The Writings of Maria Valtorta

492. A Béthanie, il est fait mémoire de Jean d’En-Dor.

492. In Bethany, John of Endor is remembered.

492.1

Bien que toujours plus morne, la maison de Béthanie reste accueillante… La présence d’amis et de disciples n’enlève pas à la maison sa tristesse. Il y a là Joseph, Nicodème, Manahen, Elise et Anastasica. A ce que je comprends, ces dernières n’ont pas su rester loin de Jésus et s’en excusent comme d’une désobéissance, bien décidées cependant à ne pas s’en aller. Elise en explique les raisons valables : l’impossibilité pour les sœurs de Lazare de suivre le Maître pour lui procurer, ainsi qu’aux apôtres, ces soins féminins nécessaires à un groupe d’hommes seuls et, de plus, persécutés.

« Nous seules le pouvons. Marthe et Marie ne peuvent quitter leur frère. Jeanne n’est pas là. Annalia est trop jeune pour vous accompagner. Quant à Nikê, il est bon qu’elle reste là où elle se trouve pour vous y accueillir. Mes cheveux blancs permettent d’éviter les commérages. Je te précéderai là où tu iras, je resterai là où tu me le diras ; tu auras toujours une mère auprès de toi, et moi je penserai que j’ai encore un fils. Je ferai ce que tu veux, mais laisse-moi te servir. »

Jésus se rend compte que tous trouvent que c’est une bonne idée, et il y consent. Peut-être aussi, dans la grande amertume qu’il a certainement dans le cœur, désire-t-il avoir auprès de lui un cœur maternel où trouver un reflet de la douceur de sa Mère…

La joie d’Elise est manifeste.

Jésus lui dit :

« Je serai souvent à Nobé. Tu iras dans la maison du vieux Jean. Il me l’a offerte pour mes séjours. Je t’y trouverai à chacun de nos retours…

492.2

– Tu comptes repartir, malgré les pluies ? demande Joseph d’Arimathie.

– Oui. Je veux encore me rendre en Pérée en m’arrêtant chez Salomon, puis à Jéricho et en Samarie. Ah ! je voudrais aller à tant d’endroits encore…

– Maître, ne t’éloigne pas trop des routes gardées et des villes où il y a un centurion. Eux ne sont pas sûrs, et les autres non plus : deux craintes, deux surveillances, sur toi, et réciproquement. Mais crois bien que les Romains sont moins dangereux pour toi …

– Ils nous ont abandonnés !… dit avec brusquerie Judas.

– Tu crois cela ? Non. Parmi les païens qui écoutent le Maître, peux-tu distinguer les envoyés de Claudia de ceux de Ponce ? Parmi les affranchis de la première et de ses amies, rares sont ceux qui pourraient parler au Bel Nidrasc[1] s’ils étaient juifs. N’oublie jamais qu’il y a partout des gens instruits, que Rome a asservi le monde, que ses patriciens aiment prendre le meilleur butin pour en orner leurs maisons. Si les gymnasiarques et ceux qui dirigent les cirques choisissent tout ce qui peut leur procurer argent et gloire, les patriciens préfèrent ceux dont la culture ou la beauté sont un ornement et un agrément pour leur maison et pour eux-mêmes…

492.3

Maître, ces commentaires me rappellent un souvenir… M’est-il permis de te poser une question ?

– Parle.

– Cette femme, cette Grecque qui était avec nous l’an dernier… et qui fournissait un chef d’accusation contre toi, où est-elle ? Plusieurs ont cherché à le savoir… mais pas dans une bonne intention. Mais moi, je n’ai pas de mauvais dessein… Seulement… qu’elle soit retournée à l’erreur ne me paraît pas possible. Elle avait une grande intelligence et une justice sincère. Mais on ne la voit plus…

– Quelque part sur la terre, elle, la païenne, a su exercer envers un juif persécuté une charité que les juifs ne possédaient pas.

– Tu veux parler de Jean d’En-Dor ? Est-il avec elle ?

– Il est mort.

– Mort ?

– Oui. Et on pouvait le laisser mourir près de moi… Il n’y avait pas beaucoup à attendre… Ceux — et ils sont nombreux — qui ont œuvré à provoquer son éloignement, ont commis un homicide comme s’ils avaient levé sur lui une main armée d’un couteau. Ils lui ont percé le cœur. Et, même le sachant mort de cela, ils ne pensent pas être homicides. Ils n’en éprouvent aucun remords. On peut tuer son frère de bien des manières, avec une arme ou par la parole, ou par quelque mauvaise action. Par exemple en rapportant à un persécuteur le lieu de refuge d’un persécuté, où en enlevant à un malheureux l’abri où il trouve quelque réconfort… De combien de façons ne tue-t-on pas ! Mais l’homme ne s’en repent pas. L’homme, et c’est le signe de sa décadence spirituelle, a tué le remords. »

Jésus s’exprime avec une telle sévérité que personne ne trouve la force de parler. Ils se regardent du coin de l’œil, tête basse, confus, même les plus innocents et les meilleurs. Après un temps de silence, Jésus reprend :

« II faut que personne ne rapporte aux ennemis du mort et aux miens ce que je viens de dire, pour leur procurer une joie satanique. Mais, si on vous interroge, répondez simplement que Jean est en paix, que son corps se trouve dans un tombeau lointain et que son âme m’attend.

– Seigneur, cela t’a-t-il fait souffrir ? demande Nicodème.

– Quoi ? Sa mort ?

– Oui.

– Non. Sa mort m’a donné la paix, car c’était sa paix à lui. C’est une peine, une grande peine que m’ont faite ceux qui, par un bas sentiment, ont dénoncé au Sanhédrin sa présence parmi les disciples, et ont amené son départ. Mais chacun a ses idées, et il n’y a qu’une grande et bonne volonté qui puisse changer les instincts et les idées. Cependant, je vous dis : “ Qui a dénoncé, dénoncera encore. Qui a fait mourir fera encore mourir. ” Mais malheur à lui : il croit triompher et va à sa perte, et le jugement de Dieu l’attend.

– Pourquoi me regardes-tu ainsi, Maître ? demande Jean, qui se trouble et rougit comme s’il était coupable.

– Parce que, si je te regarde, personne ne pensera, pas même le plus mauvais, que tu puisses avoir haï un frère.

– Cela pourrait être un pharisien, ou un Romain… Il leur vendait des œufs… déclare Judas.

– C’était un démon. Mais il lui a fait du bien en voulant lui nuire. Il a hâté sa complète purification et sa paix.

492.4

– Comment l’as-tu su ? Qui t’en a apporté la nouvelle » demande Joseph.

Marie de Magdala intervient avec véhémence.

« Le Maître aurait-il donc besoin qu’on lui apporte les nouvelles ? Ne voit-il pas les actes des hommes ? N’est-il pas allé appeler Jeanne[2] pour qu’elle vienne à lui et qu’il la guérisse ? Qu’est-ce qui est impossible à Dieu ?

– C’est vrai, femme. Mais rares sont ceux qui ont ta foi… Et c’est pourquoi j’ai posé une question stupide.

– C’est bien. Mais maintenant, Maître, viens. Lazare s’est éveillé, il t’attend… »

Et elle l’emmène, tranchante et décidée, coupant toute possibilité de conversation et de questions.

492.1

A sadder and sadder but always pleasant house in Bethany…

The presence of friends and disciples does not remove the sadness of the house. There is Joseph with Nicodemus, Manaen, Ehza and Anastasica; as far as I can understand, the two women could not put up with being far from Jesus and they apologise as if they had disobeyed, although they are quite decided not to go away. And Eliza explains her good reasons which are: the impossibility for Lazarus’ sisters to follow the Master and take womanly care of Him and of the apostles, as is necessary with a group of men alone and, furthermore, persecuted.

«We are the only ones who can do that. Because Martha and Mary cannot leave their brother. Johanna is not here. Annaleah is too young to come with us. It is better for Nike to stay where she is, so that she may receive You there. My white hair will prevent disparagement. I shall precede You wherever You go, or I shall stay where You tell me, and You will always have a mother near You, and I shall feel as if I still had a son. I will do what You want, but allow me to serve You.»

Jesus agrees when He hears that they all think that it is the right thing to do. Perhaps, in the deep bitterness of His heart, He wishes to have a motherly heart close at hand, to find in it reflections of His Mother’s kindness…

Eliza is triumphant in her joy.

Jesus says: «I shall often be at Nob. You will stay in the house of old John. He told Me that I can stay there when I stop at Nob. I shall find you there every time we come back…»

492.2

«Are You thinking of going away in spite of the wet weather?» asks Joseph of Arimathea.

«Yes, I am. I want to go towards Perea, stopping in Solomon’s house. Then I will go towards Jericho and Samaria. Oh! I would like to go to many more places…»

«Master, don’t go too far away from roads and towns garrisoned by a centurion. They are undecided. And the others are undecided as well. Two fears. Two surveillances. Concerning You. And in turn. But You may be sure that, as far as You are concerned, the Romans are less dangerous…»

«They have abandoned us!…» remarks Judas of Kerioth bluntly.

«Do you think so? No. Among those Gentiles who listen to the Master can you perhaps see those sent by Claudia or by Pontius? Among the freedmen of the former and of her lady friends there are many who could speak in the Bel Nidrasc, if they were Israelites. Don’t forget that there are learned people everywhere, that Rome enslaves the world, that her patricians love to take the best booty to adorn their houses. If gymnasiarchs and circus managers choose what can give them profit and glory, patricians select those whose learning or beauty may adorn and gratify their houses and themselves…

492.3

Master, this subject reminds me of something… May I ask You a question?»

«Speak up.»

«That woman, that Greek woman, who was here last year… and was a charge against You, where is she? Many have tried to find out… not for a good purpose. But I have no evil wish… Only… I don’t think it is possible that she has gone back to the wrong doc­trine. She was gifted with a great intelligence and sincere justice. But she is no longer about…»

«In a part of the Earth, she, a heathen woman, has been able to practise for a persecuted Israelite the charity which Israelites did not have.»

«Are You referring to John of Endor? Is he with her?»

«He is dead.»

«Dead?»

«Yes, and they could have let him die near Me… There was not a long time to wait… Those, and they are many, who worked to have him sent away, committed murder, as if they had raised their hands armed with knives against him. They broke his heart. And although they know that that is why he died, they do not consider themselves homicides. They do not feel remorse for being so. Brothers can be killed in many ways. With weapons and with words or with some wicked deed, such as informing a persecutor of the place where the persecuted person is, or depriving a poor wretch of his refuge of comfort… Oh! in how many ways one can kill… But man does not feel remorse for that. Man, and that is the sign of his spiritual decline, has killed remorse.»

Jesus is so severe in speaking those words, that no one has the courage to speak. They look at one another stealthily, with lowered heads, and even the best and most innocent ones are em­barrassed.

After a moment’s silence Jesus says: «No one need inform the enemies of the dead man and Mine of what I said, to give them a satanic joy. But should anyone question you, you may reply that John is at peace, with his body in a far away sepulchre and his soul in expectation of Me.»

«Did that grieve You much, Lord?» asks Nicodemus.

«What? His death?»

«Yes.»

«No, it did not. His death gave Me peace because it was his peace. I was grieved, deeply grieved by those who through low feelings informed the Sanhedrin of his presence among the disciples and brought about his departure. But every man has his systems and only a great goodwill can change instincts and systems. But I say: “He who denounced, will denounce again. He who brought about death, will bring about death again”. But woe to him. He thinks he is winning whereas he is losing. And the judgement of God is awaiting him.»

«Why are You looking at me thus, Master?» asks John of Zebedee, becoming uneasy and blushing, as if he were guilty.

«Because if I look at you, nobody, not even the most wicked per­son, will think that you may have hated a brother of yours.»

«It must have been a Pharisee or a Roman… He supplied them with eggs…» says Judas of Kerioth.

«It was a demon. But he did him good whilst wishing to harm him. He hastened his complete purification and peace.»

492.4

«How do You know? Who brought You the news?» asks Joseph.

«Does the Master need to have news brought to Him? Does He not see the actions of men? Did He not go and call Johann[1] that she might come to Him and be cured? What is impossible to God?» says Mary of Magdala passionately.

«That is true, woman. But few people have your faith… And that is why I asked a silly question.»

«All right. But come, now, Master. Lazarus has awaked and is waiting for You…»

And she takes Him away abruptly and resolutely, cutting short any farther conversation or question.


Notes

  1. Bel Nidrasc, ici et ailleurs (comme en 67.6, 111.3 et 243.3, où il est écrit Beth Midrasch) pourrait être le lieu du Temple où les docteurs enseignaient, puisqu’on appelle Midrash certains écrits rabbiniques qui commentent les saintes Ecritures.
  2. N’est-il pas allé appeler Jeanne : le récit s’en trouve en 102.4.

Notes

  1. Did He not go and call Johanna, as narrated in 102.4.