The Writings of Maria Valtorta

582. Le vendredi avant l’entrée à Jérusalem :

582. The eve of the Sabbath before the entering

582.1

« Vous pouvez aller où bon vous semble. Aujourd’hui, je reste ici avec Judas et Jacques. Les femmes disciples doivent arriver » dit Jésus à ses apôtres rassemblés autour de lui sous le portique de la maison. Et il ajoute : « Toutefois, faites en sorte d’être tous revenus avant le coucher du soleil. Et soyez prudents. Cherchez à passer inaperçus pour éviter des représailles contre vous.

– Moi, je reste ici. Que ferais-je à Jérusalem ? déclare Pierre.

– En revanche, moi j’y vais » dit Thomas. « Mon père m’attend certainement. Il veut offrir le vin. C’est une vieille promesse[1], mais tenue comme toujours, car mon père est un homme honnête. Vous verrez quel vin nous aurons au banquet pascal ! Les vignes de mon père, à Rama, sont célèbres dans toute la région.

– Les vins de Lazare sont excellents aussi. Je n’ai pas oublié le banquet des Encénies… rétorque Matthieu, involontairement gourmand.

– Alors, demain, tu te rafraîchiras la mémoire plus que jamais, car je crois savoir que Lazare commande un grand banquet. J’ai vu certains préparatifs… signale Jacques, fils de Zébédée.

– Ah oui ? Est-ce que d’autres viendront ? demande André.

– Non. J’ai posé cette question à Maximin, qui m’a répondu que non.

– Ah ! sinon, j’aurais porté le vêtement neuf que mon épouse m’a envoyé, dit Philippe.

– Moi, je le ferai. Je voulais le mettre pour la Pâque. Mais je le mettrai demain. Nous serons sûrement plus tranquilles ici, demain, que dans quelques jours… » déclare Barthélemy, avant de s’interrompre, l’air pensif.

– Moi, je m’habille à neuf pour l’entrée dans la ville. Et toi, Maître ? demande Jean.

582.2

– Moi aussi. Je porterai le vêtement teint de pourpre[2].

– Tu auras l’air d’un roi ! lance avec admiration le disciple préféré qui l’imagine déjà…

– Ah ! si je n’avais pas été là pour y penser ! Cette pourpre, c’est moi qui l’ai procurée, il y a des années… se vante Judas.

– Vraiment ? Oh ! on l’avait bien oublié… Le Maître est toujours si humble…

– Trop humble : il est temps, désormais, qu’il soit Roi. Assez attendu ! S’il n’est pas un roi sur un trône, qu’au moins, en raison de sa dignité, il porte des vêtements conformes à son rang. Moi, je pense à tout !

– Tu as raison, Judas. Toi, tu es du monde. Nous… nous sommes de pauvres pêcheurs… » disent humblement les apôtres originaires de la région du lac…

Et comme il arrive toujours dans la lumière du monde, dans la lumière fausse, crépusculaire du monde, le bas alliage de métal de Judas paraît être un métal plus noble que l’or grossier, mais pur, sincère, honnête, des cœurs galiléens…

Jésus qui parlait avec Simon le Zélote et les fils d’Alphée, se retourne et regarde Judas, puis ces hommes simples, si humbles et si mortifiés de… ne pas être à la hauteur de Judas… et il hoche la tête en silence.

582.3

Mais, voyant que Judas noue les lacets de ses sandales et ajuste son manteau, comme s’il allait se mettre en route, il lui demande :

« Où vas-tu ?

– En ville.

– J’ai dit que je te retenais avec Jacques…

– Ah ! je croyais que tu parlais de Jude[3], ton frère… Alors… moi… je suis prisonnier… Ah ! Ah ! »

Il a un mauvais rire.

« Béthanie n’a ni chaînes ni barreaux, je crois. Il y a seulement le désir de ton Maître, et je serais heureux d’être son prisonnier, fait remarquer Simon le Zélote.

– Je plaisantais, naturellement… C’est que… je voudrais avoir quelques nouvelles de ma mère. Les pèlerins de Kérioth sont sûrement arrivés et…

– Non. Dans deux jours, nous serons tous à Jérusalem. Maintenant, tu restes ici, ordonne Jésus d’un ton ferme.

Judas n’insiste pas. Il enlève son manteau en disant :

« Et alors qui va en ville ? Il serait bon de connaître l’humeur des gens… ce que font les disciples… Je voulais aussi aller m’en rendre compte auprès des amis… Je l’avais promis à Pierre…

– Peu importe, reste ici. Rien de ce que tu mentionnes n’est vraiment nécessaire.

– Mais si Thomas y va…

582.4

– Maître, moi aussi je voudrais y aller, car je l’ai promis, moi aussi. J’ai des amis chez Hanne et… commence Jean.

– Tu te rendrais là-bas, mon fils ? Et s’ils te prennent ? demande Salomé, qui s’est approchée.

– S’ils me prennent ? Qu’ai-je fait de mal ? Rien. Je ne dois donc pas craindre le Seigneur. Par conséquent, même s’ils me prennent, je n’aurai pas peur.

– Voyez ce lionceau fanfaron ! Tu ne trembleras pas ? Ignores-tu donc à quel point ils nous haïssent ? C’est la mort, sais-tu, s’ils nous prennent ! s’écrie Judas pour l’effrayer.

– Et toi, alors, pourquoi veux-tu y aller ? Aurais-tu l’impunité ? Qu’as-tu fait pour l’obtenir ? Dis-le moi, et je t’imiterai. »

Judas esquisse un geste de peur ou de colère, mais le visage de Jean est si limpide que le traître se rassure. Il comprend qu’il n’y a ni piège ni soupçon dans ces paroles, et il répond :

« Je n’ai rien fait. Mais j’ai quelques bons amis auprès du Proconsul, et donc…

582.5

– Bien ! Celui qui veut venir, qu’il vienne, puisqu’il ne pleut plus. On perd du temps ici, et à sexte peut-être qu’il pleuvra de nouveau. Que celui qui veut venir se dépêche, exhorte Thomas.

– J’y vais, Maître ? demande Jean.

– Oui.

– Et voilà ! C’est toujours la même chose ! Lui, oui ; les autres, oui ; moi, non. Toujours non !

– Je tenterai d’obtenir des nouvelles de ta mère, propose Jean pour le calmer.

– Et moi aussi. Je vous accompagne, Thomas et toi » dit Simon le Zélote avant d’ajouter : « Mon âge servira de frein aux jeunes, Maître. Et je connais bien les pèlerins de Kérioth. Si j’en vois un, j’irai le trouver. Je t’apporterai des nouvelles de ta mère, Judas. Sois bon ! Sois tranquille ! C’est la Pâque, Judas. Tous, nous sentons la paix de cette fête, la joie de cette solennité. Pourquoi veux-tu être, toi seul, toujours si inquiet, si sombre, mécontent, sans paix ? La Pâque, c’est le passage de Dieu… Pour nous autres, Hébreux, la Pâque fête la libération d’un joug pénible. Le Très-Haut nous en a délivrés. Maintenant, comme on ne peut pas réitérer l’événement d’autrefois, elle reste son symbole individuel… La Pâque représente la libération des cœurs, la purification, le baptême, si tu veux, dans le sang de l’agneau pour que les forces ennemies ne fassent plus de mal à celui qui en porte la marque. C’est si beau de commencer l’année nouvelle par cette fête de purification, de libération, d’adoration de Dieu, notre Sauveur… Oh ! excuse-moi, Maître ! J’ai parlé alors que j’aurais dû me taire, car tu es ici pour corriger nos cœurs…

– C’est aussi ce que je pensais, Simon. J’ai maintenant deux maîtres au lieu d’un, et cela me paraît trop ! » lance Judas, irascible.

582.6

Pierre, cette fois, ne peut se contenir, et il décoche :

« Et si tu n’arrêtes pas, tu vas bientôt en avoir un troisième, et ce sera moi. Et je te jure que j’aurai des arguments plus persuasifs que des paroles.

– Tu lèverais la main sur un de tes compagnons ? Après tant d’efforts pour maîtriser le vieux Galiléen, ta vraie nature revient donc à la surface ?

– Elle ne revient pas à la surface : elle a toujours été claire en surface. Je n’essaie pas de feindre, moi. Mais c’est que, pour les ânes sauvages comme toi, il n’y a qu’un argument pour les dompter : les coups. Tu devrais avoir honte d’abuser de sa bonté et de notre patience ! Viens, Simon ! Viens, Jean ! Viens, Thomas ! Adieu, Maître. Je pars moi aussi, car si je reste… non, vive Dieu, c’est que je ne peux plus me retenir. »

Pierre saisit son manteau, qui était posé sur un siège, et l’enfile en toute hâte. Il est si énervé qu’il ne voit pas qu’il met le haut en bas, et Jean doit l’avertir de l’erreur et l’aider à s’habiller comme il faut. Alors Pierre s’éloigne brusquement, en frappant du pied sur le sol pour se défouler de sa colère. On dirait un petit taureau emballé.

Quant aux autres… les autres sont comme des livres ouverts sur lesquels on peut tout lire. Barthélemy lève son visage émacié de vieillard vers le ciel encore orageux, et paraît étudier les vents pour ne pas avoir à étudier les visages : celui, trop attristé, du Christ, et celui, trop perfide, de Judas. Matthieu et Philippe observent Jude, dont les yeux, semblables à ceux de Jésus, brillent de colère, et une même pensée s’empare d’eux : ils le prennent entre eux deux et le poussent dehors, vers l’allée intérieure qui mène à la maison de Simon en lui disant :

« Ta mère avait besoin de nous pour ce travail. Viens toi aussi, Jacques, fils de Zébédée. »

Et ils entraînent aussi le fils de Salomé. André regarde Jacques, fils d’Alphée, et Jacques le regarde : leurs deux visages reflètent la même douleur contenue. Ne sachant que dire, ils se prennent par la main comme deux enfants, et s’éloignent tristement.

Des femmes disciples, il n’y a que Salomé, qui n’ose ni bouger ni parler, mais qui ne sait pas davantage se décider à s’éloigner, comme si elle désirait par sa présence réfréner d’autres paroles de l’apôtre indigne. Heureusement, aucun membre de la famille de Lazare n’est présent. La Vierge Marie est, elle aussi, absente.

582.7

Judas se voit seul avec Jésus et Salomé. Il ne veut pas être avec eux, et il leur tourne le dos pour s’éloigner vers le pavillon des jasmins.

Jésus le regarde partir, il le surveille. Il voit qu’après avoir feint de s’asseoir dans le pavillon, Judas se glisse en douce par une issue arrière et s’enfonce dans les haies de roses, de lauriers et de buis qui séparent le vrai jardin du terrain des aromates, là où se trouvent les ruches. De là, on peut sortir par l’une des portes secondaires, ouvertes dans les murs du vaste jardin. C’est en fait un vrai parc qui, de deux côtés, se termine en hautes haies, doubles comme une avenue, qui aboutissent çà et là à des grilles. Celles-ci permettent d’accéder aux prés, aux champs, aux vergers et aux oliveraies, et aussi à la maison de Simon, qui continuent le jardin dans les domaines, en les tenant à la fois unis et séparés. Sur les deux autres côtés, le parc est entouré de murailles puissantes longeant deux voies : une route principale, sur laquelle débouche la route secondaire qui, coupant Béthanie, continue vers Bethléem.

Jésus se dresse autant qu’il le peut et se déplace quand il le faut, et ses yeux flamboient à la vue de la fuite de Judas.

582.8

Marie Salomé s’en aperçoit et, bien que sa petite taille l’empêche de voir, elle devine ce qui est en train de se passer au bout du parc, et elle murmure :

« Aie pitié de nous, Seigneur ! »

Jésus entend ce soupir et se retourne un instant pour regarder cette bonne et simple disciple. Certes, elle a pu avoir une pensée d’orgueil maternel, quand elle a demandé des places d’honneur pour ses fils, mais au moins, elle pouvait le faire, car ce sont de bons apôtres ; elle a accueilli avec humilité la réprimande du Maître, sans en être offensée. Au lieu de s’éloigner de lui, elle s’est rendue plus humble, plus empressée auprès du Maître qu’elle suit comme son ombre quand c’est possible, et dont elle étudie les moindres expressions afin de pouvoir prévenir ses désirs et lui faire plaisir. Cette fois encore, la bonne et humble Salomé cherche à consoler le Maître, à apaiser le soupçon qui le fait souffrir :

« Tu vois ? Il ne va pas loin. Il a jeté là son manteau et ne l’a pas repris. Il va marcher dans les prés, donner libre cours à sa mauvaise humeur… Jamais Judas ne se rendrait en ville sans être en grande tenue…

– Il irait même nu s’il voulait y aller. Et en effet… Regarde ! Viens ici !

– Oh ! il essaie d’ouvrir la grille ! Mais elle est fermée ! Il appelle un serviteur du rucher ! »

Jésus crie à haute voix :

« Judas ! Attends-moi ! Je dois te parler. »

Il est sur le point de s’éloigner, quand Salomé reprend.

« Je t’en prie, Seigneur, je vais appeler Lazare… ta Mère… N’y va pas tout seul ! »

Jésus, tout en marchant rapidement, se retourne un peu et dit :

« Je t’ordonne de ne pas le faire. Tais-toi, au contraire. Avec tout le monde. Si on me demande, je suis sorti marcher un peu avec Judas. Si les femmes disciples viennent, qu’elles attendent, je ne tarderai pas. »

Salomé ne bouge pas, tout comme Judas. L’une près de la maison, l’autre près de l’enceinte, ils restent là où la volonté de Jésus les a arrêtés et le regardent : l’une le voit s’éloigner, l’autre venir.

582.9

« Ouvre la porte, Jonas. Je sors un moment avec mon disciple, et si tu restes ici, il n’est pas nécessaire que tu la refermes derrière nous. Je serai bientôt de retour » dit-il avec bonté au serviteur paysan, qui était resté avec la grosse clé dans les mains, interdit.

La petite porte, une lourde porte de fer, grince autant que la clé pour faire jouer la serrure.

« C’est une porte qu’on ouvre rarement » dit le serviteur en souriant. « Hé ! tu t’es rouillée ! Quand on reste oisif, on se gâte… La rouille, la poussière… les gamins… C’est comme pour nous, quand nous ne nous occupons pas de notre âme !

– Bravo, Jonas ! Tu as eu une sage pensée. Beaucoup de rabbis te l’envieraient.

– Ce sont mes abeilles qui me les suggèrent… et tes paroles. Vraiment, ce sont tes paroles. Mais ensuite, les abeilles m’aident à mieux les interpréter. Car rien n’est sans voix, quand on sait comprendre. Et je me dis : si les abeilles obéissent à l’ordre de leur Créateur — or ce sont des insectes dont je ne puis savoir où elles ont le cerveau et le cœur —, moi, qui ai cœur, cerveau et âme, et qui entends le Maître, ne dois-je pas savoir faire ce qu’elles font, et travailler sans cesse pour agir conformément à ce que le Maître nous enseigne ? Car c’est ainsi que je pourrai rendre mon esprit beau, clair, sans la rouille, la boue, ou la paille placées dans le mécanisme par les esprits infernaux, sans aussi les pierres et autres pièges ?

– Tu parles vraiment bien. Imite tes abeilles : ton âme deviendra un riche rucher, rempli de vertus précieuses, et Dieu viendra s’y complaire. Adieu, Jonas. Que la paix soit avec toi. »

Il pose la main sur la tête grisonnante du serviteur, qui se tient penché devant lui, et sort sur la route pour marcher en direction des prés de trèfle rouge, beaux comme d’épais tapis verts et cramoisis. Les abeilles y volent de fleur en fleur comme autant d’étincelles bourdonnantes.

582.10

Quand ils sont assez loin de l’enceinte pour que personne ne puisse rien entendre du jardin de Lazare, Jésus dit :

« Tu as entendu ce serviteur ? C’est un paysan. C’est déjà beaucoup s’il peut lire quelques mots… Et pourtant… Ses paroles auraient pu être sur mes lèvres sans que mon enseignement de Maître paraisse mince. Il sent qu’il faut veiller pour que les ennemis de l’esprit ne nuisent pas à l’âme… Or… c’est précisément pour cette raison que je te garde auprès de moi, et tu me hais à cause de cela ! Je veux te défendre d’eux et de toi-même, et tu me hais. Je te fournis le moyen de te sauver — cela t’est encore possible —, et tu me hais. Je te le dis encore une fois : éloigne-toi, Judas, va au loin. N’entre pas à Jérusalem. Tu es malade. Ce n’est pas un mensonge de dire que tu es si malade que tu ne peux participer à la Pâque. Or il est permis par la Loi de fêter la Pâque supplémentaire quand la maladie ou quelque autre raison grave empêche de célébrer la Pâque solennelle. Profite de cette possibilité. Je prierai Lazare — c’est un ami prudent, et il ne te posera aucune question — de te conduire aujourd’hui même au-delà du Jourdain.

– Non. Je t’ai demandé de nombreuses fois de me chasser. Tu n’as pas voulu. Maintenant, c’est moi qui ne veux pas.

– Tu ne veux pas ? Tu ne veux pas te sauver ? Tu n’as pas pitié de toi-même ? Pas pitié de ta mère ?

– Tu devrais me dire: “ Tu n’as pas pitié de moi ? ” Tu serais plus sincère.

– Judas, mon malheureux ami, ce n’est pas pour moi que je t’en prie ! C’est pour toi, pour toi !

582.11

Regarde : nous sommes seuls, toi et moi. Tu sais qui je suis, je sais qui tu es. C’est le dernier moment de grâce qui nous est encore accordé pour empêcher ta perte… Oh ! ne ricane pas ainsi sataniquement, mon ami. Ne te moque pas de moi comme si j’étais fou parce que je parle de “ ta perte ” et non de la mienne. La mienne n’est pas une perte. La tienne, si… Nous sommes seuls : toi et moi, et au-dessus de nous, il y a Dieu… Dieu ne te maudit pas encore, Dieu assiste à cette lutte suprême entre le Bien et le Mal qui se disputent ton âme. Au-dessus de nous, il y a le Ciel qui nous observe, ce Ciel qui bientôt se remplira de saints. Déjà ils tressaillent, là où ils attendent, parce qu’ils sentent venir la joie… Judas, parmi eux, il y a ton père…

– C’était un pécheur. Il n’y est pas.

– C’était un pécheur, mais pas un damné. La joie s’approche donc pour lui aussi. Pourquoi veux-tu mêler sa joie de douleur ?

– Il ne connaît plus la douleur. Il est mort.

– Non. Il souffre de te voir coupable, toi… oh ! ne m’arrache pas ce mot !…

– Mais si ! Mais si ! Prononce-le donc ! Je me le répète depuis des mois ! Je suis damné, je le sais. On ne peut plus rien y changer.

– Tout est possible, au contraire ! Judas, je pleure. Veux-tu être la cause des dernières larmes de l’Homme ?… Judas, je t’en prie ! Réfléchis, mon ami : le Ciel acquiesce à ma prière, et toi, et toi… Me laisseras-tu prier en vain ? Pense à celui qui est devant toi, en prière : c’est le Messie d’Israël, le Fils du Père… Judas, écoute-moi !… Arrête-toi, tant que tu le peux ! …

– Non ! »

582.12

Jésus se couvre le visage de ses mains et se laisse tomber au bord du pré. Il pleure sans bruit, mais il pleure longuement. Je vois que ses épaules ont des soubresauts.

Judas le regarde, là, à ses pieds, brisé, en larmes, tout cela provoqué par désir de le sauver… et il a un moment de pitié. Il dit, en abandonnant le ton dur, de vrai démon, qu’il prenait :

« Je ne peux pas partir… J’ai donné ma parole… »

Jésus lève un visage bouleversé pour l’interrompre :

« A qui ? A qui ? A de pauvres hommes ! Et tu te soucies d’eux, tu crains de leur paraître déshonoré ? Mais ne t’étais-tu pas donné toi-même à moi depuis trois ans ? Et tu penses aux commentaires d’une poignée de malfaiteurs et non au jugement de Dieu ? Oh ! mais que dois-je faire, Père, pour ressusciter en lui la volonté de ne pas pécher ? »

Il baisse de nouveau la tête, découragé, déchiré… Il ressemble déjà au Jésus souffrant de l’agonie de Gethsémani.

Par pitié, Judas lui dit :

« Je reste. Ne souffre pas ainsi ! Je reste… Aide-moi à rester ! Défends-moi !

– Je le ferai toujours, pourvu que tu le veuilles. Viens. Il n’est pas de faute à laquelle je ne compatisse et que je ne pardonne. Dis : “ Je le veux ! ” Et je t’aurai racheté… »

Se relevant, il le prend dans les bras. Mais si les larmes de Jésus-Dieu tombent dans les cheveux de Judas, la bouche de Judas reste fermée. Il ne pronconce pas la parole demandée. Il ne demande même pas “ pardon ” quand Jésus murmure dans ses cheveux :

« Vois comme je t’aime ! J’aurais dû te faire des reproches, or je t’embrasse ! J’aurais le droit de te dire : “ Demande pardon à ton Dieu ”, or j’attends seulement de toi le désir de pardon. Tu es si malade ! On ne peut exiger beaucoup d’un grand malade. A tous les pécheurs qui sont venus me trouver, j’ai demandé le repentir absolu pour pouvoir leur pardonner. Mais toi, mon ami, il me suffit que tu aies le simple désir de te repentir, et puis… c’est moi qui agirai. »

Judas garde le silence…

Jésus le laisse aller. Il propose :

« Reste au moins ici jusqu’au lendemain du sabbat.

– Je vais rester… Rentrons à la maison. On va remarquer notre absence. Peut-être les femmes t’attendent-elles. Elles sont meilleures que moi, et tu ne dois pas les négliger à cause de moi.

– Tu ne te rappelles pas la parabole[4] de la brebis perdue ? C’est toi qu’elle concerne. Les femmes disciples sont les bonnes brebis enfermées au bercail. Elles ne sont pas en danger, même si je pars à la recherche de ton âme toute la journée pour la ramener à la bergerie…

– Mais oui ! Mais oui ! Voilà ! Je reviens au bercail ! Et je vais m’enfermer dans la bibliothèque de Lazare, pour lire. Je ne veux pas qu’on me dérange. Je ne veux rien voir, rien savoir. Ainsi… tu ne me soupçonneras pas toujours. Et si le Sanhédrin venait à apprendre la moindre information, tu devras chercher les vipères parmi tes préférés. Adieu ! Je rentre par la grille principale. Ne crains rien. Je ne m’enfuis pas. Tu peux venir le vérifier quand tu veux. »

Et, tournant le dos, il s’en va à grands pas.

582.13

Jésus, dont la grande stature blanche en vêtement de lin contraste sur le pré vert et rouge, hausse les bras, tourne un visage attristé vers le ciel serein, et élève son âme vers son Père, en gémissant :

« Oh ! mon Père ! Pourras-tu m’accuser de ne pas avoir tout fait pour le sauver ? Tu sais que c’est pour son âme, et non pour ma vie, que je lutte pour empêcher son crime… Père ! mon Père ! Je t’en supplie ! Hâte l’heure des ténèbres, l’heure du sacrifice, car il m’est trop atroce de vivre auprès de cet ami qui ne veut pas être racheté… C’est ma plus grande douleur ! »

A ces mots, il s’assied dans le trèfle dru, déjà haut, très beau. Il incline la tête sur ses genoux relevés et enserrés de ses bras, et il pleure…

Ah ! je ne supporte pas la vue de ces larmes ! Elles rappellent déjà trop celles de Gethsémani par ce qu’elles manifestent de désolation, de solitude, de conviction que le Ciel ne fera rien pour le consoler, et qu’il lui faudra subir cette douleur. Et cela me fait trop mal…

Jésus pleure longuement. L’endroit est tellement solitaire, silencieux, que les seuls témoins sont les abeilles d’or, le trèfle odorant qui ondule lentement sous le souffle du vent d’orage, et les nuages qui, au début de la matinée, formaient comme un léger filet sur le ciel bleu et qui maintenant se sont épaissis, obscurcis, amoncelés, annonçant qu’il va pleuvoir de nouveau.

582.14

Jésus arrête de pleurer. Il lève la tête pour écouter… Un bruit de roues et de grelots arrive de la route principale, puis le bruit des roues cesse, mais pas celui des grelots. Jésus dit :

« Allons ! Les femmes disciples… Elles sont fidèles… Mon Père, qu’il soit fait selon ta volonté ! Je t’offre le sacrifice de ce désir de Sauveur et d’Ami. C’est écrit ! Judas l’aura voulu. C’est vrai. Laisse-moi pourtant continuer mon travail pour lui jusqu’à ce que tout soit fini. Et je te dis dès maintenant : Père, quand je prierai pour les pécheurs, en victime désormais impuissante d’accomplir toute action directe, prends ma souffrance et ma force pour l’âme de Judas. Je sais que je te fais une demande que la justice ne peut accorder. Mais c’est de toi que sont venus la miséricorde et l’amour, et tu les aimes, eux qui viennent de toi et qui ne font qu’un avec toi, Dieu un et trine, saint et béni. Je me donnerai moi-même à mes bien-aimés en nourriture et en boisson. Père, mon sang et ma chair devraient-ils être condamnation pour l’un d’eux ? Père, aide-moi ! Qu’un germe de repentir naisse dans ce cœur ! Père, pourquoi t’éloignes-tu ? Tu t’éloignes déjà de ton Verbe qui prie ? L’heure est venue, je le sais. Que soit faite ta volonté bénie ! Mais laisse à ton Fils, à ton Christ, en qui par un impénétrable décret la vision assurée de l’avenir diminue dès maintenant — et je ne te dis pas que de ta part c’est cruauté, mais pitié pour moi — laisse-moi l’espoir de le sauver encore. Oh ! mon Père. Je le sais, je l’ai su depuis que j’existe. Je l’ai su depuis que je suis venu ici sur la terre, non seulement Verbe, mais homme aussi. Je l’ai su depuis que j’ai rencontré Judas au Temple… Je l’ai toujours su… Mais maintenant… Ô Père très saint, montre ta grande pitié ! J’ai l’impression d’assister à un horrible rêve suscité par son comportement, mais qui n’est pas inéluctable… Je pense pouvoir encore espérer, toujours espérer, car infinie est ma souffrance, et infini sera le sacrifice, je pense pouvoir agir de quelque manière en sa faveur… Ah ! je délire ! C’est l’homme qui veut avoir cet espoir ! Le Dieu qui est en l’homme, le Dieu fait homme, ne peut se faire d’illusions ! Voilà que se dissipent les nuées légères qui m’ont caché un instant l’abîme, l’abîme déjà ouvert pour s’emparer de celui qui a préféré les ténèbres à la lumière… Pitié quand tu me le caches ! Pitié quand tu me le montres, maintenant que tu m’as réconforté. Oui, Père, même cela ! Tout ! Et je serai miséricorde jusqu’à la fin, car telle est mon essence. »

Il prie encore en silence, les bras en croix, et son visage tourmenté s’apaise de plus en plus en prenant un aspect de paix auguste. Il devient presque lumineux, d’une lumière de joie intérieure, bien qu’aucun sourire ne se forme sur ses lèvres serrées. C’est la joie de son esprit, en communion avec le Père, qui transparaît en dépit des voiles de la chair et efface les marques creusées par la douleur sur le visage amaigri et spiritualisé, qui est venu de plus en plus au Maître à mesure que celui-ci a été pris par la souffrance et qu’il s’est approché du sacrifice. Les traits du Christ dans les derniers temps de sa vie mortelle ne sont plus ceux d’un visage de la terre, et aucun artiste ne serait capable de reproduire, même si le Rédempteur se montrait à lui, ce visage d’Homme-Dieu sculpté avec une beauté surnaturelle par le ciseau de la souffrance et de l’amour parfaits.

582.15

Jésus se trouve de nouveau à la grille du mur d’enceinte ; il entre, la ferme avec le verrou et se dirige vers la maison. Le serviteur de tout à l’heure le voit et court reprendre la grosse clé que Jésus a dans les mains.

Peu après, il rencontre Lazare :

« Maître, les femmes sont arrivées. Je les ai fait entrer dans la salle blanche, car la bibliothèque est occupée par Judas, qui lit et qui est souffrant.

– Je sais. Merci pour les femmes. Sont-elles nombreuses ?

– Jeanne, Nikê, Elise et Valéria, ainsi que Plautina et une autre amie ou affranchie, je ne sais, nommée Marcelle. Il y a une vieille femme qui dit te connaître : Anne de Mérom, et encore Annalia, avec une autre jeune fille prénommée Sarah. Ta Mère et mes sœurs sont avec les femmes disciples.

– Et ces voix d’enfants ?

– Anne a amené ses petits-enfants, Jeanne ses enfants, Valéria sa fille. Je les ai conduits dans la cour intérieure… »

582.1

«If you wish so, you may go, wherever you like. I am staying here today with Judas and James. The women disciples are to come» says Jesus to the apostles who are gathered around Him under the porch of the house. And He adds: «But make sure that you are all back here before sunset. And be prudent. Try to be unnoticed to avoid retaliations against you.»

«Oh! I am going to stay here. What have I to do in Jerusalem?» says Peter.

«Instead I will go. My father is certainly expecting me. He wants to offer the wine. An old promise[1], but always kept, because my father is an honest man. What a wonderful wine you will taste at the Passover banquet! My father’s vineyards at Ramah! They are famous in the area» says Thomas.

«Also these wines of Lazarus are very good. I will never forget the banquet for the feast of the Dedication…» says Matthew, in an unintentional tone of gluttony.

«In that case your memory will be refreshed more than ever, because I think that Lazarus is giving a great banquet tomorrow. I have seen such preparations…» says James of Zebedee.

«Is that so? Are other people coming?» asks Andrew.

«No. I asked Maximinus. He said no.»

«Ah! Otherwise I would have put on the new tunic that my wife sent me» says Philip.

«That is what I am going to do. I wanted to put it on at Passover. But I will wear it tomorrow. We are going to have more peace here tomorrow, than in a few days’ time…» says Bartholomew and he stops pensively.

582.2

«I am going to adorn myself with new clothes to go to town. And what about You, Master?» asks John.

«So am I. I will put on purple robes.»

«You will look like a king!» exclaims the favourite apostle full of admiration, as he already imagines Him in the splendid robes…

«But if I had not seen to it! I have had that purple for years…» says the Iscariot boastfully.

«Really? Oh! no one had thought about it… The Master is always so humble…»

«Too humble. The time has now come when He must be King. We have waited long enough! If He is not a king on a throne, at least, to safeguard His dignity, He must have clothes suiting His rank. I see to everything.»

«You are right, Judas. You are aware of the ways of the world. We… are poor fishermen…» say humbly the men who have come from the lake… And as it always happens in the light of the world − in the false twilight of the world – Judas’ base metal alloy seems nobler than the unrefined, but pure, sincere, honest gold of the Galilean hearts…

Jesus, Who was speaking to the Zealot and to Alphaeus’ sons, turns around and looks at the Iscariot and at those honest men, so humble and mortified at being so… deficient as compared with Judas… and He shakes His head without saying anything.

582.3

But when He sees the Iscariot tie the laces of his sandals and sort his mantle as if he were on the point of setting off, He asks him: «Where are you going?»

«To town.»

«I told you that I am keeping you here with James…»

«Ah! I thought that You were referring to Your brother Judas… So… I… am like a prisoner… Ah! Ah!» He sneers.

«I don’t think that Bethany has chains or bars. It has only the desire of your Master. And I would love to be the prisoner of it» remarks the Zealot.

«Oh! of course! I was joking… The fact is… I would like to have news of my mother. Pilgrims from Kerioth have certainly arrived in Jerusalem and…»

«No. In two days’ time we shall all be in Jerusalem. You are staying here now» says Jesus authoritatively.

Judas does not insist. He takes off his mantle saying: «So? Who is going to town? We ought to know what the humours are… What the disciples are doing… I wanted to go to hear also from friends… I had promised Peter…»

«It does not matter. You are staying. Nothing of what you said is necessary. It is not strictly necessary…»

«But if Thomas is going…»

582.4

«Master, I should like to go as well. I also promised it. I have friends in Annas’ house and…» says John.

«And would you go there, son? And if they catch you?» asks Salome who has approached them.

«If they catch me? What wrong have I done? None. So I must not fear the Lord. And even if they catch me, I will not tremble.»

«Oh! the bold young lion! Will you not tremble? Are you not aware of how much they hate us? It’s death, you know, if they catch us» says the Iscariot to frighten him.

«Then why do you want to go? Are you perhaps privileged with immunity? What have you done to be so? Tell me, and I will do it.»

Judas suddenly looks as if he were frightened and angry, but John’s face is so clear that the traitor is reassured. He realises that there is no snare, no suspicion in those words, and he says: «I have not done anything. But I have some good friends near the Proconsul, so…»

582.5

«Well! Who wants to come, let him come, as it is not raining any longer. We are wasting time here and by midday it may rain again. Whoever wants to come should hurry up» says Thomas urging them.

«Shall I go, Master?» asks John.

«Yes, go.»

«There you are! It is always the same! He can, the others can. I cannot. It’s always “no” for me!»

«I will try to find out about your mother» says John to calm him.

«And I will try as well. I am coming with you and Thomas» says the Zealot and he adds: «My old age will check the young ones, Master. And I know those of Kerioth very well. If I see any, I will approach them. I will bring you news of your mother, Judas. Be good! Be quiet! It is Passover, Judas. We all feel the peace of this festivity, the joy of this solemnity. Why do you alone want to be so upset, so sullen, so discontented, enjoying no peace? Passover is the passage of God… Passover, for us Hebrews, is the feast of our liberation from a hard yoke. The Most High God delivered us. Now, as the ancient event cannot be repeated, its symbol remains, individual… Passover: liberation of hearts, purification, baptism, if you wish, with the blood of the lamb, so that enemy powers may no longer injure those who are marked with it. It is so beautiful to begin the new year with this feast of purification, of liberation, of adoration of God our Saviour… Oh! excuse me, Master! I have spoken when I should have kept quiet, because You are here to correct our hearts…»

«Just what I was thinking, too, Simon. The very same thing: that I have two masters now instead of one, and they seemed too many» says the Iscariot angrily.

582.6

Peter… oh! Peter this time cannot control himself and he flies into a rage saying: «And if you don’t stop this at once you will have a third one and that will be me. And I swear to you that my arguments will be more persuasive than words.»

«Would you beat a companion? After so many efforts to keep the old Galilean to the bottom, your true nature is surfacing again, is that so?»

«It is not surfacing. It has always been on the surface, and very clearly I use no duplicity. The trouble is that with wild jackasses such as you are, there is only one argument to break them in: a good flogging. You ought to be ashamed of trespassing on His kindness and our patience! Come, Simon! Come, John! Come, Thomas! Goodbye, Master. I am going away as well, because if I stay… no, thank God, I will no longer be able to check myself.» and Peter grasps his mantle, that was on a seat, and puts it on in a hurry, and he is so angry that he does not realise he has put it on upside-down, so that John has to tell him of his mistake and help him to put it on right. And he goes away headlong, stamping his feet on the ground, to discharge some of his wrath thus. He looks like a furious young bull.

The others… oh! the others are like open books in which one can read what is written.

Bartholomew raises his thin face of an old man towards the sky still cloudy, and he seems to be studying the winds, in order not to have to study faces: Jesus’ is in fact too sorrowful, the Iscariot’s too perfidious. Matthew and Philip look at Thaddeus whose eyes, so similar to Jesus’, are flashing with wrath, and both have the same thought: they take him between them and push him away, towards the inner lane leading to Simon’s house, saying: «Your mother wanted us to do that job. You had better come, too, James of Zebedee» and they drag away also Salome’s son. Andrew looks at James of Alphaeus and James looks at him: two faces reflecting the same contained sufferings, and as they do not know what to say, they take each other’s hand like two boys and move away sadly. Salome is the only woman disciple there and she dare not move or speak, neither can she make up her mind to go away, as if she wished to check other words of the worthless apostle with her presence. Fortunately none of Lazarus’ family are present.

The Blessed Virgin is also absent.

582.7

Judas sees that he is alone with Jesus and Salome. As he does not want to be with them, he turns his back on them and goes away towards the jasmin bower.

Jesus looks at him go away. He watches him. He notices that, after pretending to sit down in the bower, Judas slips away on the quiet from the rear side and disappears among the hedges of roses, laurels and boxes, that separate the true garden from the beds of spices, where the beehives are. It is possible to go out there through one of the secondary gates open in the walls of the large garden, a real park, two sides of which border on very tall hedges, as wide as an avenue, with openings facing gates here and there to give access to the meadows, fields, orchards and olive-groves, as well as Simon’s house, that link the garden to the farms, uniting and separating them at the same time, while on the other two sides there are powerful massive walls opening on to two roads, a secondary one and a main one, that form a crossroad and the former, cutting through Bethany, runs towards Bethlehem.

Jesus straightens Himself up as much as possible and changes position as much as is necessary, to see what the Iscariot is doing, and his eyes are blazing.

582.8

Mary Salome sees them and she understands, although she cannot see, not being very tall, she realises what is happening towards the end of the park and she whispers: «Lord, have mercy on us!» Jesus hears her whisper and He turns around for a moment to look at His good simple disciple. She may have had a thought of motherly pride when she asked for a place of honour for her sons, but at least she was in a position to do so as they are good apostles and she humbly accepted the reproof of the Master and she did not feel offended by it, neither did she go away from Him, on the contrary she became more humble and more obliging towards the Master, Whom she follows like his shadow, whenever she can, and Whose least expressions she studies in order to be able, whenever possible, to forestall his wishes and give Him joy. And even now the good and humble Salome tries to comfort the Master and to appease the suspicion that makes Him suffer, saying: «See? He is not going far. He left his mantle there and he has not picked it up. He may go for a walk in the meadows to give vent to his humour… Judas would never go to town unless he were properly dressed…»

«He would go there even if he were naked, if he wanted. In fact… Look! Come here!»

«Oh!! He is trying to open the gate! But it is locked! He is calling one of the servants of the beehives!»

Jesus shouts in a loud voice: «Judas! Wait for Me! I must speak to you» and He is about to set out.

«For pity’s sake, Lord!! I am going to call Lazarus… Your Mother… Don’t go by Yourself!»

Although Jesus is walking fast, He turns round a little and says: «I order you not to do so. On the contrary, be quiet. With everybody. If they ask you about Me: I have gone out with Judas for a short walk. If the women disciples come, let them wait. I shall soon be back.»

Salome does not react, neither does the Iscariot. The former near the house, the latter near the wall, they both remain where Jesus has stopped them and they look at Him: Salome sees Him move away, Judas sees Him come towards him.

582.9

«Open the door, Jonah. I am going out for a moment with my disciple. And if you are going to stay here, you need not close it behind us. I shall soon be back» He kindly says to the peasant servant who had remained dumbfounded with the big key in his hand.

The heavy iron door squeaks in being opened, as the key screeches in working the lock.

«A door that is seldom opened» says the servant smiling. .Eh! You have got rusty! When one is idle one gets spoiled… Rust, dust… urchins… The same happens to us… if we do not always work on our souls!»

«Well said, Jonah! Your thought is a wise one. Many rabbis would envy you it.»

«Oh! it’s my bees that suggest them to me… and Your words. It is really Your words. Then the bees also make me understand them. Because everything has a voice, if one can understand it. And I say: if the bees obey the order of Him Who created them, and they are little insects which I do not know where they may have brains and hearts, and I, who have heart, brains and soul, and I hear the Master, shall I not be able to do what they do, working all the time to do what the Master says we must do, and thus make my soul beautiful and bright, without any rust, dust, mud and straw, and stones and other snares placed in the device by hellish enemies?»

«You are quite right. Imitate your bees, and your soul will become a rich beehive full of precious virtues, and God will come to enjoy it. Goodbye, Jonah. Peace be with you.»

He lays his hand on the grey-haired head of the servant, who has stooped in front of Him, and He goes out on the road towards meadows of red clover as beautiful as thick deep-red and crimson carpets. Bees are flying on them from flower to flower sparkling and humming.

582.10

When they are far enough from the wall so that no one in Lazarus’ garden might hear them, Jesus says: «Did you hear that servant? He is a peasant. It is already a great thing if he can read a few words… And yet… His words could have been uttered by my lips and my speech would not have seemed to be foolish. He feels that one must watch to ensure that the enemies of the spirit do not spoil the spirit… I… am keeping you near Me because of such enemies, and that is why you hate Me! I want to defend you from yourself and from them, and you hate Me. I am handing you the means to save yourself, and you can still do it, and you hate Me. I will tell you once again: go away, Judas. Go far away. Do not go to Jerusalem. You are not well. It is not a lie to say that you are so ill that you cannot take part in the celebration of Passover. You will keep the supplementary one. The Law allows people to keep the supplementary Passover, when diseases or other serious reasons prevent them from keeping the solemn one. I will ask Lazarus – he is a prudent friend and will not ask any questions – to take you beyond the Jordan today.»

«No. I told You many times to reject me. You did not want to. Now I do not want it.»

«You do not want? You do not want to be saved? You take no pity on yourself? On your mother?»

«You should say to me: “Have you no mercy on Me?” You would be more sincere.»

«Judas, my unhappy friend, I am not begging you on my behalf. I am begging you for your own sake.

582.11

Look! We are alone. You and I alone. You know who I am, I know who you are. It is the last moment of grace still granted to us to prevent your ruin… Oh! do not sneer so satanically, My friend. Do not laugh at Me as if I were mad because I say: “your ruin” and not mine. Mine is not a ruin. Yours is… We are alone, you and I, and above us there is God… God Who does not hate you yet, God Who is witness to this supreme struggle between Good and Evil competing for your soul. Above us there is the Empyrean watching us. The Empyrean that will soon be filled with saints. They are already exulting, in their place of expectation, because they feel that joy is coming… Judas, your father is among them…»

«He was a sinner. He is not there.»

«He was a sinner, but not a damned soul. So joy is approaching him as well. Why do you want to grieve him in his joy?»

«He is past grief. He is dead.»

«No. He is not past the grief of seeing you guilty, you… oh! do not make Me say that word!…»

«Yes, say it! I have been saying it to myself for months! I am damned. I know. Nothing can be changed.»

«Everything! Judas, I am weeping. The last tears of the Man… do you want to have them shed?… Judas, I beg you. Consider, my friend: Heaven is assenting to my prayers, and you, and you… Will you let Me pray in vain? Consider who is praying in front of you: the Messiah of Israel, the Son of the Father… Judas, listen to Me… Stop, while you can!…»

«No!»

582.12

Jesus covers his face with his hands and drops to the ground at the border of the meadow. He weeps noiselessly, but bitterly. His shoulders are shaken by his deep sobbing…

Judas looks at Him, there, at his feet, heart-broken, weeping, and out of the desire to save him… and he is moved for a moment. Laying aside the hard tone of a real demon he had previously, he says: «I cannot go away… I have given my word…»

Jesus raises His distressed face and interrupts him saying: «To whom? To whom? To some poor men! And you are worried about them, about being considered dishonourable by them? And had you not given yourself to Me for three years? And you are concerned about the comments of a handful of evil-doers and not about God’s judgement? Oh! But what must I do, Father, to revive in him the will not to sin?» And He lowers his head again, oppressed with sorrow, distressed… He already looks like the Jesus suffering in the agony of Gethsemane.

Judas feels sorry for Him and says: «I will stay. Do not suffer thus! I will stay… Help me to stay! Defend me!»

«Always! Always, if you only wish so. Come. There is no sin that I do not excuse and forgive. Say: “I want”. And I shall have redeemed you…» Jesus, standing up, has taken him in his arms.

But if the tears of Jesus-God fall on Judas’ head, Judas’ lips remain closed. He does not say the requested word. He does not even say «forgive me» when Jesus whispers through his hair: «You can perceive whether I love you! I should have reproached you! I kiss you. I should be entitled to say to you: “Ask your God to forgive you” and I only ask you to have the will to be forgiven. You are so ill! You cannot ask much of a person who is very ill. Of all the sinners who came to Me I asked absolute repentance in order to be able to forgive them. I am asking you, my friend, only the will to repent and then… I will act.»

Judas is silent…

Jesus lets him go saying: «Stay here at least until the day after the Sabbath.»

«I will stay… Let us go back to the house. They will notice our absence. The women are perhaps waiting for You. They are better than I am and You must not neglect them because of me.»

«Do you not remember the parable[2] of the lost sheep? You are the lost sheep… They, the women disciples, are the good sheep closed in the fold. They are in no danger, even if I should have to search all day for your soul to take it back to the fold…»

«Of course! Of course! All right! I will go back to the fold! I will shut myself up in Lazarus library and read there. I don’t want to be disturbed. I don’t want to see anybody or hear anything. So… You will not suspect me all the time. And if the Sanhedrin is informed of anything that takes place, You will have to look for the snakes among Your favourite ones. Goodbye! I am going in through the main gate. Don’t be afraid. I will not run away. You can come and check whenever You wish. and turning his back on Him he strides away.

582.13

Jesus, a tall white figure in His linen tunic at the edge of the green-red meadow, lifts up His arms towards the clear sky and raises His very sad face and soul to His Father moaning: «Oh! Father! Will You accuse Me of omitting anything that may save him? You know that I am struggling to prevent his crime for the sake of his soul, not for my life… Father! Oh! Father! I beg You! Hasten the hour of darkness, the hour of the Sacrifice, because it is too cruel for Me to live near the friend who does not want to be redeemed… The greatest grief!» and Jesus sits down on the thick, tall, beautiful clover.

He bends his head on his raised knees clasped in his arms and He weeps… Oh! I cannot look at those tears! In distress, in solitude, in… the conviction that Heaven will do nothing to comfort Him, and that He must suffer that grief, they are already too similar to those of Gethsemane. And that grieves me too much…

Jesus weeps for a long time in the solitary silent place. Witnesses of His tears the golden-hued bees, the scented clover that waves slowly in a stormy wind, and the clouds that early in the morning were like a thin net in the blue sky and are now thick, dark, piled up threatening more rain.

582.14

Jesus stops weeping. He raises his head listening… The noise of wheels and harness bells comes from the main road. Then the noise of the wheels stops, whilst that of the harness-bells continues.

Jesus says: «Let us go! The women disciples… They are faithful… Father, let it be done as You wish! I offer You the sacrifice of this desire of mine as Saviour and Friend. It is written! He wanted it. That is true. However, Father, let Me continue My work on his behalf until it is all over. And even from this moment I say to You: Father, when I pray for sinners, a victim having no power to take direct action, Father, take My sufferings and force Judas’ soul with them. I am aware that I am asking what Justice cannot grant. But Mercy and Love have come from You, and You love what comes from You and is One Thing only with You, God One and Trine, Holy and Blessed. I will give Myself to my beloved ones as food and drink. So, Father, are my Blood and my Flesh to become condemnation for one of them? Father, help Me! A germ of repentance in that heart!…

Father, why are You going away? Are You already moving away from Your Word Who is praying? Father, the hour has come. I know. May Your blessed will be done! But leave Your Son, Your Christ, in Whom, by Your inscrutable decree the certain clairvoyance of the future is diminishing in this hour – and I do not say to You that this is cruelty, but it is Your compassion for Me – leave Me the hope that I may still save him. Oh! Father! I know. I have known since I am I. I have known since, not only as Word, but as Man, I came here to the Earth. I have known since I met the man in the Temple… I have always been aware of it… But now… Oh! it seems to Me – through Your great pity, Most Holy Father! – it seems to Me but a dreadful dream, brought about by his behaviour, but not something ineluctable… and that I may still hope, always, because infinite is my suffering and infinite will be the Sacrifice, and may it be of some benefit also for him… Ah! I am raving! It is the Man Who wants to hope so! The God Who is in the Man, the God made Man cannot delude Himself! The mist that for a moment was concealing the abyss from Me is dissipating… the abyss already open to swallow the man who preferred Darkness to the Light… It was Your pity that concealed it! It is your pity that shows Me it now that You have recomforted Me. Yes, Father, also that! Everything! And I will be Mercy until the end, because such is my Essence.»

He is still praying, silently, his arms stretched out crosswise, and His distressed face calms down more and more assuming the appearance of solemn peace. It becomes almost bright with the light of interior joy, although there is no smile on His closed lips.

It is the joy of His spirit, in communion with His Father, a joy that leaks out from the veils of the flesh and cancels the marks that grief had impressed and painted on the Master’s face, which had become the more emaciated and spiritualised, the more He advanced towards sorrow and sacrifice. In these last mortal days the face of Christ is no longer a face of the Earth, and no artist will ever be able to give us that face of Man God carved into supernatural beauty by perfect total love and sorrow, even if the Redeemer should show Himself to the artist.

582.15

Jesus is once again at the gate of the enclosure, He locks it and proceeds towards the house. The servant met previously sees Him and runs to take the big key that Jesus is holding in His hand. He goes on. He meets Lazarus who says: «Master, the women have come. I took them into the white hall because in the library there is Judas, who is reading and is not well.»

«I know. Thank you for the women. Are there many?»

«Johanna, Nike, Eliza and Valeria with Plautina and another friend or freed woman, I do not know, whose name is Marcella, and an old woman who says she knows You: Anne of Meron, then Annaleah and there is another young girl with her, named Sarah. They are with the women disciples, your Mother and my sisters.»

«And these voices of children?»

«Anne has brought her grandchildren, Johanna has her children and Valeria her daughter. I took them into the inner court-yard…»


Notes

  1. promesse faite en 363.4.
  2. le vêtement teint de pourpre : c’est Judas qui l’a voulu pour Jésus. Jésus en a confié la confection à sa Mère en 303.4 et le lui a redemandé en 477.9, comme Marie le rappellera en 612.3. Il en sera encore fait mention en 644.4.
  3. je croyais que tu parlais de Jude : Même si les traductions françaises de l’Evangile les distinguent, Jude et Judas sont le même prénom. Cela explique cette confusion.
  4. parabole racontée en 233.1/4.

Notes

  1. old promise, made in 363.4.
  2. parable, as narrate in 233.1/4.