The Writings of Maria Valtorta

598. Le jeudi saint. Les préparatifs de la Cène pascale.

598. Holy Thursday. Preparations for the Passover Supper.

598.1

Et voici une nouvelle matinée, sereine, radieuse même. Les rares nuages qui, la veille, se déplaçaient lentement sur le cobalt du ciel ont disparu. La lourde chaleur si accablante d’hier a cédé la place à une brise légère qui souffle sur les visages. Elle a quelque chose du parfum des fleurs, du foin, de l’air pur. Elle berce doucement les feuilles des oliviers. On dirait qu’elle veut faire admirer la couleur argentée des feuilles lancéolées. Elle répand sur les pas et sur la tête du Christ des petites fleurs candides, odorantes, qui tombent comme un baiser pour le rafraîchir — car chaque calice contient une gouttelette de rosée —, et puis meurent avant de voir l’horreur qui menace. Et les herbes des pentes s’inclinent pour remuer les clochettes, les corolles, les palmettes de milliers de fleurs.

Etoiles au cœur d’or, les grosses marguerites sauvages se dressent sur leurs tiges comme pour baiser la main qui sera transpercée ; de même, les pâquerettes et les camomilles baisent les pieds généreux qui ne s’arrêteront de marcher pour le bien des hommes que lorsqu’ils seront cloués pour un bienfait encore supérieur ; les églantines répandent leur parfum, et l’aubépine, qui n’a plus de fleurs, agite ses feuilles dentelées.

Elle semble dire : “ Non, non ” à ceux qui s’en serviront pour tourmenter le Rédempteur. Et “ non ” disent en écho les roseaux du Cédron. Eux aussi se refusent à frapper, leur volonté de petite plante ne veut pas faire de mal au Seigneur.

Peut-être les pierres sur les pentes se félicitent-elles d’être hors de la ville, sur l’oliveraie pour ne pas risquer de blesser le Martyr. Et ils pleurent aussi, les fins liserons rosés que Jésus aimait tellement, ainsi que les corymbes des acacias blancs comme des grappes de papillons groupés sur une tige. Peut-être pensent-ils : “ Nous ne le verrons plus. ” Les myosotis fins et purs laissent retomber leurs corolles quand ils touchent le vêtement pourpre que Jésus porte de nouveau. Il doit être beau de mourir quand c’est Jésus qui frappe. Toutes les fleurs, même un muguet perdu, tombé là peut-être incidemment et qui s’est épanoui entre les racines saillantes d’un olivier, est heureux d’être aperçu et cueilli par Thomas pour être offert au Seigneur…

Les milliers d’oiseaux dans les branches le saluent avec des chants de joie. Ah ! ils ne le blasphèment pas, ces oiseaux qu’il a toujours aimés ! Même un petit troupeau de brebis semble vouloir le saluer malgré leurs pleurs, privées qu’elles sont de leurs petits vendus pour le sacrifice pascal. C’est une lamentation de mères qui parcourt l’air. Tout en bêlant et en appelant leurs agneaux qui ne reviendront plus, elles se frottent contre Jésus en lui offrant leur doux regard.

598.2

La vue des brebis rappelle aux apôtres qu’il leur faut organiser le rite pascal et, à leur arrivée à Gethsémani, ils demandent à Jésus :

« Où irons-nous consommer la Pâque ? Quel endroit choisis-tu ? Dis-le, et nous allons tout préparer. »

Et Judas :

« Donne-moi tes ordres, et j’irai.

– Pierre, Jean, écoutez-moi. »

Les deux hommes, qui étaient un peu en avant, s’approchent de Jésus.

« Précédez-nous et entrez dans la ville par la Porte du Fumier. A peine entrés, vous rencontrerez un homme qui vient d’En-Rogel avec un broc de cette bonne eau. Suivez-le jusqu’à ce qu’il pénètre dans une maison. Vous direz à celui qui s’y trouve : “ Le Maître te fait dire : ‘Où se trouve la pièce où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? ” Il vous montrera un grand cénacle prêt. Préparez-y tout ce qu’il faut. Faites vite, puis rejoignez-nous au Temple. »

Les deux hommes partent en toute hâte.

Jésus au contraire, avance lentement. La matinée est encore fraîche et les premiers pèlerins apparaissent tout juste sur les routes qui mènent à Jérusalem. Après avoir traversé le Cédron sur le petit pont qui se trouve avant Gethsémani, ils entrent dans la ville. Les portes, peut-être à la suite d’un contre-ordre de Pilate, rassuré par l’absence de dissensions autour de Jésus, ne sont plus surveillées par des légionnaires. Effectivement, le plus grand calme règne partout.

598.3

Ah ! on ne peut pas dire que les juifs n’ont pas su se contenir ! Personne n’a molesté le Maître ni ses disciples. Respectueux, bien élevés à défaut d’être affectueux, ils l’ont toujours salué, même les plus haineux du Sanhédrin. Une patience sans égale a accompagné même le réquisitoire d’hier.

En voilà justement un exemple : comme la maison de campagne de Caïphe est proche de cette porte, voilà qu’un groupe important de pharisiens et de scribes, parmi lesquels le fils d’Hanne, Elchias, Doras et Sadoq, en sort et passe. Cela donne lieu à mille courbettes de personnages aux amples manteaux, qui saluent dans un ondoiement de vêtements, de franges et de larges couvre-chefs. Jésus leur rend leur salutation et passe, l’air royal dans son vêtement de laine rouge et son manteau d’une teinte plus foncée. Il tient le couvre-chef de Syntica à la main, et le soleil fait de ses cheveux cuivrés une couronne d’or et un voile brillant qui descend jusqu’aux épaules. Les échines se relèvent après son passage, mais ce sont des visages d’hyènes enragées qui apparaissent.

Judas, qui ne cessait de regarder tout autour de lui avec sa mine de traître, s’écarte sur le bord de la route sous prétexte de relacer une sandale, et, je le vois bien, il fait un signe à ces gens qui l’attendaient… Toujours affairé à remettre la courroie de sa sandale pour se donner une contenance, il laisse avancer le groupe de Jésus et des disciples puis, rapidement, il passe près des autres et murmure : “ A la Belle, aux environs de sexte. Un de vous ” ; puis il se hâte de rejoindre ses compagnons. Il se donne l’air franc, effrontément franc !

598.4

Ils montent au Temple. S’il y a peu d’Hébreux encore, les païens sont nombreux. Jésus va adorer le Seigneur. Puis il revient sur ses pas et ordonne à Simon et Barthélémy d’acheter l’agneau en se faisant donner de l’argent par Judas.

« Mais j’aurais pu le faire moi-même ! dit ce dernier.

– Tu auras autre chose à faire. Tu le sais. Il y a cette veuve à laquelle il faut porter l’obole de Marie de Magdala et demander de se rendre après les fêtes à Béthanie chez Lazare. Sais-tu où elle se trouve ? As-tu bien compris ?

– Je sais, je sais ! L’endroit m’a été montré par Zacharie, qui la connaît bien. » Et il ajoute : « Je préfère de beaucoup y aller plutôt que m’occuper de l’agneau. Quand dois-je le faire ?

– Plus tard. Je ne vais pas m’attarder ici. Je vais me reposer aujourd’hui, car je veux être fort pour ce soir et pour ma prière de la nuit.

– C’est bien. »

Je m’interroge : les jours précédents, Jésus avait bien gardé le silence sur ses intentions pour ne donner aucune indication à Judas. Alors pourquoi dit-il, répète-t-il maintenant ce qu’il va faire dans la nuit ? La Passion est-elle déjà commencée par l’aveuglement de sa prévoyance, ou bien cette prévoyance s’est-elle renforcée au point qu’il lit dans les livres des Cieux que c’est pour “ cette nuit-là ”, et que par conséquent il faut en informer celui qui attend de le savoir pour le livrer à ses ennemis ? Ou bien a-t-il toujours su que c’est cette nuit même que doit commencer son immolation ? Je ne parviens pas à me donner de réponse. Jésus ne m’en apporte pas non plus. Et je reste avec mes questions tout en observant Jésus, qui guérit les derniers malades. Les derniers… Demain, dans quelques heures, il ne le pourra plus… La terre sera privée du puissant Guérisseur des corps. Néanmoins, la Victime commencera sur son gibet la série, ininterrompue depuis vingt siècles, de ses guérisons spirituelles.

598.5

Aujourd’hui, je contemple plus que je ne décris. Mon Seigneur me fait projeter ma vue spirituelle à partir de ce que je vois arriver dans le dernier jour de liberté du Christ jusque dans les siècles… Aujourd’hui, je contemple davantage les sentiments, les pensées du Maître que les événements qui l’entourent. Déjà je comprends, angoissée, sa torture de Gethsémani…

598.6

Comme d’habitude, Jésus est pressé de tout côté par la foule qui s’est accrue, qui maintenant est en majorité hébraïque et qui oublie de se hâter vers l’endroit où on sacrifie les agneaux pour s’approcher de Jésus, l’Agneau de Dieu sur le point d’être immolé. Et elle demande, elle exige encore des explications.

Nombreux sont les juifs de la Diaspora qui, ayant entendu parler du Christ, du prophète galiléen, du Rabbi de Nazareth, sont curieux de l’entendre parler et impatients de lever tout doute possible. Alors ils se fraient un passage en suppliant ainsi ceux de Palestine :

« Vous l’avez toujours auprès de vous. Vous savez qui il est. Vous entendez sa parole quand vous voulez. Nous, nous arrivons de loin, et nous allons repartir aussitôt après avoir accompli le précepte. Laissez-nous approcher de lui ! »

La foule s’ouvre difficilement pour leur céder la place. Ils s’avancent vers Jésus et le dévisagent avec curiosité. Ils discutent entre eux, groupe par groupe.

Jésus les observe aussi tout en écoutant des personnes venues de Pérée. Quand ils lui ont offert de l’argent pour ses pauvres comme le font beaucoup, argent qu’il a passé comme toujours à Judas, il les remercie et prend la parole.

598.7

« Unis par une même foi, mais de provenances diverses, nombreux sont ceux qui se demandent, dans l’assistance : “ Qui est donc cet homme que l’on appelle le Nazaréen ? ”, et leurs espoirs se mêlent à leurs doutes. Ecoutez donc[1] :

Il est dit de moi : “ Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ces racines et sur lui reposera l’Esprit du Seigneur. Il ne jugera pas d’après les apparences, il ne tranchera pas d’après ce qu’il entend dire. Il jugera les petits avec justice, il tranchera avec droiture en faveur des pauvres du pays. Le rejeton de la racine de Jessé, placé comme un signe parmi les nations, sera invoqué par les peuples et son tombeau sera glorieux. Il dressera un signal pour les nations et rassemblera les bannis d’Israël. Il regroupera les dispersés de Juda des quatre coins de la terre. ”

Il est dit de moi : “ Voici votre Dieu qui vient avec puissance, et son bras sera victorieux. Il porte avec lui sa récompense, il a son œuvre devant les yeux. Tel un berger, il fera paître son troupeau. ”

Il est dit de moi : “ Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui j’ai mis toute ma joie. J’ai fait reposer sur lui mon esprit. Devant les nations, il fera paraître le jugement que j’ai prononcé. Il ne criera pas, n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il rendra justice selon la vérité. Voici mon Serviteur avec lequel je serai, en qui se complaît mon âme. En lui j’ai répandu mon esprit. Il amènera la justice parmi les nations. Il ne criera pas, il ne brisera pas le roseau fêlé, il n’éteindra pas la mèche qui fume encore, il fera justice selon la vérité. Sans être triste ou turbulent, il arrivera à établir sur la terre la justice, et les îles attendront sa loi. ”

Il est dit de moi : “ Moi, le Seigneur, je t’ai appelé dans la justice, je t’ai pris par la main, je t’ai préservé, je t’ai fait alliance du peuple et lumière des nations pour ouvrir les yeux aux aveugles et tirer les captifs de leur geôle, et de leur prison souterraine ceux qui gisent dans les ténèbres. ”

Il est dit de moi : “ L’Esprit du Seigneur est sur moi, car le Seigneur m’a donné l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris, annoncer aux esclaves la libération et aux prisonniers la délivrance, proclamer une année de grâce de la part du Seigneur. ”

Il est dit de moi : “ Il est le Fort, il fera paître son troupeau avec la force du Seigneur, avec la majesté du nom du Seigneur son Dieu. Ils se convertiront à lui, parce que, dès à présent, il sera glorifié jusqu’aux confins du monde. ”

Il est dit de moi : “ La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la soignerai. Celle qui est faible, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître avec justice. ”

Il est dit : “ Il est le Prince de la paix et il sera la paix. ”

Il est dit : “ Voici ton Roi qui vient vers toi. Il est le Juste, le Sauveur. Il est pauvre, il est monté sur un ânon. Il annoncera la paix aux nations. Sa domination ira d’une mer à l’autre jusqu’aux extrémités de la terre. ”

Il est dit : “ Soixante-dix semaines ont été fixées pour ton peuple et ta cité sainte pour mettre un terme à la transgression et fin au péché, pour expier l’iniquité, pour amener la justice éternelle, pour accomplir visions et prophéties, et pour oindre le Saint des Saints. Après sept plus soixante-deux viendra le Christ. Après soixante-deux, il sera mis à mort. Il concluera une alliance ferme avec un grand nombre le temps d’une semaine ; mais, au milieu de la semaine les hosties et les sacrifices feront défaut, et ce sera dans le Temple l’abomination de la désolation, qui durera jusqu’à la fin des siècles. ”

598.8

Il n’y aura donc plus d’hosties en ces jours ? L’autel n’aura pas de victimes ? Il aura la grande Victime. Le prophète la voit : “ Quel est donc celui qui vient avec les vêtements teints en rouge ? Il est beau dans sa robe, et il s’avance dans la grandeur de sa puissance. ”

Comment cet homme pauvre a-t-il teint son vêtement de pourpre ? Le prophète le précise : “ J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats, je n’ai pas soustrait mon visage aux outrages. Ma beauté et ma splendeur ont disparu, et les hommes ne m’ont plus aimé. Les hommes m’ont méprisé, tenu pour le dernier ! Homme de douleurs, mon visage sera voilé et méprisé, et ils me considéreront comme un lépreux, alors que c’est pour tous que je serai couvert de plaies et mis à mort. ”

Voici la Victime. Ne crains pas, ô Israël ! Ne crains pas ! L’Agneau pascal ne fait pas défaut ! Ne crains pas, ô terre ! Ne crains pas ! Voici le Sauveur. Comme une brebis, il sera conduit à l’abattoir parce qu’il l’a voulu, et il n’a pas ouvert la bouche pour maudire ses meurtriers. Après sa condamnation, il sera élevé et consumé dans les souffrances, ses membres seront déboîtés, ses os découverts, ses pieds et ses mains transpercés. Mais une fois passés les tourments par lesquels il justifiera un grand nombre, il possédera les multitudes parce que, après avoir livré sa vie à la mort pour le salut du monde, il ressuscitera et gouvernera la terre ; il désaltérera les peuples avec les eaux vues par Ezéchiel, jaillissant du vrai Temple qui, après avoir été abattu, se relève par sa propre force, avec le vin qui a rendu pourpre le blanc vêtement de l’Agneau sans tache, et avec le Pain venu du Ciel.

598.9

Vous qui êtes assoiffés, venez aux eaux ! Vous qui êtes affamés, nourrissez-vous ! Vous qui êtes épuisés ou malades, buvez mon vin ! Vous qui n’avez pas d’argent, vous qui n’avez pas de santé, venez ! Vous qui êtes dans les ténèbres et vous qui êtes morts, venez ! Je suis la richesse et le salut. Je suis la Lumière et la Vie. Venez, vous qui cherchez le chemin ! Venez, vous qui cherchez la vérité ! Je suis le Chemin et la Vérité ! Ne craignez pas de ne pouvoir consommer l’Agneau en raison du manque d’hosties vraiment saintes dans ce Temple profané. Tous, vous aurez à manger de l’Agneau de Dieu venu enlever les péchés du monde, comme l’a dit de moi le dernier des prophètes de mon peuple.

A ce peuple, je demande : mon peuple, que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je contristé ? Que pouvais-je te donner de plus ? J’ai instruit tes intelligences, j’ai guéri tes malades, j’ai comblé de bienfaits tes pauvres, j’ai rassasié tes foules, je t’ai aimé en tes enfants, j’ai pardonné, j’ai prié pour toi. Je t’ai aimé jusqu’au sacrifice. Et toi, que prépares-tu pour ton Seigneur ? Une heure, la dernière, t’est donnée, ô mon peuple, ô ma cité royale et sainte. Reviens en cette heure au Seigneur ton Dieu !

598.10

– Il a dit les vraies paroles !

– C’est bien ce qui est écrit ! Et il fait réellement ce qui est annoncé !

– Comme un berger, il a pris soin de tous !

– Comme si nous étions des brebis dispersées, malades, perdues dans le brouillard, il est venu nous ramener au vrai chemin, guérir notre âme et notre corps, nous éclairer.

– Vraiment, tous les peuples viennent à lui. Voyez comme ces païens sont dans l’admiration !

– Il a annoncé la paix.

– Il a donné de l’amour.

– Je ne comprends pas ce qu’il dit du sacrifice. Il parle comme si on devait le tuer.

– C’est bien le cas, s’il est l’Homme annoncé par les prophètes, le Sauveur.

– Et il parle comme si tout le peuple devait le maltraiter. Cela n’arrivera jamais. Le peuple, c’est nous, or nous l’aimons.

– Il est notre ami. Nous le défendrons.

– C’est un Galiléen et nous, qui sommes de Galilée, nous donnerons notre vie pour lui.

– Il descend de David et, nous autres Judéens, nous lèverons la main seulement pour le défendre.

– Quant à nous, qu’il a aimés autant que vous, nous venons de l’Auranitide, de Pérée, de la Décapole, mais pourrions-nous l’oublier ? Tous, nous le défendrons. »

Voilà ce qu’on entend dans la foule, désormais très dense. Versatilité des intentions humaines ! D’après la position du soleil, je juge qu’il doit être environ neuf heures du matin. Vingt-quatre heures plus tard, ces gens seront depuis plusieurs heures autour du Martyr pour le torturer par la haine et les coups, et hurler pour demander sa mort. Parmi les milliers de personnes qui se pressent de tous les coins de Palestine et d’au-delà, et qui ont reçu lumière, santé, sagesse, pardon du Christ, rares, trop rares seront ceux qui, non seulement ne chercheront pas à l’arracher à ses ennemis — leur petit nombre par rapport à la multitude de ceux qui le frappent les en empêche —, mais ne sauront pas même le réconforter en lui donnant une preuve d’amour et en le suivant avec un visage ami.

Les louanges, les marques de sympathie, les commentaires admiratifs se répandent dans la vaste cour comme les flots qui viennent de la haute mer mourir sur le rivage.

598.11

Des scribes, des pharisiens, des juifs tentent de neutraliser l’enthousiasme du peuple, et son excitation contre les ennemis du Christ, en disant :

« Il délire. Il est dans un tel état d’épuisement que cela le fait divaguer. Il voit des persécutions là où on lui rend honneur. Ses propos sont des torrents de sagesse comme d’habitude, mais mêlés à des phrases incohérentes. Personne ne lui veut de mal ! Nous avons bien compris qui il est… »

Mais les gens se méfient d’un pareil changement d’humeur, et une personne se révolte :

« II a guéri mon fils dément. Je connais la folie. Ce n’est pas ainsi que parle un fou ! »

Et un autre :

« Laisse-les dire. Ce sont des vipères qui ont peur que le bâton du peuple leur brise les reins. Pour nous tromper, ils imitent le doux chant du rossignol, mais si tu écoutes bien, on entend le sifflement du serpent. »

Et un autre encore :

« Sentinelles du peuple du Christ, garde à vous ! Quand l’ennemi caresse, c’est qu’il a un poignard caché dans sa manche, et il tend la main pour frapper. Ayons les yeux ouverts et le cœur prêt ! Les chacals ne peuvent devenir des agneaux dociles.

– Tu as raison : le hibou réjouit et enchante les oiseaux naïfs par l’immobilité de son corps et la gaieté menteuse de sa salutation. Il rit et invite par son cri, mais il est déjà prêt à dévorer. »

Et c’est ainsi d’un groupe à l’autre.

598.12

Mais il y a aussi les païens, ces païens toujours plus nombreux qui ne manquent pas d’écouter le Maître en ces jours de fête. Ils se tiennent toujours en marge de la foule, car l’exclusivisme hébreu-palestinien est très fort et les repousse, voulant les premières places autour du Maître. Mais eux désirent l’approcher et lui parler. Un groupe nombreux aperçoit Philippe, que la foule a repoussé dans un coin. Ils s’approchent de lui pour lui dire :

« Seigneur, nous voudrions voir de près Jésus, ton Maître, et nous adresser à lui au moins une fois. »

Philippe se dresse sur la pointe des pieds pour voir s’il découvre quelque apôtre plus près du Seigneur. Il aperçoit André, l’appelle et lui crie :

« II y a ici des païens qui voudraient saluer le Maître. Demande-lui s’il veut les recevoir. »

André, séparé de Jésus par quelques mètres, serré dans la foule, s’ouvre un passage sans beaucoup d’égards, travaillant généreusement des coudes et criant :

« Faites place ! Faites place, je vous dis ! Je dois aller auprès du Maître. »

Il le rejoint et lui transmet le désir des païens.

« Conduis-les dans ce coin-ci. J’irai les trouver. »

Et pendant que Jésus essaie de passer parmi la cohue, Jean, qui est revenu avec Pierre, Pierre lui-même, Jude, Jacques, fils de Zébédée, et Thomas, qui quitte le groupe des parents qu’il a retrouvés dans la foule pour aider ses compagnons, s’efforcent de lui frayer le chemin.

598.13

Enfin Jésus arrive à l’endroit où se trouvent les païens, qui le saluent.

« Paix à vous. Que voulez-vous de moi ?

– Te voir. Te parler. Tes propos nous ont troublés. Depuis longtemps, nous désirions nous adresser à toi pour te dire que ta parole nous frappe, mais nous attendions de le faire à un moment propice. Aujourd’hui… tu parles de mort… Nous craignons de ne plus pouvoir nous entetenir avec toi si nous ne saisissons pas cette occasion. Est-il donc possible que les Hébreux puissent tuer leur meilleur fils ? Nous sommes païens, et ta main ne nous a pas fait de bien. Ta parole nous était inconnue. Nous avions vaguement entendu parler de toi, mais nous ne t’avions jamais vu ni approché. Et pourtant, tu le vois : nous te rendons hommage. C’est le monde entier qui t’honore avec nous.

– Oui, l’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié par les hommes et par les âmes. »

Maintenant, les gens entourent de nouveau Jésus, avec la différence que les païens sont au premier rang, et les autres en arrière.

« Mais alors, si c’est l’heure de ta glorification, tu ne mourras pas comme tu dis ou comme nous avons compris. Car ce n’est pas être glorifié que de mourir de cette façon. Comment pourras-tu réunir le monde sous ton sceptre si tu meurs avant de l’avoir fait ? Si ton bras s’immobilise dans la mort, comment pourras-tu triompher et rassembler les peuples ?

– C’est en mourant que je donne la vie. En mourant, j’édifie. En mourant, je crée le Peuple nouveau. C’est par le sacrifice qu’on obtient la victoire. En vérité, je vous dis que si le grain de froment tombé à terre ne meurt pas, il reste stérile, mais s’il meurt, il produit beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perdra. Qui hait sa vie en ce monde la sauvera pour la vie éternelle. J’ai le devoir de mourir pour donner cette vie éternelle à tous ceux qui me suivent pour servir la Vérité. Que celui qui veut me servir vienne : dans mon Royaume, la place n’est pas limitée à tel ou tel peuple. Que celui qui veut me servir vienne à moi et me suive, et là où je serai, sera aussi mon serviteur. Et celui qui me sert sera honoré par mon Père, qui est l’unique vrai Dieu, le Seigneur du Ciel et de la terre, le Créateur de tout ce qui existe. Il est Pensée, Parole, Amour, Vie, Chemin, Vérité ; Père, Fils, Esprit Saint, un tout en étant trine, trine tout en étant unique, le seul vrai Dieu.

598.14

Mais maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je ? “ Père sauve-moi de cette heure ” ? Non, c’est pour cette heure que je suis venu. Je dirai : “ Père, glorifie ton Nom ! »

Jésus ouvre les bras en croix, une croix pourpre qui se détache sur la blancheur des marbres du portique, il lève la tête en s’offrant, en priant, en s’élevant avec son âme vers le Père.

Alors une voix, plus forte que le tonnerre, immatérielle en ce sens qu’elle ne ressemble à aucune voix d’homme, mais très sensible à toutes les oreilles, emplit le ciel serein de cette magnifique journée d’avril. Vibrant avec plus de puissance que l’accord d’un orgue géant, d’une très belle tonalité, elle proclame :

« Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore. »

La foule a eu peur. Cette voix, si puissante qu’elle a fait vibrer le sol et ce qui s’y trouve, cette voix mystérieuse, différente de toute autre, d’une origine inconnue, cette voix qui emplit tout l’espace, du nord au midi, de l’orient à l’occident, terrorise les juifs et stupéfie les païens. Les premiers, quand ils le peuvent, se jettent à terre, murmurant dans leur crainte :

« Nous allons mourir[2] ! Nous avons entendu la voix du Ciel. Un ange lui a parlé ! »

Et ils se battent la poitrine en attendant la mort. Les seconds hurlent :

« Un coup de tonnerre ! Un grondement ! Fuyons ! La terre a rugi ! Elle a tremblé ! »

Mais il est impossible de fuir dans cette cohue, qui s’accroît encore lorsque les gens qui étaient en dehors des murs du Temple accourent à l’intérieur en criant :

« Pitié pour nous ! Courons ! Ici, c’est le lieu saint. Il ne se fendra pas, le mont où s’élève l’autel de Dieu ! »

Chacun reste donc à sa place, bloqué par la foule et l’épouvante.

598.15

Sur les terrasses du Temple accourent les prêtres, les scribes, les pharisiens, qui étaient éparpillés dans ses méandres ainsi que les lévites et les stratèges. Ils sont agités, stupéfaits. Mais de tous ceux-là, seuls descendent dans les cours Gamaliel et son fils. Jésus le voit passer, drapé dans son vêtement de lin, si blanc qu’il resplendit jusque sous le soleil éclatant qui le frappe.

Jésus regarde Gamaliel, mais, comme s’il parlait pour tout le monde, il hausse la voix pour dire :

« Ce n’est pas pour moi que cette parole est venue du Ciel, mais pour vous. »

Gamaliel s’arrête, se retourne, et ses yeux profonds et très noirs — que l’habitude d’être un maître vénéré comme un demi-dieu rend involontairement durs comme ceux des rapaces — transpercent du regard le regard de saphir, limpide, doux et en même temps majestueux, de Jésus…

Jésus poursuit :

« C’est maintenant le jugement de ce monde. C’est maintenant que le Prince des Ténèbres va être jeté dehors. Et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi, car c’est ainsi que le Fils de l’homme opérera le salut.

598.16

– Nous avons appris dans les livres de la Loi que le Christ vit éternellement. Et toi, tu dis que tu es le Christ mais que tu dois mourir. Tu dis aussi que tu es le Fils de l’homme et que tu sauveras parce qu’on t’élèvera. Qui es-tu donc ? Le Fils de l’homme ou le Christ ? Et qui est le Fils de l’homme ? demande la foule, qui reprend de la hardiesse.

– C’est une seule et même personne. Ouvrez les yeux à la Lumière. Pour peu de temps encore, la Lumière est parmi vous. Marchez vers la Vérité tant que vous avez la Lumière, afin que les ténèbres ne vous surprennent pas. Celui qui marche dans l’obscurité ne sait pas où il va. Tant que vous avez la Lumière, croyez en la Lumière, afin de devenir des fils de la Lumière. »

Puis il se tait.

La foule est perplexe et divisée. Une partie s’en va en hochant la tête. Une partie observe l’attitude des principaux dignitaires : pharisiens, chefs des prêtres, scribes… — et en particulier de Gamaliel —, et ils adaptent leurs propres gestes à cette attitude. D’autres personnes encore approuvent de la tête et s’inclinent devant Jésus avec des signes très clairs qui veulent dire : “ Nous croyons ! Nous t’honorons pour ce que tu es. ” Mais ils n’osent pas se déclarer ouvertement en sa faveur. Ils ont peur des yeux attentifs des ennemis du Christ, des puissants, car ceux-ci les surveillent du haut des terrasses qui surplombent les magnifiques portiques tout autour de l’enceinte du Temple.

598.17

Gamaliel est resté pensif quelques minutes, comme s’il interrogeait le pavé de marbre pour obtenir une réponse aux questions qu’il se pose à lui-même, mais il reprend sa marche vers la sortie après un mouvement de la tête et un haussement d’épaules pour marquer son désappointement ou son mépris… et il passe tout droit devant Jésus, sans plus le regarder.

Jésus, de son côté, le regarde avec compassion… et il hausse de nouveau la voix avec force — c’est comme une trompette de bronze — pour dépasser tous les bruits et être entendu du grand scribe, qui s’en va, déçu. Il semble parler pour tout le monde, mais il est évident qu’il parle pour lui seul :

« Qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en celui qui m’a envoyé, et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé. Or c’est bien le Dieu d’Israël ! Car il n’y a pas d’autre Dieu que lui.

Aussi, je vous dis : si vous ne pouvez croire en moi en tant qu’homme appelé fils de Joseph, de la descendance de David, et fils de Marie, de la lignée de David, de la Vierge vue par le prophète, né à Bethléem, comme l’annoncent les prophéties, précédé par Jean-Baptiste, comme il est dit encore depuis des siècles, croyez au moins à la voix de votre Dieu qui vous a parlé du Ciel. Croyez en moi en tant que Fils de ce Dieu d’Israël. Car, si vous ne croyez pas à celui qui vous a parlé du Ciel, ce n’est pas moi que vous offensez, mais votre Dieu dont je suis le Fils.

N’ayez pas la volonté de rester dans les ténèbres ! Je suis venu au monde comme Lumière afin que celui qui croit en moi ne reste pas dans les ténèbres. Ne consentez pas à vous créer des remords que vous ne pourriez plus apaiser quand je serai retourné là d’où je suis venu, et qui seraient un bien dur châtiment de Dieu pour votre entêtement. Je suis prêt à pardonner tant que je suis parmi vous, tant que le jugement n’est pas rendu. En ce qui me concerne, j’ai le désir de pardonner. Mais différente est la pensée de mon Père, car moi, je suis la Miséricorde et lui est la Justice.

En vérité, je vous dis que si quelqu’un écoute mes paroles et n’en tient pas compte, ce n’est pas moi qui le juge. Je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver. Mais si, moi, je ne juge pas, en vérité je vous dis que quelqu’un juge vos actes. Mon Père, qui m’a envoyé, juge ceux qui repoussent sa Parole. Oui, celui qui me méprise, ne reconnaît pas la Parole de Dieu et ne reçoit pas les paroles du Verbe, aura pour juge la parole même que j’ai annoncée. C’est elle qui le jugera au dernier jour.

On ne se moque pas de Dieu, est-il écrit. Et le Dieu dont on s’est moqué sera terrible pour ceux qui l’auront traité de fou et de menteur.

Rappelez-vous tous que les paroles que vous avez entendues de moi viennent de Dieu. Car je n’ai pas parlé de moi-même, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même prescrit ce que je dois dire et de quoi je dois parler. Et moi, j’obéis à son commandement, car je sais que son commandement est juste. Tout commandement de Dieu est vie éternelle, et moi, votre Maître, je vous donne l’exemple de l’obéissance à tout commandement de Dieu. Soyez donc certains que ce dont je vous ai entretenu et ce dont je vous entretiens encore, je le dis comme mon Père me l’a dit. Or mon Père est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de Moïse, des patriarches et des prophètes, le Dieu d’Israël, votre Dieu. »

Paroles de lumière qui tombent dans les ténèbres qui déjà s’épaississent dans les cœurs !

Gamaliel, qui s’était de nouveau arrêté, la tête penchée, reprend sa marche… D’autres le suivent en hochant la tête ou en ricanant.

598.18

Jésus part lui aussi… Mais auparavant, il se tourne vers Judas : “ Va là où tu dois aller ”, puis vers les autres :

« Chacun est libre d’aller là où il le doit, ou à sa guise. Les disciples bergers resteront avec moi.

– Prends-moi aussi avec toi, Seigneur ! implore Etienne.

– Viens… »

Ils se séparent. Je ne sais pas où Jésus se rend. Mais je sais où va Judas : il va à la Belle Porte. Il monte les marches qui mènent de la Cour des Païens à celle des femmes, et après l’avoir traversée, il franchit d’autres marches, jette un coup d’œil dans la Cour des Juifs et, de colère, il frappe le sol du pied parce qu’il ne trouve pas la personne qu’il cherche. Revenu sur ses pas, il voit un des gardes du Temple, le hèle et lui ordonne avec son arrogance habituelle :

« Va trouver Eléazar, fils d’Hanne. Qu’il vienne tout de suite à la Belle. Judas, fils de Simon, l’attend pour une affaire sérieuse. »

Il s’appuie à une colonne et attend. Après un moment, Eléazar, fils d’Hanne, Elchias, Simon, Doras, Corneille, Sadoq, Nahum et d’autres, accourent. Je vois leurs vêtements voler dans le vent.

Judas parle d’une voix basse, mais excitée :

« Ce soir ! Après la cène. A Gethsémani. Venez l’y capturer. Donnez-moi l’argent.

– Non. Nous te le remettrons quand tu viendras nous chercher ce soir. Nous ne te faisons pas confiance ! Nous te voulons avec nous. On ne sait jamais ! » raille Elchias.

Les autres l’approuvent en chœur.

Piqué au vif par cette insinuation, Judas s’enflamme de dédain. Il jure :

« Je jure sur Yahvé que je dis la vérité ! »

Sadoq réplique:

« C’est bien. Mais il vaut mieux agir de la sorte. Quand ce sera l’heure, tu viendras, tu prendras les hommes chargés de la capture et tu partiras avec eux. Il vaut mieux éviter que des gardes imbéciles arrêtent Lazare et provoquent des malheurs. Tu leur indiqueras l’homme par un signe… Tu dois comprendre ! C’est la nuit… On n’y verra guère… Les gardes seront fatigués, endormis… Mais si tu les guides… Voilà ! Qu’en pensez-vous ? »

Le perfide Sadoq se tourne vers ses compagnons, et lâche :

« Je proposerais comme signal un baiser. Un baiser ! Le meilleur signe pour indiquer l’ami trahi. Ha ! Ha ! »

Tous ricanent. Ils forment un chœur de démons.

Judas est furieux, mais il ne recule pas. Il ne recule plus. Il souffre du mépris qu’ils lui témoignent, mais pas pour ce qu’il s’apprête à faire, si bien qu’il déclare :

« Mais rappelez-vous que je veux l’argent compté dans la bourse avant de sortir d’ici avec les gardes.

– Tu l’auras ! Tu l’auras ! Nous te donnerons même la bourse pour que tu puisses garder l’argent, comme relique de ton amour. Ha ! Ha ! Ha ! Adieu, serpent ! »

Judas est livide. Il est déjà livide. Il ne perdra jamais plus ce teint et cette expression d’épouvante désespérée. Au contraire, elle s’accentuera avec les heures jusqu’à devenir insoutenable quand il sera pendu à l’arbre… Il s’enfuit…

598.19

Jésus s’est réfugié dans le jardin d’une maison amie, un jardin tranquille des premières maisons de Sion. Entouré de hauts murs anciens, recouvert par la frondaison un peu agitée des vieux arbres, il est frais et silencieux. Non loin, une voix de femme chante une douce berceuse.

Il a dû se passer des heures, car les serviteurs de Lazare, de retour après être allés je ne sais où, disent :

« Tes disciples sont déjà dans la maison où la cène est préparée, et Jean, après avoir apporté avec nous les fruits aux enfants de Jeanne, est parti chercher les femmes pour les accompagner chez Joseph, fils d’Alphée, qui est arrivé aujourd’hui seulement, quand sa mère n’espérait plus le voir, et puis, de là, à la maison de la cène, car c’est le soir.

– Nous allons nous aussi nous y rendre. Les heures des cènes sont arrivées… »

Jésus se lève pour remettre son manteau.

« Maître, il y a au dehors des personnes de condition. Elles voudraient te parler sans être vues par les pharisiens, annonce un serviteur.

– Fais-les entrer. Esther ne s’y opposera pas. N’est-ce pas, Esther ? dit Jésus en se tournant vers une femme d’âge mûr qui accourt pour le saluer.

– Non, Maître. Ma maison est la tienne, tu le sais. Tu ne t’en es servi que trop peu !

– Autant qu’il faut pour dire à mon cœur : c’était une maison amie. »

Il commande au serviteur :

« Va chercher ceux qui attendent. »

598.20

Il entre une trentaine de personnes bien mises. Elles le saluent. Quelqu’un parle au nom de tous :

« Maître, tes paroles nous ont secoués. Nous avons entendu en toi la voix de Dieu. Mais nous sommes traités de fous parce que nous croyons en toi. Que faire ?

– Qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en celui qui m’a envoyé et dont aujourd’hui vous avez entendu la voix très sainte. Qui me voit, ce n’est pas moi qu’il voit, mais celui qui m’a envoyé, car je ne fais qu’un avec mon Père. C’est pourquoi je vous dis que vous devez croire pour ne pas offenser Dieu, qui est mon Père et le vôtre, et qui vous aime jusqu’à vous sacrifier son Fils unique. Si des cœurs doutent que je suis le Christ, il n’y a pas de doute que Dieu est au Ciel. Et la voix de Dieu, que j’ai appelé Père, aujourd’hui, au Temple, en lui demandant de glorifier son Nom, a répondu à celui qui l’appelait Père, et sans le traiter de “ menteur ” ou de “ blasphémateur ” comme le font plusieurs. Dieu a confirmé qui je suis : sa Lumière. Je suis la Lumière venue dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. Si quelqu’un entend mes paroles et ne les met pas en pratique, je ne le juge pas. Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde. Celui qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a son juge : la parole que j’ai fait entendre, c’est elle qui le jugera au dernier jour. En effet, elle était sage, parfaite, douce, simple, comme l’est Dieu. Car cette Parole, c’est Dieu. Celui qui a parlé n’est pas moi, Jésus de Nazareth, dit le fils de Joseph, menuisier de la race de David, et fils de Marie, enfant juive, vierge de la race de David mariée à Joseph. Non. Je n’ai pas parlé de moi-même. C’est mon Père, celui qui est dans les Cieux et dont le nom est Yahvé, c’est lui qui aujourd’hui a parlé, qui m’a envoyé, qui m’a prescrit de dire ce que je dois dire et de quoi je dois parler. Et je sais que son commandement est vie éternelle. Les paroles que je vous dis, je les dis comme le Père les a dites, et elles sont porteuses de Vie. C’est pour cela que je vous dis : écoutez-les. Mettez-les en pratique et vous aurez la Vie. Car ma parole est Vie, et celui qui l’accueille, accueille, en même temps que moi, le Père des Cieux qui m’a envoyé pour vous donner la Vie. Et celui qui a Dieu en lui a en lui la Vie.

598.21

Allez. Que la paix vienne à vous et y demeure. »

Il les bénit et les congédie. Il bénit aussi les disciples. Il retient seulement Isaac et Etienne, embrasse les autres et les congédie. Quand ils sont partis, il sort le dernier avec ses deux compagnons, et passe avec eux par les ruelles les plus solitaires et déjà sombres, pour se rendre à la maison du Cénacle. Arrivé là, il étreint et bénit avec un amour particulier Isaac et Etienne, il les embrasse, les bénit de nouveau, les regarde partir, puis il frappe et entre…

598.22

Jésus dit :

« Tu placeras ici les visions de l’adieu à ma Mère, du Cénacle, de la cène. Et maintenant faisons, nous deux, toi et moi, la vraie commémoration pascale. Viens… »

598.1

It is morning again. So serene! So joyful! Even the rare clouds that yesterday were wandering slowly in the cobalt-blue sky are no longer there. Neither is there the heavy sultriness that was so oppressive yesterday. A light breeze blows gently on people’s faces. And it carries the scent of flowers, of hay, of pure air. And it gently moves the leaves of the olive-trees. It seems anxious to let people admire the silver shade of the small lanceolate leaves, to shed tiny white scented flowers on the steps of Christ, on His fair-haired head, to kiss Him, to refresh Him – because each tiny calyx has its very small dew-drop – to kiss Him, to refresh Him, then die before seeing the impending horror. And the grass on the hillocks bows shaking the bellflowers, the corollas, the little palms of thousands of flowers. The large wild ox-eye daisies, stars with golden hearts, are standing high up on their stems as if to kiss the hand that will soon be pierced, and the small daisies and the wild camomile kiss His generous feet, which will stop walking for the good of men only when they are nailed to give an even greater good, and the brier-roses smell sweetly, and the hawthorn, which no longer has any flowers, moves its indented leaves. It seems to be saying: «No, no» to those who will use it to torture the Redeemer. And «no» say the reeds of the Kidron. They do not want to strike either, and their will of little things does not want to harm the Lord. And perhaps also the stones on the slopes are happy to be out of town, in the olive-grove, because being there, they will not hurt the Martyr. And the thin rosy convolvuli, which Jesus loved so much, are weeping, as well as the corymbs of the snow-white acacias, similar to clusters of butterflies pressing against one stem, perhaps they are thinking: «We shall never see Him again.» And the myosotes, so slender and pure, drop their corollas when touched by the purple mantle that Jesus is wearing again. It must be beautiful to die being struck by something that belongs to Jesus. All the flowers, also a lost lily of the valley, which perhaps fell there by accident and came up among the protruding roots of an olive-tree, is happy to be seen and picked by Thomas and offered to the Lord… And happy are the thousand birds among the branches to greet Him with joyful songs. Oh! the birds that He always loved do not curse Him! Even a small herd of sheep seem to be wishing to greet Him, although they are sad, having been deprived of their little ones that have been sold for the Passover sacrifice. It is the lament of mothers resounding in the air, as they bleat calling their little ones that will never come back, and they come to rub against Jesus, looking at Him with their meek eyes.

598.2

The sight of the sheep reminds the apostles of the rite and when they are almost at Gethsemane, they ask Jesus: «Where shall we go to consume the Passover? Which place are You choosing? Tell us and we will go and prepare everything.»

And Judas of Kerioth says: «Give me Your orders and I will go.»

«Peter. John. Listen to Me.»

The two, who were a little ahead, approach Jesus Who has called them.

«Go ahead and enter the town by the Dung Gate. As soon as you go in, you will meet a man who is coming back from En Rogel with a pitcher of that good water. Follow him until he goes into a house. You will say to him who is in it: “The Master says: ‘Where is the room where I may eat the Passover with My disciples?’” He will show you a large supper-room, which is ready. Prepare everything there. Go quickly and then join us at the Temple.»

The two go away in a hurry.

Jesus instead proceeds slowly. The morning is still cool, and only the first pilgrims appear on the roads leading into town. They cross the little Kidron bridge that is before Gethsemane and enter the town. The gates are no longer watched by legionaries, probably because of a counter-order by Pilate, who has been reassured by the lack of disputes concerning Jesus. There is in fact absolute tranquillity everywhere.

598.3

Oh! no one can deny that the Judaeans have been able to control themselves! No one has molested the Master or His disciples. Behaving respectfully if not affectionately, and as well-mannered people, they have always greeted Him, even the most rancorous members of the Sanhedrin. Also yesterday’s reproof was borne with incomparable patience. And as Caiaphas’ country house is close to that gate, just now a large group of Pharisees and scribes passes by coming from it, and among them there is the son of Annas with Helkai, Doras and Sadoc. And bending their backs covered with wide mantles they pay their respects among the fluttering of garments, fringes and bulky headgear. Jesus greets them and passes by, regal in His red woollen tunic and His mantle of a darker shade, the headgear of Syntyche in His hand, while the sun turns His copper-red hair into a golden wreath and a shining veil reaching down to His shoulders.

After He has passed the backs straighten up and the faces appear: those of furious hyenas.

Judas of Kerioth, who was always looking around with his treacherous face, moves to the roadside under the pretext of tying his sandal and, I can see him very well, beckons to those men to wait for him… He lets the group of Jesus and His disciples go ahead, always busy at the buckle of his sandal to strike an attitude; he then passes quickly close to the scribes and Pharisees and whispers: «At the Beautiful Gate. About the sixth hour. One of you.» and he darts away quickly, joining his companions. Frank, impudently frank!…

598.4

They go up to the Temple. Only few Jews as yet. But many Gentiles. Jesus goes to worship the Lord. He then comes back and He tells Simon and Bartholomew to buy the lamb getting the money from Judas of Kerioth.

«I could have done it!» says Judas.

«You will have other things to do. You know that. There is that widow to whom the offering of Mary of Lazarus is to be taken, informing her that after the festivities she should go to Bethany, to Lazarus. Do you know where she lives? Have you understood?»

«Yes, I know! Zacharias, who knows her well, showed me the place.» And he adds: «I am very glad to go. Not so much because of the journey, as because of the lamb. When have I to go?»

«Later. I shall not stop long here. I will rest today, as I want to be fit for this evening and for My night prayer.»

«All right.»

Well, I wonder: Jesus, Who in the past days has said nothing about His intentions in order not to let Judas have any details, why does He now say, why does He repeat what He will do during the night? Has His Passion already begun with the blindness of foresight, or has this foresight increased so much that He can read in the books of Heaven that that is «the night» and that therefore it is necessary to make it known to him who is waiting to know, so that he may hand Him over to his enemies, or has He always known that his immolation is to begin that night? I cannot give any answer. Jesus does not give me any reply. And I remain with my queries, while I watch Jesus Who is curing the last sick people. The last ones… Tomorrow, in a few hours, He will no longer be able… The Earth will be bereft of its powerful Healer of bodies. But the Victim, from His scaffold, will begin the series, uninterrupted for twenty centuries, of His spiritual healings.

598.5

Today I am contemplating rather than describing. My Lord makes me project my spiritual sight from what I see happening in the last day of Christ’s freedom, to what it will be throughout ages… Today I am contemplating the feelings, the thoughts of the Master rather than what is happening around Him. I am already in the distressing understanding of His torture at Gethsemane…

598.6

As usual Jesus is overwhelmed by the crowd that has increased and consists now mainly of Hebrews, who forget to hasten to the place where lambs are sacrificed, anxious as they are to approach Jesus, the Lamb of God, Who is about to be immolated.

And the people go on asking questions and they want further explanations.

Many are Hebrews who have come from the Diaspora, and having heard people speak of the reputation of the Christ, of the Galilean Prophet, of the Rabbi of Nazareth, they are curious to hear Him speak and are anxious to get rid of every possible doubt. And they push through the crowd and they implore those from Palestine saying: «You always have Him with you. You know who He is. You can hear His words whenever you wish. We have come from afar and we shall be departing immediately after satisfying the precept. Let us go to Him!» The crowd gives way with difficulty to make room for them. And they approach Jesus and watch Him with curiosity. They talk in low voices to one another, group by group.

Jesus observes them, even if at the same time He listens to a group of people who have come from Perea. Then, after dismissing the latter group of people, who have given him money for the poor, as many people do, and He has handed it to Judas as usual, He begins to speak.

598.7

«You are all of the same religion, but of different places of origin, and many of those who are present here are wondering: “Who is this man who is called the Nazarene?”, and their hopes clash with their doubts. Listen[1]: It is said of Me: “A shoot will spring from the stock of Jesse, a flower will come from this root and the Spirit of the Lord will rest upon Him. He will not judge by what appears to the eyes, He will give no verdict on hearsay, but He will judge the wretched with integrity, He will take up the cudgels for the lowly. The shoot of the root of Jesse, placed as a signal among nations, will be implored by peoples and His sepulchre will be glorious. After hoisting a flag for the nations, He will gather together the refugees of Israel, He will assemble the scattered people of Judah from the four corners of the Earth.” It is said of Me: “Here is the Lord God coming with power, His arm will triumph. He carries with Him His prize, His work is before His eyes. Like a shepherd he will pasture his flock.” It is said of Me: “Here is My Servant with Whom I will stay, in Whom My soul delights. I have endowed Him with My spirit. He will bring justice to the nations. He will not shout, He will not break the crushed reed, He will not put out the smoky wick, He will do justice according to truth. Without being sad or turbulent, He will succeed in establishing justice on the Earth, and the islands will await His law.”

It is said of Me: “I, the Lord, have called You in justice, I have taken You by the hand, I have preserved You, I have appointed You as covenant of the people and light of the nations, to open the eyes of the blind, to free captives from prison and those who lie in darkness from the dungeon.”

It is said of Me: “The Spirit of the Lord is upon Me, because the Lord has anointed Me to announce the Good News to the meek, to cure those whose hearts are broken, to preach liberty to slaves, freedom to prisoners, to preach the year of grace of the Lord.”

It is said of Me: “He is the Strong one, He will feed His flock with the power of the Lord, with the majesty of the name of the Lord His God. They will be converted to Him, because as from now He will be glorified to the utmost limits of the world.”

It is said of Me: “I will go and look for my sheep Myself. I will look for the lost ones, I will bring back those that have been driven away, I will bind those with fractures, I will nourish the weak ones, I will watch over the ones that are fat and strong, I will pasture them with justice.”

It is said: “He is the Prince of peace and will be the peace.”

It is said: “Here comes your King, the Just One, the Saviour. He is poor, He is riding a little donkey. He will announce peace to the nations. His dominion will be from sea to sea, to the utmost limits of the Earth.

It is said: “Seventy weeks have been decreed for your people, for your holy city, so that prevarication may be removed, sin may come to an end, wickedness may be canceled, eternal justice may come, visions and prophecies may be fulfilled, and the Holy of Holies may be anointed. After seven plus sixty-two the Christ will come. After sixtytwo He will be killed. After one week He will confirm the will, but in the middle of the week victims and sacrifices will stop, and the abomination of desolation will be in the Temple, and it will last until the end of time.”

598.8

So will there be a shortage of victims in these days? Will the altar have no victim? It will have the great Victim. Here, the prophet sees it: “Who is this coming with garments stained with crimson? He is handsome in His garment and He marches in the fullness of His strength.” And He Who is poor, how did He dye His garment with purple? Here, the prophet explains it: “I abandoned my body to those who struck Me, my cheeks to those who tore at my beard, I did not turn my face away from those who insulted Me. My handsomeness and my splendour were lost, and men no longer loved Me. Men have despised Me and considered Me the last one! The man of sorrows, my face will be veiled and scorned and they will regard Me as a leper, whereas on behalf of everybody I shall be covered with sores and put to death.

Here is the Victim. Be not afraid, Israel! Be not afraid. The Passover Lamb is not unavailable! Be not afraid, o Earth! Be not afraid. Here is the Saviour. Like a sheep He will be led to the slaughter-house, because He wanted that, and He did not open His mouth to curse those who are killing Him. After being condemned He will be raised and consumed in pain, with His limbs dislocated, His bones uncovered, His feet and hands pierced. But after the anguish through which He will justify many, He will possess multitudes because, after delivering His life to death for the salvation of the world, He will rise from the dead and will rule the Earth, He will nourish peoples with the waters seen by Ezekiel, flowing out of the true Temple that, even if it is knocked down, will rise again through its own strength, and with the wine by which also the snow-white garment of the spotless Lamb has been dyed purple, and with the Bread descended from Heaven.”

598.9

You who are thirsty, come to the waters! You who are hungry, take your nourishment! You who are worn out and you, sick people, drink My wine! Come, you who have no money, you who are in bad health, come! And you who are in Darkness! And you who are dead, come! I am Riches and Health. I am Light and Life. Come, you who are looking for the Way! Come, you who are seeking the Truth! I am Way and Truth! Do not be afraid of not being able to consume the Lamb because there are no really holy victims in this desecrated Temple. You will all be able to eat of the Lamb of God, Who has come to take away the sins of the world, as the last of the prophets of My people said of Me. Of that people whom I ask: My people, what have I done to you? In what have I grieved you? What else could I have given you more than what I gave you? I taught your minds, I cured your sick people, I helped your poor people, I satisfied the hunger of your crowds, I loved you in your children, I forgave and prayed for you. I loved you to the extent of Sacrifice. And what are you preparing for your Lord? One hour, the last one, is given to you, My people, My regal and holy town. Come back in this hour to the Lord your God!»

598.10

«He has spoken true words!»

«That is what is said! And He really does what is said!»

«Like a shepherd He has taken care of everybody!»

«As if we were stray sheep, sick, in darkness, He has come to lead us to the right way, to cure our souls and bodies, to enlighten us.»

«All the peoples really go to Him. Look over there, at those Gentiles, how admired they are!»

«He has preached peace.»

«He has given love.»

«I do not understand what He says about the sacrifice. He speaks as if He had to be killed.»

«It is so, if He is the Man seen by the prophets, the Saviour.»

«And He speaks as if all the people had to ill-treat Him. That will never happen. The people, we, love Him.»

«He is our friend. We will defend Him.»

«He is a Galilean, and we Galileans will give our lives for Him.»

«He is of David’s stock, and we men of Judaea will raise our hands to defend Him.»

«And we, whom He loved as He loved you, we from Hauran, from Perea, from the Decapolis, shall we ever forget Him? We will all defend Him.»

These are the voices of the crowd, which by now is very numerous. How transient are human intentions! Judging by the position of the sun I think it must be about nine o’clock a.m. our time. Twenty-four hours later these people will have been round the Martyr for many hours, to torture Him with their hatred and blows, and shouting they will request His death. Few, very few, too few among the thousands of people who are crowding from every part of Palestine and farther away, and who have received light, health, wisdom, forgiveness from Christ, will be those who not only will not try to tear Him away from His enemies, because their small number compared with the multitude of the strikers prevents them, but will not even be able to comfort Him giving Him a proof of their love by following Him with a friendly attitude. The praises, assents and admired comments spread through the large court, like waves that from the open sea go far to die on the beach.

598.11

Some scribes, Judaeans and Pharisees try to counteract the enthusiasm of the people as well as the ferment of the people against the enemies of the Christ saying: «He is raving. His tiredness is so great and makes Him delirious. He mistakes honours for persecutions. His words have torrents of His usual wisdom, but mixed with delirious sentences. No one wants to hurt Him. We have understood. We have understood who He is…»

But the people are doubtful about such a great change of humour and some rebel against them saying: «He cured my insane son. I know what madness is. One who is mad does not speak like that!»

And another one says: «Let them say. They are vipers who are afraid that the club of the people may break their backs. They sing the sweet song of the nightingale in order to deceive us, but, if you listen carefully, there is the hiss of the snake in it.»

And also another one: «Sentries of the people of Christ, look out! When the enemy caresses, he has a dagger concealed in his sleeve, and he stretches out his hand to strike. Keep your eyes open and your hearts ready! Jackals cannot become meek lambs.»

«You are right: the owl lures and enchants simple little birds with the immobility of its body and with the false joy of its greeting. It laughs and invites with its cry, but it is ready to devour.»

And so forth, from group to group.

598.12

But there are also some Gentiles, who have been constant and more and more numerous in listening to the Master during the days of the festivity. They are always at the edge of the crowd, because the Hebrew-Palestinian exclusivism is strong and repels them pretending the places closest to the Master, so they wish to approach Him and speak to Him.

A large group of them casts glances at Philip, who has been pushed into a corner by the crowd. They approach him saying: «Sir, we wish to see Jesus, your Master, at close quarters, and speak to Him at least once.»

Philip stands on the tips of his toes to see whether there is any apostle closer to the Lord. He sees Andrew and after calling him, he shouts: «There are some Gentiles here who would like to greet the Master. Ask Him whether He will receive them.»

Andrew, a few metres away from Jesus, squeezed in the crowd, pushes his way through the crowd, working generously with his elbows without regard and shouting: «Make way! Make way, I say. I must go to the Master.» He reaches Him and informs Him of the wish of the Gentiles.

«Take them to that corner. I will come to them.»

And while Jesus tries to pass through the crowd, John, who has just come back with Peter, struggles to make way for Him and is assisted in doing so by Peter, Judas Thaddeus, James of Zebedee and Thomas, who leaves the group of his relatives that he met in the crowd in order to help his companions.

598.13

Jesus is where the Gentiles already are and they greet Him. «Peace be with you. What do you want of Me?»

«To see You and speak to You. Your words have upset us. We have always been wanting to speak to You to tell You that Your word affects us. But we were waiting for a suitable moment to do so. Today… You are speaking of death… We are afraid that we shall not be able to speak to You any more, if we do not take advantage of this hour. But is it possible that the Hebrews may kill their best son? We are Gentiles, and we have received no favour from Your hand. Your word was unknown to us. We have heard people speak of You vaguely. But we had never seen You or approached You. And yet, as You can see, we pay homage to You. It is the whole world that honours You with us.»

«Yes, the hour has come when the Son of man is to be glorified by men and by spirits.»

Now the crowd is around Jesus once again but with the difference that the Gentiles are in the first row and the others behind.

«But if it is the hour of Your glorification, You will not die, as You say, or as we have understood. Because it is not a glorification to die in that way. How will You be able to gather the world under Your sceptre, if You die before doing so? If Your arm is immobilised by death, how will it be able to triumph and gather peoples together?»

«By dying, I give life. By dying, I build. By dying, I create the new People. It is through sacrifice that one gains victory. I solemnly tell you that if the wheat grain that has fallen on the ground does not die, it remains unfruitful. If instead it dies, then it yields a rich harvest. He who loves his life will lose it. He who hates his life in this world, will save it for the eternal life. It is My duty to die to give this eternal life to all those who follow Me to serve the Truth. Let those who want to serve Me come: the places in my kingdom are not limited to this or that people. Let whoever wants to serve Me come and follow Me, and where I am, My servant will be there as well. And he who serves Me will be honoured by My Father, the Only, True God, the Lord of Heaven and Earth, the Creator of everything that exists, the Thought, Word, Love, Life, Way, Truth; Father, Son, Holy Spirit, One being Trine, Trine being One, Only, True God.

598.14

But now My soul is upset. And what shall I say? Shall I perhaps say: “Father save Me from this hour”? No. Because I have come for this: to arrive at this hour. So I will say: “Father, glorify Your Name!”.

Jesus stretches out His arms crosswise, a purple cross against the white marbles of the porch and He raises His head, offering Himself, praying, ascending with His soul to the Father.

And a voice, louder than thunder, immaterial in as much it is not like any human voice, but very sensible to all ears, fills the clear sky of the beautiful April day and vibrates, more powerful than the chord of a gigantic organ, in a very beautiful tonality, and proclaims: «I have glorified Him and I will glorify Him again!»

The people have been frightened. That voice, so powerful that the soil and what is on it vibrated because of it, that mysterious voice, different from any other, coming from an unknown source, that voice that fills everything, from north to south, from east to west, terrorises the Hebrews and amazes the heathens. The former, when possible, throw themselves on the ground, murmuring in their fear: «We shall die now! We have heard the voice of Heaven. An angel has spoken to Him!» and they beat their breasts awaiting death. The latter shout: «A peal of thunder! A rumbling roar! Let us run away! The Earth has roared! It has quaked!» But it is impossible to run away in the throng that increases with those who from outside the walls of the Temple rush inside shouting: «Have mercy on us! Let us run! This is a holy place. The mountain where the altar of God rises will not split!» So they all remain where they were, where the crowd and fear block them.

598.15

Priests, scribes, Pharisees, Levites, magistrates, who were scattered in the meanders of the Temple, rush to its terraces. They are excited and dumbfounded. But of all of them only Gamaliel with his son comes down among the people in the courts. Jesus sees him passing by, all white in his linen garment, which is so white that it gleams even in the strong sun shining on it.

Jesus, looking at Gamaliel, but as if He were speaking to everybody, raises His voice saying: «Not for Me, but for you, has this voice come from Heaven.»

Gamaliel stops, turns around, and with the glances of his very deep dark eyes – which the habit of being a master worshipped like a demigod has involuntarily made as hard as those of predators – he pierces through the sapphire, limpid, majestically mild eyes of Jesus…

And Jesus resumes: «The judgement of this world takes place now. Now the Prince of Darkness is about to be driven out. And when I have been lifted up, I will draw everybody to Myself, because that is how the Son of man will save.»

598.16

«We have learnt from the books of the Law that the Christ lives forever. And You say that You are the Christ and You say that You must die. And You also say that You are the Son of man and that You will save, being lifted up. So who are You? The Son of man or the Christ? And who is the Son of man?» ask the crowds, who are taking heart again.

«They are only one person. Open your eyes to the Light. Only for a short time the Light will still be with you. Walk towards the Truth while you have the Light among you, that you may not be overtaken by darkness. Those who walk in darkness do not know where they will end up. While you have the Light among you, believe in It, to be the children of the Light.» He becomes silent.

The crowd is perplexed and divided. Some go away shaking their heads. Some watch the attitude of the main dignitaries: Pharisees, chiefs of the priests, scribes… and particularly of Gamaliel, and they regulate their conduct on that attitude. And others nod assent and bow to Jesus clearly meaning: «We believe! We honour You for what You are.» But they dare not side openly with Him. They are afraid of the vigilant eyes of Christ’s enemies, of the mighty ones, who are watching them from the high terraces dominating the splendid porches surrounding the courts of the Temple.

598.17

Also Gamaliel, after remaining pensive for some minutes, and he seems to be questioning the marbles of the pavement for answers to his inward questions, sets out again towards the exit, after shaking his head and shoulders, as if to express disappointment or scorn… and he passes straight in front of Jesus, without looking at Him any more.

Jesus, instead, looks at him compassionately… and he raises His voice again, very loudly – it sounds like the blare of a trumpet – to overcome every noise and be heard by the great scribe who is going away disappointed. He seems to be speaking to everybody, but it is clear that He is speaking for him alone.

He says in a very loud voice: «He who believes in Me, does not really believe in Me, but in Him Who sent Me, and he who sees Me, sees Him Who sent Me. And He is indeed the God of Israel! Because there is no other God but He.

That is why I say: if you cannot believe in Me as the man who is said to be the son of Joseph of David and the son of Mary, of the stock of David, of the Virgin seen by the Prophet, born at Bethlehem, as is announced by the prophecies, preceded by the Baptist, as also has been said for ages, believe at least the voice of your God Who has spoken to you from Heaven. Believe in Me as the Son of this God of Israel. Because if you do not believe in Him Who has spoken to you from Heaven, you do not offend Me, but your God Whose Son I am.

Do not remain in darkness! I have come as Light to the world, so that he who believes in Me may not remain in darkness. Do not create remorses for yourselves, as you might not be able to appease your minds when I have gone back whence I came, and they would be a severe punishment of God for your stubbornness. I am willing to forgive, while I am among you, until judgement is passed, and as far as I am concerned, I wish to forgive. But the mind of the Father is different from Mine. Because I am Mercy and He is Justice.

I solemnly tell you that if a man listens to My words and does not comply with them. I will not judge him. I did not come to the world to judge it, but to save it. But if I do not judge, I solemnly tell you that there is who will judge you by your actions. My Father, Who sent Me, will judge those who reject His Word. Yes, he who despises Me and does not acknowledge the Word of God, and does not receive the words of the Word, well, he has who will judge him: the very word that I have announced will judge him on the last day.

It is said: God is not to be scoffed at. And the God scoffed at will be terrible with those who considered Him mad and mendacious.

Bear in mind, all of you, that the words you heard Me utter, come from God. Because I have not spoken on My own account, but the Father Who sent Me, prescribed what I must say and of what I have to speak. And I obey His order, because I know that His commandment is just. Each command of God is eternal life. And I, your Master, set for you the example of obedience to all commands of God. You may rest assured that the things I told you and I am telling you, I said them and I am saying them as My Father told Me to say them to you. And My Father is the God of Abraham, Isaac, Jacob; the God of Moses, of the patriarchs and of the prophets, the God of Israel, your God.»

Words of light that fall into the darkness that is already growing darker in hearts!

Gamaliel, who had stopped once again, his head bowed, resumes walking… Others follow him shaking their heads or sneering…

598.18

Jesus also goes away… But first He says to Judas: «Go where you have to go», and to the others: «Each of you is free to go where you have or you wish to go. Let the shepherd disciples remain with Me.»

«Oh! take me also with You, Lord!» says Stephen.

«Come…» They part.

I do not know where Jesus goes. But I know where Judas of Kerioth goes. He goes to the Beautiful Gate climbing the several steps that from the Court of the Gentiles lead to that of the women, and after going across it, climbing more steps at the end of it, he casts a glance at the Court of the Hebrews, and stamps his feet angrily, as he does not find the person he is looking for.

He goes back. He sees one of the Temple guards. He calls him. With his usual haughtiness he says to him: «Go to Eleazar ben Annas. Tell him to come to the Beautiful Gate immediately. Judas of Simon is waiting for him for serious matters.»

He leans against a column and waits. Shortly afterwards Eleazar, the son of Annas, Helkai, Simon, Doras, Cornelius, Sadoc, Nahum and others arrive with much fluttering of garments.

Judas speaks in a low but excited voice: «This evening! After supper. At Gethsemane. Come there and get Him. Give me the money.»

«No. We will give you it when you call for us this evening. We do not trust you! We want you to stay with us. You never know!» says Elkai with a sneer. The others nod assent in chorus.

Judas flares up in a temper at the insinuation. He swears: «I swear by Jehovah that I am telling the truth!»

Sadoc replies to him: «All right. But it is better to do it this way. Come when it is time, take those who are charged to capture Him and go with them, lest the stupid guards may arrest Lazarus by chance and may create a lot of trouble. By means of a signal you will point out the man to them… You must understand! By night… there will not be much light… the guards will be tired, sleepy… But if you guide them!… Well! What do you say?» The perfidious Sadoc addresses his companions saying: «As a signal I would suggest a kiss. A kiss! The best signal to point out the betrayed friend. Ha! Ha!»

They all laugh. A chorus of sneering demons.

Judas is furious. But he does not withdraw. He will not withdraw any more. He suffers because they sneer at him, not because of what he is about to do. So much so that he says: «But remember that I want the money counted in the purse before going out from here with the guards.»

«You will have it! You will have it! We will give you also the purse, so that you may keep those coins as a relic of your love. Ha! Ha! Ha! Goodbye, snake!»

Judas is livid. He is already livid. Never again will he lose that colour and that expression of desperate terror. On the contrary, it will grow more and more by the hour, until it becomes unsustainable when he is hanging from the tree… He runs away…

598.19

Jesus has taken shelter in the garden of a friendly house. A quiet garden of the first houses in Zion. It is surrounded by high ancient walls. It is silent and cool, covered as it is with the quivering leaves of old trees. Not far away the voice of a woman is singing a sweet lullaby.

Some hours must have gone by, because Lazarus’ servants, who have come back after going I do not know where, say: «Your disciples are already in the house where the supper is being prepared, and John, after coming with us to take the fruit to Johanna of Chuza’s children, has gone to get the women and take them to Joseph of Alphaeus, who arrived only today, when his mother no longer hoped to see him, and then, from there to the house of the supper, because night is falling.»

«We shall go as well. It is supper time…» Jesus stands up and puts on His mantle.

«Master, there are some people out there. Wealthy people. They would like to speak to You without being seen by the Pharisees» says a servant.

«Let them come in. Esther will not object. Is that right, woman?» says Jesus, addressing a woman of ripe age who is coming to greet Him.

«No, Master. My house is Yours, as You know. You have made use of it for too short a time!»

«Sufficiently long as to say to My heart: it was a friendly house.» He says to the servant: «Bring in those who are waiting.»

598.20

About thirty dignified looking people come in. They greet Him. One of them speaks on behalf of everybody: «Master, Your words have shaken us. We have heard the voice of God in You. But they say that we are foolish, because we believe in You. So what shall we do?»

«He who believes in Me does not believe Me, but believes in Him Who sent Me, and Whose most holy voice you have heard today. He who sees Me does not see Me, but sees Him Who sent Me, because I am one thing with My Father. That is why I say to you that you must believe in order not to offend God, Who is your Father and Mine, and loves you to the extent of sacrificing His Only-Begotten for you. Because, if hearts doubt whether I am the Christ, there is no doubt that God is in Heaven. And the voice of God, Whom I called Father today in the Temple, asking Him to glorify His Name, has replied to Him Who was calling Him Father, without saying that He is a “liar or blasphemer” as many say. God has confirmed who I am. I am His Light. I am the Light that has come to the world. I have come as Light to the world, so that he who believes in Me may not remain in Darkness. If a man listens to My words, and then does not comply with them, I will not judge him. I have not come to judge the world, but to save the world. He who despises Me and does not accept My words, has who will judge him.

It is the word announced by Me that will judge him on the last day. Because it was wise, perfect, kind, simple, as God is. Because that Word is God. It is not I, Jesus of Nazareth, called the son of Joseph, a carpenter of the stock of David, and the son of Mary, a Hebrew girl, a virgin of the stock of David, married to Joseph, it is not I Who has spoken. No, I have not spoken on My own account. But it is My Father, He Who is in Heaven and His name is Jehovah, Who spoke today, He Who sent Me, and He told Me what I must say and of what I must speak. And I know that in His commandment there is eternal life. So the things I say, I say them as the Father said them to Me, and there is Life in them. That is why I say to you: listen to them. Put them into practice and you will have Life. Because my word is Life. And he who accepts it, accepts at the same time with Me, also the Father of Heaven Who sent Me to give you the Life. And he who has God in himself, has the Life in himself.

598.21

Go. May peace come to you and remain with you.»

He blesses and dismisses them. He blesses also the disciples. He keeps only Isaac and Stephen. He kisses and dismisses the others. And when they have gone, He is the last to go out, with the two and He goes with them, along the most solitary and already dark lanes, to the house of the Last Supper. And when He arrives there, He embraces and blesses Isaac and Stephen with particular fondness, He kisses them, He blesses them once again, He watches them go away, then He knocks at the door and goes in…

598.22

Jesus says: «You will put here the visions of the farewell to My Mother, of the Supper-room and of the Supper. And now let the two of us, you and I, make the true Passover commemoration. Come…»


Notes

  1. Ecoutez donc : ici commence une autre série de citations bibliques, textuelles ou paraphrasées, qui renvoient (dans l’ordre biblique) à : Ps 78, 23-25 ; Is 9, 5 ; 11, 1-4.10-12 ; 40, 10-11 ; 42, 1-7 ; 50, 6 ; 53, 2-12 ; 55, 1-3 ; 61, 1-2 ; 63, 1 ; Ez 34, 11.16 ; 47, 1-12 ; Dn 9, 24-27 ; Os 14, 2 ; Mi 5, 3-4 ; Za 9, 9-10. Le dernier de ces prophètes, au quel il est fait allusion en 598.9, est Jean-Baptiste. Les prophéties auxquelles il est fait allusion en 598.17 sont celles d’Is 7, 14 et de Mi 5, 1.
  2. Nous allons mourir ! comme s’ils avaient vu Dieu. Se référer à Ex 20, 19 ; 33, 20 ; Jg 6, 22-23 ; 13, 22. On trouve des expressions similaires en 349.9, 619.6 et 630.27.

Notes

  1. Listen. This is the beginning of another series of quotations, textual or para-phrased that refer to (in biblical progression): Psalm 78,23-25; Isaiah 9,5; 11,4.10-12; 40,10-11; 42,1-7; 50,6; 53,2-12; 55,1-3; 61,1-2; 63,1; Ezekiel 34,11.16; 47,1-12; Daniel 9,24-27; Hosea 14,2; Micah 5,3-4; Zechariah 9,9-10. The last of the prophets, alluded to in 598.9 is John the Baptist. The prophecies that are alluded to in 598.17 are those of: Isaiah 7,14; Micah 5,1.