms of Mary of Alphaeus and she presses him to her heart still trying to follow Mary, Who has become separated from her the moment that Sella left Mary’s hand to take the child.

450.6

«Jesus, listen. There is a woman asking a grace. She is barren…»

«Do not trouble the Master for her, woman. Her womb is dead» says one who is not aware that he is speaking to the Mother of God. Then, embarrassed because of his mistake about which he is warned he endeavours not to be noticed and to disappear while Jesus replies both to him and to the suppliant woman saying: «I am the Life. Woman, let it be done to you what you have asked» and He lays His hand on Sella’s head for a moment.

«Jesus! Son of David, have mercy on me!» shouts the blind man mentioned previously. He has slowly arrived near the crowd and from the outskirts of it he cries his invocation.

Jesus, Who had lowered His head to hear Sella’s words of supplication, raises His head again and looks in the direction from which the voice of the blind man comes, syncopated like the cry of a shipwrecked person.

«What do you want Me to do for you?» He shouts.

«That I may see. I am in darkness.»

«I am the Light. I want it!»

«Ah! I see! I can see again! Let me pass! That I may kiss the feet of my Lord!»

450.7

«Master, You have cured everybody here. But there is a leper in a hut in the wood. He always begs us to take You to him…»

«Let us go! Please! Let Me go. Do not hurt yourselves! I am here for everybody… Please, make room. You are hurting women and children. I am not leaving yet. I will be here tomorrow and I will be in this area for five days. You can follow Me, if you wish so…»

Jesus tries to discipline the crowd, to ensure that the citizens in order to benefit by His visit, may not harm themselves. But the crowd is like an elastic substance which dilates then presses around Him once again, it is like an avalanche, which by natural law can but become more compact the more it descends. It is like particles of iron attracted by a magnet… Thus progress is slow, encumbered, difficult… They are all perspiring, the apostles are bawling: elbowing their way through the crowd, kicking shins at the same time… All efforts are vain! It takes them a quarter of an hour to cover ten metres.

A woman about forty years old succeeds through sheer perseverance in making her way as far as Jesus· and touches His elbow.

«What do you want, woman?»

«That little boy… I heard about him… I am a widow and I have no children… Remember me. I am Sarah of Aphek, the widow of the mat vendor. Remember. My house is near the square of the red fountain. But I own also some vineyards and a wood. I can afford to assist those who are alone… and I would be happy…»

«I will remember that, woman. May your pity be blessed.»

450.8

The village, which stretches more in a parallel direction than in a vertical direction with restect to the lake, is soon crossed and they find themselves in the peaceful silent country at twilight. However, it does not get dark, as the transition from daylight to moonlight is imperceptible. They go towards the ramifications of the high cliff, which farther south stretches out as far as the lake. On the cliff there are some grottoes, I do not know whether they are natural ones or dug on purpose in the rock; many have been walled up and whitewashed outside and are certainly sepulchres.

«Here we are! Let us stop in order not to be infected. We are close to the leper’s hideout and this is the time when he comes to that rock, to collect offerings. He was rich, You know? We remember him. And he was also good. But now he is a holy man. The more sorrow struck him, the more holy he became. We do not know how it happened. They say that it was brought about by some pilgrims to whom he gave hospitality. They were going to Jerusalem, so they said. They appeared to be sound, but they were certainly lepers. The fact is that after they left, the wife and the servants first, then the children, finally he, became infected with leprosy. All of them. The first – and it was their hands that became infected – were those who had washed the feet and the clothes of the pilgrims, that is why we say that they must have been the cause of it all. The children: three, died soon. Then the wife, and she died more of grief than of disease… He… When the priest declared them all lepers, he bought this part of the mountain with his money which had now become useless and he had provisions stored there for himself and his family… including servants, together with hoes and picks… and he began to dig the sepulchres… and one by one he buried them all: his little children, then his wife, the servants… He is the only one left all alone, poor, because everything comes to an end, as time passes… and the situation has lasted fifteen years… And yet… never one complaint. He was a learned man: he repeats the Scriptures by heart. He repeats them to the stars, to herbs, to trees, to birds, he repeats them to us who have so much to learn from him, and he comforts our sorrows… he, wonder of wonders! comforts our sorrows. People come from Hippo and Gamala and even from Gherghesa and Aphek to hear him. When he heard of the miracle of the two men possessed… oh! he began to preach faith in You. Lord, if men greeted You with Your name of Messiah, if women greeted You as victor and king, if children know Your name and that You are the Holy One of Israel, that is due to the poor leper» relates on behalf of everybody the old man who was the first to speak of John.

«Will You cure him?» ask many.

«And are you asking Me? I have mercy on sinners, so what will I have for a just man?

450.9

But is it perhaps he who is coming? Over there, among those bushes…»

«It is certainly him. What wonderful sight You have, Lord! We can hear the rustling noise, but do not see anything…»

The rustling also stops. There is dead silence and expectation…

Jesus is clearly visible, alone, a little ahead of the others, because He has gone forward as far as the rock on which some provisions have been laid; the others disappear in the dim light of some trees, mingling with trunks and bushes of the unbroken ground. Children also are silent, either because they have fallen asleep in their mothers’ arms, or because they are frightened of the silence, of the sepulchres, of the bizarre shadows which the moon casts illuminating trees and rocks.

But the leper must see, and see well, from his hiding-place. He must be able to see the tall solemn person of the Lord, handsome and all white in the white moonlight. The tired glances of the leper certainly meet Jesus’ bright eyes. What language is spoken by those divine, wide eyes, as bright as stars? What language is uttered by the lips open in a smile of love? Above all, what does the heart of the Christ say? A mystery. One of the many mysteries between God and souls in their spiritual relationship. The leper certainly understands because he shouts: «Here is the Lamb of God! Here is He Who has come to cure all the sorrows of the world! Jesus, blessed Messiah, our King and Saviour, have mercy on me!»

«What do you want? How can you believe in the Unknown One and see in Him the Expected One? What am I for you? The Unknown…»

«No. You are the Son of the living God. How do I know and see? I do not know. Here, within me, a voice has shouted: “Here is the Expected One! He has come to reward your faith”. Unknown? Yes. The face of God is not known to anybody. Thus You are the “Unknown One” in Your appearance. But You are the Known One because of Your Nature and Your Royalty. Jesus, Son of the Father, Word Incarnate and God like the Father. That is who You are, and I greet You and beg You, believing in You.»

«And if I were not able to do anything and your faith were disappointed?».

«I would say that that is the will of the Most High and I would continue to believe and love, always hoping in the Lord.»

450.10

Jesus turns to the crowds who are listening in suspense to the conversation and He says: «I solemnly tell you that this man has the faith which moves mountains. I solemnly tell you that true charity, faith and hope are tested more in sorrow than in joy, because the excess of joy is often the ruin of a spirit not yet perfected. It is easy to believe and be good when life is a placid succession of days all alike, even if not a pleasant one. But he who is able to persist in faith, hope and charity, also when diseases, poverty, death, misfortunes cause him to be left all alone, forlorn, avoided by everybody, and he does nothing but say: Let that be done which the Most High deems is useful to me”, he truly not only deserves help from God, but, I tell you, his seat is ready in the Kingdom of Heaven and he will suffer no delay in expectation, because his justice has cancelled all debts of his past life. Man, I say to you: “Go in peace, as God is with you!”.»

He turns around in saying so and stretches His arms out to the leper with His gesture. He almost draws him towards Himself, and when he is close at hand and clearly visible, He orders: «I want it!.Be cleansed!…» and with her silvery beams the moon seems to cleanse and wipe away the pustules, the wounds, the nodules and the scabs of the horrible disease.

The body recomposes its features and becomes sound. It is an old dignified man, ascetic in his leanness, who, as soon as he becomes aware of the miracle through the hosannas shouted by the crowd, bends to kiss the ground, as he cannot touch Jesus or any other man before the time prescribed by the Law.

«Stand up. They will bring you clean clothes so that you may present yourself to the priest. But always present yourself to your God in purity of spirit. Goodbye, man. Peace be with you!.»

And Jesus joins the crowds and slowly goes back to the village to rest.


Notes

  1. miracle, en 186.5.

Notes

  1. miracle, in 186.5.