The Writings of Maria Valtorta

546. Le jour des funérailles de Lazare.

546. The day of Lazarus’ funeral.

546.1

La nouvelle de la mort de Lazare doit avoir produit l’effet d’un bâton que l’on agite à l’intérieur d’une ruche. Tout Jérusalem en parle. Notables, marchands, menu peuple, pauvres gens, habitants de la ville ou des campagnes voisines, étrangers de passage mais pas tout à fait ignorants de l’endroit, étrangers qui s’y trouvent pour la première fois et qui demandent quel est celui dont la mort occasionne un tel remue-ménage ; Romains, légionnaires, employés du Temple, lévites et prêtres se rassemblent et se quittent continuellement en courant çà et là… Des gens s’attroupent pour discuter de l’événement en des expressions et termes différents. Les uns s’en félicitent, d’autres pleurent, d’autres se sentent plus mendiants qu’à l’ordinaire maintenant que leur bienfaiteur est mort, quelqu’un gémit : « Je n’aurai plus jamais un maître comme lui, plus jamais », certains énumèrent ses mérites et d’autres mettent en lumière sa richesse et sa parenté, les fonctions et les charges de son père, ainsi que la beauté de sa mère, sa richesse et sa naissance “ royale ”. D’autres, malheureusement, rappellent aussi des souvenirs familiaux sur lesquels il vaudrait mieux laisser tomber un voile, surtout quand il s’agit d’un mort qui en a souffert…

546.2

Les nouvelles les plus disparates sur la cause de la mort de Lazare, sur l’emplacement du tombeau, sur l’absence du Christ de la maison de son grand ami et protecteur, justement en cette circonstance, tout cela alimente les débats de petits groupes. Deux opinions prévalent : la première allègue que cette absence a été provoquée par l’attitude hostile des juifs, des membres du Sanhédrin, des pharisiens et autres personnes de même acabit à l’égard du Maître ; l’autre soutient que le Maître, se trouvant en face d’une vraie maladie mortelle, s’est dérobé parce que, dans un tel cas, ses procédés frauduleux n’auraient pas réussi. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre de quelle source vient cette dernière opinion. Elle heurte un grand nombre de gens qui répliquent : « Es-tu pharisien, toi aussi ? Si oui, gare à toi, car avec nous, on ne blasphème pas le Saint ! Vipères maudites, engendrées par des hyènes accouplées au Léviathan ! Qui vous paie pour offenser le Messie ? »

Prises de becs, insultes, quelques coups de poing aussi, et des invectives mordantes adressées aux pharisiens couverts de riches manteaux et aux scribes qui passent avec des airs de dieux sans daigner regarder la plèbe qui vocifère pour et contre eux, pour et contre le Maître, résonnent dans les rues. Et que d’accusations !

« Voilà quelqu’un qui prétend que Jésus est un faux Maître ! C’est certainement l’un de ceux qui ont été achetés avec les deniers de ces serpents qui viennent de passer.

– Avec leurs deniers ? Tu veux dire avec les nôtres ! C’est pour cela qu’ils nous plument ! Mais où est-il ? Je veux voir si c’est l’un de ceux qui sont venus me parler hier…

– Il s’est enfui, mais vive Dieu ! Ici, il faut s’unir et agir. Ils sont trop impudents. »

Autre conversation :

« Je t’ai entendu et je te connais. Je dirai à qui de droit comment tu parles du Tribunal suprême !

– J’appartiens au Christ, et la bave de démon ne me nuit pas. Répète-le à Hanne et à Caïphe, si tu veux, et que cela serve à les rendre plus justes. »

Et, plus loin :

« C’est moi, moi que tu traites de parjure et de blasphémateur parce que je suis disciple du Dieu vivant ? C’est toi le parjure et le blasphémateur qui l’offenses et le persécutes ! Je te connais, tu sais ? Je t’ai vu et entendu. Espion ! Vendu ! Saisissez-vous de lui… »

En attendant, il lui applique sur la figure de ces gifles qui font rougir le visage osseux et verdâtre d’un juif.

« Cornélius, Siméon, regardez ! Ils me malmènent » se plaint un autre, plus loin, en s’adressant à un groupe de membres du Sanhédrin.

« Supporte cela pour la foi, et ne te souille pas les lèvres et les mains la veille d’un sabbat » répond l’un d’eux, sans même tourner les yeux vers le malheureux, sur lequel un groupe de gens du peuple exerce une justice sommaire…

Les femmes crient pour rappeler leurs maris, en les suppliant de ne pas se compromettre.

Les légionnaires de patrouille font dégager les rues à coups de hampes et menacent de faire des arrestations et de prendre des sanctions.

La mort de Lazare, le fait principal, donne l’occasion de penser à des faits secondaires qui défoulent la longue tension des cœurs…

Les membres du Sanhédrin, les anciens, les scribes, les sadducéens, les notables juifs, passent, l’air indifférent et sournois, comme si toute cette explosion de petites colères, de vengeances personnelles, de nervosité, ne s’enracinait pas en eux. Plus les heures s’écoulent, plus les passions fermentent et les cœurs s’enflamment.

« Ils prétendent — écoutez un peu — que le Christ ne peut guérir les malades. Moi, j’étais lépreux et maintenant je suis en bonne santé. Les connaissez-vous ? Je ne suis pas de Jérusalem, mais jamais je ne les ai vus parmi les disciples du Christ depuis deux ans.

– Eux ? Fais-moi voir celui du milieu ! Ah ! le scélérat ! C’est lui qui, à la dernière lune, est venu m’offrir de l’argent au nom du Christ, en prétendant que Jésus prend des hommes en solde pour s’emparer de la Palestine. Et maintenant il dit… mais pourquoi l’as-tu laissé échapper ?

– Vous avez compris, hein ! Quelles canailles ! Pour un peu, je me laissais prendre ! Il avait raison, mon beau-père !

546.3

Voilà Joseph l’Ancien avec Jean et Josué. Allons leur demander s’il est vrai que le Maître veut rassembler des armées. Ce sont des justes très bien renseignés. »

Ils courent en groupe vers les trois membres du Sanhédrin et les interrogent.

« Rentrez chez vous, hommes. Dans les rues, on pèche et l’on se nuit. Ne vous disputez pas. Ne vous alarmez plus. Occupez-vous de vos affaires et de vos familles. N’écoutez pas ceux qui colportent des illusions et ne vous laissez plus aveugler. Le Rabbi est un maître, non un guerrier. Vous le connaissez : il dit ce qu’il pense. Il ne vous aurait pas envoyé d’autres personnes vous demander de le suivre comme guerriers, s’il vous avait voulus tels. Ne lui causez aucun tort, ni à vous-mêmes, ni à votre patrie. Rentrez chez vous, hommes ! Rentrez chez vous ! Ne faites pas de ce qui est déjà un malheur — la mort d’un juste —, une suite de malheurs. Retournez chez vous, et priez pour Lazare, qui faisait du bien à tout le monde » dit Joseph d’Arimathie, qui doit être très aimé et écouté par le peuple, car il a la réputation d’être un homme juste.

A son tour, Jean (celui qui était jaloux[1]) intervient :

« C’est un homme de paix, pas de guerre. N’écoutez pas les faux disciples. Rappelez-vous comme les autres qui se prétendaient Messie étaient différents. Souvenez-vous, comparez, et votre justice vous montrera que de telles incitations à la violence ne peuvent venir de lui ! Retournez auprès de vos femmes qui pleurent et de vos enfants apeurés. Il est écrit : “ Malheur aux violents et à ceux qui favorisent les rixes. ” »

Un groupe de femmes en larmes aborde les trois membres du Sanhédrin, et l’une d’elles dit :

« Les scribes ont menacé mon homme. J’ai peur ! Joseph, parle-leur.

– Je vais le faire, mais que ton mari sache se taire. Croyez-vous par ces agitations rendre service au Maître et honorer le mort ? Vous vous trompez. Vous nuisez à l’un et à l’autre » répond Joseph.

546.4

Puis il les quitte pour aller à la rencontre de Nicodème, qui arrive par une rue, suivi de ses serviteurs :

« Je n’espérais pas te voir, Nicodème. Moi-même, je ne sais comment j’ai pu. Un serviteur de Lazare est venu après le chant du coq m’informer du malheur.

– Et chez moi, plus tard. Je suis parti aussitôt. Sais-tu si le Maître se trouve à Béthanie ?

– Non, il ne s’y trouve pas. C’est mon intendant de Bézéta, sur les lieux à l’heure de tierce, qui me l’a dit.

– Moi, je ne comprends pas comment… Il accomplit des miracles pour tous, sauf pour Lazare ! s’écrie Jean.

– C’est peut-être qu’il a déjà accordé plus qu’une guérison à cette maison : il a racheté Marie et leur a rendu paix et honneur… suppose Joseph.

– Paix et honneur ! C’est bon pour les bons, mais beaucoup… n’ont pas rendu et ne rendent pas honneur, même maintenant que Marie… Vous ne savez pas… : il y a trois jours, Elchias y est allé avec beaucoup d’autres… et ils n’ont pas rendu honneur. Marie les a chassés. Ce sont eux qui me l’ont rapporté. Ils étaient furieux ! Je les ai laissés parler pour ne pas dévoiler mon cœur… dit Josué.

– Et maintenant ils vont aux funérailles ? demande Nicodème.

– Après avoir reçu l’avis du décès, ils se sont réunis au Temple pour en débattre. Les serviteurs ont dû beaucoup courir ce matin à l’aurore !

– Pourquoi précipite-t-on ainsi les funérailles ? Juste après sexte !…

– Parce que Lazare était déjà décomposé quand il est mort. Mon intendant m’a dit que, malgré les résines qui brûlent dans les pièces, et les aromates répandus sur le défunt, la puanteur du cadavre se sent dès le portail de la maison. D’ailleurs, au couchant le sabbat commence. Il n’était pas possible de faire autrement.

546.5

– Et tu dis qu’ils se sont réunis au Temple ? Pourquoi ?

– Voilà… en réalité, la réunion était déjà fixée pour discuter sur Lazare. Ils veulent annoncer qu’il était lépreux… explique Josué.

– Cela, non ! Lazare aurait été le premier à s’isoler pour obéir à la Loi » intervient Joseph pour le défendre. Et il ajoute : « J’ai parlé avec le médecin. Il a absolument exclu la lèpre. Lazare souffrait d’une consomption putride.

– Dans ce cas, de quoi ont-ils débattu, puisque Lazare était déjà mort ? questionne Nicodème.

– Ils se demandaient s’il convenait d’aller ou non aux funérailles après avoir été chassés par Marie. Les uns pensaient que oui, les autres que non. Mais ceux qui voulaient y aller étaient les plus nombreux, et cela pour trois motifs. Voir si le Maître y est, première raison, commune à tous. Voir s’il accomplit le miracle, deuxième raison. Et la troisième tient au souvenir des paroles récentes du Maître aux scribes, près du Jourdain, non loin de Jéricho, explique encore Josué.

– Le miracle ! Quel miracle pourrait-il y avoir, maintenant qu’il est mort ? » demande Jean avec un haussement d’épaules avant d’achever : « Toujours les mêmes qui cherchent l’impossible !

– Le Maître a ressuscité d’autres morts, fait remarquer Joseph.

– C’est vrai. Mais s’il avait voulu le garder vivant, il ne l’aurait pas laissé mourir. La raison que tu as donnée auparavant est juste : ils ont déjà obtenu un miracle.

– Oui. Mais Uziel s’est souvenu, et avec lui Sadoq, d’un défi exprimé il y a plusieurs lunes. Le Christ a annoncé qu’il prouverait qu’il peut recomposer un corps en décomposition. C’est le cas de Lazare. Et Sadoq le scribe ajoute que, près du Jourdain, le Rabbi l’a prévenu, de lui-même, qu’à la nouvelle lune, il verrait s’accomplir la moitié de ce défi : un corps décomposé qui revit, sans plus aucune séquelle ni maladie. Or ce sont eux qui ont gagné. Si cela arrive, il est certain que c’est grâce au Maître. Il n’y aura alors plus aucun doute à son sujet.

– Pourvu que ce ne soit pas un mal… murmure Joseph.

– Un mal ? Pourquoi ? Les scribes et les pharisiens seront convaincus…

– Oh ! Jean ! Mais es-tu donc un étranger pour pouvoir prétendre cela ? Tu ne connais pas tes concitoyens ? Quand donc la vérité les a-t-elle rendus saints ? Le fait qu’ils n’aient pas apporté chez moi l’invitation à la réunion ne t’éclaire-t-il pas ?

– Chez moi non plus. Ils doutent de nous et nous laissent souvent de côté » constate Nicodème. Et il demande : « Gamaliel y a-t-il assisté ?

– Son fils était présent. Et il viendra pour remplacer son père, qui est souffrant à Gamla de Judée.

– Et que disait Siméon ?

– Rien, absolument rien. Il a écouté et est reparti. Il y a un moment, il est passé avec des disciples de son père, sur la route de Béthanie. »

Les voilà presque à la porte qui ouvre sur ce chemin de Béthanie, et Jean s’écrie :

« Vois ! Elle est gardée. Pourquoi donc ? Et ils arrêtent ceux qui sortent !

– Il y a de l’agitation en ville…

– Oh ! elle n’est pourtant pas des plus fortes… »

546.6

Ils parviennent à la porte et sont arrêtés comme tout le monde.

« Pour quelle raison, soldat ? Je suis connu de toute l’Antonia, et vous ne pouvez dire du mal de moi. Je vous respecte et je respecte vos lois, dit Joseph d’Arimathie.

– Ordre du centurion. Le Chef va entrer dans la ville et nous voulons savoir qui sort par les portes, et spécialement par celle-ci qui donne sur la route de Jéricho. Nous te connaissons, mais nous savons aussi vos sentiments pour nous. Toi et les tiens, passez, et si vous avez de l’influence sur le peuple, dites-leur qu’il vaut mieux pour eux qu’ils restent tranquilles. Ponce n’aime pas changer ses habitudes pour des sujets qui lui portent ombrage… et il pourrait se montrer trop sévère. C’est un conseil loyal pour toi qui es loyal. »

Ils passent…

« Tu as entendu ? Je prévois de lourdes journées… Il faudra le conseiller aux autres plutôt qu’au peuple… » dit Joseph.

546.7

La route de Béthanie est remplie de gens qui vont dans la même direction : à Béthanie. Tous se rendent aux funérailles. On voit des membres du Sanhédrin et des pharisiens mêlés à des sadducéens et des scribes, et ceux-ci à des paysans, des serviteurs, des intendants des différentes maisons et des domaines que Lazare possède dans la ville et dans les campagnes. Et plus on approche de Béthanie, plus il y a du monde qui débouche des sentiers et des chemins dans la route principale.

Voici Béthanie, Béthanie en deuil de son plus grand citoyen. Tous les habitants, vêtus de leurs plus beaux atours, se tiennent déjà hors des maisons, qui sont fermées comme s’il n’y avait personne à l’intérieur. Mais ils ne sont pas encore dans la demeure du mort. La curiosité les retient près de la grille, le long du chemin. Ils observent les invités qui passent, en disent les noms et échangent leurs impressions.

« Voici Nathanaël ben Fabba. Oh ! le vieux Mattathias, parent de Jacob ! Le fils d’Hanne ! Regarde-le avec Doras, Ben Calba Scheboua et Archélaüs. Oh ! comment ont-ils fait pour venir, ceux de Galilée ? Ils y sont tous. Regarde : Eli, Yokhanan, Ismaël, Urie, Joachim, Elie, Joseph… Le vieux Chanania avec Sadoq, Zacharie et Yokhanan les sadducéens. Il y a aussi Siméon, le fils de Gamaliel, venu seul. Le rabbi n’est pas avec lui. Voilà Elchias avec Nahum, Félix, Hanne le scribe, Zacharie, Jonathas, fils d’Uriel ! Saül avec Eléazar, Tryphon ben Theudion et Joazar. Ce sont des gens bien, eux ! Un autre fils d’Hanne, le plus jeune. Il parle avec Simon Carmit. Philippe avec Jean l’Antipatride. Alexandre, Isaac et Jonas de Babaon. Sadoq. Jude, descendant des Assidéens, le dernier, je crois, de cette classe. Voici les intendants des divers palais. Je ne vois pas les amis fidèles. Que de monde ! »

Que de monde, vraiment ! Tous des gens importants… certains ont un visage de circonstance, d’autres portent les marques d’une vraie douleur. Le portail grand ouvert engloutit cette foule, et j’y reconnais tous ceux qu’à diverses reprises j’ai vus se montrer bienveillants ou hostiles autour du Maître. Tous, sauf Gamaliel et Simon, le membre du Sanhédrin. Et j’en remarque d’autres encore que je n’ai jamais rencontrés, ou que j’ai peut-être aperçus sans connaître leur nom dans les discussions autour de Jésus… Il passe des rabbins avec leurs disciples, et des scribes en groupes compacts. Il passe des juifs dont j’entends énumérer les richesses… Le jardin est bondé. Tous vont exprimer leurs condoléances aux sœurs — qui selon l’usage, sans doute, sont assises sous le portique, donc en dehors de la maison — et se répandent ensuite dans le jardin en un continuel bariolage de couleurs et en de continuelles salutations et inclinaisons.

Marthe et Marie sont bouleversées. Elles se tiennent par la main comme deux fillettes effrayées du vide qui s’est créé dans leur maison, du néant qui emplit leurs journées maintenant qu’elles n’ont plus Lazare à soigner. Elles écoutent les paroles des visiteurs, pleurent avec les vrais amis ou leurs employés fidèles, s’inclinent devant les membres du Sanhédrin à l’air glacial. Imposants, rigides, ils sont venus davantage pour se faire voir que pour honorer le défunt. Elles répondent, lasses de répéter les mêmes choses des centaines de fois, à ceux qui les interrogent sur les derniers moments de Lazare.

Joseph, Nicodème, les amis les plus sûrs, se tiennent à leur côté, sobres en paroles, mais manifestant une amitié plus réconfortante que de longs discours.

546.8

Elchias revient avec les plus intransigeants, avec lesquels il a parlé longuement. Il demande :

« Ne pourrions-nous pas voir le mort ? »

Marthe, avec tristesse, se passe la main sur le front et répond :

« Depuis quand cela se fait-il en Israël ? Il est déjà préparé… »

Des larmes descendent lentement de ses yeux.

« Ce n’est pas l’usage, c’est vrai, mais nous le désirerions. Les amis les plus fidèles ont bien le droit de voir une dernière fois celui qu’ils aimaient.

– Nous aussi, ses sœurs, nous aurions eu ce droit. Mais il a été nécessaire de l’embaumer sans attendre… Et quand nous sommes revenues dans la chambre de Lazare, nous n’avons plus vu que sa forme enveloppée de bandelettes…

– Vous deviez donner des ordres clairs. Ne pouviez-vous pas, ne pourriez-vous pas enlever le suaire de son visage ?

– Oh ! il est déjà décomposé… Et l’heure des funérailles est arrivée. »

Joseph intervient :

« Elchias, il me semble que nous… par excès d’amour, nous leur faisons de la peine. Laissons les sœurs en paix… »

Siméon, fils de Gamaliel, s’avance, empêchant la réponse d’Elchias :

« Mon père viendra dès qu’il le pourra. Je le représente. Il appréciait Lazare, et moi de même. »

Marthe s’incline en répondant ;

« Que l’honneur du rabbi pour notre frère soit récompensé par Dieu. »

Elchias, à cause du fils de Gamaliel, s’écarte sans insister davantage et il discute avec les autres, qui lui font observer :

« Mais tu ne sens pas la puanteur ? Tu veux douter ? Du reste, nous verrons s’ils murent le tombeau. On ne vit pas sans air. »

Un autre groupe de pharisiens s’approche des sœurs. Ce sont, presque tous, ceux de Galilée. Marthe, après avoir reçu leurs hommages, ne peut s’empêcher de manifester son étonnement devant leur présence.

« Femme, le Sanhédrin siège en des délibérations d’une extrême importance, et c’est pour cette raison que nous nous trouvons à Jérusalem » explique Simon de Capharnaüm en dévisageant Marie. Il se rappelle certainement sa conversion, mais il se borne à la regarder.

546.9

Voici que s’avancent Yokhanan, Doras, fils de Doras, et Ismaël avec Chanania, Sadoq et d’autres que je ne connais pas. Ils s’expriment, bien avant de parler, par leurs visages de vipères. Mais ils attendent que Joseph s’éloigne avec Nicodème pour s’adresser à trois juifs, pour pouvoir blesser. C’est le vieux Chanania qui, de sa voix éraillée de vieillard croulant, commence l’attaque :

« Qu’en dis-tu, Marie ? Votre Maître est le seul absent des nombreux amis de ton frère. Singulière amitié ! Plein d’amour tant que Lazare se portait bien ! Et de l’indifférence quand est venu le moment de l’aimer ! Tous ont obtenu des miracles de Jésus, mais ici, il n’y en a aucun. Qu’en dis-tu, femme ? Il t’a bien trompée, le beau Rabbi galiléen. Hé ! Hé ! N’affirmais-tu pas qu’il t’avait dit d’espérer au-delà de toute espérance ? Tu n’as donc pas espéré, ou bien il ne sert à rien d’espérer en lui ? Tu espérais dans la Vie, as-tu dit. C’est vrai ! Jésus prétend être lui-même “ la Vie ”, Hé ! Hé ! Mais là-dedans se trouve ton frère mort, et là-bas s’ouvre déjà la porte du tombeau. Et toujours pas de Rabbi ! Hé ! Hé !

– Le Rabbi sait donner la mort, pas la vie » renchérit Doras avec son sourire perfide.

Marthe incline son visage dans ses mains et pleure. C’est bien la réalité. Son espérance est bien déçue. Le Maître n’est pas là. Il n’est même pas venu les réconforter. Il aurait pourtant pu être là, maintenant. Marthe pleure, elle ne sait plus que pleurer.

Marie pleure également. Elle aussi doit reconnaître la réalité. Elle a cru, elle a espéré au-delà de ce qui est croyable… mais rien ne s’est produit, et déjà les serviteurs roulent la pierre de l’entrée du tombeau : car le soleil commence à descendre, et cela va vite en hiver. Qui plus est, on est vendredi, et tout doit être fait à temps, de façon que les hôtes ne doivent pas transgresser les lois du sabbat, qui va bientôt commencer. Elle a tant espéré, toujours espéré, trop espéré. Elle a mis toutes ses forces dans cette espérance. Et elle est déçue.

Chanania insiste :

« Tu ne me réponds pas ? Es-tu convaincue à présent que c’est un imposteur qui vous a exploitées et méprisées ? Pauvres femmes ! » et il hoche la tête parmi ses comparses qui l’imitent, en disant eux aussi : « Pauvres femmes ! »

546.10

Maximin s’approche :

« C’est l’heure. Il est temps de donner l’ordre. C’est à vous qu’il revient de le faire. »

Marthe s’effondre. On la secourt et on la porte dans les bras au milieu des cris des serviteurs, qui comprennent que l’heure de la mise au tombeau est venue et qui entonnent les lamentations.

Marie se tord convulsivement les mains. Elle supplie :

« Attendez encore un peu ! Envoyez des serviteurs sur la route d’Ensémès et la fontaine, sur toutes les routes. Des serviteurs à cheval. Pour voir s’il vient…

– Mais tu espères encore, malheureuse ? Que te faut-il pour te convaincre qu’il vous a trahies et trompées ? Il vous a ignorées avec mépris… »

C’en est trop ! Le visage baigné de larmes, torturée et pourtant fidèle, dans le demi-cercle de tous ses hôtes rassemblés pour voir sortir la dépouille, Marie proclame :

« Si Jésus de Nazareth a agi ainsi, c’est bien, et il nous porte un grand amour, à nous les habitants de Béthanie. Tout est pour la gloire de Dieu et la sienne ! Il a dit que cela servirait la gloire du Seigneur, parce que la puissance de son Verbe resplendira complètement. Fais ton œuvre, Maximin. Le tombeau n’est pas un obstacle au pouvoir de Dieu… »

Elle s’écarte, soutenue par Noémi qui est accourue, et elle fait un signe… La dépouille, dans ses bandelettes, sort de la maison, traverse le jardin entre deux haies de gens, au milieu des cris de deuil. Marie tente de la suivre, mais elle chancelle. Elle rejoint les autres quand tous sont déjà près du tombeau. Elle arrive juste à temps pour voir disparaître la longue forme immobile de son frère dans la nuit du tombeau, où rougissent les torches que tiennent haut les serviteurs afin d’éclairer les marches pour ceux qui descendent avec le mort. En effet, le tombeau de Lazare est légèrement enterré, peut-être pour utiliser des couches de roches souterraines.

Marie pousse un hurlement… C’est pour elle une vraie torture… Elle crie… Et elle mêle au nom de son frère celui de Jésus. Ils semblent lui arracher le cœur. Mais si elle ne dit que ces deux noms, elle les répète jusqu’au moment où le bruit sourd de la pierre, replacée à l’entrée de la tombe, lui apprend que Lazare n’est plus sur la terre, même avec son corps. Alors elle s’effondre et perd connaissance. Elle s’abat sur celle qui la soutient et soupire encore, pendant qu’elle s’abîme et s’anéantit dans son évanouissement : “ Jésus ! Jésus ! ” On l’éloigne.

546.11

Maximin reste pour congédier les hôtes et les remercier au nom de toute la famille. Tous l’assurent qu’ils reviendront chaque jour pour le deuil…

La foule s’écoule lentement. Les derniers à partir sont Joseph, Nicodème, Eléazar, Jean, Joachim et Josué. Au portail ils trouvent Sadoq avec Uriel qui ricanent méchamment :

« Son défi ! Et nous l’avons craint !

– Oh ! Lazare est bien mort. Comme il puait malgré les aromates ! Il n’y a pas de doute, non ! Il n’était pas nécessaire d’enlever le suaire. Je crois qu’il était déjà rongé par les vers. »

Ils sont heureux.

Joseph porte sur eux un regard si cinglant qu’il leur coupe la parole et les rires. Tout le monde se hâte de repartir pour arriver en ville avant la fin du crépuscule.

546.1

The news of Lazarus’ death must have had the same effect as a stick stirred inside a beehive. Everybody in Jerusalem talks about it. Notables, merchants, common people, poor people, the townspeople, people from the nearby country, foreigners passing through but familiar with the place, strangers who are there for the first time and ask who is the man whose death is the cause of so much commotion, Romans, legionaries, members of the staff, and Levites and priests who continually gather together and then part, running here and there… Small knots of people discussing the event with different words and expressions. Some utter words of praise, some weep, some feel they are more pauper than usual now that their benefactor is dead, some moan: «I shall never have such a master again», some mention his merits, some describe his wealth and kindred, his father’s services and offices and his mother’s beauty and riches and her «regal» birth; some, on the contrary, recall family events over which one should draw a veil of kindness, particularly when a dead man is involved who has suffered through them…

546.2

The small groups of people come up with the most varied news on the cause of Lazarus’ death, on the place of his burial, on the absence of Christ from the house of His great friend and protector just in that circumstance. The prevailing opinions are two: one is that all this happened, nay, was brought about by the bad behaviour of Judaeans, members of the Sanhedrin, Pharisees and the like towards the Master; the other, that the Master, being faced with a real deadly disease, sneaked away because His deceit would not be successful in this case. Also without being astute one can understand the source of the latter opinion, which embitters many who retort: «Are you a Pharisee as well? If you are, take care of yourself because the Holy One is not to be cursed in our presence! You abominable vipers born of hyenas coupled with Leviathan! Who pays you to curse the Messiah?» Squabbles, insults, also some blows, pungent rude remarks addressed to the richly dressed Pharisees and scribes, who pass by giving themselves the airs of gods, without condescending to look at the common people shouting in favour or against them, in favour or against the Messiah, resound in the streets. And how many accusations!

«This man is saying that Jesus is a false Master! He is certainly one who has put on weight with the money he received from those snakes who have just gone by!»

«With their money? With ours, you should say! They fleece us for such noble purposes! But where is he? I want to see whether he is one of those who came yesterday to tell me…»

«He has run away. But, blessed be the Lord, we must join together and take action. They are too insolent.»

Another conversation: «I have heard you and I know you. I will tell the people concerned what you said of the Supreme Court!»

«I belong to Christ, and the slaver of a demon does me no harm. If you wish, you can tell Annas and Caiaphas, and may it help them to become more honest.»

And farther away: «Me? You say that I am a perjurer and a blasphemer because I follow the living God? You are a perjurer and a blasphemer since you offend and persecute Him. I know who you are. I have seen you and heard you. You corrupt informer! Come! Take this!…» and in the meantime he begins to cuff the ears of a Judaean whose bony greenish face reddens.

«Cornelius, Simon, look! They are bullying me» says another one farther away, addressing a group of members of the Sanhedrin.

«Endure it with faith and do not soil your hands and lips on a Sabbath’s eve» replies one of the men, who had been called, without even turning to look at the unlucky person to whom a group of common people are dispensing rough justice…

Women are shouting calling their husbands whom they entreat not to compromise themselves.

Legionaries on patrol go around dispersing the crowds with their lances and threatening arrests and punishments.

Lazarus’ death, the main fact, is the starting point to go on to secondary facts, to give vent to the long lasting tension in hearts…

The members of the Sanhedrin, the elders, scribes, Sadducees, the mighty Judaeans go by slyly, with indifference, as if all the outbursts of petty anger, of personal revenge, of nervousness were not rooted in them. And as the time goes by the agitation and the excitement increase more and more.

«Listen to this, these people here say that the Christ cannot cure sick people. I was a leper and now I am healthy. Do you know who they are? I do not come from Jerusalem, but I have never seen them among the disciples of the Christ these last two years.»

«Those men? Let me see the one in the middle! Ah! you rascal and thief! You are the one who last month came to me to offer me money in the name of the Christ, saying that He hires men to seize Palestine. And you now say… But why did you let him escape?»

«Have you seen that? How mischievous they are! And they almost caught me! My father-in-law was right!

546.3

There is Joseph the Elder with John and Joshua. Let us go and ask them whether it is true that the Master wants to assemble an army. They are just and they know.» They all rush towards the three members of the Sanhedrin and ask their question.

«Go home, men. One sins and does harmful things in the streets. Do not argue. Don’t take fright. Mind your own business and take care of your families. Don’t listen to agitators or dreamers and don’t allow yourselves to be beguiled. The Master is a master, not a warrior. You know Him. And He speaks His mind. He would not have sent other people to ask you to follow Him as warriors, if He wanted you to be such. Don’t do any harm to Him, to yourselves and to our Fatherland. Home, men! Home! Do not allow what is already a misfortune – the death of a just man – to become a series of misfortunes. Go back to your houses and pray for Lazarus, who was charitable to everybody» says Joseph of Arimathea, who must be loved and listened to by the people who know him to be a just man.

Also John (the man who was jealous[1]) says: «He is a peaceful not a warlike man. Don’t listen to false disciples. Remember how different the others were, who said they were the Messiah. Remember and ponder, and your justice will tell you that those instigations to violence could not come from Him! Go home! Go back to your women who are weeping and to your children who are frightened. It is said: “Woe to those who are violent and to those who encourage brawls”.»

A group of weeping women approach the three members of the Sanhedrin and one of them says: «The scribes have threatened my man. I am afraid! Joseph, please speak to them.»

«Yes, I will. But let your husband be quiet. Do you think that you are assisting the Master by means of these agitations and that you are honouring the dead man? You are wrong. You are harmful to both of them» replies Joseph

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and he leaves them to go towards Nicodemus, who is coming from one of the streets, followed by servants, and he says to him: «I was not hoping to meet you, Nicodemus. I do not know myself how I managed. Lazarus’ servant came to me at the end of the fourth watch to inform me of the sad event.»

«And he came to me later. I left at once. Do you know whether the Master is at Bethany?»

«No, He is not there. My steward in Bezetha was there at the third hour and he told me that the Master is not there.»

«I do not know how… miracles for everybody but not for him!» exclaims John.

«Probably because He gave the household more than a miraculous cure: He redeemed Mary and granted peace and honour…» says Joseph.

«Peace and honour! Of good people to good people. Because many… have not paid and do not pay honour even now that Mary… You do not know… Three days ago Helkai and many others were there… and they did not pay honour. And Mary drove them away. They were furious when they told me, and I just let them say what they liked, as I did not want to disclose my heart to them…» says Joshua.

«And are they going to the funeral now?» asks Nicodemus.

«They have been informed and they have met at the Temple to decide. Oh! their servants have been very busy running about at dawn this morning!»

«Why such hurry for the funeral? Immediately after the sixth hour!…»

«Because Lazarus was already rotten when he died. My steward told me that although resins are burning in the rooms and perfumes have been spread profusely on the dead body, the stench of the corpse is smelt even at the porch of the house. In any case the Sabbath begins at sunset. It was not possible to do otherwise.»

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«And you say that they held a meeting at the Temple? Why?»

«Well… in actual fact the meeting had already been called to discuss Lazarus’ case. They wanted to state that he was leprous…» says Joshua.

«Surely not. He would have been the first to live in isolation according to the Law» says Joseph defending him. And he adds: «I spoke to their doctor. He excluded it without any possibility of doubt. He was affected by putrid consumption.»

«So what did they discuss, since Lazarus was already dead?» asks Nicodemus.

«Whether they should go to the funeral, after Mary has driven them away. Some wanted to go, some were against it. Those who wanted to go were the majority and for three reasons. To see whether the Master was there, the first reason agreed to by everybody. To see whether He will work a miracle, the second reason. The third reason: the remembrance of words spoken recently by the Master to some scribes at the Jordan near Jericho» explains Joshua once again.

«The miracle! Which, if he is already dead?» asks John shrugging his shoulders, and he concludes: «The usual… seekers of what is impossible!»

«The Master has raised other people from the dead» remarks Joseph.

«That is true. But if He had wanted him to be alive, He would not have let him die. The reason mentioned by you previously is correct. They have already been granted much.»

«Yes. But Uziel and Sadoc have recalled a challenge of many months ago. The Christ said that He will give proof that He can recompose also a decomposed body. And Lazarus is such. And Sadoc, the scribe, also says that, near the Jordan, the Rabbi spontaneously told him that at the new moon he would see half of the challenge being accomplished. That is: a decomposed person that revives, without further decomposition or disease. And their opinion prevailed. If that happens, it is because the Master is there. And if that happens, there will be no more doubts about Him.»

«Providing that is not detrimental…» whispers Joseph.

«Detrimental? Why? The scribes and Pharisees will be convinced…»

«Oh! John! Are you a stranger that you should say that? Do you not know your fellow-citizens? When has the truth ever made them holy? Does it mean nothing to you that no invitation to the meeting was brought to my house?»

«It was not brought to mine either. They suspect us and they often leave us out» says Nicodemus. Then he asks: «Was Gamaliel there?»

«His son was there. And he will come also in place of his father, who is unwell at Gamala in Judaea.»

«And what did Simeon say?»

«Nothing. Nothing at all. He listened. Then he went away. Not long ago he passed with some of his father’s disciples, going towards Bethany.»

They are almost at the gate leading onto the road to Bethany. And John exclaims: «Look! It is garrisoned. Why? And they are stopping those coming out.»

«There is agitation in town…»

«Oh! But it is not a very fierce one…»

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They arrive at the gate and they are stopped like everybody else.

«What is the reason for this, soldier? I am well known to everybody in the Antonia, and you cannot speak ill of me. I respect you and your laws» says Joseph of Arimathea.

«It is the order of the Centurion. The Commander is about to enter the town and we want to know who comes out of the gates, particularly of this one that opens onto the Jericho road. We know you. But we also know the feelings of the Judaeans towards us. You and those who are with you may go on. And if you have influence on the people tell them that it is better for them to be calm. Pontius does not like to change his habits because of subjects who cause him trouble… and he might be too severe. A piece of sincere advice to you who are sincere.» They go on.

«Did you hear that? I foresee troublesome days… It will be necessary to advise the others, rather than the people…» says Joseph.

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The Bethany road is crowded with people all going in the same direction: to Bethany. They are all going to the funeral. One can see members of the Sanhedrin and Pharisees mingled with Sadducees and scribes, with peasants, servants, with the stewards of the various houses and estates that Lazarus owned in town and in the country, and the more one approaches Bethany, the more people pour into the main road from paths and other side roads.

There is Bethany. Bethany mourning for its greatest citizen. All the inhabitants, wearing their best clothes, have already left their houses, which are locked as if no one lived in them. But they are not yet in the house of the dead man. Curiosity holds them back near the gate and along the road. They watch the people who have been invited, as they pass by, they mention their names and exchange impressions.

«There is Nathanael ben Faba. Oh! Old Mattathias, Jacob’s relative! Annas’ son! He is over there with Doras, Callascebona and Archelaus. Oh! How did those of Galilee manage to come? They are all there. Look: Eli, Johanan, Ishmael, Uriah, Joachim, Elias, Joseph… Old Hananiah with Sadoc, Zacharias and Johanan, the Sadducees. There is also Simeon of Gamaliel. He is all alone. The rabbi is not there. There is Helkai with Nahum, Felix, Annas the scribe, Zacharias, Jonathan ben Uriel! Saul with Eleazar, Triphon and Joazar. Fine rascals these last ones! Another son of Annas. The youngest. He is talking to Simon Camit. Philip with John Antipatrides. Alexander, Isaac and Jonah of Babaon. Sadoc. Judas, a descendant of the Asideans, the last one, I think, of that class. There are the stewards of the various buildings. I do not see any of the faithful friends. How many people!»

Really! How many people. They are all supercilious, some with an expression for the occasion, some with the signs of true grief on their faces. They are all swallowed up by the wide open gate, and I see pass by all those who in successive stages appeared to be friendly or hostile to the Master. Everybody, with the exception of Gamaliel and of Simon, the member of the Sanhedrin. And I see also other people, whom I have never seen before, or whom I may have seen without knowing their names, disputing around Jesus… Rabbis pass by with their disciples, and scribes in close groups. And Judaeans go along while I hear their riches being listed… The garden is full of people who, after going to express their sympathy with the sisters – who, probably according to the local custom, are sitting under the porch, and are therefore outside the house – come back and spread out in the garden in continuous blending of colours and bowing in salutation.

Martha and Mary are worn out. They are holding each other’s hand like two little girls, frightened of the sad gap in their family, of the emptiness of their days now that they no longer have to take care of Lazarus. They listen to the words of visitors, they weep with true friends, with loyal subordinates, they bow to the icy imposing stiff members of the Sanhedrin who have come more to attract attention to themselves than to honour the dead man, and although they are tired of repeating the same things hundreds of times, they reply to those asking them about Lazarus’ last moments.

Joseph, Nicodemus, the most devoted friends are near them speaking only few words, but their friendship comforts them more than any word.

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Helkai comes back with the more intransigent members of the Sanhedrin, to whom he has been speaking for a long time and he asks: «Could we see the dead body?»

Martha grievously wipes her forehead with her hand and asks: «When is that ever done in Israel? It is already prepared…» and tears stream slowly from her eyes.

«It is not the custom, that is true. But that is what we wish. The more loyal friends are certainly entitled to see their friends for the last time.»

«We also, as his sisters, should have been entitled to see him. But it was necessary to embalm him at once… And when we went back into Lazarus’ room we only saw the form of his body wrapped in linen cloths…»

«You should have given clear instructions. Could you not have had the sudarium removed from his face? Can you not remove it now?»

«Oh! it is already decomposed… And it is time for the funeral…»

Joseph joins in the conversation: «Helkai, I think that we… out of excess of love, are the cause of grief. Let us leave the sisters in peace…»

Simeon, Gamaliel’s son, moves forward to prevent Helkai from replying: «My father will come as soon as he is able. I represent him. He held Lazarus in high esteem. So do I.»

Martha replies bowing: «May the honour of the rabbi for our brother be rewarded by God.»

As Gamaliel’s son is there, Helkai stands aside without insisting further, and he talks the matter over with the others who point out to him: «Can you not smell the stench? Do you wish to doubt it? In any case we shall see whether they wall up the sepulchre. One cannot live without air.»

Another group of Pharisees approach the sisters. They are almost all from Galilee. After receiving their homage Martha cannot restrain herself from expressing her surprise at their presence.

«Woman, the Sanhedrin is in session to resolve upon matters of great importance and we are in town for that purpose» explains Simon of Capernaum, and he looks at Mary whose conversion he certainly remembers. But he just looks at her.

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Then Johanan comes forward with Doras, the son of Doras, and with Ishmael, Hananiah, Sadoc and others whom I do not know. Their viperous faces express their intentions before their words do. But in order to strike they wait till Joseph goes away with Nicodemus to speak to three Judaeans. It is old Hananiah who with his clucking voice of a decrepit old man delivers the blow: «What do you think, Mary? Your Master is the only one to be absent among the many friends of your brother. Peculiar friendship! So much love while Lazarus was well! And so much indifference when it was time to love him! Everybody receives miracles from Him. But there is no miracle here. What do you say, woman, of such a situation? He has deceived you bitterly, the handsome Galilean Rabbi, hey! Did you not say that He told you to hope beyond what can be hoped for? So did you not hope, or is it of no avail to hope in Him? You were hoping in the Life, you said. Of course! He says that He is the “Life”, hey! But in there there is your dead brother. And over there the entrance of the sepulchre is already open. But the Rabbi is not here. Hey! Hey!»

«He can give death, not life» says Doras with a sneer.

Martha lowers her head covering her face with her hands and weeps. That is the real situation. Her hope has been bitterly disappointed. The Rabbi is not there. He did not even come to console them. And by now He could be there. Martha is weeping. She can but weep.

Mary is weeping, too. She also has to face facts. She believed, she hoped beyond what is credible… but nothing happened and the servants have already removed the stone from the entrance to the sepulchre because the sun is beginning to set and it sets early in winter, and it is Friday and everything must be done in time so that the guests may not have to infringe the law of the Sabbath that is about to begin. She has hoped so much, always, she hoped too much. She has consumed her energies in that hope. And she is disappointed.

Hananiah insists: «Are you not replying to me? Are you now persuaded that He is an impostor who has taken advantage of you and scoffed at you? Poor women!» and he shakes his head among his friends who imitate him saying also: «Poor women!»

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Maximinus approaches them saying: «It is time. Give the order. It’s for you to give it.»

Martha collapses on the floor, she is assisted and carried away among the cries of the servants, who realise that the time to lay their master in the sepulchre has come and they intone their lamentations.

Mary wrings her hands convulsively. She implores: «A little longer! A little longer! And send servants on the road to En-shemesh and to the fountain, on every road. Servants on horseback. To see whether He is coming…»

«Are you still hopeful, poor wretch? How can one convince you that He has betrayed and disappointed you? He has hated you and sneered at you…»

It is too much! With her face wet with tears, tortured but still faithful, in the semicircle formed by the guests who have gathered together to see the corpse go out, Mary proclaims: «If Jesus of Nazareth has done that, it is well done, and great is His love for us all in Bethany. Everything for God’s glory and His own! He said that this will bring about glory to the Lord because the power of His Word will shine completely. Execute the order, Maximinus. The sepulchre is no obstacle to the power of God…»

She moves away, supported by Naomi who has approached her, and she makes a gesture… The corpse, bound in linen cloths, departs from the house, crosses the garden between the crowds forming a double hedge and shouting their grief. Mary would like to follow the corpse, but she staggers. She follows the crowds when they are all near the sepulchre. And she arrives in time to see the long motionless body disappear in the darkness of the sepulchre, where the reddish light of the torches held high by the servants illuminates the steps for those who are descending with the corpse. Lazarus’ sepulchre in fact is rather deep in the ground, probably to take advantage of strata of underground rock.

Mary utters a cry… It is a torture… She shouts… And with the name of her brother she utters also Jesus’. She looks as if they were tearing her heart. And she only mentions those two names, and she repeats them until the heavy thud of the stone placed against the entrance of the sepulchre tells her that Lazarus is no longer on the Earth, not even with his body. She is then overwhelmed and loses consciousness. She collapses into the arms of those supporting her and while sinking into a deep swoon she whispers again: «Jesus! Jesus!». They carry her away.

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Maximinus remains to dismiss the guests and thank them on behalf of all the relatives. He remains to hear them all say that they will come back to condole every day…

They disperse slowly. The last to depart are Joseph, Nicodemus, Eleazar, John, Joachim, Joshua. And at the gate they find Sadoc with Uriel, who laugh maliciously saying: «His challenge! And we were afraid of it!»

«Oh! He is really dead. How he stank notwithstanding the aromatic essences! There is no doubt about it! It was not necessary to remove the sudarium. I think that he is already decadent.» They are happy.

Joseph looks at them. His glance is so severe that it cuts short words and laughter. They all make haste to go back to be in town before sunset is over.


Notes

  1. celui qui était jaloux, comme on le voit dans le chapitre 409.

Notes

  1. the man who was jealous, as narrated in chapter 409.