The Writings of Maria Valtorta

522. Arrivée à Jéricho.

522. Arrival in Jericho. The earthly love of the crowd

522.1

Jésus est très attendu. Une foule de gens séjournent dans les campagnes proches de la ville et attendent. A peine un observateur, juché sur un grand noyer, a-t-il lancé le cri : “ Voici l’Agneau de Dieu ! ” que les gens se lèvent et accourent vers Jésus, qui arrive aux premières brumes du crépuscule.

« Maître ! Maître ! Nous t’attendions depuis si longtemps ! Nos malades ! Nos enfants ! Ta bénédiction ! Les vieillards t’attendent pour s’éteindre en paix ! Si tu nous bénis, Seigneur, nous serons préservés du malheur ! »

Les gens parlant tous ensemble, Jésus lève la main en des gestes réitérés de bénédiction, et répète :

« Paix, paix, paix à vous tous ! »

Les apôtres qui sont encore avec lui sont pris dans les remous de la foule, séparés de Jésus. Or ce dernier est presque empêché d’avancer par ceux-là mêmes qui se plaignent doucement de l’avoir tant attendu.

522.2

Le pauvre Zachée lutte convulsivement pour atteindre Jésus, pour se faire entendre de lui, au moins pour se faire voir. Mais, petit comme il est, et n’étant pas très agile ni très fort, il se trouve toujours repoussé par de nouvelles vagues de la foule. Son cri se perd dans la grande clameur, et sa personne disparaît dans la confusion des têtes, des bras, des vêtements qui s’agitent. C’est inutilement qu’il supplie et parfois fait des reproches pour obtenir un peu de pitié. Les gens sont toujours égoïstes pour ceux qui leur procurent le plaisir et cruels envers les plus faibles. Le pauvre Zachée, épuisé par ses efforts, convaincu de leur inutilité, perd la volonté de lutter et, dépité, il se résigne. En effet, comment espérer encore pouvoir réussir, si de chaque rue débouchent d’autres personnes, des rues qui ressemblent à autant de ruisseaux confluant tous vers un fleuve unique : le chemin parcouru par Jésus ? Et chaque affluent nouveau, qui amène un nouveau flot et rend plus impénétrable la foule au point de faire peur de s’y trouver, repousse en arrière le pauvre Zachée.

Jude l’aperçoit et essaie de se frayer un passage pour le sortir du coin de la rue où la foule l’a repoussé et bloqué. Mais il se trouve lui-même refoulé par ceux qui le poussent par derrière, et sa tentative échoue. Thomas, fort de sa robustesse, travaille des coudes et crie de sa voix puissante : “ Faites place ! ” au cours d’une même tentative… Hélas ! Les gens forment une muraille plus solide que des pierres et en même temps plus flexible que du caoutchouc : elle plie, mais ne s’ouvre pas. Ce n’est plus un embrassement, mais une chaîne impossible à rompre. Et Thomas lui aussi se résigne.

Alors Zachée perd tout espoir, car Didyme est le dernier des apôtres entraîné par le courant. Et finalement le courant passe… Il est passé… Lambeaux d’étoffes, nœuds, franges, épingles à cheveux, boucles de vêtements, gisent sur le sol pour témoigner de sa violence. Il y a jusqu’à une petite sandale d’enfant, tout écrasée, qui semble attendre tristement le petit pied qui l’a perdue… Zachée se met à la suite de tout le monde, triste lui aussi comme cette petite chaussure arrachée par la foule à son petit propriétaire.

522.3

Jésus n’est même plus visible. Un détour de la rue l’a dérobé à la vue du pauvre Zachée… Mais quand, dernier de la foule, il arrive sur la place où autrefois il avait son comptoir, il voit que les gens se sont arrêtés en criant, en priant, en suppliant. Il aperçoit Jésus, monté sur un perron, faire des bras et de la tête un signe de dénégation et dire quelque chose que l’on ne peut comprendre dans le tumulte de la foule. Et enfin, il voit Jésus descendre, non sans peine, de son piédestal, reprendre sa marche et tourner, oui, tourner justement du côté où se trouve sa maison. Alors Zachée reprend toute son ardeur. Comme la place est large, la foule a beau être dense, elle est moins compacte et peut être… transpercée comme une haie pas trop épaisse par quelqu’un de bien décidé et qui n’a pas peur des écorchures. Et Zachée devient un coin, une catapulte, un bélier, il heurte les gens, bouscule, s’insinue, distribue et reçoit des coups de poings au visage, des coups de coude dans l’estomac et des coups de pieds dans les tibias, mais il se fraie un passage, il avance… Le voilà du côté opposé… Mais là, il n’y a plus de place, c’est de nouveau une muraille impénétrable. Quelques pas le séparent de Jésus déjà arrêté près de sa maison. Mais s’il y avait des déserts et des fleuves pour l’en séparer, Zachée aurait plus d’espoir de parvenir à le rejoindre. Il se fâche, crie, impose :

« Je dois aller chez moi ! Laissez-moi passer ! Ne voyez-vous pas qu’il veut venir chez moi ? »

C’est justement ce qu’il n’aurait jamais dû dire ! Cela attise dans la foule la volonté d’avoir le Maître dans d’autres maisons. Certains ricanent en se moquant du pauvre Zachée, d’autres lui répondent méchamment. Il n’y a personne qui ait pitié. Au contraire, ils se mettent à hurler et à s’agiter pour empêcher le Maître de voir et d’entendre Zachée. Et certains crient :

« Tu n’as déjà que trop reçu de lui, vieux pécheur ! »

Je crois que le souvenir de ses anciennes exactions et vexations n’est pas étranger à tant d’animosité… L’homme, même le mieux disposé au surnaturel, garde presque toujours un petit coin où subsiste l’amour de son pécule et où est encore plus vivant le souvenir de celui qui a lésé ce pécule…

522.4

Mais l’heure de l’épreuve est passée pour Zachée, et Jésus récompense sa persévérance. Il crie de toute ses forces :

« Zachée ! Viens vers moi. Laissez-le passer, car je veux entrer chez lui. »

Force est bien d’obéir. La foule se serre pour faire place et Zachée s’avance, rouge de fatigue, rouge de joie, tout en essayant de remettre en ordre ses cheveux décoiffés, son vêtement déboutonné, sa ceinture dont les nœuds sont sur les reins au lieu d’être par devant. Il cherche son manteau, qui sait où il est !… Peu importe, il est maintenant devant Jésus, à demi courbé pour lui rendre hommage. Il ne peut faire davantage, car il a tout juste assez de place pour s’incliner un peu.

« Paix à toi, Zachée. Viens donc, que je te donne le baiser de paix. Tu l’as bien mérité, dit Jésus avec un sourire vraiment joyeux, juvénile, qui, effectivement, le fait paraître rajeuni.

– Oh oui, Seigneur. Je l’ai bien mérité. Comme il est difficile de t’atteindre, Seigneur » dit Zachée en se dressant le plus possible pour se mettre au niveau de Jésus qui se penche pour l’embrasser.

Ce geste révèle que son visage saigne à cause d’une écorchure sur la joue droite et qu’il a un œil au beurre noir à cause d’un coup de coude reçu dans l’orbite.

Jésus l’embrasse et lui dit :

« Mais ce n’est pas pour cette fatigue que je te récompense. C’est pour les autres, secrètes pour tant de gens, mais que moi je connais. Oui, c’est vrai : me rejoindre est difficile et la foule n’est pas l’unique obstacle, ce n’est même pas l’obstacle le plus ardu que l’on rencontre pour me rejoindre. Mais, ô peuple qui m’as pour ainsi dire porté en triomphe, l’obstacle le plus pénible qui se recrée toujours après que l’on a essayé de le rompre ou de le surmonter, c’est le moi personnel.

522.5

Je semblais ne rien voir, mais j’ai tout vu. Et j’ai tout apprécié. Qu’ai-je vu ? Un pécheur converti, quelqu’un qui avait le cœur dur, qui aimait ses aises, qui était orgueilleux, vaniteux, luxurieux et avare. Et je l’ai vu se dépouiller de son ancien moi dans les choses peu importantes, et changer ses manières d’agir et ses affections comme en celles-ci, pour accourir vers son Sauveur, lutter pour le rejoindre, supplier humblement, recevoir patiemment quolibets et reproches, et souffrir dans son corps à cause des coups de la foule et dans son cœur de se voir repoussé en arrière de tout le monde, sans même pouvoir obtenir un regard de moi. Et j’ai vu d’autres choses en lui, que vous aussi connaissez, mais dont vous ne voulez pas tenir compte, bien que par elles vous ayez été soulagés.

Vous me direz : “ Et comment le connais-tu, toi qui n’habites pas parmi nous ? ” Je vous réponds : de même que je lis dans le cœur des hommes, je n’ignore pas leurs actes ; et je sais me montrer juste et récompenser en proportion du chemin fait pour me rejoindre, des efforts accomplis pour raser la forêt sauvage qui couvrait l’âme, la rendre bonne, en débarrasser tout ce qui n’était pas l’arbre de vie, la faire régner en soi, en l’entourant des plantes des vertus pour qu’elle soit honorée, en veillant à ce qu’aucun animal impur — parce que rampant, parce qu’avide de corruption, ou lascif, ou oisif (les différentes passions mauvaises) — ne se niche dans le feuillage, mais que seul ce qui est bon et susceptible de louer le Seigneur habite votre âme, c’est-à-dire les affections surnaturelles : autant d’oiseaux chanteurs et de doux agneaux prêts à être immolés, disposés à la louange parfaite pour l’amour de Dieu.

522.6

Et de même que je n’ai pas ignoré les œuvres de Zachée, ses pensées, ses fatigues, ainsi je n’ai pas ignoré que chez plusieurs habitants de cette ville qui m’ont acclamé, il y a un amour plutôt sensible que spirituel. Si vous m’aimiez selon la justice, vous auriez eu pitié de votre concitoyen, vous ne l’auriez pas humilié en lui rappelant le passé. Ce passé, il l’a effacé, et Dieu lui-même ne s’en souvient pas[1], parce qu’il ne revient pas sur le pardon qu’il a accordé, à moins que la créature ne pèche de nouveau. Et il s’agit dans ce cas de le juger pour le nouveau péché, non pour celui qui a été pardonné.

Or je vous dis — et je vous livre cela comme compagnon pour vos méditations de la nuit — que ce n’est pas dans les acclamations que consiste un véritable amour pour moi, mais dans l’accomplissement de ce que je fais et enseigne, dans la pratique de l’amour mutuel, de l’humilité et de la miséricorde. Souvenez-vous que, matériellement parlant, vous avez été formés d’une même boue, et que la boue a toujours de l’attrait pour le marécage : par conséquent, si jusqu’à présent la force qui est en vous et qui vous a tenus soulevés au-dessus du marécage (l’esprit) n’a jamais connu de défaites — ce qui est d’ailleurs impossible, car l’homme est pécheur ; Dieu seul est sans péché —, demain votre âme pourrait en connaître, et de plus nombreuses et plus graves que celles du vieux pécheur désormais né de nouveau à la grâce. Par elle, il est redevenu jeune comme un enfant à peine né, et il a l’humilité qui lui vient du souvenir d’avoir été pécheur, et la volonté ferme de faire pendant le reste de sa vie autant de bien qu’il en faudrait pour remplir une vie longue et toute consacrée au bien, au point de réparer, et dans une mesure pleine et débordante, tout le mal qu’il peut avoir accompli.

Demain, je vous parlerai. Pour ce soir, j’ai terminé. Repartez avec mon avertissement et bénissez Dieu qui vous envoie le Médecin pour exciser votre sensualité cachée sous un voile de santé spirituelle, comme des maladies secrètes qui rongent la vie sous le voile d’une apparente santé…

522.7

Viens, Zachée.

– Oui, mon Seigneur. Je n’ai plus qu’un vieux serviteur et j’ouvre moi-même la porte et avec elle mon cœur ému, ô combien ! par ton infinie bonté. »

Et après avoir ouvert la grille, il fait entrer Jésus et les apôtres, et les conduit vers la maison à travers le jardin devenu un potager… La maison aussi est dépouillée de tout superflu. Zachée allume une lampe et appelle le serviteur.

« Le Maître est ici. Il dort à la maison avec ses disciples et dîne ici. As-tu tout préparé comme je te l’ai dit ?

– Oui, hormis les légumes que je vais jeter maintenant dans l’eau bouillante, tout est prêt.

– Alors, change de vêtement, va dire à ceux que tu sais qu’il est arrivé, et demande-leur de venir.

– J’y vais, maître. Sois béni, Maître, toi qui me fais mourir heureux ! »

Il sort.

« C’est le serviteur de mon père qui est resté avec moi ; les autres, je les ai congédiés. Mais lui m’est cher. C’était la voix qui ne se taisait jamais quand je péchais, et je le maltraitais à cause de cela. Maintenant, après toi, c’est celui que j’aime plus que tout autre… Venez, mes amis. Il y a ici du feu et ce qui peut reposer des membres fatigués et glacés. Toi, Maître, viens dans ma propre chambre… »

Et il le conduit vers une pièce au fond d’un couloir.

522.8

Il entre, ferme la porte, verse de l’eau chaude dans un broc, déchausse Jésus, le sert. Avant de lui remettre les sandales, il baise son pied nu et se le met sur le cou en disant :

« Voilà ! Pour que tu écrases les restes du vieux Zachée ! »

Il se lève, regarde Jésus avec un sourire qui tremble sur ses lèvres, un sourire humble, quelque peu mouillé de larmes. Il a un geste pour indiquer tout l’environnement et dit :

« J’ai tant péché, ici ! Mais j’ai tout changé, pour que ce qui avait cette saveur ne me soit plus présent… Les souvenirs… Je suis faible… J’ai laissé seulement vivre le souvenir de ma conversion dans ces murs nus, dans ce lit dur… Le reste… J’en ai fait de l’argent parce qu’il ne m’en restait plus et que je voulais faire du bien. Assieds-toi, Maître… »

Jésus s’assied sur un siège de bois, et Zachée se met par terre, à ses pieds, moitié assis, moitié agenouillé. Il reprend :

« Je ne sais si j’ai bien fait, si tu peux approuver mon action. Peut-être ai-je commencé par là où je devais finir, mais eux aussi y sont. Et seul un vieux publicain peut ne pas éprouver de dégoût pour eux en Israël. Non, je me suis mal exprimé : non seulement un vieux publicain, mais toi aussi, ou plutôt c’est toi qui m’as enseigné à les aimer vraiment. Auparavant, ils étaient mes complices dans le vice, mais je ne les aimais pas. Maintenant je les réprime, mais je les aime. Toi et moi. Le tout Saint, le pécheur converti. Toi, parce que tu n’as jamais péché et que tu veux nous transmettre la joie, qui est tienne, de l’Homme sans faute. Et moi, parce que j’ai beaucoup péché, et je sais comme est douce la paix qui vient du fait d’être pardonné, racheté, renouvelé… Je l’ai voulue pour eux. Je les ai recherchés. Ah ! cela a été dur au commencement ! Je voulais les rendre bons, or je devais déjà moi-même me rendre bon… Quelle peine ! Me surveiller, car je me rendais compte qu’ils me surveillaient. Il aurait suffi d’un rien pour les éloigner… Et puis… Plusieurs péchaient par besoin, par nécessité professionnelle. J’ai tout vendu afin d’en retirer de l’argent pour les entretenir jusqu’à ce qu’ils trouvent d’autres métiers moins rentables, plus fatigants, mais honnêtes. Et il y a toujours l’un ou l’autre qui vient, un peu par curiosité, un peu par désir d’être un homme et pas seulement un animal. Et je dois les recevoir, tant qu’ils ne se sont pas faits au nouveau joug. Plusieurs se sont fait circoncire, en guise de premier pas vers le vrai Dieu. Mais je ne l’impose pas. J’ai de larges bras pour embrasser les misères, moi qui ne peux en éprouver du dégoût. Je voudrais, moi aussi, leur procurer ce que tu voudrais donner à tous : la joie de ne plus avoir de remords, puisque nous ne pouvons pas être sans faute comme toi. Maintenant dis-moi, mon Seigneur, si je suis allé trop loin.

– Tu as bien travaillé, Zachée. Tu leur donnes plus que tu n’espères et plus que tu ne penses que je veuille donner aux hommes. Non seulement la joie d’être pardonnés, sans remords, mais celle d’être bientôt citoyens de mon Royaume céleste. Je n’ignorais pas tes œuvres : je suivais tes progrès sur le chemin ardu mais glorieux de la charité ; car c’est de la charité, et de la plus pure. Tu as compris la parole du Royaume. Peu l’ont comprise, parce que survit en eux leur ancienne conception et la conviction d’être déjà saints et savants. Toi, une fois ton passé retiré de ton cœur, tu es resté vide, et tu as pu, tu as voulu plutôt, intérioriser les paroles nouvelles, l’avenir, l’éternel. Continue ainsi, Zachée, et tu seras le percepteur de ton Seigneur Jésus, dit Jésus pour finir en souriant et en mettant sa main sur la tête de Zachée.

– Tu m’approuves, Seigneur ? En tout ?

– En tout, Zachée.

522.9

Je l’ai dit aussi à Nikê qui me parlait de toi. Nikê te comprend ; elle est ouverte à la pitié universelle.

– Nikê m’aidait beaucoup. Mais maintenant, je ne la vois qu’à chaque nouvelle lune… J’aurais voulu la suivre, mais Jéricho est un lieu favorable pour mon nouveau travail…

– Elle ne restera pas longtemps à Jérusalem… Tu te déplacerais pour rien. Ensuite Nikê reviendra ici…

– Quand, Seigneur ?

– Après la proclamation de mon Royaume.

– Ton Royaume… Je redoute ce moment. Ceux qui maintenant se disent tes fidèles, sauront-ils l’être alors ? Car il y aura certainement des soulèvements et des luttes entre ceux qui t’aiment et ceux qui te haïssent… Tu le sais, Seigneur : tes ennemis soudoient jusqu’à des voleurs, la lie du peuple, pour avoir des partisans prêts à faire nombre pour s’imposer aux autres. Je l’ai appris par un de mes pauvres frères… Ah ! entre celui qui vole légalement et celui qui vole l’honneur et qui dépouille un voyageur, y a-t-il beaucoup de différence ? J’ai volé moi aussi légalement, jusqu’à ce que tu me sauves, mais même à cette époque, je n’aurais pas secondé ceux qui te haïssent… Lui est un jeune, un voleur, oui un voleur. Un soir que j’étais allé vers l’Hadomim pour attendre trois de mes semblables qui venaient d’Ephraïm avec des bestiaux achetés meilleur marché, je l’ai trouvé aux aguets dans une gorge. Je lui ai parlé… Je n’ai jamais eu de famille, et pourtant je crois que, si j’avais eu des fils, je leur aurais parlé ainsi, pour les persuader de changer de vie. Il m’a expliqué comment et pourquoi il était devenu voleur… Ah ! que de fois les vrais coupables sont des gens qui semblent ne rien faire de mal !… Je lui ai dit : “ Ne vole plus. Si tu as faim, il y a encore un pain pour toi. Je te trouverai un travail honnête. Puisque tu n’es pas devenu homicide, arrête-toi, sauve-toi. ” Et je l’ai convaincu. Il m’a répondu qu’il était resté seul parce que les autres avaient été achetés contre une grosse somme d’argent par ceux qui te haïssent ; et maintenant, ils sont prêts à fomenter des soulèvements et à se prétendre tes disciples pour scandaliser le peuple. Ils sont cachés dans les grottes du Cédron, dans les tombeaux, du côté du Fasel, dans les cavernes au nord de la ville, au milieu des tombeaux des Rois et des Juges, partout… Que veulent-ils faire, Seigneur ?

– Josué a pu arrêter le soleil, mais eux, avec tous leurs moyens, ne pourront faire obstacle à la volonté de Dieu.

– Ils ont l’argent, Seigneur ! Le Temple est riche, et l’or offert au Temple n’est pas corban[2] pour eux, s’il leur sert à triompher.

– Ils n’ont rien ; c’est moi qui a la force. Leur édifice tombera comme les feuilles séchées par les vents d’automne dont un enfant aurait fait un château. Ne crains rien, Zachée, ton Jésus sera Jésus.

– Dieu le veuille, Seigneur !… On nous appelle. Allons… »

522.1

Jesus is anxiously awaited. A large crowd is in the fields near the town waiting for Him, and as soon as a look-out man, who has climbed a tall walnut-tree, shouts: «Here is the Lamb of God!» the people stand up and run towards Jesus, Who is coming forward in the early misty twilight.

«Master! Master! We have been waiting for You for such a long time! Our sick people! Our children! Your blessing! The old people are waiting for You to die in peace! If You bless us, Lord, no misfortune will befall us!» they all speak at the same time, while Jesus raises His hand repeatedly to bless and continues to say: «Peace, peace to all of you!» The apostles who are still with Him are caught in the crowd and carried away from Jesus, Who is almost prevented from walking by the very ones who gently com­plain of the long wait.

522.2

Poor Zacchaeus struggles convulsively to reach Jesus, to make himself heard by Him, or at least to be seen. But so short as he is, and not very agile or strong, he is always pushed back by fresh waves of people, his voice is lost in the clamour, and in the confu­sion of restless heads, arms and garments, his person disappears. In vain he implores and at times he reproaches to have some compassion. People are always selfish with regards to what gives them pleasure, and are cruel to their weaker neighbour. Poor Zacchaeus, feeling exhausted after all his efforts and convinced of their use­lessness, is no longer willing to struggle and utterly disheartened, resigns himself. In fact how can he possibly succeed if more people come rushing from every street, which look like streams flowing into the same river: the street along which Jesus is walking? And each new affluent, with a fresh wave that makes the crowd thicker and thicker, to the extent of making it frightening to be caught in it, pushes back poor Zacchaeus.

Thaddeus sees him and tries to elbow his way through the crowd to tear him away from the corner into which the crowd has pushed and confined him. But Judas Thaddeus in turn is pushed by those pressing in upon him from behind and his attempt fails. Thomas, relying on his strength, elbows his way and shouts in his powerful voice: «Make way!» for the same purpose… Not a hope! The crowd is a wall more solid than rock, and at the same time as pliable as rubber. It bends but will not break. It is no longer an embrace: it is an unbreakable chain. Thomas also resigns himself.

And Zacchaeus loses all hope, because Didimus is the last of the apostles caught in the stream of people. And at last it passes… It has passed… Strips of cloth, tassels, fringes, hairpins, clothes­clasps are lying on the ground witnessing the violence. There is also a little child’s sandal, completely crushed, and seems to be sadly awaiting the little foot that lost it… Zacchaeus queues up behind them all looking sad as well, just like the little sandal snatched from its little owner by the crowd.

522.3

Jesus cannot be seen any longer. A bend in the street has con­cealed him from poor Zacchaeus’ eyes… When, last in the crowd, he arrives at the square where once he had his bench, he sees the crowds have stopped shouting, praying, imploring. And he sees Jesus, Who has mounted the steps of a house, shake His head and arms. And He says something that cannot be understood because of the roar of the crowd. And finally he sees Jesus, Who has come off His pedestal with difficulty, take to the road again and turn towards that part of the town where his house is. Zacchaeus then becomes daring again. The crowd is a large one, but the square is wide, the people therefore are not so compact and… one can go through it, as if it were not too thick a hedge, if one is willing to do so and is not afraid of being injured. And Zacchaeus, who has now become a wedge, a catapult, a battering-ram, butts and bumps against people, insinuates himself, delivering and receiving punches on the nose, thrusts with elbows in the stomach and kicks in the shin, but he pushes his way through and moves forward… He is now at the opposite side… But the square narrows here, and he meets the impenetrable wall again. He is only a few steps from Jesus, Who is already standing near his house. But if deserts and rivers separated him from it, he could have better hopes to succeed in reaching Him. He gets angry, and he shouts in a commanding voice: «I have to go home! Let me pass! Can’t you see that He wants to go into my house?»

He should never have said so! That rekindles the wishes of the people to have the Master in other houses. Some people laugh mak­ing fun of poor Zacchaeus, some give him rude answers. There is not one person who feels sorry for him. On the contrary, they begin to shout and get excited so that the Master may not hear or see Zacchaeus. And some shout: «You have already had even too much from Him, you old sinner!» I think that the memory of old tax col­lections and vexations influences so much ill-will… Even the man who is more inclined to the supernatural almost always has a little corner in which the love for his hoard is lively and even more live­ly is the memory of whoever has been detrimental to that hoard…

522.4

But the time for Zacchaeus’ trial has passed and Jesus rewards his perseverance. Jesus shouts at the top of His voice: «Zacchaeus! Come to Me. Let him pass, because I want to go into his house.»

It is absolutely necessary to obey. The people press against one another in order to open out and Zacchaeus comes forward, flushed with fatigue and blushing for joy, and he tries to tidy his ruffled hair, his unbuttoned garment, and his belt the tassels of which are around his back instead of being in front of him. He looks for his mantle… Who knows where it is!… It does not matter. By now He is in front of Jesus, stooping to pay his respects to Him. It is impossi­ble for him to do more than that as he has hardly enough room to bend a little.

«Peace to you, Zacchaeus. Come here, that I may give you the kiss of peace. You deserve it» says Jesus smiling a really cheerful juvenile smile that makes Him look rejuvenated.

«Oh! yes, Lord. I did deserve it. How difficult it is to reach You, Lord» says Zacchaeus, raising himself up as much as possible on the tips of his toes to be at the level of Jesus Who bends to kiss him. As he does so, his face appears to be bleeding because of a scratch on his right cheek, and one of his eyes is bruised, probably because of a thrust of an elbow on his eye-socket.

Jesus kisses him and then says:

«But I am not rewarding you for this effort. But for the others you have made, unknown to many people, but known to Me. Yes, it is true. It is difficult to reach Me, and the crowd is not the only obstacle, and it is not even the most difficult obstacle one finds to meet Me.

But, O people who have almost carried Me shoulder-high, the most difficult, the most composed obstacle, and which is always recomposed after one tries to destroy it or overcome it, is one’s ego.

522.5

I did not seem to be seeing, but I saw everything. And I evaluated everything. And what did I see? I saw a converted sinner, one who was hard-hearted, who loved comfort, was proud, vain, lascivious and avaricious. And I saw him divest himself of his old ego also in minor matters, and change in his behaviour and affections, in order to come to his Saviour, as he did by struggling to reach Him, by imploring with humbleness, by accepting gibes and reproaches patiently, suffering in his body to be knocked about by the crowd and in his heart to be pushed to the very end of it, without even one glance from Me. And I saw other things in him. Things which you know as well, but you do not want to take them into account, although they have given you relief.

You may say: “How do You know them, since You do not live among us?”. I reply: as I read the hearts of men so I am aware of the actions of men and I know how to be just and reward in propor­tion to the distance covered to reach Me, to the efforts made to uproot the wild forest which covered the spirit, to improve it eliminating what was not the vital tree, and making it the king of one’s ego, surrounding it with plants of virtues so that it may be honoured, and watching that no animal that is unclean because it creeps, or is eager for corruption, or lascivious, or idle – the various wicked passions – should nestle in the thicket, but this spirit of yours should be inhabited only by what is good and capable of praising the Lord, that is supernatural affections, sing­ing birds and meek lambs willing to be sacrificed, inclined to perfect praise out of love for God.

522.6

And as I noticed Zacchaeus’ action, thoughts and labour, so I noticed that in this town the love of many people who have ac­claimed Me, is more sensitive than spiritual. If you loved Me according to justice, you would have taken pity on your fellow citizen and you would not have mortified him by reminding him of his past. That past that he has cancelled and God does not remember[1], because He does not go back on forgiveness granted, unless man sins again. And he is judged again only for the new sin, not for the one already forgiven. Now I say to you, and I give this as a subject for meditation at night, that true love for Me does not consist in acclamations, but in doing what I do and teach, in prac­ticing mutual love, in being humble and merciful, bearing in mind that your material part was made with one only dust, and that dust always has an attraction for mire, and that consequently, if so far what in you is the strength that has held you up above the mire, the spirit, has never known defeats – and that is impossible because man is a sinner and God only is without sin – in future your spirit might have to admit defeats, and in greater number and gravity than those of the old sinner now reborn to Grace. In fact through Grace he has become juvenile and new, just like a new-born baby, with in his favour the humbleness deriving from his recollection of having been a sinner and the firm will to do, during the rest of his lifetime, as much good as is necessary to fill a long life entirely consecrated to doing good, and thus make amends, and with full and overflowing measure, for all the wrongs he may have done.

I will speak to you tomorrow. I have said enough for this eve­ning. Go and bear in mind My warning and bless God Who has sent you the Doctor Who amputates your sensuality hidden under a veil of spiritual health, like hidden diseases that corrode life under a veil of seeming health…

522.7

Come Zacchaeus.»

«Yes, my Lord. I have only one old servant and I will open the door myself, and with it my deeply moved heart, oh! how moved it is, because of Your infinite goodness.»

And after opening the gate he lets Jesus and the apostles go in, and leads Him towards the house, through the garden, now turned into a kitchen garden. The house also has been stripped of all superfluous items. Zacchaeus lights a lamp and calls the servant.

«Here we are. The Master is here. He will be sleeping here with His apostles and will have dinner here. Have you prepared everything as I told you?»

«Yes, I have. With the exception of the vegetables, which I will boil now, everything is ready.»

«Change your clothes, then, and go and inform those I told you, that He is here and ask them to come.»

«I am going, master. May You be blessed, Master, as You are let­ting me die a happy death!» He goes away.

«He is the servant of my father and has remained with me. I dismissed all the others. But he is dear to me. He is the voice that was never silent when I sinned. And because of that I used to ill­-treat him. After You, he is the one I love more than anybody else… Come, my friends. There is a fireplace there and what can give comfort to tired cold limbs. You, Master, to my room…» and he takes Him towards a room at the end of a corridor.

522.8

He goes in, closes the door, pours hot water into a pitcher, takes off Jesus’ sandals and serves Him. Before putting the sandals on again, he kisses the bare foot and places it on his neck saying: «Thus! That it may crush the residue of the old Zacchaeus!» He stands up. He looks at Jesus, with a smile that trembles on his lips, a humble smile, which looks as if it were moistened with tears. He makes a gesture indicating the whole room and says: «I sinned so much in here! But I have changed everything, so that that savour should no longer be present… Memories… I am weak… I wanted only the memory of my conversion to be alive on these bare walls, in this hard bed… The rest… I made money of it, because I was left without any and I wanted to accomplish good deeds. Sit down, Master…»

Jesus sits on a wooden seat and Zacchaeus places himself on the floor, at Jesus’ feet, half sitting, half kneeling. He resumes speaking.

«I do not know whether I have done the right thing, and whether You can approve of my behaviour. Perhaps I began where I should have finished. But they exist, too. And only an old publican can show no repugnance against them in Israel. No, I am wrong. Not only an old publican, but You as well, nay it is You Who taught me to love them truly. Previously they were my accomplices in vice, but I did not love them. Now I reproach them but I love them. You and I. The all Holy One, the converted sinner. You because You have never sinned and You want to give us the joy that is Yours, of the Man without sin. And I because I sinned so much and I know how sweet is the peace that comes from being forgiven, redeemed, renewed… I wanted it for them. I looked for them. Oh! it was hard at the beginning! I wanted to make them good and I had myself to improve… What a difficult task! I had to watch over myself because I felt that they were watching over me. A mere nothing would have sufficed to drive them away… And then… Many sinned out of need, urged by their occupation. I sold everything to have money to keep them until they found other jobs, less profitable, more laborious, but honest. And some of them still come, and they are half curious, half willing to be men, not only animals. And I have to give them hospitality until they become submissive to the new yoke. Many have been circumcised. The first step towards the true God. But I do not compel them. I have wide arms to embrace their miseries, and I cannot be disgusted with them. I also would like to give them what You would like to give everybody: the joy of being without remorse, since we cannot be, like You, without sin. Now, tell me, my Lord, whether I have been too daring.»

«You have acted well, Zacchaeus. You are giving them more than what you hope and think I want to give men. Not only the joy of being forgiven, without remorse, but the joy of soon being citizens of my heavenly Kingdom. I was aware of these deeds of yours. I followed you while you proceeded along the hard but glorious path of charity; because that is charity, and of the purest quality. You have understood the word of the Kingdom. Few people have understood it because the ancient idea survives in them with the firm belief that they are already holy and learned. After removing the past from your heart, you remained empty and you were able to, nay you wanted to put the new words, the future, the eternal into your heart. Continue so, Zacchaeus, and you will be the collec­tor of your Lord Jesus» concludes Jesus smiling and laying His hand on Zacchaeus’ head.

«Do You approve of what I did, Lord? Of everything?»

«Of everything, Zacchaeus.

522.9

I also told Nike, who was speaking to Me about you. Nike understands you. She is open to universal mercy.»

«Nike used to help me a lot. But now I see her only once a month, at the new moon… I would have liked to follow her. But Jericho is favourable to my new work…»

«She will not stay long in Jerusalem… You would move for no time. Afterwards Nike will come back here…»

«After how long, Lord?»

«After My Kingdom has been proclaimed.»

«Your Kingdom… I am afraid of that moment. Will those who now say that they are faithful to you, be able to be so, then? Because there will certainly be risings and struggles between those who love You and those who hate You… Do You know, Lord, that they engage even highwaymen, the scum of the people, to have followers ready to form a large mass and thus impose themselves on others? I was told by one of my poor brothers… Oh! is there much difference between him who steals lawfully, be­tween him who steals somebody’s honour and him who robs a wayfarer? I also used to steal lawfully until You saved me, but even then I would not have countenanced those who hate You… It was a young man. A thief. Yes, a thief. One evening, when I had gone towards mount Adummim awaiting three peers of mine, who were coming from Ephraim with some cattle purchased at a low price, I found him lying in wait in a gorge. I spoke to him… I have never had a family, and yet I think that if I had had children, I would have spoken to them thus to convince them to change life. He explained to me how and why he had become a thief… Eh! how often the true culprits are those who do not seem to be doing anything wrong!… I said to him: “Don’t steal any more. If you are hungry, there is some bread for you, too. I will find you an honest job. As you have not yet become a killer stop, save yourself”. And I convinced him. He told me that he was by himself, as all the others had been bought over with much money by those who hate You, and now they are ready to foment risings and to say that they are Your followers, in order to scandalise the people, and they hide in the caves of the Kidron, in the sepulchres, towards the Phasael, in the caves to the north of the town, among the tombs of the Kings and Judges, everywhere… What do they want to do, Lord?»

«Joshua was able to stop the sun, but by no means whatsoever will they be able to stop the will of God.»

«They have money, Lord! The Temple is rich, and the gold offered to the Temple is not Corban[2] for them, if it serves them to triumph.»

«They have nothing. The power is Mine. Their building will col­lapse as if it were built with leaves dried by the autumn winds and shaped into a castle by a little boy. Do not be afraid, Zacchaeus. Your Jesus will be Jesus.»

«God grant it!… They are calling us. Let us go.»…


Notes

  1. ne s’en souvient pas : dans le sens qu’exprime Ez 18, 21-22 ; 33, 14-16.
  2. corban se dit d’une offrande sacrée à remettre au Temple, et donc soustraite à l’usage profane. Les pharisiens en abusaient, ce que Jésus condamne en 300.8 comme en Mc 7, 11.

Notes

  1. not remember, in the meaning expressed in: Ezekiel 18,21-22; 33,14-16.
  2. Corban is the holy offering to be given to the Temple, hence taken away from the profane use. Pharisee misused it and Jesus condemned them in 300.8 just like in Mk 7,11.