The Writings of Maria Valtorta

570. A Lébona, la parabole des personnes mal conseillées.

570. In Lebonah, the parable of the ill advised.

570.1

Ils sont sur le point d’entrer à Lébona. La ville ne me paraît ni très importante ni belle. En guise de compensation, elle est fort animée, car déjà les caravanes qui descendent pour la Pâque à Jérusalem se sont mises en mouvement. Elles arrivent de Galilée et d’Iturée, de Gaulanitide, de Trachonitide, de l’Auranitide et de la Décapole. Je dirais que Lébona est située sur une route caravanière, ou plutôt que c’est un nœud de voies caravanières qui viennent de ces régions, de la Méditerranée aux monts de Palestine orientale, et aussi du nord, pour se réunir à cet endroit, sur la grand-route qui mène à Jérusalem. Cette préférence des voyageurs vient probablement du fait que cette route est surveillée de très près par les Romains. Alors, les gens se sentent mieux protégés du danger de mauvaises rencontres avec les voleurs. C’est ce que je pense, mais peut-être cette préférence vient-elle d’autres causes, de souvenirs historiques ou sacrés. Je ne sais pas.

Etant donné l’heure favorable — si j’en juge au soleil, il est aux environs de huit heures du matin —, les caravanes sont en train de se mettre en mouvement dans un grand vacarme de voix, de cris, de braiments, de sonnailles, de roues… Femmes qui appellent leurs enfants, hommes qui excitent les animaux, vendeurs qui proposent leurs marchandises, négociations entre les vendeurs samaritains et ceux… moins hébreux, c’est-à-dire les habitants de la Décapole et d’autres régions, peu intransigeants parce qu’ils sont davantage mêlés à l’élément païen, refus dédaigneux et presque injurieux quand un malheureux vendeur de Samarie s’approche pour offrir ses produits à quelque champion du judaïsme. On dirait qu’ils ont approché le diable en personne, tant ils crient à l’anathème… en suscitant des réactions très vives de la part des Samaritains offensés. Et il s’ensuivrait quelque bagarre si les soldats romains n’étaient pas là pour y mettre bon ordre.

570.2

Jésus avance au milieu de cette confusion. Autour de lui se pressent les apôtres, suivis des femmes disciples, puis du groupe des habitants d’Ephraïm augmenté d’un grand nombre de ceux de Silo.

Un murmure précède le Maître. Il se propage des personnes qui le voient à celles, plus éloignées, qui ne l’aperçoivent pas encore. Un brouhaha plus fort le suit, et plusieurs badauds sur le point de s’en aller s’arrêtent pour découvrir ce qui arrive.

Ils se demandent :

« Comment ? Il s’éloigne de plus en plus de la Judée ? Quoi ? Il prêche maintenant en Samarie ? »

Une voix chantante de Galilée s’élève:

« Les saints l’ont repoussé, et lui s’adresse à ceux qui ne sont pas saints pour les sanctifier, à la honte des juifs. »

Une réponse plus âcre que du venin acide se fait entendre :

« Il a retrouvé son nid et ceux qui écoutent sa parole de démon. »

Une autre voix :

« Taisez-vous, assassins du Juste ! Cette persécution vous marquera pour les siècles du nom le plus odieux. Vous êtes trois fois plus corrompus que nous autres, de la Décapole. »

Une autre voix d’homme âgé se fait tranchante :

« Tellement juste qu’il fuit le Temple pour la Fête des fêtes. Hé ! Hé ! Hé ! »

Un habitant d’Ephraïm, rouge de colère, intervient :

« Ce n’est pas vrai ! Tu mens, vieux serpent ! Il va maintenant à sa Pâque. »

Un scribe barbu lance avec mépris :

« Par la route du mont Garizim.

– Non, celle du mont Moriah. Il vient nous bénir, car lui, il sait aimer, puis il monte vers votre haine, maudits !

– Tais-toi, Samaritain !

– C’est à toi de te taire, démon !

– Qui se soulève aura droit aux galères : c’est l’ordre de Ponce Pilate. Souvenez-vous-en et dispersez-vous » impose un officier romain en faisant manœuvrer les soldats qui dépendent de lui pour séparer les hommes, qui sont déjà en train d’en venir aux mains dans l’une de ces si nombreuses disputes régionales et religieuses, toujours sur le point s’élever dans la Palestine du temps du Christ.

Les gens se dispersent, mais personne ne part. On ramène les ânes aux écuries, ou bien on les détourne vers l’endroit où est allé Jésus. Femmes et enfants descendent de selle et suivent leur mari ou leur père, ou bien restent à bavarder en groupes, si l’humeur maritale ou paternelle en donne l’ordre “ pour qu’elles n’entendent pas parler le démon. ” Mais les hommes, amis, ennemis ou simplement curieux, courent vers l’endroit où Jésus est parti. Ils portent sur leurs voisins des regards mauvais, ou se réconfortent devant cette joie inespérée, ou encore posent des questions suivant qu’il s’agit d’amis avec des ennemis, d’amis entre eux, ou de curieux.

570.3

Jésus s’est arrêté sur une place, près de l’inévitable fontaine ombragée par un arbre, et il se tient contre le mur humide de la fontaine. Ici, elle est coiffée d’un petit portique ouvert seulement d’un côté ; c’est plutôt un puits qu’une fontaine. Il ressemble au puits d’En-Rogel.

Il est en train de parler avec une femme, qui lui présente le petit garçon qu’elle tient dans les bras. Je vois que Jésus consent et qu’il pose sa main sur la tête de l’enfant. Aussitôt après, je vois que la mère lève son enfant et s’écrie :

« Malachie, Malachie, où es-tu ? Notre garçon n’est plus difforme. »

Et la femme crie un hosanna auquel s’unit celui de la foule, pendant qu’un homme se fraie un passage et va s’incliner devant le Seigneur.

Les gens commentent. Les femmes, mères pour la plupart, félicitent celle qui a obtenu cette faveur. Les plus éloignés tendent le cou et demandent “ Qu’est-ce qui est arrivé ? ” après avoir lancé un hosanna pour s’unir à ceux qui sont au courant.

« Il s’agit d’un enfant bossu, bossu au point de tenir difficilement sur ses jambes. Il était grand comme ça, je vous assure, tellement il était courbé ! Il donnait l’impression d’avoir trois ans, alors qu’il en avait sept. Maintenant, regardez-le ! Il est grand comme tous les autres, droit comme un palmier, agile. Voyez-le grimper sur le muret de la fontaine pour qu’on le voie et pour voir lui-même. Et comme il rit joyeusement ! »

570.4

Un Galiléen se tourne vers quelqu’un qui a de larges nœuds à sa ceinture — je ne crois pas me tromper en l’appelant rabbi —, et il lui demande :

« Alors, qu’est-ce que tu en dis ? Ça aussi, c’est une œuvre du démon ? En vérité, si le démon agit ainsi, en nous débarassant de tant de malheurs pour rendre les hommes heureux et faire louer Dieu, il faudra bien dire que c’est le meilleur serviteur de Dieu !

– Blasphémateur, tais-toi !

– Je ne blasphème pas, rabbi. Je commente ce que je vois. Pourquoi votre sainteté ne nous apporte-t-elle que fardeaux et ennuis, pourquoi suscite-t-elle en nous des reproches et des pensées de défiance envers le Très-Haut, alors que les œuvres du Rabbi de Nazareth nous donnent la paix et la certitude que Dieu est bon ? »

Sans daigner répondre, le rabbi s’éloigne et s’en va bavarder avec des amis.

570.5

L’un d’eux se détache et se fraie un passage pour venir se placer en face de Jésus, qu’il interpelle, sans même le saluer :

« Que comptes-tu faire ?

– Parler à ceux qui réclament ma parole, répond Jésus en le regardant dans les yeux, sans mépris, mais aussi sans peur.

– Cela ne t’est pas permis. Le Sanhédrin ne le veut pas.

– C’est la volonté du Très-Haut, dont le Sanhédrin devrait être le serviteur.

– Tu es condamné, tu le sais. Tais-toi, ou…

– Mon nom est Parole. Et la Parole parle.

– Aux Samaritains… Si tu étais vraiment ce que tu prétends être, tu ne livrerais pas ta parole aux Samaritains.

– Je l’ai adressée et je l’adresserai encore aux Galiléens, comme aux Judéens et aux Samaritains, car il n’y a pas de différence aux yeux de Jésus.

– Essaie donc d’en faire autant en Judée, si tu l’oses !…

– En vérité, je le ferai. Attendez-moi. N’es-tu pas Eléazar ben Parta ? Oui ? Alors il est certain que tu verras Gamaliel avant moi. Dis-lui en mon nom qu’à lui aussi j’apporterai, après vingt-et-un ans, la réponse qu’il attend. As-tu compris ? Rappelle-toi bien : à lui aussi j’apporterai, après vingt-et-un ans, la réponse qu’il attend. Adieu.

– Où ? Où veux-tu parler ? Où veux-tu répondre au grand Gamaliel ? Il a certainement quitté Gamla de Judée pour entrer à Jérusalem. Mais s’il était encore à Gamla, tu ne pourrais pas lui parler.

– Où ? Et où se rassemblent les scribes et les rabbis d’Israël ?

– Au Temple ? Toi, au Temple ? Tu oserais ? Mais tu ignores…

– Que vous me haïssez ? Je le sais bien. Il me suffit de n’être pas haï par mon Père. D’ici peu, le Temple frémira à cause de ma parole. »

Et, sans plus s’occuper de son interlocuteur, il ouvre les bras pour imposer silence à l’assistance, qui s’agite en deux courants opposés et manifeste contre les perturbateurs.

570.6

Il se fait un silence subit, et Jésus dit :

« A Silo, j’ai parlé des mauvais conseillers et de ce qui peut réellement faire, d’un conseil, un bien ou un mal. A vous qui ne provenez plus seulement de Lébona, mais de différents lieux de Palestine, je propose maintenant cette parabole, que nous appellerons : “ La parabole des personnes mal conseillées. ”

Ecoutez : il y avait une fois une famille très nombreuse, au point d’être une tribu. Les nombreux enfants s’étaient mariés, en formant autour de la première famille beaucoup d’autres familles qui eurent, à leur tour, une belle descendance. Ces derniers se marièrent et fondèrent encore d’autres foyers. De sorte que le vieux père s’était, pour ainsi dire, trouvé à la tête d’un petit royaume dont il était le roi.

Comme il arrive toujours dans les familles, parmi les nombreux enfants et petits-enfants, on trouvait différents caractères : des bons et justes, des orgueilleux et des injustes, ceux qui étaient contents de leur sort et ceux qui étaient envieux, leur part leur semblant plus petite que celle d’un frère ou d’un parent. Le pire côtoyait le meilleur de tous. Il était naturel que ce dernier soit le plus tendrement aimé du patriarche de tout ce clan. Et, comme c’est fréquent, le mauvais membre de la famille et ses semblables détestaient le bon parce qu’il était le plus aimé, sans penser qu’eux aussi auraient pu être aimés s’ils l’avaient imité. Le père confiait ses pensées à son bon fils pour qu’il les rapporte à tous. La grande famille s’était divisée en trois parties : celle des vertueux, qui suivaient le bon fils, et celle des mauvais, et entre l’une et l’autre se trouvaient les indécis, qui se sentaient attirés vers le bon fils, mais craignaient le mauvais et ses partisans. Cette troisième partie louvoyait entre les deux premières et ne savait pas se décider avec fermeté pour l’une ou l’autre. A la vue de cette indécision, le vieux père dit à son fils bien-aimé :

“ Jusqu’à présent, tu as dispensé ta parole à ceux qui l’apprécient comme aux autres, car les premiers te la réclament pour m’aimer toujours plus, avec justice, et les autres sont des sots qu’il faut rappeler à la justice. Or tu vois que ces derniers ne l’accueillent pas, donc ne changent pas. Qui plus est, à leur première injustice envers toi, qui leur portes mon désir, ils joignent celle de corrompre par de mauvais conseils les membres de leur parenté qui ne savent pas vouloir prendre résolument le meilleur chemin. Va donc les trouver, et parle-leur de ce que je suis, de ce que tu es, et de ce qu’ils doivent faire pour être avec moi et avec toi. ”

570.7

Le fils, toujours obéissant, fit la volonté de son le père, et chaque jour, il conquérait quelque cœur. Ainsi, le père put voir clairement quels étaient ses vrais enfants rebelles, et il portait sur eux un regard sévère, sans cependant leur faire des reproches, parce qu’il était père et qu’il voulait les attirer à lui par la patience, l’amour et l’exemple des bons.

Mais dès qu’ils se virent seuls, les mauvais se concertèrent :

“ Il apparaît trop clairement que nous sommes les rebelles. Auparavant, aucune distinction n’était visible dans les rangs de ceux qui n’étaient ni bons ni mauvais. Maintenant, vous les voyez, ils suivent tous le fils bien-aimé. Il nous faut agir : détruisons son œuvre ! Faisons mine de nous être ravisés, allons trouver nos frères à peine convertis, ainsi que les plus simples des meilleurs, et répandons le bruit que le fils bien-aimé feint de servir son père, mais qu’en réalité il se fait des partisans pour ensuite se révolter contre lui. Ou encore, arguons que notre père a l’intention d’éliminer son fils et ses disciples, parce qu’ils triomphent trop et offusquent sa gloire de père-roi, et qu’il nous faut donc défendre le fils aimé et trahi, en le retenant parmi nous, loin de la maison paternelle où l’attend la trahison. ”

Ils allèrent donc répandre avis et incitations avec une telle ruse, une telle intelligence, que beaucoup tombèrent dans le piège, spécialement ceux qui étaient convertis depuis peu, auxquels les mauvais conseillers suggéraient perfidement :

“ Vous voyez combien il vous a aimés ? Il a préféré venir parmi vous plutôt que de rester auprès de son père, ou du moins avec ses bons frères. Il a tout mis en œuvre pour vous relever en présence du monde de votre abjection d’individus qui ne savaient pas ce qu’ils voulaient et que tous tournaient en dérision à cause de cela. En raison de cette prédilection à votre égard, vous avez le devoir de le défendre, et même de le retenir de force, si votre conviction ne suffit pas à le maintenir dans votre camp. Ou bien soulevez-vous pour le proclamer roi et chef, et marchez contre ce père inique et ses fils, qui le sont autant. ”

Certains hésitaient et faisaient remarquer :

“ Mais il veut, il a toujours voulu que nous l’accompagnions pour honorer notre père, et il nous a obtenu bénédiction et pardon. ”

A ces derniers, ils rétorquaient :

“ Ne croyez pas cela ! Il ne vous disait pas toute la vérité, de même que notre père ne vous l’a pas montrée intégralement. Il a agi ainsi parce qu’il sent que notre père va le trahir, et il a voulu éprouver vos cœurs pour savoir où se réfugier. Mais peut-être… il est si bon ! Peut-être se repentira-t-il par la suite d’avoir douté de son père, et il voudra revenir à lui. Ne le lui permettez pas ! ”

Et beaucoup assurèrent :

“ Nous ne le permettrons pas. ”

Alors ils s’enflammèrent et élaborèrent des projets susceptibles de retenir le fils bien-aimé. Ils ne s’aperçurent pas que, pendant que les mauvais conseillers disaient : “ Nous vous aiderons pour sauver le fils béni ”, leurs yeux brillaient de lueurs mensongères et cruelles, et qu’ils se faisaient des clins d’œil en se frottant les mains et en murmurant : “ Ils tombent dans le piège ! Nous allons triompher ! ”, chaque fois que quelqu’un adhérait à leurs paroles sournoises.

570.8

Puis les mauvais conseillers s’en allèrent répandre ailleurs la rumeur qu’on allait bientôt assister à la trahison du fils bien-aimé, sorti des terres de son père pour créer un royaume adverse, avec ceux qui haïssaient le père, ou du moins ne lui manifestaient pas un amour ferme. Les hommes qui avaient été bernés par ces mauvais conseils complotaient pendant ce temps. Ils cherchaient le meilleur moyen d’amener le fils bien-aimé au péché de rébellion qui aurait scandalisé le monde.

Seuls les plus sages d’entre eux, ceux chez qui la parole du juste avait pénétré plus profondément et s’était enracinée parce qu’elle avait trouvé en eux un terreau avide de l’accueillir, dirent après réflexion :

“ Non. Ce n’est pas bien. C’est un acte de malveillance envers notre père, envers son fils et même envers nous. Nous connaissons la justice et la sagesse de l’un et de l’autre, même si nous ne l’avons malheureusement pas toujours suivie. Et nous ne devons pas penser que les suggestions de ceux qui ont toujours ouvertement pris parti contre notre père, contre la justice, et aussi contre le fils bien-aimé du père, puissent être plus sages que celles du fils béni. ”

Et ils ne les suivirent pas. Au contraire, avec amour et avec douleur, ils laissèrent partir le fils là où il devait, en se bornant à l’accompagner avec des marques d’affection jusqu’aux limites de leurs champs, et à lui promettre en lui disant adieu :

“ Tu t’en vas, et nous, nous restons. Mais tes paroles demeurent en nous et, dorénavant, nous ferons la volonté de notre père. Pars tranquille. Tu nous as sortis pour toujours de l’état dans lequel tu nous as trouvés. Maintenant que nous avons été remis sur la bonne voie, nous saurons y progresser jusqu’à rejoindre la maison paternelle de manière à être bénis par notre père. ”

A l’opposé, certains donnèrent leur adhésion aux mauvais conseillers et ils péchèrent en tentant le fils bien-aimé et en le ridiculisant comme incapable parce qu’il s’était obstiné à accomplir son devoir.

570.9

Maintenant, je vous demande :

Pourquoi le même conseil a-t-il provoqué des réponses différentes ?… Vous ne répondez rien ? Je vais vous le dire, comme je l’ai fait à Silo : parce que les conseils acquièrent de la valeur ou deviennent nuls, selon qu’ils sont ou ne sont pas accueillis. C’est inutilement que telle personne est tentée par de mauvais conseils. Si elle ne veut pas pécher, elle ne péchera pas. Et elle ne sera pas punie pour avoir dû entendre les insinuations des mauvais. Dieu est juste et il ne punit pas des fautes qui n’ont pas été commises. Elle ne le serait que si, après avoir dû écouter le mal qui la tente, elle le met en pratique sans se servir de son intelligence pour méditer la nature du conseil et son origine. Elle ne pourra pas prétendre, en guise d’excuse : “ Je le croyais bon. ” Est bon ce qui est agréable à Dieu. Dieu pourrait-il approuver ou tenir pour agréable une désobéissance ou quoi que ce soit qui y conduise ? Dieu peut-il bénir ce qui s’oppose à sa Loi, c’est-à-dire à sa Parole ? En vérité, je vous dis que non. Et, encore en vérité, je vous dis qu’il faut savoir mourir plutôt que de transgresser la Loi divine.

A Sichem, je parlerai encore pour vous rendre justes en vous apprenant à savoir vouloir ou ne pas vouloir pratiquer un conseil qui vous est donné. Allez. »

570.10

Les gens s’éloignent en commentant.

« Tu as entendu ? Lui, il sait ce qu’ils nous ont raconté ! Et il nous a rappelé à la justice de la volonté, dit un Samaritain.

– Oui. Et tu as vu comment les juifs et les scribes présents se sont troublés ?

– Oui. Ils n’ont pas même attendu la fin pour s’en aller.

– Maudites vipères ! Pourtant… Il annonce ce qu’il veut faire. Il a tort. Il pourrait s’attirer des ennuis. Ceux des monts Ebal et Garizim se sont bien exaltés !…

– Moi… je ne me suis jamais fait d’illusions. Le Rabbi, c’est le Rabbi. Et c’est tout dire. Le Rabbi peut-il pécher en ne montant pas au Temple de Jérusalem ?

– Il y trouvera la mort. Tu vas voir ! Et ce sera fini…

– Pour qui ? Pour lui ? Pour nous ? Ou… pour les juifs ?

– Pour lui. S’il meurt !

– Homme, tu délires. Moi, je suis d’Ephraïm. Je le connais bien. J’ai vécu près de lui deux lunes entières, et même davantage. Il nous parlait sans cesse. Ce sera une souffrance… mais ce ne sera pas une fin, ni pour lui, ni pour nous. Le Saint des saints ne peut mourir. Ce ne sera pas sa fin. De même, cela ne peut se terminer ainsi pour nous. Moi… je suis un ignorant, mais je sens que le Royaume viendra quand les juifs le croiront fini… Mais ce sont eux qui seront finis…

– Tu penses que les disciples vengeront le Maître ? Une révolte ? Un massacre ? Et les Romains ?…

– Oh ! il n’est pas besoin de disciples, de vengeances humaines, de massacres. Ce sera le Très-Haut qui les vaincra. Il nous a bien punis, nous, pendant des siècles, et pour moins que cela ! Voudrais-tu qu’il ne les punisse pas, eux, pour leur péché de tourmenter son Christ ?

– Les voir vaincus ! Ah !

– Ton cœur n’est pas comme le Maître le voudrait. Lui, il prie pour ses ennemis…

– Moi… je partirai à sa suite demain. Je veux entendre ce qu’il va dire à Sichem.

– Moi, également.

– Et moi aussi… »

Beaucoup d’habitants de Lébona ont la même idée et, fraternisant avec ceux d’Ephraïm et de Silo, ils vont se préparer pour le départ du lendemain.

570.1

They are about to enter Lebonah, a town which I do not think is very important or beautiful, but on the other hand is very busy as there are many caravans going to Jerusalem for Passover from Galilee, Ituraea, Gaulanitis, Trachonitis, Hauran and the Decapolis. I would say that Lebonah was a track for caravans, or rather a junction of such tracks coming from those regions, from the Mediterranean to the mountains on the eastern side of Palestine, and from the north of it, and that they join here on the main road that takes pilgrims to Jerusalem. People probably prefer this road because it is garrisoned by the Romans and consequently they feel safer from the danger of unpleasant meetings with highwaymen. That is what I think. But it may be preferred for other reasons, because of historical or religious memories, I do not know.

As it is the right time – judging by the sun I would say that it is about eight o’clock in the morning – the caravans are about to set off amid a great uproar of voices, shouts, brayings, harness-bells, wheels. Women call their children, men spur their animals, vendors offer their goods, Samaritans haggle over prices with those… less rigid Jews, that is, those from the Decapolis and from other regions, as they are not so intolerant, being more mingled with the heathen element, and if a wretched vendor from Samaria approaches a champion of Judaism offering his goods, he is repulsed scornfully and almost abused. They shout so much at the anathema that they seem to have been approached by the devil himself… stirring up fierce reactions from the offended Samaritans. And there would be an odd scuffle if the Roman soldiers did not keep a good watch.

570.2

Jesus proceeds through so much confusion. The apostles are around Him, the women disciples follow them, and behind, at the rear, the train of the people from Ephraim, whose number has been increased by many people from Shiloh.

A murmur precedes the Master. It spreads from those who see Him to those who are farther away and cannot as yet see Him. Another murmur, a louder one, follows Him.

And many put off their departure to see what is happening.

They ask one another: «What? Is He going farther and farther away from Judaea? What? Is He preaching in Samaria now?»

A voice says in the typical singing tone of Galileans: «The holy ones have rejected Him, and He is going to those who are not holy, to sanctify them, to shame the Judaeans.»

A reply more sour than acid poison is heard: «He has found His nest and who understands His word of a demon.»

Another voice shouts: «Be quiet, you murderers of the Just One! This persecution of yours will mark you with the most ill-famed name for ages. You are three times more corrupt than us from the Decapolis.»

Another sharp voice of an old man exclaims: «He is so just that He is running away from the Temple for the Feast of Feasts. Ha! Ha! Ha!»

A man from Ephraim, red with anger, says: «It is not true. You are lying, you old snake! He is now going to His Passover.»

A bearded scribe remarks disdainfully: «Via Gerizim.»

«No. Via the Moriah. He is coming to bless us, because He is love, then He will ascend to your hatred, you cursed people!»

«Be quiet, Samaritan!»

«You be quiet, demon!»

«Those who stir up a rebellion will be imprisoned. That is Pontius Pilate’s order. Bear that in mind. Disperse now» orders a Roman non-commissioned officer getting his men to separate those who are about to come to blows in one of the many regional and religious quarrels, always ready to rise in Palestine in the days of Christ.

The crowd disperses. But no one departs any more. Donkeys are taken back to stables or to the place where Jesus is going, Women and children dismount and follow husbands or fathers, or they remain in chattering groups, if their husbands’ or fathers’ humour so orders «that they may not hear the demon speak». But friendly or enemy or simply curious men rush towards the place where Jesus has gone. And while running they cast evil glances at one another or they take courage from such unexpected joy, or they ask questions, according to whether they are friends with enemies, or friends with friends or with curious people.

570.3

Jesus has stopped in a square near the inevitable fountain in the shade of trees. He is there, leaning against the damp wall of the fountain that here is covered by a small porch open only on one side. Perhaps it is more a well than a fountain. It is like the well at En Rogel.

He is speaking to a woman who is showing Him the little child she is holding in her arms. I see Jesus nod assent and lay His hand on the child’s head. And immediately afterwards I see the mother raise the child and shout: «Malachi, Malachi, where are you? Our boy is no longer deformed», and the woman trills her hosanna which is joined by the shouts of the crowd, while a man makes his way to prostrate himself before the Lord.

The people make their comments. The women, mostly mothers, congratulate the woman who received the grace. Those who are farther away stretch their necks and ask: «What happened?» after shouting «hosannas», to join those who are aware of what took place.

«A hunchbacked boy, so hump-backed that he could stand on his legs only with difficulty. He was that size, I tell you, just that, so bent he was. He looked like a boy three years old, but he was seven. Look at him now! He is as tall as everybody, as straight as a palm-tree and lively. See him over there how he climbs on the little wall of the fountain to be seen and to see. And how happily he laughs!»

570.4

A Galilean turns towards a man, who, judging by the large tassels on his belt I think I am right in saying is a rabbi, and asks him: «Ehi? What do you say? Is that work of the demon, too? Really, if the demon does that, removing misfortunes to make men happy and have God praised, shall we not have to say that he is God’s best servant!»

«Blasphemer, be silent!»

«I am not blaspheming, rabbi. I am commenting on what I see. Why does your holiness bring us nothing but burdens, misfortunes, making us speak abuse, and mistrust the Most High, whereas the works of the Rabbi of Nazareth give us peace and the certainty that God is good?»

The rabbi does not reply, he moves aside and goes to speak in a low voice to other friends of his.

570.5

And one of them leaves the group, elbows his way going in front of Jesus, Whom he asks, without greeting Him first: «What do You intend doing?»

«I intend to speak to those who ask for my word», replies Jesus staring at his eyes, without disdain, but also without fear.

«You are not allowed. The Sanhedrin forbids You.»

«That is the will of the Most High, Whose servant the Sanhedrin ought to be.»

«You have been condemned, You know. Be silent or…»

«The Word is My name. And the Word speaks.»

«To the Samaritans. If it were true that You are Who You say You are, You would not give Your word to the Samaritans.»

«I have given it and will give it to Galileans, to Judaeans, to Samaritans, because there is no difference in the eyes of Jesus.»

«Try to give it in Judaea, if You dare!…»

«I solemnly tell you that I will. Wait for Me. Are you not Eleazar ben Parta? Are you? Then you will certainly see Gamaliel before I see him. Tell him, in My name, that I will give him also, after twenty one years, the reply for which he is waiting. Have you understood? Remember this carefully: after twenty one years I will give him also the reply that he awaits. Goodbye.»

«Where? Where do You want to speak, where do You want to reply to the great Gamaliel? He has certainly already left Gamala in Judaea to go to Jerusalem. But even if he were still in Gamala You could not speak to him.»

«Where? And where do the scribes and rabbis of Israel meet?»

«In the Temple? You, in the Temple? And would You dare? But do You not know…»

«That you hate Me? I do know. It is sufficient for Me not to be hated by My Father.

Before long the Temple will tremble because of My words.» And without minding His interlocutor any longer He opens His arms to impose silence on the people who are excited and divided into opposite tendencies and are shouting at disturbers.

570.6

There is soon silence and in the silence Jesus speaks: «At Shiloh I spoke of ill advisers and of how much good or evil a piece of advice can do. I now propose this parable not only to you, people of Lebonah, but to the people of all Palestine. We shall call it: “The parable of the ill-advised”.

Listen. Once there was a very large family, so large as to form a tribe. Numerous sons had got married forming, around the first family, many more families rich in offspring, who in turn got married and had formed more families. So that the old father had found himself, so to say, at the head of a small kingdom, of which he was the king. As it always happens in families, among the many children and children’s children, there were different characters: some were good and just, some were overbearing and unjust.

Some were content with their situation and some were envious, as they thought that their shares were inferior to those of brothers or relatives. And near the most wicked one there was the best one. And it was natural that this very good one should be the most tenderly loved by the father of all the large family. And, as it always happens, the wicked one and those more like him, hated the good one because he was the most loved, not considering that they could have been loved as well, if they had been as good as he was. And the good son, to whom his father confided his thoughts that he might repeat them to everybody, was followed by other good ones. So that after years and years, the large family was divided into three parts. The part of the good members of the family and that of the bad ones. And between the two there was the third part, formed by the uncertain members, who were attracted towards the good son, but were afraid of the wicked one and of those of his party. This third part was keeping in with both sides and was not able to make up its mind resolutely in favour of one or the other.

Then the old father, seeing such uncertainty, said to his beloved son: “So far you have spent your word particularly for those who love it and for those who do not love it, because the former ask you for it, so that they may love me more and more according to justice, and the latter are fools who need to be taken back to justice. But you can see that those fools not only do not accept your word, and they remain what they were, but to their first unjust attitude towards you, the messenger of my wishes, they add the unfairness of corrupting, by means of evil advice, those who are not yet firmly willing to follow the better road. So go to them and explain to them what I am, what you are, and what they must do to be with you and with me.”

570.7

The son, who was always obedient, went as his father wished, and he conquered some hearts every day. So the father was able to clearly see who were his rebellious children, and he looked at them severely but without reproaching them, because he was their father and he wanted to attract them to himself with patience, love and the example of the good sons.

But when the wicked ones realised that they were all alone they said: “It is now too obvious that we are the rebels. Previously they mistook us for those who were neither good nor bad. Look at them now over there! They are all following the beloved son. We must take action and destroy his work. Let us go, feigning that we want to mend our ways, to those who have just been converted and also to those who are the most simple souls among the best ones and let us spread the rumour that the beloved son pretends that he wants to serve his father, but in actual fact he is gathering supporters to rebel against him; or we can also say that the father wants to eliminate his son and those who follow him, because they are becoming too powerful and are outshining the glory of the father-king, and that consequently, in order to defend the beloved betrayed son, it is necessary to keep him among us, far from the paternal house where betrayal is awaiting him.” And they went and were so shrewdly subtle in suggesting advice and spreading rumours, that many were caught in the snare, particularly the recent converts, to whom the evil advisers gave the following bad piece of advice: “Do you realise how much he loved you? He preferred to be among you rather than stay with his father, or at least with his good brothers. He has been so clever that in the sight of all the world he has raised you from your abjection of persons who did not know what they wanted and were thus ridiculed by everybody. Because of his partiality for you, it is your duty to defend him, and to keep him in your fields, even by force, if your words are not sufficient to convince him. Or rise, proclaiming him your leader and king, and march against the iniquitous father and his sons who are as iniquitous as he.” And when anyone hesitated and remarked: “But he wants, he wanted us to go with him to honour our father and he has obtained blessing and forgiveness for us”, they replied to them: “Don’t believe that! Not everything he told you is true, neither did the father show you all the truth. He has behaved like that because he realises that his father is about to betray him and he wanted to test your hearts to find out where he can find protection and shelter. But may be… he is so good! perhaps he will repent of doubting his father and may want to go back to him. Do not allow him to do that.” And many promised: “We will not allow him” and they were filled with enthusiasm planning what to do to detain the beloved son, without noticing that while the evil advisers were saying: “We will help you to save the blessed man”, their eyes were shining with falsehood and cruelty, and that they were winking at one another rubbing their hands and whispering: “They are being caught in the snare! We shall win!” every time somebody gave assent to their sly words.

570.8

Then the evil advisers went away. They went away spreading the rumour in other places that the betrayal of the beloved son would soon become known, as he had left the land of his father to establish a kingdom against his father, with the help of those who hated the father or whose love was at least uncertain. In the meantime those influenced by the evil advice were conspiring to induce the beloved son to rebel against his father, a sin that would scandalise the world. Only the wisest among them, those into whom the word of the just son had penetrated more deeply and had taken root because it had fallen on soil anxious to receive it, after pondering said: “No. It is not right to do so. It is a wicked action against the father, against the son and us. We are aware of the justice and wisdom of both of them. We are aware of it although unfortunately we have not always followed it. And we must not think that the advice of those who have always been openly against the father and justice, and also against the beloved son of the father, may be more just than the advice given to us by the blessed son.” And they did not follow them. On the contrary, with love and sorrow, they let the son go where he had to go, and they only accompanied him with gestures of affection as far as the boundaries of their fields, and on taking leave of him they said to him as a promise: “Go. We shall stay. But your words are in our hearts and from now on we will do what the father wants. Go and do not worry. You have raised us for good from the state in which you found us. Now that we are on the good path we will go forward on it until we arrive at the house of our father so that we may be blessed by him.” On the contrary some gave assent to the bad advice and they sinned tempting the beloved son to commit sin and gibing at him as being foolish because he was obstinate in fulfilling his duty.

570.9

I now ask you: “Why did the same piece of advice have different effects?” Are you not replying? I will tell you as I told those of Shiloh. Because advice achieves value or becomes void according to whether it is taken or not. Man is tempted in vain by evil advice. If he does not want to sin, he will not sin. And he will not be punished for having to hear the insinuations of wicked people. He will not be punished because God is just and He does not punish anyone for sins not committed. He will only be punished if, after having to hear the Evil tempting him, he puts it into practice, without using his intellect to meditate on the nature and source of the advice. Neither can he say as an excuse: “I thought it was a good piece of advice.” What is pleasant to God is good. Can God approve of and be delighted with disobedience or with what induces to disobedience? Can God bless what is in contrast with His Law, that is, with His Word? I solemnly tell you that He cannot. And I also solemnly tell you that one must prefer to die rather than infringe the divine Law.

At Shechem I will speak to you again to make you wise in wanting or not wanting to take the advice given to you. You may go now.»

570.10

The people go away making their comments.

«Did you hear that? He knows what they told us! And He exhorted us to want what is just» says a Samaritan.

«Yes. And did you notice how upset were the Judaeans and the scribes who were present?»

«Yes. They did not even wait until the end to go away.»

«Poisonous vipers! But… He says what He wants to do. He is wrong. He may cause Himself trouble. Those from Mount Ebal and Mount Gerizim are really elated!…»

«I… I have never flattered myself. The Rabbi is the Rabbi. And that means everything.

Is it possible for the Rabbi to sin by not going up to the Temple in Jerusalem?»

«He will be put to death. You will see!… And that will be the end!…»

«For whom? For Him? For us? Or… for the Judaeans?»

«For Him. If He dies!»

«You are foolish, man. I come from Ephraim. I know Him well. I have lived near Him for two full months, even longer. He always spoke to us. It will be sorrowful… But not the end. Neither for Him, nor for us. The Saint of all the saints cannot die, cannot end.

Neither can that be the end for us. I… am ignorant, but I feel that the Kingdom will come when the Judaeans think it is all over… And it will be all over for them…»

«Do you think that the disciples will avenge the Master? A rebellion? A massacre? And the Romans?…»

«Oh! There is no need of disciples, of revenge of men, of massacres. It will be the Most High Who will defeat them. He has punished us, for ages, and for much less! Do you think that He will not punish them for their sin of tormenting His Christ?»

«To see them beaten! Ah!»

«Your heart is not as the Master would like it. He prays for His enemies…»

«I… am going to follow Him tomorrow. I want to hear what He will say at Shechem.»

«I also.»

«And I, too…»

Many people of Lebonah are of the same mind and fraternising with those from Ephraim and Shiloh they go to make preparations for their departure on the following morning.