The Writings of Maria Valtorta

581. A Béthanie, chez Lazare.

581. In Bethany, in the house of Lazarus.

581.1

Ils doivent s’être arrêtés à mi-chemin entre Jéricho et Béthanie car, à leur arrivée aux premières maisons de Béthanie, la rosée finit de s’évaporer sur les feuilles et les herbes des prés, et le soleil gravit encore la voûte du ciel.

Les agriculteurs de l’endroit jettent leurs outils et accourent autour de Jésus qui passe en bénissant hommes et plantes, comme on le lui demande avec insistance. Des femmes et des enfants arrivent avec les premières amandes, encore enveloppées dans la peluche vert argent de leur brou, et avec les dernières fleurs des arbres fruitiers dont la floraison est plus tardive. J’observe pourtant que, dans la région de Jérusalem, nombreux sont encore les arbres fruitiers qui forment des touffes de couleur blanc rosé suspendues comme des nuées légères au-dessus de la verdure des prés. Peut-être est-ce dû à l’altitude, ou à cause des vents qui soufflent des sommets les plus hauts de Judée, ou pour je ne sais quelle autre raison, si ce n’est même à cause des variétés différentes. Sous les troncs élevés, palpitent, comme de grands papillons d’une émeraude précieuse, les feuilles tendres des sarments raboteux attachés à la vigne par des fils solides.

581.2

Jésus s’arrête à la fontaine qui marque l’endroit où la campagne se transforme déjà en petite ville, et reçoit là les hommages de Béthanie presque tout entière. A ce moment accourt Lazare avec ses sœurs, et ils se prosternent devant leur Seigneur. Bien qu’il n’y ait qu’un peu plus de deux jours que Marie a quitté son Maître, on dirait qu’il y a des siècles qu’elle ne l’a pas vu, tant elle ne se lasse pas de baiser ses pieds poussiéreux dans ses sandales.

« Viens, mon Seigneur, la maison t’attend pour avoir la joie de ta présence » dit Lazare en venant marcher lentement à côté de Jésus, autant que les gens le leur permettent.

En effet, ils se pressent autour de lui, les enfants s’accrochent aux vêtements de Jésus et avancent la tête tournée vers lui, de sorte qu’ils trébuchent et font buter les autres. Aussi Jésus en premier, puis Lazare et les apôtres prennent-ils dans leurs bras les plus petits pour pouvoir marcher plus vite.

A l’endroit où une allée mène à la maison de Simon le Zélote, se trouvent Marie avec sa belle-sœur, Salomé et Suzanne. Jésus s’arrête pour saluer sa Mère, puis il poursuit jusqu’au large portail grand ouvert où se tiennent Maximin, Sarah, Marcelle, et derrière eux les nombreux serviteurs de Lazare, à commencer par ceux de la maison, pour finir par les paysans. Tous ont l’air soignés, joyeux, excités, leur bonheur éclate en hosannas, et ils agitent couvre-chefs et voiles. On lance des fleurs et des feuilles de myrte, de laurier, de roses et de jasmins dont les superbes corolles resplendissent au soleil ou se répandent comme autant de blanches étoiles sur la terre brunâtre. Une odeur de fleurs effeuillées et de feuilles aromatiques écrasées sous les pieds s’élève du sol chauffé par le soleil. Jésus passe sur ce tapis parfumé.

Marie de Magdala, qui le suit en regardant le sol, se penche, pas à pas — on dirait une glaneuse qui suit celui qui attache les gerbes —, pour ramasser les feuilles et les corolles, et même les pétales que Jésus a foulés de son pied.

Maximin, afin de pouvoir fermer le portail et laisser un peu de paix aux hôtes, fait distribuer aux enfants des friandises déjà prêtes. C’est une manière commode d’écarter du Seigneur les enfants et de pouvoir les éloigner sans susciter des chœurs de réclamations. Les serviteurs exécutent l’ordre en portant à l’extérieur, sur le chemin, des paniers remplis de petites fouaces décorés d’une amande blonde.

581.3

Pendant que les petits s’attroupent là, d’autres serviteurs repoussent les adultes, parmi lesquels se trouvent encore Zachée et les quatre hommes de Jéricho : Joël, Judas, Eliel et Elqana. D’autres personnes sont présentes, mais j’ignore de qui il s’agit, car tous restent voilés à cause de la poussière du chemin, que soulève un vent qui souffle par rafales, et en raison du soleil, déjà fort.

Mais Jésus, qui est déjà très en avant, se retourne et dit :

« Un instant ! Je dois parler à quelqu’un. »

Il se dirige vers les frères de Jeanne et les prend à part pour leur confier :

« Je vous prie d’aller chez Jeanne et de lui demander de venir me trouver avec les femmes qui l’accompagnent, et avec Annalia, la femme disciple d’Ophel. Qu’elle vienne demain, car au coucher du soleil commencera le sabbat, et je veux le passer avec tous mes amis de Béthanie. Soyez en paix.

– Nous l’avertirons, Seigneur, et Jeanne viendra. »

Jésus les congédie et passe à Joël :

« Tu préviendras Joseph et Nicodème de mon arrivée, et tu leur diras que, le lendemain du sabbat, j’entrerai dans la ville.

– Fais attention, Seigneur ! s’exclame le scribe, qui est bon et qui s’angoisse.

– Va, et sois courageux. Un homme qui suit la justice et croit en ma vérité ne doit pas trembler. Il doit se réjouir au contraire, car l’accomplissement de la Promesse d’autrefois est venu.

– Ah ! moi, je m’enfuirai de Jérusalem, Seigneur. Je suis un homme de faible constitution, tu le vois et, tu le sais, je suis méprisé pour cette raison. Je ne pourrais voir des… des…

– Ton ange gardien te conduira. Va en paix.

– Te… te verrai-je encore, Seigneur ?

– Bien sûr, tu me verras encore. Mais en attendant de me revoir, pense que ton amour m’a donné beaucoup de joie aux moments de souffrance. »

Joël prend la main que Jésus avait posée sur son épaule et la presse contre ses lèvres ; à travers le voile fin de son couvre-chef, baisers et larmes descendent sur la main de Jésus, puis il s’éloigne.

Jésus va alors trouver Zachée :

« Où sont les tiens ?

– Ils sont autour de la fontaine, Seigneur. Je leur ai demandé de rester là.

– Va les rejoindre, et rends-toi avec eux à Bethphagé où se trouvent mes disciples les plus anciens et les plus fidèles. Demande à Isaac, leur chef, de se répandre dans la ville pour aviser tous les groupes de disciples que, le lendemain matin du sabbat, je passerai par Bethphagé, vers l’heure de tierce, puis j’entrerai dans Jérusalem pour monter solennellement au Temple. Tu diras à Isaac que cet avis concerne les seuls disciples. Il comprendra ce que j’entends par là.

– Je le comprends aussi, Maître. Tu veux surprendre les juifs pour qu’ils ne puissent s’opposer à ton entrée.

– Oui. Exécute mon désir. Rappelle-toi que c’est une charge de confiance que je te donne. Je me sers de toi et non de Lazare.

– Cela me prouve à quel point ta bonté pour moi est sans mesure. Je te remercie, Seigneur. »

Il baise la main du Maître et s’en va.

581.4

Jésus se dispose à revenir auprès de ses hôtes mais, du portail par où les derniers sont en train de sortir, poussés dehors par les serviteurs, un jeune homme se détache et court se jeter aux pieds de Jésus, en s’écriant :

« Une bénédiction, Maître ! Me reconnais-tu ? dit-il en levant son visage libre de tout voile.

– Oui, tu es Joseph, surnommé Barnabé, le disciple de Gamaliel, qui est venu à ma rencontre près de Giscala[1].

– Et je te suis depuis plusieurs jours. J’étais à Silo, venant de Giscala où j’étais allé avec le rabbi en cette période où tu étais absent, et où j’étais resté pour étudier les rouleaux jusqu’à la lune de Nisan. J’étais à Silo quand tu as parlé, je t’ai suivi à Lébona et à Sichem, puis je t’ai attendu à Jéricho, car j’avais appris que tu… »

Il s’arrête à l’improviste, comme s’il s’apercevait qu’il dit quelque chose qu’il devait taire.

Jésus sourit doucement :

« La vérité jaillit impétueusement des lèvres véridiques et dépasse souvent les digues que la prudence met devant la bouche, mais je vais achever ta pensée… “ parce que tu avais appris par Judas, resté à Sichem, que je me rendais à Jéricho pour retrouver mes disciples et leur donner mes ordres. ” Et tu es allé m’y attendre, sans te soucier d’être vu, de perdre du temps, et de manquer à ton maître Gamaliel.

– Il ne me le reprochera pas, quand il saura que c’est pour te suivre que j’ai pris du retard. Je lui porterai en cadeau tes paroles…

– Oh ! le Rabbi Gamaliel n’a nul besoin de paroles ! C’est le rabbi le plus savant d’Israël !

– Oui. Aucun autre rabbi ne peut lui enseigner quoi que ce soit d’ancien, rien, parce qu’il sait déjà tout ce qui est ancien. Mais toi, oui. Car tu as des paroles neuves, pleines de vie et de la fraîcheur de ce qui est nouveau. C’est comme la sève du printemps. C’est le rabbi Gamaliel qui l’affirme, en ajoutant que les sagesses désormais couvertes par la poussière des siècles, et par conséquent desséchées et opaques, redeviennent vivantes et lumineuses quand tu les expliques. Je lui porterai tes paroles.

– Et ma salutation. Recommande-lui d’ouvrir son cœur, son intelligence, sa vue, ses oreilles, et la question qu’il a posée il y a plus de vingt ans obtiendra sa réponse. Va ! Que Dieu soit avec toi. »

Le jeune homme s’incline de nouveau pour baiser les pieds du Maître, et s’éloigne.

581.5

Les serviteurs peuvent fermer définitivement le portail, et Jésus peut rejoindre ses amis.

« Je me suis permis d’inviter ici, pour demain, les femmes disciples, dit Jésus en se mettant à côté de Lazare et en posant son bras sur ses épaules.

– Tu as bien fait, Seigneur. Ma maison est la tienne, tu le sais. Ta Mère a préféré habiter dans la maison de Simon, et j’ai respecté son désir. Mais j’espère que, toi, tu resteras sous mon toit.

– Oui, même si… demeurer dans l’autre maison est aussi être sous ton toit. Ce fut l’une de tes premières générosités envers moi et mes amis. Tu as été si bon pour moi, mon ami !

– Et j’espère que tu pourras en profiter encore pendant longtemps, bien que ce mot soit erroné, Maître sage. Ce n’est pas moi qui suis généreux pour toi, c’est moi qui reçois de toi. Je suis ton débiteur. Et, en échange des trésors que tu m’as donnés, je dépose à peine un sou pour toi… Qu’est donc ma misérable obole, en comparaison de tes trésors ? “ Donnez, et il vous sera donné ”[2], as-tu dit. “ Une mesure bien pleine, tassée, secouée, sera versée dans le pan de votre vêtement, et vous recevrez le centuple de ce que vous avez donné. ” C’est toi l’as dit. Moi, j’ai reçu le centuple du centuple alors même que je ne t’avais encore rien donné. Ah ! je me rappelle notre première rencontre ! Toi, le Seigneur et Dieu que sont indignes d’approcher les séraphins, tu es venu vers moi, qui étais seul et affligé… enfermé ici dans ma tristesse… vers cet homme qui était Lazare, et que tous fuyaient à l’exception de Joseph, de Nicodème et de mon fidèle ami Simon qui, dans sa tombe de vivant, ne cessait pas de m’aimer… Tu n’as pas voulu que ma joie de te voir soit troublée par les éclaboussures corrosives du mépris du monde… Notre première rencontre ! Je pourrais te répéter toutes tes paroles… Que t’avais-je donc donné, alors que je ne t’avais jamais vu, pour recevoir de toi, tout de suite, le centuple du centuple ?

– Tes prières au Très-Haut, notre Père. Le nôtre, Lazare. Le mien, le tien. Le mien comme Verbe et comme homme. Le tien comme homme. Quand tu priais avec tant de foi, ne te donnais-tu pas déjà entièrement à moi ? Tu vois donc que je t’ai donné, comme il est juste, le centuple de ce que tu m’as donné…

– Ta bonté est infinie, Maître et Seigneur. Tu récompenses à l’avance et avec une divine générosité ceux que ta pensée reconnaît comme tes serviteurs, avant même qu’ils aient conscience de l’être.

– Mes amis, pas mes serviteurs. Car, en vérité, ceux qui font la volonté de mon Père et suivent la Vérité qu’il a envoyée sont mes amis et non plus mes serviteurs. Mieux : ils sont mes frères, puisqu’ils accomplissent la volonté du Père comme moi je l’ai accomplie le premier. Donc celui qui fait ce que je fais est mon ami, parce que seul l’ami fait spontanément ce que fait son ami.

– Qu’il en soit toujours ainsi entre toi et moi, Seigneur.

581.6

Quand entreras-tu en ville ?

– Le lendemain matin du sabbat.

– Je viendrai moi aussi.

– Non. Tu ne viendras pas avec moi. Je t’expliquerai pourquoi. J’ai d’autres choses à te demander…

– A tes ordres, Maître. Moi aussi, j’ai à te parler…

– Nous allons parler.

– Préfères-tu que nous passions le sabbat entre nous, ou bien puis-je inviter des amis communs ?

– Je te prierais de ne pas faire d’invitations. J’ai un grand désir de vivre ces heures dans l’amitié prudente et paisible de vous seuls, sans contrainte de pensées ou de formes. Dans la douce liberté de celui qui se trouve au milieu d’amis si chers qu’il se sent, parmi eux, comme s’il était dans sa maison.

– Comme tu veux, Seigneur. C’est d’ailleurs ce que je désirais, mais il me semblait que c’était faire preuve d’égoïsme envers mes amis. Tous ont beau être inférieurs à toi pour l’amitié — tu es mon seul Ami —, ils me sont toujours chers. Mais si c’est ce que tu désires… Tu es peut-être fatigué, Seigneur, ou préoccupé… »

Lazare interroge davantage par son regard que par ses paroles son Ami et Maître qui ne lui répond pas autrement que par la lumière de son regard un peu triste, un peu pensif, et par un faible sourire.

Ils sont restés seuls près du bassin où chante le jet d’eau… Les autres sont tous rentrés dans la maison d’où provient un bruit de voix et de vaisselle…

A deux ou trois reprises, Marie de Magdala passe sa tête blonde par la porte, cachée par un lourd rideau qui ondule légèrement au vent. Le vent augmente, tandis que le ciel se couvre de nuages déchiquetés, de plus en plus sombres.

581.7

Lazare lève la tête pour scruter le ciel.

« Nous allons peut-être avoir un orage » dit-il, avant d’ajouter : « Il servira à faire ouvrir les bourgeons rebelles, qui ont pris beaucoup de retard, cette année… Ce sont probablement les froids tardifs qui en sont la cause. Mes amandiers aussi ont souffert, et beaucoup de fruits sont perdus. Joseph me disait que son jardin en dehors de la Porte Judiciaire semble tout à fait stérile, cette année. Les arbres retiennent leurs bourgeons comme si on leur avait jeté un sort. C’est au point qu’il se demande s’il doit les laisser ou les vendre pour le bois. Il n’y a rien, pas la moindre fleur. Ils en sont au même point qu’au mois de Tébèt. Les têtes des bourgeons, durs, serrés, n’en finissent plus de gonfler. Il est vrai que le vent du nord y est particulièrement fort, et il a beaucoup soufflé, cet hiver. Même les fruits de mon jardin de l’autre côté du Cédron ont été abîmés. Mais le phénomène du jardin de Joseph est si bizarre, que beaucoup de gens vont voir cet endroit qui ne veut pas se réveiller au printemps. »

Jésus sourit…

« Tu souris ? Pourquoi ?

– A cause de la puérilité de ces éternels enfants que sont les hommes. Tout ce qui paraît étrange les fascine… Mais le verger fleurira. Au bon moment.

– Ce moment est déjà passé, Seigneur. Quand donc, à la lune de Nisan, une telle quantité d’arbres rassemblés en un même lieu ne montrent-ils pas qu’ils ont fleuri ? Jusqu’à quand cet endroit doit-il attendre pour le faire, pour que ce soit le bon moment ?

– Quand il leur faudra glorifier Dieu par leur floraison.

– Ah ! j’ai compris ! Tu iras là-bas bénir cet endroit par amour pour Joseph, et il fleurira pour rendre gloire à Dieu et à son Messie par un nouveau miracle ! C’est sûr ! Tu y vas. Si je vois Joseph, puis-je le lui dire ?

– Si tu crois devoir le dire… Oui, j’y serai…

– Quel jour, Seigneur ? Je voudrais y être moi aussi.

– Es-tu toi aussi un éternel enfant ? »

Jésus sourit plus vivement, en hochant la tête avec bonhomie devant la curiosité de son ami, qui s’écrie :

« Je suis heureux de t’avoir réjoui, Seigneur. Je retrouve ton visage illuminé par un sourire que je ne voyais plus depuis longtemps ! Alors… je viens ?

– Non, Lazare. Pour la Parascève, tu me seras nécessaire ici.

– Mais, à la Parascève, on ne s’occupe que de la Pâque ! Toi… Maître, pourquoi veux-tu t’exposer à des reproches ? Vas-y un autre jour…

– Je serai contraint d’aller là-bas précisément à la Parascève. Mais je ne serai pas le seul à agir d’une manière qui ne se bornera pas à préparer la Pâque ancienne. Même les plus rigoureux d’Israël : un Elchias, un Doras, Simon, Sadoq, Ismaël et jusqu’à Caïphe et Hanne feront des actes radicalement nouveaux…

– Israël devient donc fou ?

– Exactement.

– Mais toi… Ah ! voilà qu’il pleut. Entrons dans la maison, Maître… Je suis soucieux… Tu ne vas pas m’expliquer…

– Si. Avant de te quitter, je t’en parlerai…

581.8

Voici ta sœur qui a peur que nous soyons mouillés et accourt avec une toile épaisse… Ah ! Marthe, tu es toujours prudente et active. Mais il ne pleut pas beaucoup.

– Ma sœur chérie ! Ou plutôt : mes sœurs… Maintenant, elles sont toutes les deux comme deux tendres fillettes, ignorantes de toute malice, Marie comme elle. Et quand Marie est arrivée de Jéricho, avant-hier, elle ressemblait vraiment à une fillette, avec ses tresses qui lui tombaient sur les épaules : elle avait en effet vendu ses épingles à cheveux pour procurer des sandales à un jeune garçon, et les épingles de fer, trop flexibles, n’arrivaient pas à tenir en place sa crinière. Elle riait en descendant du char et me disait : “ Mon frère, j’ai appris ce que signifie devoir vendre pour acheter, et combien les choses les plus simples sont difficiles pour le pauvre, par exemple faire tenir les cheveux en place avec des épingles au prix de vingt pour une didrachme. Mais je m’en souviendrai, afin d’être encore plus miséricordieuse à l’avenir pour les pauvres. ” Comme tu l’as changée, Seigneur ! »

Au moment où ils posent le pied dans la maison, Marie est déjà toute prête, avec des amphores et des bassins pour le Seigneur. Elle ne cède à personne l’honneur de le servir, et elle n’est pas satisfaite avant d’avoir restauré les membres et l’appétit de son Maître, et de le voir aller avec des sandales neuves vers la pièce qui lui est destinée, où sa Mère l’attend avec un frais vêtement de lin tout parfumé par le soleil…

581.1

They must have stopped half-way between Jericho and Bethany because, when they arrive at the first houses in Bethany, the last drops of dew are evaporating on leaves and stems in meadows and the sun is still rising in the vault of heaven.

The farmers of the area drop their tools and rush around Jesus, Who is passing blessing men and plants, as insistently requested by the peasants. And some women and children come towards Him with the first almonds still wrapped in the light silver-green plush of the husks, and with the last blossoms of the late fruit-trees. I notice, however, that here, in the area of Jerusalem, probably because of the altitude, or because of the winds blowing from the highest mountain tops in Judaea, or I do not know for which other reason, perhaps also because the trees are different, there are many trees still blossoming and they look like light white-rosy clouds hanging over the green meadows.

The tender vine leaves quiver under the high tree-trunks like large butterflies of a precious emerald hue, tied to the rough vine-shoots.

581.2

While Jesus stops at the fountain, which is located where the country ends and the village begins, and He is respectfully greeted by almost the whole population of Bethany, Lazarus arrives with his sisters and they prostrate themselves before their Lord.

Although little more than two days have gone by since Mary left her Master, she seems not to have seen Him for ages, so untiring she is in kissing his dusty feet in his sandals.

«Come, my Lord. Our home is awaiting You to rejoice at Your presence» says Lazarus standing beside Jesus, while they proceed slowly, as the crowds allow them to do. The people in fact throng around Him and the children cling to Jesus’ garments and walk in front of Him, with their heads raised looking at Him, so that they stumble and make Him stumble, so much so that Jesus first and then Lazarus and the apostles pick up the smaller ones in their arms, to be able to walk faster.

At a junction with a lane leading to Simon Zealot’s house, there is Mary with her sister-in-law, Salome and Susanna. Jesus stops to greet His Mother, and then He goes on as far as the large wide open gate where Maximinus, Sarah and Marcella are, and behind them all the many servants of the house, beginning with those employed in the house and ending with those working in the fields. They are all in order, very happy and excited in their joy that bursts into hosannas, while they wave their headgears and veils and they throw flowers and leaves of myrtle and laurel, of roses and jasmins, which shine in the sun with their splendid corollas or spread like white stars on the dark ground. The scent of plucked flowers and trodden aromatic leaves rises from the ground warmed by the sun. Jesus passes on the sweet-smelling carpet.

Mary of Magdala, who follows Him looking at the ground, stoops, step by step, looking like a gleaner who follows the man tying the sheaves, to pick up the leaves and corollas and also the plucked petals that have been pressed by Jesus’ feet.

Maximinus, in order to be able to close the gate and give peace to the guests, orders the servants to give cakes, that have already been prepared, to the children. A practical way to distract the children’s attention from the Lord and thus send them away without rousing a chorus of complaints. And the servants carry out the order taking out into the street baskets full of small cakes decorated with white-brown almonds.

581.3

And while the little ones crowd there, other servants push back the adults, among whom there is still Zacchaeus and his four friends – Joel, Judas, Eliel and Elkanah – and others whom I do not know, because they are all covered with veils, to protect themselves from the dust raised by a rather heavy wind and from the sun, which is already strong.

But Jesus, Who is already far ahead, turns around and says: «Wait! I have something to tell some of you.»

And He goes towards Johanna’s brothers and He takes them aside saying: «Please go to Johanna and tell her to come to Me with all the women who are with her and with Annaleah, the disciple from Ophel. Tell her to come tomorrow, because the Sabbath begins at sunset, tomorrow and I want to spend it with my friends of Bethany. In peace.»

«We will tell her, Lord. And she will come.»

Jesus dismisses them and He goes to Joel: «You will tell Joseph and Nicodemus that I have come and that on the day after the Sabbath I will enter the town.»

«Oh! Be careful, Lord!» says the good scribe anxiously.

«Go. And be strong. He who follows justice and believes in my truth must not be afraid. But he must rejoice because the accomplishment of the ancient Promise is about to take place.»

«Ah! I will run away from Jerusalem, Lord. I am a man of a delicate constitution, as You can see and You know, and I am laughed at because of that. I could not stand any…»

«Your angel will guide you. Go in peace.»

«Shall I… see You again, Lord?»

«Of course you will see Me again. But until you see Me again consider that your love has given Me so much joy in the hours of sorrow.»

Joel takes the hand that Jesus had laid on his shoulder and presses it against his lips; through the thin veil of his headgear kisses and tears descend upon Jesus’ hand.

He then goes away and Jesus goes to Zacchaeus: «Where are your friends?»

«They remained at the fountain, Lord. I told them to stay there.»

«Join them and go with them to Bethphage where my earliest and most faithful disciples are. Tell Isaac, their chief, to spread through the town and inform all the groups of disciples that the morning after the Sabbath, about the third hour, I will pass through Bethphage and enter Jerusalem and I will go up to the Temple in a solemn way. Tell Isaac that this information is for the disciples only. He will understand what I mean.»

«I understand as well, Master. You want to surprise the Judaeans so that they may not be able to hinder your entrance.»

«Exactly. So do as I told you. Remember that I am entrusting you with a confidential task. I am making use of you and not of Lazarus.»

«And that tells me how your kindness to me is incommensurable. I thank You, Lord.»

He kisses the Master’s hand and goes away.

581.4

Jesus is about to go back to his hosts. But from the gate from which the last people are coming out, pushed by the servants, a young man departs and runs towards Jesus, throwing himself at his feet and shouting: «A blessing, Master! Do You recognise me?» raising his head, which is not veiled.

«Yes. You are Joseph named Barnabas, the disciple of Gamaliel, and you came to meet Me near Giscala[1]

«And I have been following You for many days. I was at Shiloh, on my way from Giscala where I had gone with the rabbi while You were absent, and where I remained studying the rolls until the month of Nisan. I was at Shiloh when You spoke, and I followed You to Lebonah and to Shechem, and I waited for You at Jericho, because I had heard that You…» He suddenly stops as if he realised that he was about to say what he was not to mention.

Jesus smiles kindly and says: «The truth bursts out impetuously from sincere lips, and it often flows over the dams that prudence places before people’s mouths. But I will complete your thought… “because you had heard from Judas of Kerioth, who remained at Shechem, that I was going to Jericho to join My disciples and give them My instructions.” And you went there to wait for Me without worrying about being seen, about wasting your time and being away from your master Gamaliel.»

«He will not reproach me when he learns that I delayed in order to follow You. I will take him Your words as a gift…»

«Oh! Rabbi Gamaliel does not need words. He is the wise rabbi of Israel!»

«Yes. No other rabbi can teach him anything of what is ancient, nothing, because he knows everything that is ancient. But You can. You have new words, full of the fresh life of what is new. Your word is like the sap of springtime. That is what rabbi Gamaliel says, and he adds that the wisdom by now covered with the dust of ages, and thus dry and dull, becomes lively and bright when Your word explains it. Oh! I will take him Your words.»

«And my greetings. Tell him to open his heart, his intellect, his sight, his hearing; and his more than twenty year old question will be answered. Go. God be with you.»

The youth stoops again to kiss the Master’s feet and goes away.

581.5

The servants can at last close the gate and Jesus can join His friends.

«I took the liberty of inviting the women disciples here for tomorrow» says Jesus standing beside Lazarus on whose shoulder He lays His arm.

«You did the right thing, Lord. My house is Yours, as You know. Your Mother preferred to stay in Simon’s house. And I respected Her desire. But I hope that You will stay under my roof.»

«Yes, I will. Although… also the other house is your roof. One of your first generous actions on My friends’ behalf and Mine. How many of them you have done, My dear friend!»

«And I hope I shall be able to go on doing them for a long time. Although that is the wrong word, wise Master. I am not being generous to You. You are being generous to me. I am the debtor. And if before the treasures You have given me, I lay a farthing for You, what is my miserable gift as compared with Your treasures? “Give and it will be given to you” You said[2]. “A shaken and pressed measure will be poured on your lap and you will receive one hundredfold of what you have given” You say. I received one hundredfold of a hundredfold even when I had not given You anything. Oh! I remember our first meeting! You, the Lord and God, Whom seraphim are not worthy to approach, came to me, when I was all alone and distressed… closed in here, in my sadness, You came to Lazarus, the man shunned by everybody, except Joseph and Nicodemus and my faithful friend Simon, who from his sepulchre of a living being did not cease to love me… You did not want my joy in seeing You to be perturbed by the corrosive splashes of the world’s contempt… Our first meeting! I could repeat all the words You spoke then… What had I given You then, if I had ever seen You, that I should receive from You, at once, one hundredfold of one hundredfold?»

«Your prayers to our Most High Father. Ours, Lazarus. Mine. Yours. Mine as the Word and as Man. Yours as man. When you prayed then with so much faith, were you not already giving Me your whole self? So you can see that, as it is fair, I gave you one hundredfold of what you were giving Me.»

«Your goodness is infinite, Master and Lord. You reward in advance, and with divine generosity, those whom Your thought acknowledges as Your servants even before they realise to be such.»

«My friends, not my servants. Because, really, those who do the will of my Father and follow the Truth that He has sent, are my friends, not my servants. Even more: my brothers, as I am the first to do the will of the Father. So whoever does what I do is my friend, because only a friend does spontaneously what his friend does.»

«May it be so forever between You and me, Lord.

581.6

When are You going to town?»

«The morning after the Sabbath.»

«I will come as well.»

«No. You will not come with Me. I will tell you why. I have other things to ask of you…»

«As You wish, Master. I have to speak to You as well…»

«We shall speak.»

«Do You prefer to spend the Sabbath among ourselves, or can I invite our mutual friends?»

«Please do not invite anybody. I am anxious to spend these hours in prudent peaceful friendship with you alone, without any constraint of thought or formality, in the kind freedom of one who is among such dear friends as to feel at home.»

«As You wish, Lord. In actual fact… that is what I wanted. But I thought I was being selfish towards my friends. They are all inferior in friendship to You, my only Friend, but still so dear. But if that is what You wish… Perhaps You are tired, Lord. Or pensive…» Lazarus questions his Friend and Master more with his eyes than with his words, and Jesus replies to him only with his rather sad and somewhat absorbed eyes and with a faint smile of his lips.

They are now alone near the fountain, whose jet of water sounds like a song… All the others have gone into the house and one can hear voices and the noise of kitchenware…

Mary of Magdala twice or three times puts her fair-haired head out of the door protected by a heavy curtain waving lightly in the wind that is getting stronger, while the sky is overcast with clouds that are becoming more and more ruffled and dark.

581.7

Lazarus raises his head scanning the sky. «I think we are going to have a storm», he says. And he adds: «It will help the obstinate buds to open, as they have much difficulty in doing so this year… Perhaps the late severity of the weather has delayed the shoots. Also my almond-trees have suffered and much fruit has been lost. Joseph was telling me that one of his kitchen gardens outside the Judicial Gate appears to be completely unfruitful this year. The trees are restraining the buds, as if they had been laid under a spell. So much so that he is undecided whether he should leave them or sell them as firewood. Nothing. Not one blossom. They are now exactly as they were in the month of Tebeth. Tiny heads of buds, so hard and closed that never swell. It is true that the northern wind is very strong there and it blew continuously during winter. Also the fruits of my kitchen garden beyond the Kidron were damaged. But what is happening in Joseph’s kitchen garden is so strange that many people go to see that place that refuses to awake in springtime.»

Jesus smiles…

«Are You smiling? Why?»

«Because of the childishness of men, the eternal children. They are charmed by everything that appears to be strange… But the orchard will blossom. At the right time.»

«The right time is already past, Lord. When have many trees in one place not blossomed in the month of Nisan? How long has that place still to wait for the right moment?»

«When it is time to give glory to God with their blossoming.»

«Ah! I see! You will go there to bless that place, for Joseph’s sake, and it will blossom giving new glory to God and to His Messiah by means of a new miracle! It is so! You are going there. Can I tell Joseph if I see him?»

«If you think that you should tell him… Yes. I shall be going there…»

«When, Lord? I should like to be there as well.»

«Are you an eternal child, too?» Jesus smiles more heartily shaking His head goodnaturedly at the curiosity of His friend who exclaims: «Oh! I am happy that I have cheered You up, Lord. I once again see Your face bright with a smile, as I had not seen for a long time! So… shall I come?»

«No, Lazarus. I shall need you here on Preparation Day.»

«Oh! But on Preparation Day we attend only to Passover! You… Master, why do You want to do something for which You will be rebuked? Go there some other day…»

«I shall be compelled to go in there just on Preparation Day. But I shall not be the only one to do something which is not in preparation for the old Passover. Also the most severe people in Israel, such as Helkai, Doras, Simon, Sadoc, Ishmael and even Caiaphas and Annas will do entirely new things…»

«So is Israel going mad?!»

«You have said it.»

«But You… Oh! here is the rain. Let us go into the house, Master… I… am worried… Will You not explain to me…»

«Yes. Before leaving you I will tell you…

581.8

There is your sister coming with a heavy cloth, as she is afraid we might get wet… Oh! Martha! You are always provident and active. But it is not a heavy rain.»

«My dear sister! Nay, my sisters. They are now both like two tender girls unaware of malice, both Mary and this one. And when Mary came from Jericho the day before yesterday, she really looked like a young girl, with her plaits hanging down her body, as she had sold her hairpins to buy sandals for a boy, and the thin iron hairpins were not strong enough to support her hair. She laughed and coming off the wagon she said to me: “My dear brother, I have experienced what it means having to sell in order to buy, and I have learned how even the most simple things are difficult for the poor, such as having to keep your hair tidy by means of hairpins, twenty of which are worth a didrachma. I shall remember that to be even more merciful to poor people in future.” How much You have changed her, Lord!»

The woman of whom they are speaking while setting foot in the house is already there with amphorae and basins to serve her Lord. She will not surrender the honour of serving Him to anybody, and she is not satisfied until she has restored the limbs and appetite of her Master and she sees Him go, wearing fresh sandals, towards the room allotted to Him and where His Mother is waiting for Him with a fresh linen garment still smelling of sunshine…


Notes

  1. qui est venu à ma rencontre près de Giscala, en 471.3.
  2. Donnez et il vous sera donné se trouve dans les dernières lignes de 171.4.

Notes

  1. to meet Me near Giscala, in 471.3.
  2. You said, in 171.4 (the last lines).