The Writings of Maria Valtorta

471. Philippe s’exalte à l’idée de l’ère messianique.

471. Philip elates thinking of the Messianic era.

471.1

La pause sur le petit plateau a beau être douce, il est prudent de descendre dans la vallée pendant qu’il fait encore jour, car la nuit tomberait vite et serait sombre, sous cette voûte de feuillage des arbres qui couvre la montagne.

Jésus se lève le premier et il va se rafraîchir le visage, les mains et les pieds dans le ruisselet que forme la petite source. Puis il appelle ses apôtres, endormis dans l’herbe, et les invite à se préparer à partir. Et pendant qu’ils l’imitent et se lavent l’un après l’autre dans le frais ruisseau, et qu’ils remplissent les gourdes au filet d’eau qui sort du rocher, il va les attendre au bout du petit pré, près des deux arbres centenaires qui le bordent à l’est. Il contemple l’horizon lointain.

Philippe est le premier à le rejoindre et, regardant dans la même direction que son Maître, il dit :

« Quelle belle vue ! Tu l’admires…

– Oui. Mais je n’examinais pas seulement sa beauté.

– Quoi donc, alors ? Tu pensais peut-être au moment où Israël sera grand, à ces lieux au-delà du Liban et de l’Oronte, qui nous ont affligés au cours des siècles et continuent à le faire, puisque c’est là que réside le cœur de la puissance qui nous opprime sous la férule du Légat ? Ce qu’ont annoncé plusieurs prophètes est en effet redoutable : “ J’écraserai l’Assyrien sur mes terres, je le piétinerai sur mes montagnes… C’est la main qui s’étend sur les nations… Qui pourra la retenir ? Damas cessera d’exister et il n’en restera qu’un tas de décombres… Voilà ce qui arrivera à ceux qui nous ont saccagés. ” C’est Isaïe qui parle ![1] Et Jérémie dit aussi : “ Je mettrai le feu aux remparts de Damas et il dévorera les murs de Ben-Hadad. ” Cela arrivera lorsque le Roi d’Israël, le Promis, prendra son sceptre, et que Dieu aura pardonné à son peuple en lui donnant le Roi Messie… Ah ! c’est Ezéchiel qui le dit ! “ Et vous, montagnes d’Israël, faites pousser vos branches, portez vos fruits pour mon peuple d’Israël, car il est près de revenir… Je vous ramènerai mon peuple et tu seras sa propriété et son héritage… Je ne te ferai plus entendre l’insulte des nations… ” Et les psaumes chantent avec Etân l’indigène : “ J’ai trouvé David mon serviteur et je l’ai oint de mon huile sainte. Ma main l’assistera… L’ennemi ne pourra rien contre lui… Par mon nom, il grandira en puissance… Il étendra sa main sur la mer, et sa droite sur les fleuves… Et moi, j’en ferai l’aîné, le très-haut sur les rois de la terre. ” Salomon, lui aussi, chante : “ Il durera autant que le soleil et la lune… Il dominera de la mer à la mer, et du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre… Tous les rois de la terre se prosterneront devant lui, tous les peuples seront ses sujets… ” Ils parlent de toi, le Messie, car en toi se trouvent tous les signes de l’esprit et de la chair, tous les signes donnés par les prophètes. Alléluia à toi, fils de David, Roi Messie, Roi saint !

– Alléluia ! » crient en chœur les autres qui se sont réunis à Jésus et à Philippe, et ont entendu les paroles de ce dernier.

Et l’alléluia se répercute, par l’écho, de gorge en gorge, de colline en colline… Jésus les regarde d’un air très triste… Et il dit :

« Ne vous rappelez vous donc pas ce que David et Isaïe disent du Christ ? Vous prenez le doux miel, le vin enivrant des prophètes… mais vous ne réfléchissez pas que, pour être le Roi des rois, le Fils de l’Homme devra boire le fiel et le vinaigre, et se revêtir de la pourpre de son sang… Mais ce n’est pas votre faute si vous ne comprenez pas… Votre erreur de compréhension est due à l’amour. Je voudrais en vous un autre amour. Mais, pour le moment, cela vous est impossible… Des siècles de péché s’opposent aux hommes pour écarter d’eux la lumière. Mais la lumière abattra les murailles et entrera en vous…

471.2

Allons. »

Ils reviennent sur le chemin muletier qu’ils avaient quitté pour monter au plateau éloigné et descendent rapidement vers la vallée. Les apôtres discutent à voix basse…

Puis Philippe court en avant, rejoint le Maître, et demande :

« Je t’ai déplu, Seigneur ? Je n’en avais pas l’intention… Tu m’en veux ?

– Non, Philippe. Mais je souhaiterais que, vous au moins, vous compreniez.

– Tu regardais là-bas avec un tel désir…

– C’est que je pensais à tous ces lieux où je ne suis encore jamais allé. Et où je n’irai pas… car mon temps s’enfuit… Comme le temps de l’homme est bref ! Et comme l’homme est lent à agir ! Comme l’âme ressent ces limites de la terre ! Mais… Père, que ta volonté soit faite !

– Tu as pourtant parcouru toutes les régions des anciennes tribus, mon Maître. Tu les as sanctifiées au moins une fois : on peut donc dire que tu as pris en mains les douze tribus…

– C’est vrai. Vous, ensuite, vous ferez ce que le temps ne m’a pas permis de réaliser.

– Toi qui arrêtes les fleuves et qui calmes les mers, ne pourrais-tu pas ralentir le temps ?

– Je le pourrais. Mais le Père dans le Ciel, le Fils sur la terre, l’Amour au Ciel et sur la terre, brûlent d’accomplir le Pardon… »

Jésus se plonge alors dans une profonde méditation, que Philippe respecte en le laissant seul pour aller retrouver ses compagnons, auxquels il rapporte le dialogue.

471.3

… La vallée est désormais toute proche et déjà on voit une route, une vraie grand-route qui vient du sud et se dirige vers l’ouest, en faisant un virage juste au pied de la montagne pour en suivre la base et continuer ensuite en direction d’un beau village. Il s’étend dans la verdure, près d’un ruisseau dont le lit, actuellement, n’est guère occupé que par des pierres avec, de ci de là, quelques roseaux qui ont résisté, surtout au milieu où un filet, un vrai filet d’eau, s’obstine à s’écouler vers la mer.

Tous se réunissent avant de prendre la grand-route mais, après quelques mètres à peine, deux hommes viennent à leur rencontre en les saluant.

« Voilà deux disciples des rabbis, et l’un d’eux est lévite. Que veulent-ils ? » disent entre eux les apôtres, qui ne sont pas du tout contents de la rencontre.

Moi, je ne sais pas de quoi ils déduisent que ce sont des disciples, et que l’un d’eux est lévite. Je ne comprends pas encore bien le langage des nœuds, des franges et des autres secrets de l’habillement israélite.

Lorsque Jésus se trouve à deux mètres environ des deux hommes, et qu’aucune équivoque n’est possible — car la route est désormais libre des voyageurs qui, à pied ou à cheval, se hâtent vers le village —, il répond à leurs salutations réitérées et s’arrête pour les attendre.

« Paix à toi, Rabbi, dit maintenant le lévite qui s’était borné d’abord à saluer profondément.

– Paix à toi. Et à toi aussi, dit Jésus en s’adressant à l’autre.

– Es-tu le Rabbi nommé Jésus ?

– C’est moi.

– Une femme est entrée avant sexte dans la ville, et elle a raconté qu’elle avait parlé en route avec un rabbi plus grand que Gamaliel, parce qu’en plus d’être sage, il est bon. Cette nouvelle est venue à nos oreilles, et nos maîtres, suspendant leur départ pour Jérusalem, nous ont envoyés te trouver, tous autant que nous étions : deux sur chaque route qui descend de Giscala vers les chemins de la plaine. En leur nom et par notre entremise, ils te disent : “ Viens dans la ville, car nous voulons t’interroger. ”

– Et pour quelle raison ?

– Pour que tu te prononces sur un scandale survenu à Giscala, dont les conséquences durent encore.

– N’avez-vous pas les grands docteurs d’Israël pour rendre un jugement ? Pourquoi vous adresser à un rabbi inconnu ?

– Si tu es celui que disent les rabbis, tu n’es pas inconnu. N’es-tu pas Jésus de Nazareth ?

– Je le suis.

– Ta sagesse est connue des rabbis.

– Et moi, je connais leur hostilité à mon égard.

– Pas tous, Maître. Le plus grand et le plus juste ne te hait pas.

– Je le sais. Il ne m’aime pas non plus. Il m’étudie. Mais le rabbi Gamaliel est-il à Giscala ?

– Non, il est déjà parti pour arriver à Séphoris avant le sabbat. Il est parti aussitôt le jugement prononcé.

– Alors, pourquoi me cherchez-vous ? Moi aussi, je dois respecter le sabbat et il m’est à peine possible d’arriver à temps à cet endroit. Ne me retenez pas davantage.

– Tu as peur, Maître ?

– Je n’ai pas peur, car je sais qu’aucun pouvoir n’est donné, pour l’instant, à mes ennemis. Mais je laisse aux sages le plaisir de juger.

– Que veux-tu dire ?

– Que moi, je ne juge pas : je pardonne.

– Tu sais juger mieux que tout autre. Gamaliel l’a dit : “ Seul Jésus de Nazareth jugerait avec justice ici. ”

– C’est bien. Mais désormais, vous avez rendu votre jugement et l’affaire ne peut plus être remise en question. J’aurais donné l’avis de faire calmer les passions avant de juger. S’il y avait faute, le coupable pouvait se repentir et se racheter. S’il n’y avait pas eu faute, il n’y aurait pas eu ce supplice qui pour quelqu’un est, aux yeux de Dieu, pareil à un homicide prémédité.

– Maître ! Comment le sais-tu ? La femme a juré que tu n’as parlé avec elle que de ses affaires… or… te voilà au courant… Tu es donc vraiment un prophète ?

– Je suis qui je suis. Adieu. Paix à toi. Le soleil descend à l’horizon. »

Et il tourne le dos pour se diriger vers le village.

« Tu as bien fait, Maître ! Ils te tendaient sûrement un piège ! »

Les apôtres sont solidaires du Maître.

471.4

Mais leurs louanges, leurs bonnes raisons sont interrompues par les deux hommes de tout à l’heure, qui les rejoignent pour supplier Jésus de remonter à Giscala.

« Non. Le coucher du soleil me surprendrait en chemin. Dites à ceux qui vous envoient que moi, j’observe toujours la Loi, quand cela ne lèse pas un commandement plus grand que celui du sabbat : celui de l’amour.

– Maître, Maître, nous t’en supplions ! Il s’agit précisément d’une question d’amour et de justice. Viens avec nous, Maître.

– Je ne puis. Et vous non plus, vous ne pouvez pas y remonter à temps.

– Nous avons la permission de le faire dans ce cas précis.

– Eh quoi ? On a élevé la voix quand je guérissais un malade et quand je l’absolvais un jour de sabbat, et à vous il est permis de violer le sabbat pour une discussion oiseuse ? Y a-t-il donc deux mesures en Israël ? Partez ! Partez ! Et laissez-moi continuer ma route.

– Maître, tu es prophète. Par conséquent, tu es au courant. Moi, je le crois et lui le croit. Pourquoi nous repousses-tu ?

– Pourquoi ?… »

Jésus s’arrête et les regarde fixement. Ses yeux sévères, qui traversent et pénètrent au-delà des voiles de la chair pour lire les cœurs, regardent d’un air dominateur les deux hommes qu’il a devant lui. Et ses yeux si insoutenables dans la rigueur, si doux dans l’amour, changent soudain et prennent une expression si affectueuse, si miséricordieuse que, si d’abord le cœur tremblait de crainte devant la puissance de son regard, maintenant il tremble d’émotion devant l’éclat de l’amour du Christ.

« Pourquoi ? » répète-t-il… « Ce n’est pas moi, mais les hommes qui repoussent le Fils de l’homme, et ce dernier doit se défier de ses frères. Mais à ceux qui n’ont pas de malice dans le cœur, je dis : “ Venez ” et, à ceux qui me haïssent : “ Aimez-moi. ”

– Alors, Maître…

– Alors, je vais au village pour le sabbat.

– Attends-nous, au moins.

– Au crépuscule du sabbat, je pars. Je ne puis attendre. »

471.5

Les deux hommes se regardent et restent en arrière pour se consulter, puis l’un d’eux, celui dont le visage est le plus ouvert, celui qui a presque toujours parlé, revient au pas de course.

« Maître, je reste avec toi jusqu’après le sabbat. »

Pierre, qui est à côté de Jésus, tire son vêtement pour l’obliger à se tourner de son côté, et lui murmure :

« Non. Un espion. »

Derrière son cousin, Jude lui souffle :

« Méfie-toi. »

Nathanaël, qui est allé à l’avant avec Simon et Philippe, se retourne et lui fait de gros yeux pour dire : “ Non. ” Même les deux plus confiants, André et Jean, font signe que non dans le dos de l’importun.

Mais Jésus ne tient pas compte de leur peur soupçonneuse et il répond brièvement :

« Reste. »

Les autres doivent se résigner.

L’homme, content, se sent moins étranger, et éprouve le besoin de dire son nom, qui il est, pourquoi il se trouve en Palestine alors qu’il est né dans la Diaspora. Il précise qu’il a été consacré à Dieu dès se naissance parce qu’il fut une “ consolation pour ses parents ” qui, reconnaissants au Seigneur de ce don, le confièrent à des parents à Jérusalem pour qu’il appartienne au Temple. Là, en servant la Maison de Dieu, il a connu le rabbi Gamaliel et est devenu son disciple attentif et aimé :

« Ils m’ont appelé Joseph parce que, comme l’ancien Joseph[2], j’ai ôté à ma mère la douleur d’être stérile. Mais comme ma mère m’appelait toujours “ ma consolation ” pendant qu’elle me nourrissait, je suis devenu Barnabé pour tous. Même le grand rabbi me surnomme ainsi, parce qu’il trouve sa consolation dans ses meilleurs élèves.

– Fais en sorte que Dieu dise cela de toi, et même qu’il t’appelle ainsi » dit Jésus.

471.6

Ils entrent dans le village.

« Le connais-tu ? demande Jésus.

– Non. Je n’y suis jamais venu. C’est la première fois que je viens dans le territoire de Nephtali. Le rabbi m’a amené avec lui, avec d’autres, parce que je suis resté seul…

– As-tu Dieu pour ami ?

– Je l’espère. J’essaie de le servir le mieux possible.

– Alors, tu n’es pas seul. C’est le pécheur qui est seul.

– Je suis pécheur, moi aussi…

– Toi qui es disciple d’un grand rabbi, tu connais certainement les conditions pour qu’un acte devienne péché.

– Tout est péché, Seigneur. L’homme pèche continuellement car les préceptes sont plus nombreux que les moments d’une journée. Et la réflexion ou les circonstances ne nous aident pas toujours à ne plus pécher.

– En vérité, même les circonstances — surtout elles — nous amènent souvent à pécher. Mais as-tu une idée claire du principal attribut de Dieu ?

– La justice.

– Non.

– La puissance.

– Non.

– … La sévérité.

– Moins que tout.

– Et pourtant… elle s’est manifestée sur le Sinaï et plus tard encore…

– Le peuple a vu le Très-Haut au milieu des éclairs. Ils ceignaient d’une auréole terrible le visage du Père et Créateur. En vérité, vous ne connaissez pas le vrai visage de Dieu. Si vous le connaissiez et si vous en connaissiez l’esprit, vous sauriez que le principal attribut de Dieu, c’est l’amour, et l’amour miséricordieux.

– Je sais que le Très-Haut nous a aimés. Nous sommes le peuple élu, mais il est terrible de le servir !

– Si tu sais que Dieu est amour, comment peux-tu dire qu’il est redoutable ?

– C’est qu’en péchant, nous perdons son amour.

– Je t’ai demandé tout à l’heure si tu connaissais les conditions par lesquelles un acte devient péché.

– Quand ce n’est pas un acte des six cent treize préceptes, des traditions, des décisions, des coutumes, des bénédictions et des prières, en plus des dix commandements de la Loi, ou bien quand ce n’est pas comme les scribes enseignent ces choses, alors c’est un péché.

– Même si l’homme ne le commet pas en toute connaissance de cause et avec un parfait consentement de la volonté ?

– Même dans ce cas. Aussi, qui peut dire : “ Moi, je ne pèche pas ” ? Qui peut espérer obtenir à sa mort la paix en Abraham ?

471.7

– Les hommes ont-ils une âme parfaite ?

– Non. Car Adam a péché, et nous avons cette faute en nous. Elle nous rend faibles. L’homme a perdu la grâce du Seigneur, l’unique force pour nous conduire…

– Et le Seigneur le sait ?

– Il sait tout.

– Alors crois-tu qu’il n’ait pas de miséricorde et ne tienne pas compte de tout ce qui affaiblit l’homme ? Crois-tu qu’il exige de ceux qui ont été frappés ce qu’il pouvait exiger du premier Adam ? Il y a là une différence que vous ne prenez pas en considération. Dieu est justice, oui. Il est puissance, oui. Il peut être aussi sévérité pour l’impénitent. Mais quand il voit que son enfant — vous êtes tous enfants sur la terre : c’est une heure d’éternité pour l’âme, qui devient adulte à son examen spirituel de majorité éternelle dans le jugement particulier — quand donc il voit que son enfant a un manquement parce qu’il est distrait, qu’il est lent pour arriver à discerner, parce qu’il est peu instruit, parce qu’il est très faible en une ou plusieurs occasions, penses-tu que le Père très-saint puisse le juger avec une inexorable rigueur ? Tu l’as dit : l’homme a perdu la grâce, la force qui permet de lutter contre les tentations et les appétits. Et Dieu le sait. Il ne faut pas avoir peur de Dieu et le fuir comme Adam après la faute, mais se rappeler qu’il est l’Amour. Son visage resplendit sur les hommes, non pas pour les réduire en cendres, mais pour les réconforter comme le soleil le fait par ses rayons. C’est l’amour, et non pas la sévérité, qui rayonne de Dieu. Ce sont des rayons de soleil et non des flèches foudroyantes. Et, du reste… Qu’est-ce que, de lui-même, a imposé l’Amour ? Un fardeau que l’on ne peut porter ? Un code aux innombrables articles que l’on risque d’oublier ? Non : seulement les dix commandements. Il s’agissait de retenir comme un poulain l’homme animal qui, sans bride, va à sa ruine. Mais quand l’homme sera sauvé, quand la grâce lui sera rendue, quand viendra le Royaume de Dieu, autrement dit le Règne de l’amour, il ne sera donné qu’un seul commandement aux enfants de Dieu et aux sujets du Roi, et il contiendra tout : “ Aime ton Dieu de tout ton être, et ton prochain comme toi-même. ” Tu dois croire, en effet, que Dieu-Amour ne peut qu’alléger le joug et le rendre plus doux, et avec l’amour il sera doux de servir Dieu : il ne sera plus craint, mais aimé. Aimé seulement, aimé pour lui-même, et aimé dans nos frères. Comme elle sera simple, la dernière Loi ! Comme l’est Dieu, qui est parfait dans sa simplicité. Ecoute : aime Dieu de tout ton être, aime ton prochain comme toi-même. Réfléchis : les lourds six cent treize préceptes ainsi que toutes les prières et bénédictions ne sont-ils pas déjà résumés dans ces deux phrases, en les débarrassant des détails inutiles qui ne sont pas de la religion, mais de l’esclavage à l’égard de Dieu ? Si tu aimes Dieu, tu l’honores certainement à toutes les heures. Si tu aimes ton prochain, tu ne fais certainement rien qui le fasse souffrir. Tu ne mens pas, tu ne voles pas, tu ne tues ni ne blesses, tu n’es pas adultère. N’est-ce pas le cas ?

471.8

– C’est vrai… Maître juste, je voudrais rester avec toi. Mais Gamaliel a déjà perdu, à cause de toi, ses meilleurs disciples… Moi…

– Ce n’est pas encore l’heure de venir à moi. Quand elle arrivera, ton maître lui-même te le dira, car c’est un juste.

– Il l’est, c’est vrai ? Tu le dis toi-même ?

– Oui, parce que c’est la vérité. Je ne suis pas homme à abattre pour m’élever sur celui que j’aurais abattu. Je reconnais à chacun ce qui est à lui… Mais ils nous appellent… Ils ont sûrement trouvé où nous loger. Allons-y…»

471.1

It is pleasant to rest on the small tableland. But it is wise to de­scend to the valley while it is daylight, because it would be dark very early under the thick trees covering the mountain.

Jesus is the first to get up and He goes to freshen up His face, hands and feet in the tiny stream running from the little spring. He then calls His apostles, who are sleeping on the grass, and in­vites them to get ready to depart. And while they imitate Him, one after the other, washing themselves in the cool brook and filling their flasks at the fine stream flowing from the rock, He goes to the edge of the little meadow waiting for them near two age-old trees delimiting its eastern side, and He looks at the distant horizon.

Philip is the first to join Him, and looking in the same direction as his Master, he says to Him: «This sight is beautiful! You are ad­miring it…»

«Yes, but I was not looking only at its beauty.»

«At what, then? Were You perhaps thinking of the time when Israel will be great, of those places beyond Lebanon and Orontes, which in the course of centuries vexed us and are still distressing us, because the heart of the power which oppresses us through its Ambassador resides there? The prophecies concerning them made by several prophets are terrible indeed: “I will break Assyria in my country, I will crush him on my mountains… This is the hand stretched out against all the nations… And who will be able to hold it back?… Damascus is going to cease to be a city, she will become a heap of ruins… Such will be the lot of our plunderers”. Isaiah speaks thus! And Jeremiah says[1]: “I will light a fire inside the walls of Damascus, it shall devour the palaces of Ben-hadad”. And that will happen when the King of Israel, the Promised One, takes His sceptre, and God has forgiven His people by sending the King Messiah to them… Oh! Ezekiel says[2] so: “Mountains of Israel grow branches and bear fruit for my people Israel who will soon return… I will lead my people back to you, and they will have you for their own domain… I shall never again let you hear the insults of the nations…”. And the psalms sing with Ethan the Ezrahite: “I have found my servant David and anointed him with my holy oil. My hand will assist him… His enemy will not be able to do anything against him… His fortunes shall rise in my name… He will stretch his hand over the sea and his right hand over rivers… And I will make him the first-born, the sovereign among the kings of the Earth”. And Solomon sings: “He will endure like sun and moon… His empire shall stretch from sea to sea, and from the river to the ends of the Earth… All the kings of the Earth will do him homage, all nations will become his servants…”. You, Messiah, because all the signs of the spirit and of the flesh are in You, all the signs given by the prophets. Alleluia to You, Son of David, King Messiah, holy King!»

«Alleluia!» shout in chorus the others who have joined Jesus and Philip and have heard the latter’s words. And alleluia echoes through gorges and hills…

Jesus looks at them very sadly… And He replies: «But do you not remember what David says of the Christ, and what Isaiah says of Him… You are taking the sweet honey and the inebriating wine of the prophets… but you are not considering that in order to be the King of kings the Son of man will have to drink bile and vinegar and dress Himself with the purple of His own Blood… But it is not your fault if you do not understand… Your error in understanding is love. I would like a different love in you. But for the time being you cannot… Ages of sin are against men prevent­ing them from seeing the Light. But the Light will demolish the walls and will enter you…

471.2

Let us go.»

They go back to the mule-path which they had left to go up to the remote plateau and they descend quickly towards the valley. The apostles speak to one another in low voices…

Then Philip runs ahead, joining the Master and asks: «Have I displeased You, Lord. I did not want to… Are You angry with me?»

«No, Philip, I am not. But I would like you at least to under­stand.»

«You were looking there with such keen desire…»

«Because I was thinking of how many places have not yet had Me… And will not have Me… because My time flies… How short is the time of man! And how slow man is in acting! How much the spirit feels such limitations of the Earth!… But Father may Your will be done!»

«But You have covered all the regions of the old tribes, my Master. You have sanctified them at least once, so one can say that You gathered in Your hands the twelve tribes…»

«That is true. But, afterwards, you will do what time did not let Me do.»

«Since You can stop rivers and calm seas, could You not slow down time?»

«I could. But the Father in Heaven, the Son on the Earth, the Love in Heaven and on the Earth, are eager to accomplish forgiveness…» and Jesus becomes engrossed in deep meditation which Philip respects leaving Him alone and joining his compan­ions to whom he relates his conversation.

471.3

… The valley is now close at hand and a road can already be seen, a real main road, which from the south proceeds westwards, bending just at the foot of the mountain. and running along its base. It then runs straight towards a fine village lying in the green near a little river the bed of which is covered with stones, With a few resisting reeds here and there, particularly in the middle, where a little stream, just a tiny stream, persists in flowing towards the sea.

They all gather together before taking the main road, and they have only walked a few metres when two men come towards them waving their hands to greet them.

«Two disciples of rabbis, and one is a Levite. What do they want?» the apostles ask one another and they are not at all happy to meet them. I do not know how they can infer that the two are disciples and that one is a Levite. I do not yet understand the meaning of tassels and fringes and other secrets of Israelite garments.

When Jesus is about two metres away from the two men, and when no misunderstanding is possible as the road is now clear of wayfarers hurrying towards the village on foot or on horseback, He returns their repeated greetings and stops waiting.

«Peace to You, Rabbi» says the Levite who previously had just made low bows.

«Peace to you. And to you» says Jesus, addressing the other one.

«Are You the Rabbi named Jesus?»

«I am.»

«A woman came into town before the sixth hour and she said that she had spoken on the road to a rabbi greater than Gamaliel, because besides being wise He is good. The news reached us and our masters put off our departure for Jerusalem and sent us all out to look for You: two of us on each road going down from Giscala to the roads in the plain. In their names and through us they say to You: “Come into town, because we want to consult You”.»

«Why?»

«That You may declare Your opinion on an event which took place in Giscala and of which the consequences are still lasting.»

«And have you not got the great doctors in Israel to give you their opinions? Why apply to the unknown Rabbi?»

«If You are He, Whom the rabbis say, You are not unknown. Are You not Jesus of Nazareth?»

«I am.»

«Your wisdom is known to the rabbis.»

«And their bitter hatred for Me is known to Me.»

«Not in all of them, Master. The greatest and just one does not hate You.»

«I know. But he does not love Me either. He studies Me. But is rabbi Gamaliel in Giscala?»

«No. He already left to be at Sephoris before the Sabbath. He left immediately after the sentence.»

«So why are you looking for Me? I have to keep the Sabbath as well and I can just reach that place in time. Do not keep Me any longer.»

«Are You afraid, Master?»

«I am not afraid because I know that so far no power has been given to My enemies. But I leave the joy of judging to wise people.»

«What do You mean?»

«That I do not judge. I forgive.»

«You can judge better than anybody else. Gamaliel said so. He said: “Only Jesus of Nazareth would judge with justice in this case”.»

«All right. But you have already judged. And the matter can no longer be mended. My opinion would have been to calm passions before striking. If there was a fault the guilty man might have repented and redeemed himself. If there was no fault, there would have been no punishment, which according to some people is, in the eyes of God, the same as wilful murder.»

«Master! But how do You know? The woman swore that You spoke with her only of her matters…and…You know…So are You really a prophet?»

«I am Who I am. Goodbye. Peace to you. The sun is descending to the west» and He turns around and goes towards the village.

«You have done the right thing, Master! They were certainly ly­ing in wait for You!» The apostles are solid for the Master.

471.4

But their praises and reasons are cut short by the two previous men who reach them entreating Jesus to go up to Giscala.

«No. Sunset would overtake Me on the way. Tell those who sent you that I comply with the Law, I always do, when its observance is not prejudicial to the Commandment which is greater than the Sabbatic one: that of love.»

«Master, Master, we implore You. This is just a case of love and justice. Come with us, Master.» «I cannot. Neither can you go back up in time.»

«We have permission to do it in this case.»

«What? They reproached Me if I cured a sick man and absolved him on a Sabbath, and you are allowed to infringe the Sabbath for an idle discussion? Are there perhaps two measures in Israel. Go! Go and let Me go.»

«Master, You are a prophet and so You know. I believe it and this man believes it. Why are You rejecting us?»

«Because!…» Jesus stares at them and stops. His severe eyes, which pierce and penetrate beyond the veils of the body to read their hearts, scrutinise domineeringly the two men in front of Him. And then His eyes, so unsustainable in severity, so mild in love, now change by assuming such a loving and merciful expression that if previously a heart trembled with fear because of their powerful look, now it trembles with emotion in the presence of the bright love of the Christ. «Because!» He repeats… «Not I, but men reject the Son of man, and He must distrust His brothers. But to those whose hearts are without malice I say: “Come” and I also say: “Love Me” to those who hate Me…»

«So, Master…»

«So I am going to the village for the Sabbath.»

«At least wait for us.»

«I am leaving at sunset of the Sabbath. I cannot wait.»

471.5

The two men look at each other, they consult each other in remaining behind; then the one whose face is more open and who has spoken almost all the time, runs back. «Master, I am staying with You until after the Sabbath.»

Peter, who is beside Jesus, plucks His tunic compelling Him to turn to his side and whispers: «No. A spy.» Judas Thaddeus who is behind his Cousin, says in a soft voice: «Don’t trust him.» Nathanael, who had gone ahead with Simon and Philip, turns around and looks sternly meaning: «No.» Even the two most trustful ones, Andrew and John, shake their heads from behind the pestering fellow.

But Jesus does not pay attention to their suspicious fears and He replies briefly: «Stay» and the others must resign themselves.

The man is now happy and feels more at home. He also feels that he must tell his name, who he is, why he is in Palestine although he was born in the Diaspora, that he was consecrated to God from his birth, because he was «the consolation of his parents» who, grateful to the Lord for having him, entrusted him to relatives in Jerusalem, that he might be of the Temple. It was there, while serving the House of God, that he met Gamaliel and became his diligent and loved disciple. «They named me Joseph because like the ancient one[3], I relieved my mother of the grief of being barren.

But my mother always said “my consolation” when she fed me, so I became Barnabas[4] for everybody. Also the great Rabbi calls me thus because he finds solace in his best disciples.»

«Ensure that God also may say that of you, and above all that He may call you so» says Jesus.

471.6

They enter the village.

«Are you familiar with this place?» asks Jesus.

«No, I have never been here. It is the first time that I come here, to Naphtali. The rabbi brought me here with other people, because I am all alone, I have no relatives…»

«Is God your Friend?»

«I hope so. I try to serve Him as best I can.»

«Then you are not alone. A sinner is alone.»

«I may sin, too.»

«As you are the disciple of a great rabbi, you are certainly aware of the conditions whereby an action becomes a sin.»

«Everything, Lord is sin. Man sins continuously, because the precepts are more numerous than the moments in a day. And con­sideration and circumstances do not always help us to avoid sin.»

«It is true that circumstances above all often lead us to sin. But have you a clear conception of the main attribute of God?»

«Justice.»

«No.»

«Power.»

«Neither.»

«… Severity.»

«Less than ever.»

«And yet it was so on Sinai and even later…»

«The Most High was then seen amidst lightning which encircled the face of the Father and Creator with awful haloes. You really do not know the true face of God. If you knew Him and His spirit, you would know that the main attribute of God is Love and merciful Love.»

«I know that the Most High has loved us. We are the chosen peo­ple. But it is tremendous to serve Him!»

«If you know that God is Love, how can you say that He is tremendous?»

«Because by sinning we lose His love.»

«I have already asked you whether you know the conditions whereby an action becomes a sin.»

«When it is not an action of the six hundred and thirteen precepts, or of the traditions, decisions, customs, blessings and prayers, besides the ten commandments of the Law, or it does not comply with the teaching of the scribes, then it is a sin.»

«Even if man does not do it with full knowledge and perfect con­sent of will?»

«Yes, even so. Because who can say: “I do not sin”? Who can hope to have peace in Abraham after death?»

471.7

«Are the spirits of men perfect?»

«No, because Adam sinned and we have that fault in us. It makes us weak. Man has lost the Grace of the Lord, the only strength to support us…»

«And does the Lord know that?»

«He knows everything.»

«So, do you think that He has no mercy taking into account what makes man weak? Do you think that He exacts from the smitten descendants what He could exact from the first Adam? That is where the difference lies which you do not take into con­sideration. God is justice, I agree. He is Power, I agree. He may also be Severity with the unrepentant sinner who perseveres in his sin. But when He sees that one of His children – all men are children on the Earth which is one hour of eternity for the spirit, that becomes adult at its spiritual examination of eternal majority at the moment of the particular judgement – when He sees that one of His children errs because he is absent-minded, or slow in distinguishing, or not very well educated, or because he is very weak in one or more things, do you think that the Most Holy Father may judge him with inflexible severity? You said it yourself, that man lost Grace, the strength to react against temptation and incentives. And God knows that. And one must not be afraid of God and shun Him as Adam did after his sin. But man ought to remember that He is Love. His face shines upon men, not to reduce them to ashes, but to comfort them as the sun comforts with its beams. Love, not severity radiates from God: sunbeams, not flashes of lightning. In any case… What did Love impose of His own will? A burden which cannot be carried? A code of numberless chapters easy to be forgotten? No. Just ten commandments, to bri­dle like a colt the animal man, who without bridle goes to rack and ruin. But when man is saved, when Grace is given back to him, when the Kingdom of God is established, that is, the Kingdom of love the children of God and subjects of the King will be given one only commandment which will comprise everything: “Love your God with your whole self and your neighbour like yourself”. Because, believe, o man, that God-Love can but alleviate the yoke and make it pleasant and love will make it pleasing to serve God, when He is no longer feared but loved. Only loved, loved for Himself and loved in our brothers. How simple the last Law will be! As God is, Who is perfect in His simplicity. Listen: love God with your wholeself, love your neighbour as yourself. Meditate. Are the burdensome six hundred and thirteen precepts and all the prayers and blessings not already included in these two sentences, divested of useless cavils, which are not religion but slavery towards God? If you love God you will certainly honour Him every hour of the day. If you love your neighbour, you will not do anything which may grieve him. You will not lie steal kill or injure, you will not commit adultery. Is it not so?»

471.8

«It is… Just Master, I would like to stay with You. But Gamaliel has already lost to You his best disciples… I…»

«It is not yet the hour for you to come to Me. When it comes, your very master will tell you, because he is a just man.»

«He is, is he not? Do You say so?»

«I say so because it is the truth. I am not one who knocks people down to rise above those who have been knocked down. I recognise everybody’s rights… But they are calling us… They must have found lodgings for us. Let us go…»


Notes

  1. C’est Isaïe qui parle, en Is 14, 25-27 ; 17, 1.14. Et Jérémie dit aussi, en Jr 49, 27 ; c’est Ezéchiel qui le dit en Ez 36, 8.12.15. Suivent, toujours cités par Philippe, des passages de Ps 89, 21-28 ; Ps 72, 5-11 ; et dits par Jésus : Ps 69, 22 ; Is 63, 1-3.
  2. l’ancien Joseph : celui de Gn 30, 22-24 ; je suis devenu Barnabé, comme on le lit en Ac 4, 36.

Notes

  1. Isaiah speaks, in: Isaiah 14,25-27; 17,1.14; Jeremiah says, in: Jeremiah 49,27.
  2. Ezekiel says, in: Ezekiel 36,8.12.15. Quotations follow, once again through the words of Philip from: Psalm 89,21-28; Psalm 72,5-11; and through the words of Jesus: Psalm 69,22; Isaiah 63,1-3.
  3. the ancient one, that is Joseph in Genesis 30,22-24.
  4. I became Barnabas, as can be read in Acts 4,36.