– Et toi, qu’en penses-tu ?
– Moi… moi…
– Tu te débats entre les voix d’en haut et celles de la terre. Je ne dis pas “ et celles d’en bas ”, je dis celles de la terre. Jacques aussi, et plus encore que toi. Mais moi je vous dis qu’au-dessus de la terre, il y a le Ciel, au-dessus des intérêts du monde, il y a la cause de Dieu. Vous avez besoin de changer votre façon de penser. Quand vous y arriverez, vous serez parfaits.
– Mais… et ta Mère ?
– Jude, il n’y a qu’elle qui aurait le droit de me rappeler à mes devoirs de fils, selon les lumières terrestres : c’est-à-dire à mon devoir de travailler pour elle pour subvenir à ses besoins matériels, à mon devoir d’assistance et de réconfort, en restant auprès d’elle. Or elle ne me demande rien de tout cela. Dès le moment où elle m’a eu, elle a su qu’elle devrait me perdre, pour me retrouver dans une dimension plus large que celle du petit cercle de la famille. Dès lors, elle s’y est préparée.
Cette volonté absolue de don de soi à Dieu n’est pas une nouveauté, dans son sang. Sa mère l’a offerte au Temple avant même qu’elle ne sourie à la lumière. Elle m’a parlé une quantité innombrable de fois de son enfance sainte, quand elle me serrait sur son cœur durant les longues soirées d’hiver ou dans les claires nuits d’été où fourmillent les étoiles. Elle s’est donnée à Dieu dès les premières lueurs de l’aube de sa venue au monde. Et elle s’est encore davantage donnée quand elle m’a eu, pour être là où je suis, sur le chemin de la mission qui me vient de Dieu. Une heure viendra où tous m’abandonneront. Ce sera pour peu de minutes, mais la lâcheté vous dominera tous et vous penserez qu’il aurait mieux valu, pour votre sécurité, ne m’avoir jamais connu. Mais elle, qui a compris et qui sait, restera toujours avec moi. Et vous, vous reviendrez à moi grâce à elle. Par la force de sa foi assurée et aimante, elle vous attirera en elle et vous ramènera ainsi en moi, parce que je suis en ma Mère et elle en moi, et nous en Dieu.
Cela, je voudrais que vous le compreniez, vous tous, mes parents selon le monde, mes amis et mes fils au point de vue surnaturel. Toi et les autres avec toi, vous ne savez pas qui est ma Mère. Si vous le saviez, vous ne la critiqueriez pas dans votre cœur de ne pas savoir me tenir assujetti à elle, mais vous la vénéreriez comme l’Amie la plus intime de Dieu, la Puissante qui peut tout sur le cœur du Père éternel et sur le Fils de son cœur. Bien sûr que je viendrai à Cana ! Je veux lui faire plaisir. Vous comprendrez mieux après cette heure-là. »
Jésus est imposant et persuasif.
Jude le regarde attentivement. Il réfléchit. Il dit :
« Moi aussi, c’est certain, je viendrai avec toi et avec eux, si tu veux de moi… car je sens que tu dis des choses justes. Pardonne mon aveuglement et celui de mes frères. Tu es tellement plus saint que nous…
– Je n’ai aucune rancœur envers ceux qui ne me connaissent pas. Je n’en ai pas non plus envers ceux me haïssent. Mais j’en souffre pour le mal qu’ils se font à eux-mêmes.