The Writings of Maria Valtorta

597. La nuit du mercredi à Gethsémani avec les apôtres.

597. Wednesday night at Gethsemane with the apostles.

597.1

« Je vous ai dit : “ Soyez attentifs, veillez et priez pour ne pas vous trouver engourdis par le sommeil. ” Mais je vois que vos yeux fatigués luttent déjà contre l’assoupissement et que vos corps, même sans que vous le vouliez, cherchent à prendre une position de repos. Vous avez raison, mes pauvres amis ! Votre Maître vous a beaucoup demandé ces derniers jours, et vous êtes épuisés… Mais d’ici quelques heures seulement, vous serez heureux de ne pas avoir perdu le moindre instant de ma présence. Vous vous réjouirez de n’avoir rien refusé à votre Jésus. Du reste, c’est la dernière fois que je vous parle de ce qui fait pleurer. Demain, je vous parlerai d’amour et je ferai un miracle d’amour. Préparez-vous par une grande purification à le recevoir. Ah ! comme il est plus conforme à ce que je suis de vous parler d’amour, plutôt que de châtiment ! Comme il m’est doux de dire : “ Je vous aime. Venez. Pendant toute ma vie, j’ai rêvé à cette heure ” ! Mais c’est de l’amour aussi de parler de mort. C’est de l’amour, puisque mourir pour ceux qui vous aiment est la suprême preuve d’amour. C’est de l’amour, car préparer ses chers amis au malheur est une prévoyance affectueuse qui les veut prèts et non effrayés quand ce moment viendra. C’est de l’amour, parce que confier un secret à quelqu’un est une preuve d’estime pour lui.

597.2

Je sais que vous avez assailli Jean de questions pour savoir ce que je lui disais quand je restais seul avec lui. Et vous n’avez pas cru qu’il n’y avait pas eu de paroles. C’est pourtant le cas. Il m’a suffi d’avoir quelqu’un auprès de moi…

– Alors pourquoi lui, et pas un autre ? » demande Judas avec une hauteur indignée.

Pierre, et avec lui Thomas et Philippe renchérissent :

« Oui, pourquoi l’avoir demandé à lui et pas aux autres ? »

Jésus répond à Judas :

« Aurais-tu voulu que ce soit toi ? Peux-tu y prétendre ?

597.3

C’était une fraîche matinée d’Adar… J’étais un voyageur inconnu sur le chemin près du fleuve… Epuisé, couvert de poussière, pâli par le jeûne, la barbe hirsute, les sandales percées, je ressemblais à un mendiant sur les chemins du monde… Jean m’a vu… et reconnu pour celui sur qui était descendue la Colombe du feu éternel. Lors de cette première transfiguration, un atome de ma divine splendeur s’est certainement révélé. Ses yeux ouverts par la pénitence de Jean-Baptiste, et ceux que la pureté garda angéliques virent ce que les autres n’aperçurent même pas. Et ses yeux purs portèrent cette vision dans le tabernacle de son cœur pour l’y garder comme une perle dans un écrin… Quand ils se levèrent, environ deux mois plus tard[1], sur le voyageur en guenilles, son âme le reconnut… J’étais son amour, son premier et unique amour. On n’oublie pas un premier et unique amour. L’âme le sent venir, même s’il est éloigné, elle tressaille de joie et éveille l’esprit, et celui-ci la chair, pour que tous participent au banquet de la joie de se retrouver et de s’aimer. Et la bouche tremblait en me disant : “ Je te salue, Agneau de Dieu. ”

Ah ! foi des purs, comme tu es grande ! Comme tu franchis tous les obstacles ! Il ne savait pas mon nom. Qui j’étais ? D’où je venais ? Qu’est-ce que je faisais ? Etais-je riche ? Etais-je pauvre ? Etais-je un sage ? Etais-je un ignorant ? Pour la foi, il n’importe guère de savoir tout cela. Augmente-t-elle ou diminue-t-elle par ce genre de connaissance ? Jean croyait à ce que le Précurseur lui avait dit. Comme une étoile qui migre d’un ciel à l’autre sur l’ordre du Créateur, il s’était détaché de son ciel — de Jean-Baptiste, de sa constellation — pour venir vers son nouveau ciel, le Christ, dans la constellation de l’Agneau. Et si ce n’est pas l’étoile la plus grande, c’est la plus belle et la plus pure de la constellation d’amour.

Trois ans ont passé depuis ce moment. Des étoiles grandes et petites se sont unies à ma constellation, puis s’en sont détachées. Certaines sont tombées et sont mortes. D’autres sont devenues fumeuses à cause de lourdes vapeurs. Mais lui, avec sa pure lumière, est resté fixé à son étoile Polaire.

597.4

Laissez-moi regarder sa lumière. Il y aura deux lumières dans les ténèbres du Christ ! Marie et Jean. Mais je ne pourrai presque pas les voir, tant sera grande ma douleur. Laissez-moi imprimer dans mes yeux ces quatre iris qui sont des morceaux de ciel entre leurs cils blonds, pour emporter avec moi, là où personne ne pourra venir, un souvenir de pureté. Tout le péché ! Tout sur les épaules de l’Homme… Ah ! cette goutte de pureté !… Ma Mère ! Jean ! Et moi !… Les trois naufragés émergeant du naufrage d’une humanité dans la mer du péché !

597.5

Ce sera l’heure où, moi qui suis le rejeton de la souche de David, je redirai en gémissant ce soupir de David[2] ! “ Mon Dieu, tourne-toi vers moi. Pourquoi m’as-tu abandonné ? Les cris des crimes que j’ai pris sur moi pour tous m’ont éloigné de toi… Je suis un ver, non pas un homme, la risée des hommes et le rebut du peuple. ”

Et écoutez Isaïe : “ J’ai livré mon corps à ceux qui le frappaient, mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe, je n’ai pas détourné ma face de ceux qui m’outrageaient et me couvraient de crachats. ”

Et de nouveau David : “ Un grand nombre de bouvillons m’entourent, de nombreux taureaux m’assaillent. Contre moi ils ouvrent leur gueule pour me mettre en pièces, comme des lions qui déchirent et rugissent. Je suis comme l’eau qui s’écoule. ”

Isaïe complète : “ J’ai teint moi-même mes vêtements. ” Oui, mes vêtements, c’est moi-même qui les teins, non par ma fureur, mais par ma douleur et mon amour pour vous. Tels les deux pierres plates du pressoir, ils me pressent et font jaillir mon sang. Je ne suis pas différent de la grappe que l’on presse : elle est attirante à son entrée dans le pressoir, mais elle en ressort comme une bouillie sans suc et sans beauté.

Parlant de mon cœur, je dis avec David : “ Il est comme la cire, il fond à l’intérieur de moi. ” Oh ! Cœur parfait du Fils de l’homme, que deviens-tu ? Il ressemble à celui qu’une longue vie de noceur a épuisé et a fait perdre sa vigueur. Mes forces s’épuisent. Ma langue s’attache à mon palais sous l’effet de la fièvre et de l’agonie. Et la mort s’avance, accompagnée de sa cendre asphyxiante et aveuglante.

Il n’y a pas de pitié ! “ Une meute de chiens m’environne, ils me mordent. Aux blessures s’ajoutent les morsures, aux morsures les coups de bâton. Rien dans mon corps n’est sans douleur. Mes os craquent, disloqués par un étirement infâme. Je ne sais où appuyer mon corps. La couronne redoutable est un cercle de feu qui pénètre dans ma tête. Je suis suspendu par mes mains et mes pieds transpercés. Dressé en l’air, je présente mon corps au monde ; on peut compter tous mes os ”…

597.6

– Tais-toi ! Tais-toi ! sanglote Jean.

– Arrête ! Tu nous mets à l’agonie ! » supplient ses cousins.

André garde le silence, mais il pleure sans bruit, la tête entre les genoux. Simon est livide. Pierre et Jacques, fils de Zébédée, semblent à la torture. Philippe, Thomas et Barthélémy ont l’air de trois statues de pierre qui expriment l’angoisse.

Judas est un masque macabre, démoniaque. On dirait un damné qui comprend enfin ce qu’il a fait. La bouche ouverte pour pousser un hurlement intérieur qui n’arrive pas à sortir de sa gorge serrée, les yeux dilatés, effrayés d’un fou, les joues cadavériques sous le voile brun de sa barbe rasée, les cheveux en désordre parce que de temps à autre il y passe la main, pris d’une sueur froide, il semble près de s’évanouir.

Matthieu, levant son regard atterré pour chercher quelque aide dans son tourment, le voit et dit :

« Judas ! Tu te sens mal ?… Maître, Judas souffre !

– Moi aussi, répond le Christ. Mais je souffre dans la paix. Devenez spirituels pour pouvoir supporter cette heure. Un homme charnel ne peut la supporter sans devenir fou…

597.7

David, qui voit les tortures de son Christ, ajoute : “ Non contents, ils m’observent et me raillent, ils se partagent mon vêtement et tirent au sort ma tunique. ” Je suis le Malfaiteur. C’est leur droit.

Oh ! terre, regarde ton Christ ! Sache le reconnaître sous son apparence d’homme détruit. Ecoute, rappelle-toi les paroles d’Isaïe et comprends la raison, la grande raison pour laquelle il est devenu ainsi, et pour laquelle l’homme a pu tuer, réduire à cet état le Verbe du Père. “ Il n’a ni beauté ni éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui puisse nous séduire. Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, il tenait caché son visage. Il était méprisé, et nous n’en tenions aucun compte. ” Ce masque de torturé faisait sa beauté de Rédempteur. Mais toi, terre aveugle, tu préférais son visage serein !

“ Or ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous l’avons regardé comme un lépreux, nous le considérions comme maudit par Dieu et méprisé. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes. C’est sur lui qu’est tombé le châtiment qui nous était réservé, le châtiment qui nous rétablit dans la paix avec Dieu. C’est dans ses blessures que nous avons trouvé la guérison. Nous étions comme des brebis errantes. Nous avions tous perdu le droit chemin et le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à tous. ”

597.8

Que ceux qui pensent avoir été utiles à eux-mêmes et à Israël perdent leurs illusions, tout comme ceux qui se sont crus plus forts que Dieu et ceux qui pensent ne pas avoir à expier ce péché parce que je me suis laissé tuer volontairement. Moi, j’accomplis ma sainte tâche, qui est d’obéir parfaitement au Père, mais cela n’exclut pas leur obéissance à Satan et leurs infâmes actions.

Oui, ton Rédempteur a été sacrifié parce qu’il l’a voulu, ô terre. “ Il n’a pas ouvert la bouche pour demander à être épargné, il n’a pas prononcé de parole de malédiction contre ses assassins, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir pour qu’on le tue, comme une brebis muette devant les tondeurs. ”

“ Après sa capture et sa condamnation, il a été élevé. Il n’aura pas de descendance. Comme une plante, il a été arraché de la terre des vivants. Dieu l’a frappé à cause des péchés de son peuple. Est-ce qu’aucun de ses contemporains ne le pleurera ? Celui que l’on a retranché de la terre n’aura-t-il pas de fils? ”

597.9

C’est moi qui te réponds, ô prophète de ton Christ. Si mon peuple ne verse pas de larmes pour l’Innocent qu’on a tué, les anges du peuple céleste le pleureront. Si sa virilité n’aura pas de postérité humainement parce que sa Nature ne pouvait s’unir à une chair mortelle, il aura de nombreux enfants selon un mode de génération qui n’est pas celui de la chair et du sang animal, mais qui devra sa vie à son amour et à son sang divin, une génération spirituelle qui rendra éternelle sa descendance.

Et je t’explique encore, ô monde qui ne comprends pas le prophète, qui sont les impies envoyés pour l’ensevelir et qui est le riche qui veut sa mort. Vois si un seul de ces meurtriers a connu la paix et une longue vie ! Lui, le Vivant, aura vite fait de se dégager de la mort. Mais comme des feuilles que le vent d’automne couche une à une dans le creux du sillon après les avoir détachées par des rafales répétées, un par un ils seront bientôt couchés dans l’ignoble sépulture qui avait été décrétée pour lui ; et un homme qui a vécu pour l’or pourrait — s’il était permis de mettre l’impur à l’endroit où se trouvait le Saint —, être déposé là où subsistera encore l’humidité des innombrables blessures de la Victime immolée sur le mont. Accusé sans être coupable, Dieu en tire vengeance, car il n’y a jamais eu de tromperie dans sa bouche ni d’iniquité dans son cœur.

597.10

Une fois qu’il aura été consumé par les souffrances, que sa vie aura été retranchée par le sacrifice d’expiation, sa gloire commencera auprès des hommes à venir. Tous les désirs et les saintes volontés de Dieu à son égard se réaliseront. A cause des angoisses de son âme, il verra la gloire du vrai peuple de Dieu, et il s’en réjouira. Sa céleste doctrine, qu’il scellera de son sang, sera la justification d’un grand nombre parmi les meilleurs, et il prendra sur lui la faute des pécheurs.

C’est pourquoi, ô terre, une grande foule suivra ce Roi méconnu dont se sont moqués les perfides et que les meilleurs n’auront pas compris. Avec ses disciples, il partagera les dépouilles des vaincus et celles des forts, car il est le seul Juge des trois règnes et du Royaume.

Il a tout mérité, parce qu’il a tout donné. Tout lui sera livré, parce qu’il a livré sa vie à la mort et qu’il a été compté parmi les malfaiteurs, lui qui était sans péché, sans autre péché qu’un parfait amour et une infinie bonté ! Deux fautes que le monde ne pardonne pas, l’amour et la bonté, le poussèrent à prendre sur lui les péchés d’un grand nombre, du monde entier, et à prier pour les pécheurs. Pour tous les pécheurs, y compris ceux par qui il fut mis à mort.

597.11

J’en ai fini. Je n’ai plus rien à ajouter. Tout est dit de ce dont je voulais vous entretenir au sujet des prophéties messianiques. De ma naissance à ma mort, je vous les ai toutes mises en lumière pour que vous me connaissiez et n’ayez ni doutes ni excuse à votre péché.

597.12

Maintenant, prions ensemble. C’est le dernier soir que nous pouvons prier ainsi, tous unis comme les grains de raisin à la grappe qui les porte. Venez. Prions !

“ Notre Père qui es dans les Cieux, que ton nom soit sanctifié. Que ton Règne vienne. Que ta volonté soit faite sur la terre comme elle est faite au Ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs. Ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal. Ainsi soit-il. ”

“ Que ton nom soit sanctifié. ” Père, je l’ai sanctifié. Pitié pour ton Germe.

“ Que ton Règne vienne. ” C’est pour le fonder que je meurs. Pitié pour moi.

“ Que ta volonté soit faite. ” Viens au secours de ma faiblesse, toi qui as créé la chair de l’homme et en as revêtu ton Verbe pour qu’ici-bas je t’obéisse comme je t’ai toujours obéi au Ciel. Pitié pour le Fils de l’homme.

“ Donne-nous notre pain… Un pain pour l’âme, un pain qui n’est pas de cette terre. Ce n’est pas pour moi que je te le demande. Je n’ai plus besoin que de ton réconfort spirituel. Mais c’est pour eux que, en Mendiant, je tends la main. D’ici peu, elle va être transpercée et attachée, alors tout geste d’amour lui sera impossible. Mais maintenant, elle le peut encore. Père, accorde-moi de leur donner le Pain qui chaque jour fortifie la faiblesse des pauvres fils d’Adam. Ils sont faibles, Père, ils sont inférieurs, parce qu’ils n’ont pas le Pain qui est force, le Pain angélique qui spiritualise l’homme et l’amène à devenir divinisé en nous.

“ Remets-nous nos dettes. ” »

Jésus, qui a parlé debout et a prié les bras ouverts, s’agenouille maintenant, et il lève les bras et le visage vers le Ciel. C’est un visage qu’a blanchi la force de sa supplication et que blanchit le baiser de la lune, un visage sillonné de pleurs muets.

« Pardonne[3] à ton Fils, Père, s’il t’a manqué en quoi que ce soit.

Devant ta Perfection, je puis encore paraître imparfait, moi, ton Christ, que la chair alourdit. Devant les hommes… non. Mon intelligence consciente me donne l’assurance que j’ai tout fait pour eux. Mais toi, pardonne à ton Jésus… Moi aussi, je pardonne. Je pardonne pour que tu me pardonnes. Combien je dois pardonner ! Je le fais pourtant. A ceux qui sont présents, aux disciples absents, à ceux qui ont le cœur sourd, aux ennemis, aux moqueurs, aux traîtres, aux assassins, aux déicides… Voilà, j’ai pardonné à toute l’humanité. Pour ce qui me concerne, Père, considère comme annulée toute dette de l’homme à l’Homme. C’est pour permettre à tous d’accéder à ton Royaume que je meurs, et je ne veux pas que le péché envers l’Amour incarné soit retenu pour condamner. Non ? Tu dis non ? C’est ma douleur. Ce “ non ” verse dans mon cœur la première gorgée du calice atroce. Mais, Père à qui j’ai toujours obéi, je te dis ! “ Qu’il soit fait comme toi, tu le veux. ”

“ Ne nous laisse pas entrer en tentation ”. Si tu veux, tu peux éloigner de nous le démon ! C’est lui, le Tentateur qui excite la chair, l’esprit, le cœur. C’est lui le Séducteur. Eloigne-le, Père ! Que ton Archange agisse en notre faveur et mette en fuite celui qui, de la naissance à la mort, nous menace ! Oh ! Père saint, aie pitié de tes enfants !

“ Libère-nous, libère-nous du mal ! ” Tu le peux. Nous, ici, nous pleurons… Le Ciel est si beau, et nous craignons de le perdre. Tu dis : “ Mon Saint ne peut le perdre. ” Mais je veux qu’en moi tu voies l’homme, le premier-né des hommes. Je suis leur frère. Je prie pour eux et avec eux. Père, pitié ! Pitié !… »

597.13

Jésus se penche jusqu’à terre. Puis il se lève :

« Allons. Saluons-nous ce soir. Demain soir, nous n’en aurons plus la possibilité. Nous serons trop troublés et il n’y a pas d’amour là où le trouble s’installe. Donnons-nous le baiser de paix. Demain… demain, chacun s’appartiendra à lui-même… Ce soir, nous pouvons encore être chacun pour tous et tous pour chacun. »

Et il les embrasse un par un, en commençant par Pierre, puis Matthieu, Simon, Thomas, Philippe, Barthélemy, Judas, les deux cousins, Jacques, fils de Zébédée, André, et enfin Jean auquel il reste appuyé en sortant du jardin de Gethsémani.

597.1

«I said to you: “Be careful, be awake and pray that your eyes may not become heavy with sleep.” But I see that your tired eyes are trying to close and your bodies, even against your will, are anxious to find positions to rest. You are right, My poor friends! Your Master has exacted quite a lot of you these last few days, and you are so tired. But in a few hours, by now only few, you will be happy that you have not lost even one moment of My attention for you. You will be glad that you have not refused anything to your Jesus. In any case, this is the last time that I speak to you of sad things. Tomorrow I will speak to you of love and I will work a miracle of total love for you. Prepare yourselves through a great purification to receive it. Oh! how much more it agrees with My Ego to speak of love than to speak of punishment! How pleasant it is for Me to say: “I love you. Do come. Throughout My life I have dreamt of this hour!” But it is love to speak also of death. It is love because death, for those who love you, is the supreme proof of love. It is love, because preparing dear friends for a misfortune is providence of affection that wants them ready and not dismayed at that hour. It is love, because confiding a secret is proof of holding in high esteem those to whom it is confided.

597.2

I know that you have harassed John with questions to learn what I said to him when I remained alone with him. And you did not believe that no word was spoken. But it is so. It was enough for Me to have someone near Me…»

«Then, why he and not somebody else?» asks the Iscariot, and he does so in an arrogant indignant tone.

Also Peter, and with him Thomas and Philip say: «Yes. Why he and not the others?»

Jesus replies to the Iscariot: «Would you have liked to be the one? Are you worthy of i?

597.3

It was a fresh clear morning in the month of Adar… I was an unknown wayfarer on the road near the river… Tired, covered with dust, pale with fasting, with an unkempt beard and broken sandals, I looked like a beggar on the roads of the world… He saw Me… and he recognised Me as the one on whom the Dove of the eternal fire had alighted. In that first transfiguration of Mine, an atom of my divine brightness must have revealed itself.

The eyes of the Baptist, opened by Penance, and those preserved angelic by Purity, saw what the others did not see. And the pure eyes took that vision into the tabernacle of the heart, and closed it in there, like a pearl in a coffer… When almost after two months[1] those eyes looked up at the worn-out wayfarer, his soul recognised Me… I was his love.

His first and only love. The first and only love is never forgotten. The soul feels it coming, even if it had gone away, it feels it coming from remote distances, and leaps for joy, and awakes the mind, which arouses the flesh, so that they all may take part in the banquet of joy in meeting again and loving each other. And his trembling lips said to Me: “I greet You, Lamb of God.” Oh! faith of the pure, how great you are! How you overcome all obstacles! He did not know my Name. Who was I? Where was I coming from? What was I doing? Was I rich? Was I poor? Was I wise? Was I ignorant? Of what avail to faith is it to know all that? Does it increase or diminish through knowledge? He believed what the Precursor had told him. Like a star that by order of the Creator transmigrates from one sky to another, he had parted from his sky, the Baptist, from his constellation, and had come towards his new sky, the Christ, in the constellation of the Lamb. And he is not the biggest star but he is the purest and the most beautiful one in the constellation of love.

Three years have gone by since then. Large and small stars joined my constellation and then they departed from it. Some fell and died. Others have become smoky because of heavy vapours. But he has remained fixed with his pure light near the Pole-star.

597.4

Let Me look at his light. Two will be the lights in the darkness of the Christ: Mary and John. But it will be almost impossible for Me to see them, so deep will be My sorrow. Let Me impress in My eyes these four irises that are strips of sky between fair eyelashes, to take with Me, where no one will be able to come, a remembrance of purity. All the sins! Everything on the shoulders of the Man! Oh! Oh! this drop of purity!… My Mother! John! And I!… The three ship wrecked persons emerging from the shipwreck of mankind in the sea of Sin!

597.5

It will be the hour in which I, the offspring of David’s stock, will say, moaning with David’s ancient sigh[2]: “My God, turn to look at Me. Why have You deserted Me? The shouts of the crimes that I have taken upon Myself on behalf of everybody are driving Me away from You… I am a worm, no longer a man, the dishonour of mankind, the refuse of the populace.”

And listen to Isaiah: “I abandoned my body to those who struck Me, my cheeks to those who tore at my beard, I did not remove My face from those who insulted Me and covered Me with spittle.”

Listen to David again: “Many bull-calves have surrounded Me, many bulls have assailed Me. Their jaws are agape to tear Me to pieces, like lions tearing and roaring. I am like water that is draining away.”

And Isaiah completes: “I dyed my garments Myself.” Oh! I am dyeing my garments Myself, not with my anger, but with My sorrow and my love for you. Like the two flat stones of the press, they squeeze Me and My Blood. I am like the pressed bunch of grapes, that was beautiful when it entered the press, and afterwards it is pulp squashed without juice and beauty.

And I say with David, my heart “is like wax and melts within My chest”. Oh! perfect Heart of the Son of man, what are you becoming now? You are like the heart that a long life of revelry has exhausted and enervated. All My vigour has withered. My tongue is sticking to My palate because of fever, heat and agony. And death is advancing in its suffocating blinding ashes. And there is no mercy either! “A pack of hounds surrounds Me and bites Me. They bite Me where I am wounded and blows strike Me where I have been bitten. No part of my body is without pain. My bones creak as they are dislocated through beastly stretching. I do not know where to lay my body. The dreadful crown is a ring of iron that penetrates my head. I am hanging from My pierced hands and feet. Raised up as I am, I show my body to the world and everybody can count my bones”…»

597.6

«Be quiet! Be quiet!» says John sobbing.

«Say no more! You make us suffer the throes of death!» say His cousins imploringly.

Andrew does not speak, but with his head between his knees he is weeping silently. Simon is livid. Peter and James of Zebedee seem to be tortured. Philip, Thomas and Bartholomew look like three stone statues representing anguish.

Judas Iscariot is a gruesome demoniac masque. He looks like a damned person who at last realises what he has done. With his mouth open to utter a cry that howls inside him but is stifled in his throat, his eyes wide open and frightened like those of a madman, his cheeks sallow under the brownish veil of his shaven beard, his hair unkempt as he ruffles it now and again with his hand, wet with perspiration and cold, he seems to be on the point of fainting.

Matthew, raising his eyes, so far lowered, to seek some assistance in his torture, sees him and says: «Judas! Are you not well?… Master, Judas is suffering!»

«And I, too» says Christ. «But I am suffering with peace. Become spirits to be able to bear this hour. Anyone who is “flesh” cannot live it without becoming mad…

597.7

Once again David speaks, who sees the tortures of his Christ: “They are not yet satisfied and they look at Me, they laugh scornfully at Me and they divide My garments among them and cast lots for My tunic. I am the Evil-doer. It is their right.”

Oh! Earth, look at your Christ! Recognise Him, although He is so consumed. Listen, remember the words of Isaiah and understand why, the great why, He became so, and man was able to kill the Word of the Father, reducing Him to such a state. “He is without beauty and splendour. We saw Him. He was not handsome. And we did not love Him. Despised like the last of men, He, the Man of sorrows and accustomed to suffering, had His face concealed. He was despised and we took no account of Him.” This masque of one who is tortured was His beauty as Redeemer. But you, foolish Earth, preferred His serene face!

“He really took our sufferings upon Himself, He bore our sorrows. And we looked at Him as if He were a leper, as one cursed by God and despised. He, instead, was injured because of our wickedness. The punishment reserved for us, the punishment that gives us back peace with God, has fallen upon Him. Through His wounds we are healed. We had all gone astray like sheep. Each had deviated from the straight path and the Lord burdened Him with the sins of all of us.”

597.8

Those who think that they have done good to themselves and to Israel should undeceive themselves. And likewise those who think they have been stronger than God. And also those who think that they do not have to expiate this sin, only because I voluntarily allow them to kill Me. I am fulfilling My holy task, My perfect obedience to the Father. But that does not exclude their obedience to Satan and their wicked task.

Yes, o Earth, your Redeemer has been sacrificed because He wanted it. “He never opened His mouth to utter a word of prayer and thus be spared or a word to curse His murderers. Like a sheep He let Himself be led to the slaughter-house to be killed, like a lamb that is dumb before its shearers.”

“After being captured and condemned He was raised. He will have no offspring. Like a tree He was cut off from the land of the living. God has struck Him for the sins of His people. Will no one of His generation on His Earth pity Him? Will the man cut off from the Earth have no children?”

597.9

Oh! I am replying to you, o prophet of your Christ. If my people will have no pity on the innocent Man killed, the angels of the heavenly people will pity Him. If his virility will have no children in a human way, because his Nature could not find union with a mortal body, He will indeed have children, and many of them, according to a procreation that will bring life not from animal flesh and blood, but from divine love and Blood, a procreation of the spirit whereby eternal will be its offspring.

And I will also explain to you, o world, that do not understand the prophet, who are the wicked placed at His tomb, and the rich man at his death. Consider, o world, whether even one of His murderers had peace and a long life! He, the Living One, will soon leave death. But, like leaves that the autumn wind lays one by one in the hollow of a furrow after detaching them with repeated gusts, they will soon be laid one by one in the ignoble tomb that had been decreed for Him; and one who lived for gold, if it were lawful to put an unclean man where the Holy One was, could be laid where there will still be the dampness brought about by the numberous wounds of the Victim sacrificed on the mountain. As He was accused although He was innocent, God avenges Him, because there was never perjury in His mouth, or iniquity in His heart.

597.10

He was consumed by pain. But once consumption has taken place and His life has been taken for the sacrifice of expiation, His glory will begin with future generations. All the desires and the Holy wills of God on His behalf will be accomplished. Because of all the anxiety of His soul, He will see the glory of the true people of God and will be happy. His heavenly doctrine, which He will seal with his Blood, will be the justification of many of the best ones, and He will take upon Himself the wickedness of sinners. And that is why this unknown King, Whom the wicked mocked at and the best ones did not understand, will have a large multitude, o Earth. And with His followers He will divide the spoils of the defeated. He will divide the spoils of strong men, the only Judge of the three kingdoms and of the Kingdom.

He has deserved everything, because He gave everything. Everything will be delivered to Him, because He delivered Himself to death and was numbered with criminals, He Who was without sin. Without any other sin except perfect love and infinite goodness. Two sins that the world does not forgive, such a love and goodness that urged Him to take upon Himself the sins of many, of the whole world, and to pray for sinners. For all sinners. Also for those through whom He was put to death.

597.11

I have finished. I have nothing else to say. Everything has been said of what I wanted to tell you of the Messianic prophecies. I have explained them all to you, from my birth to my death, so that you may know Me and have no doubts, and may have no excuses for your sin.

597.12

And now let us pray together. This is the last evening we can pray thus, all united like grapes to the bunch supporting them. Come. Let us pray.

“Our Father, Who art in Heaven, hallowed be Thy Name. Thy Kingdom come. Thy will be done on Earth as it is done in Heaven. Give us this day our daily bread. Forgive us our trespasses, as we forgive those who trespass against us. Lead us not into temptation, but deliver us from evil. Amen.”

“Hallowed be Thy Name.” Father, I have hallowed it. Have mercy on Your Son.

“Thy Kingdom come.” I am dying in order to establish it. Have mercy on Me.

“Thy will be done.” Support my weakness, You Who created the flesh of man and clothed Your Word with it, that I may obey You down here as I have always obeyed You in Heaven. Have mercy on the Son of man.

“Give us our Bread”… A bread for the soul. A bread not of this Earth. I do not ask it for Myself. I need only Your spiritual comfort. But I, the Beggar, stretch out My hand for them. Before long it will be pierced and nailed, and it will no longer be able to make a gesture of love. But it can still do it now. Father, grant Me to give them the Bread that daily fortifies the weakness of the poor children of Adam. They are weak, Father, they are inferior, because they do not have the Bread that is strength, the angelical Bread that spiritualises man and leads him to be deified in Us.

“Forgive us our trespasses”…»

Jesus Who has spoken standing and has prayed with His arms stretched out, now kneels down and raises his arms and face to Heaven. A face made wan by the effort of the supplication and by the kiss of the moon, furrowed by silent tears.

«Forgive Your Son, o Father, if I wronged You in any way. I may also seem imperfect to Your Perfection, I, Your Christ, burdened by flesh. To men… no. My conscious intellect assures Me that I have done everything for them. But forgive Your Jesus… I also forgive. I forgive, that You may forgive Me. How much I have to forgive! How much!… And yet I forgive. Those who are present here, the disciples who are absent, those whose hearts are deaf, My enemies, mockers, traitors, killers, deicides… Here. I have forgiven the whole of Mankind. With regards to Me, o Father, consider remitted all debts of man to the Man. I am dying in order to give Your Kingdom to everybody, and I do not want the sin against the Love incarnate to be imputed to them as condemnation. No? Are You saying no? It is My grief. This “no” is pouring the first sip of the bitter chalice into My heart. But Father, Whom I have always obeyed, I say to You: “Thy will be done”.

“Lead us not into temptation”. Oh! if You want, You can drive the demon away from us! He is the temptation that incites flesh, minds, hearts. He is the Seducer. Turn him away, Father! Your archangel in our favour! To put to flight him who lays snares for us from our birth to our death!… Oh! Holy Father, have mercy on Your children!

“Deliver us, deliver us from evil!” You can. We are weeping here… Heaven is so beautiful and we are afraid of losing it. You say: “My Blood cannot lose it”. But I want You to see the Man in Me, the Firstborn of men. I am their brother. I pray for them and with them. Father, mercy! Oh! mercy!…»

597.13

Jesus bends with his face on the ground. He then stands up. «Let us go. Let us say goodbye to one another this evening. It will no longer be possible tomorrow evening. We shall be too upset. And there is no love where there is perturbation. Let us kiss one another with the kiss of peace. Tomorrow… tomorrow each of you will belong to himself… This evening we can still be one for all and all for one.»

And He kisses them, one by one, beginning from Peter, then Matthew, Simon, Thomas, Philip, Bartholomew, the Iscariot, his two cousins, James of Zebedee, Andrew and last John, on whom He leans while leaving Gethsemane.


Notes

  1. environ deux mois plus tard, comme 47.10 l’a déjà montré.
  2. ce soupir de David est la première d’une série de citations et d’allusions qui renvoient à Ps 22, 2.7.13-19 ; Is 50, 6 ; 53 ; 63, 3.
  3. Pardonne : le sens d’une telle demande de pardon pour lui-même a été éclairci par Jésus en 44.13. En outre, le contexte montre que Jésus-Homme n’a aucune faute à se faire pardonner : “ Mon intelligence consciente me donne l’assurance que j’ai tout fait pour eux. ” Il se charge néanmoins de la demande de pitié et de pardon qui devrait s’élever de tout le genre humain : “ Pour ce qui me concerne, Père, considère comme effacée toute dette de l’homme à l’Homme. ”

Notes

  1. after two months, as it has already been clarified in 47.10.
  2. ancient sigh it is the beginning of a sequence of quotations and allusions that refer to: Psalm 22,2.7.13-19, Isaiah 50,6; 53; 63,3.