Ils sont sur le point d’entrer à Lébona. La ville ne me paraît ni très importante ni belle. En guise de compensation, elle est fort animée, car déjà les caravanes qui descendent pour la Pâque à Jérusalem se sont mises en mouvement. Elles arrivent de Galilée et d’Iturée, de Gaulanitide, de Trachonitide, de l’Auranitide et de la Décapole. Je dirais que Lébona est située sur une route caravanière, ou plutôt que c’est un nœud de voies caravanières qui viennent de ces régions, de la Méditerranée aux monts de Palestine orientale, et aussi du nord, pour se réunir à cet endroit, sur la grand-route qui mène à Jérusalem. Cette préférence des voyageurs vient probablement du fait que cette route est surveillée de très près par les Romains. Alors, les gens se sentent mieux protégés du danger de mauvaises rencontres avec les voleurs. C’est ce que je pense, mais peut-être cette préférence vient-elle d’autres causes, de souvenirs historiques ou sacrés. Je ne sais pas.
Etant donné l’heure favorable — si j’en juge au soleil, il est aux environs de huit heures du matin —, les caravanes sont en train de se mettre en mouvement dans un grand vacarme de voix, de cris, de braiments, de sonnailles, de roues… Femmes qui appellent leurs enfants, hommes qui excitent les animaux, vendeurs qui proposent leurs marchandises, négociations entre les vendeurs samaritains et ceux… moins hébreux, c’est-à-dire les habitants de la Décapole et d’autres régions, peu intransigeants parce qu’ils sont davantage mêlés à l’élément païen, refus dédaigneux et presque injurieux quand un malheureux vendeur de Samarie s’approche pour offrir ses produits à quelque champion du judaïsme. On dirait qu’ils ont approché le diable en personne, tant ils crient à l’anathème… en suscitant des réactions très vives de la part des Samaritains offensés. Et il s’ensuivrait quelque bagarre si les soldats romains n’étaient pas là pour y mettre bon ordre.