The Writings of Maria Valtorta

605. Désespoir et suicide de Judas.

605. Judas Iscariot’s desperation and suicide.

605.1

Voici venue ma si douloureuse vision de ces toutes premières heures du vendredi de la Passion. Elle se présente à moi alors que je récitais les Heures de la Désolation de Marie : j’avais en effet pensé que passer la nuit qui précède la Profession en compagnie de la Vierge des sept Douleurs serait la plus belle préparation à la Profession.

605.2

Je vois Judas. Il est seul, vêtu de jaune clair avec un cordon rouge à la taille. Mon admoniteur intérieur m’avertit que Jésus est capturé depuis peu, et que Judas, qui s’est enfui aussitôt après, est en proie à des pensées contradictoires. On dirait en effet un fauve furieux traqué par une meute de mâtins. Tout souffle de vent dans les feuilles, un bruit quelconque sur la route, l’écoulement d’une fontaine le font sursauter et se retourner, l’air soupçonneux et effrayé comme s’il se sentait rattrapé par quelque justicier. Il tourne la tête en la gardant basse, le cou tordu, il regarde comme quelqu’un qui veut voir et a peur de voir. Si un jeu de lumière de la lune crée une ombre d’apparence humaine, il écarquille les yeux, fait un saut en arrière, devient encore plus livide qu’il ne l’était, s’arrête un instant, puis s’enfuit précipitamment, revient sur ses pas, ou change de chemin jusqu’à ce qu’un autre bruit, un autre jeu de lumière le fasse s’arrêter et repartir dans une autre direction.

Sa folle échappée le conduit ainsi vers l’intérieur de la ville, mais une clameur du peuple l’avertit qu’il s’approche de la maison de Caïphe. Alors, les mains sur la tête, il se sauve à toutes jambes en se penchant comme si ces cris étaient autant de pierres qui le lapident. Et dans sa fuite, il prend une ruelle qui l’amène tout droit vers la maison où a été consommée la Cène. Il s’en aperçoit quand il arrive en face à cause d’une fontaine qui coule à cet endroit du chemin. Les pleurs de l’eau qui tombe goutte à goutte dans un petit bassin de pierre, et un faible sifflement du vent qui s’insinue dans le chemin étroit en produisant une lamentation étouffée, doivent lui rappeler les pleurs de Celui qu’il a trahi et la plainte du Supplicié. Il se bouche les oreilles pour ne pas entendre et s’échappe, les yeux fermés, pour ne pas voir cette porte par laquelle il est passé peu de temps auparavant avec le Maître, et par laquelle il est sorti pour aller prendre les hommes en armes dans le but de se saisir de lui.

605.3

Dans cette course aveugle, il est sur le point de heurter un chien errant, le premier chien que je vois depuis que j’ai les visions, un gros chien gris et hirsute qui s’écarte en grognant, prêt à s’élancer contre celui qui l’a dérangé. Judas ouvre les yeux et rencontre les pupilles phosphorescentes qui le fixent, et il voit la blancheur des crocs découverts qui semblent produire un rire diabolique. Il pousse un hurlement de terreur. Le chien, qui le prend probablement pour un cri menaçant, se jette sur lui, et les deux roulent dans la poussière : Judas dessous, paralysé par la peur, le chien dessus. Quand la bête lâche sa proie, considérée peut-être comme indigne de la lutte, Judas saigne à cause de deux ou trois morsures, et son manteau a de larges déchirures.

Il a été vraiment mordu à la joue, à l’endroit précis où il a donné un baiser à Jésus. La joue saigne et le sang souille au cou le vêtement jaunâtre de Judas. Le sang lui fait une sorte de collier, en imbibant le cordon rouge qui serre le vêtement au cou et il le rend plus rouge encore. Judas porte la main à sa joue, regarde le chien s’éloigner et le guette dans embrasure d’une porte. Il murmure : “ Belzébuth ! ” et, poussant de nouveau un cri, il détale, poursuivi par le chien pendant quelque temps. Il fuit jusqu’au petit pont près de Gethsémani, et se jette dans le torrent pour y ramasser des pierres et les jeter sur le chien. Alors seulement celui-ci, fatigué de le suivre ou craignant l’eau, abandonne sa proie et revient en arrière en grognant. Judas, le voyant s’éloigner, regarde autour de lui et s’aperçoit qu’il a de l’eau jusqu’au mollet. Sans s’occuper de son vêtement de plus en plus trempé, il se penche vers l’eau et boit comme s’il était brûlé par la fièvre, puis il lave sa joue qui saigne et doit lui faire mal.

605.4

A la clarté d’un premier éveil de l’aube, il sort sur l’autre rive comme s’il avait encore peur du chien et n’osait pas revenir en ville. Quelques mètres plus loin, le voilà à l’entrée du jardin des Oliviers. Dés qu’il reconnaît l’endroit, il s’écrie : « Non ! Non ! » Mais ensuite, stimulé par je ne sais quelle force irrésistible ou par quel sadisme satanique et criminel, il poursuit son chemin, à la recherche du lieu de la capture. La terre du sentier, foulée par de nombreux pieds, l’herbe piétinée et du sang par terre, sans doute celui de Malchus, lui montrent que c’est là qu’il a désigné l’Innocent aux bourreaux.

Il observe longuement… puis il pousse un cri rauque et fait un bond en arrière. Il crie : « Ce sang, ce sang !… » et il le montre… à qui ? de son bras tendu et son index pointé. Dans la lumière croissante, son visage apparaît terreux, spectral. Il semble fou. Ses yeux sont écarquillés et brillants comme s’il délirait ; ses cheveux ébouriffés par la course et la terreur paraissent dressés sur sa tête ; sa joue qui enfle lui tord la bouche en un rictus. Son vêtement déchiré, couvert de sang, trempé, boueux — la poussière mouillée est devenue de la boue —, le rend semblable à un mendiant. Son manteau, tout aussi déchiré et souillé, pend d’une épaule comme une guenille et il s’y empêtre quand, continuant à hurler : « Ce sang, ce sang ! », il recule comme si ce sang était devenu une mer qui monte et submerge.

Judas tombe à la renverse et se blesse la tête en heurtant une pierre. Il pousse un gémissement de douleur et de peur. « Qui est-ce ? » s’écrie-t-il. Il doit avoir pensé que quelqu’un l’a fait tomber pour le frapper. Il se retourne, l’air terrorisé. Personne ! Il se lève. Maintenant le sang dégoutte aussi sur sa nuque et le cercle rouge s’élargit sur son vêtement. II ne tombe pas par terre[1], car il y en a peu. Le vêtement le boit. Cela donne l’impression qu’il a déjà la corde au cou.

605.5

En poursuivant son chemin, il retrouve la trace du feu allumé par Pierre au pied d’un olivier. Comme il ignore que c’est Pierre qui l’a fait, il suppose que Jésus était là. Il s’écrie : « Va-t’en! Va-t’en ! » et, des deux mains tendues en avant, il paraît repousser un fantôme qui le tourmente. Il s’échappe et va finir justement contre le rocher de l’Agonie.

L’aube est maintenant nette et permet de voir clairement. Judas aperçoit le manteau de Jésus, laissé plié sur le rocher. Il le reconnaît. Il veut le toucher. Il a peur. Il tend la main et la retire. Il veut. Il ne veut pas. Mais ce manteau le fascine. Il gémit : « Non ! Non ! » Puis il dit :

« Oui, par Satan ! Oui, je veux le toucher. Je n’ai pas peur ! Je n’ai pas peur ! »

Il a beau le prétendre, la terreur lui fait claquer des dents, et le bruit d’une branche d’olivier, remuée par le vent, qui heurte un tronc voisin au-dessus de sa tête le fait crier de nouveau. Il trouve néanmoins le courage de saisir le manteau. Et il rit, d’un rire de fou, de démon, un rire hystérique, saccadé, lugubre, qui n’en finit pas, car il a vaincu sa peur. Il s’exclame :

« Tu ne m’effraies plus, Christ. Tu ne m’effraies plus. Je te craignais beaucoup, car je te croyais Dieu et fort. Maintenant tu ne me fais plus peur, car tu n’es pas Dieu. Tu n’es qu’un pauvre fou, un faible. Tu n’as pas su te défendre. Tu ne m’as pas réduit en cendres, comme tu n’as pas lu dans mon cœur la trahison. Mes peurs !… Quel sot ! Quand tu parlais, même hier soir, je croyais que tu savais. Tu ne savais rien. C’était ma peur qui donnait un sens prophétique à tes paroles ordinaires. Tu n’es rien. Tu t’es laissé vendre, désigner, prendre comme une souris dans son trou. Ta puissance ! Ton origine ! Ha ! Ha ! Ha ! Quel bouffon ! Celui qui est fort, c’est Satan ! Il est plus fort que toi. Il t’a vaincu ! Ha ! Ha ! Ha ! Le prophète ! Le Messie ! Le Roi d’Israël ! Et tu m’as assujetti pendant trois années ! Avec continuellement la peur au ventre ! Et je devais mentir pour te tromper avec finesse quand je voulais profiter de la vie ! Mais même si j’avais volé et forniqué sans toute l’astuce que je mettais en œuvre, tu ne m’aurais rien fait. Poltron ! Fou ! Lâche ! Tiens ! Tiens ! Tiens ! J’ai eu tort de ne pas agir envers toi comme je le fais à l’égard de ton manteau pour me venger du temps où tu m’as tenu esclave par la peur. Peur d’un lapin !… Tiens ! Tiens ! Tiens ! »

605.6

A chaque “ tiens ! ” il cherche à mordre et à déchirer l’étoffe du manteau. Il le chiffonne entre ses mains. Mais ce faisant, il l’ouvre et les taches qui l’humectent apparaissent. La furie de Judas s’arrête. Il fixe ces taches. Il les touche, il les flaire. C’est du sang… Il déplie complètement le manteau. On reconnaît bien l’empreinte laissée par les deux mains tachées de sang de Jésus quand il appuyait l’étoffe sur son visage.

« Ah !… Du sang ! Du sang ! Le sien… Non ! »

Judas laisse tomber le manteau et regarde autour de lui. Contre le rocher aussi, là où Jésus s’est adossé, tandis que l’ange le réconfortait, il aperçoit une tache sombre de sang qui sèche.

« Là !… Là !… Du sang ! Du sang !… »

Il baisse les yeux pour ne pas voir, et il se rend compte que l’herbe est toute rougie, elle aussi. Pis ! La rosée qui l’a dilué le fait paraître fraîchement tombé. Il est rouge et brille au premier soleil.

« Non ! Non ! Non ! Je ne veux pas voir ça ! Je ne peux pas ! Au secours ! »

Il porte les mains à sa gorge et perd tout contrôle, comme s’il se noyait dans une mer de sang.

« Arrière ! Arrière ! Laisse-moi ! Laisse-moi ! Maudit ! Ce sang, c’est une mer ! Il recouvre la terre ! La terre ! La terre ! Et sur la terre, il n’y a pas de place pour moi, car je ne peux voir ce sang qui la couvre. Je suis le Caïn de l’Innocent ! »

Je crois que l’idée du suicide lui est venue à ce moment-là.

Le visage de Judas est effrayant.

605.7

Il se jette du talus et s’enfuit dans l’oliveraie, sans revenir par la route de l’aller. Il semble poursuivi par des fauves. Revenu en ville, il s’enveloppe dans son manteau et cherche à couvrir sa blessure et son visage autant qu’il le peut.

Il se dirige vers le Temple. Mais en route, à un carrefour, il se trouve en face des canailles qui traînent Jésus chez Pilate. Il ne peut reculer, car une autre foule, venue pour regarder, le pousse dans le dos. Et, grand comme il est, il domine forcément, donc il voit. Et il rencontre le regard du Christ…

Les deux regards s’enlacent un moment. Puis le Christ passe, lié, frappé, et Judas tombe à la renverse comme s’il s’évanouissait. La foule le piétine sans pitié, et il ne réagit pas. Il doit préférer être écrasé par tout un monde plutôt que de rencontrer ce regard.

605.8

Quand la meute déicide est passée avec le Martyr et que la voie est libre, il se relève et court au Temple. Il bouscule et renverse presque un garde placé à la porte de l’enceinte. D’autres gardes arrivent pour interdire l’entrée au forcené, mais lui, tel un taureau furieux, les écarte tous. L’un d’eux, qui s’accroche à lui pour l’empêcher de pénétrer dans la salle du Sanhédrin dont tous les membres sont encore réunis pour discuter, est saisi à la gorge, étranglé et jeté, sinon mort du moins sans connaissance, en bas des trois marches.

« Maudits, je ne veux pas de votre argent » s’écrie-t-il, debout au milieu de la salle, à l’endroit où se tenait Jésus un peu plus tôt.

On dirait un démon qui jaillit de l’enfer. Ensanglanté, dépeigné, enflammé par le délire, la bave à la bouche, les mains comme des griffes, il hurle et semble aboyer tant sa voix est perçante, rauque, hurlante.

« Votre argent, maudits, je n’en veux pas. Vous m’avez perdu. Vous m’avez fait commettre le plus grand péché. Comme vous, comme vous je suis maudit ! J’ai trahi le sang innocent. Que ce sang et ma mort retombent sur vous. Sur vous… Non ! Ah !… »

Judas voit le pavé baigné de sang.

« Même ici il y a du sang, même ici? Partout ! Son sang est partout ! Mais combien de sang a l’Agneau de Dieu pour en couvrir ainsi la terre et ne pas en mourir ? Et c’est moi qui l’ai répandu ! A votre instigation. Maudits soyez-vous ! Maudits, maudits pour l’éternité ! Malédiction à ces murs ! Malédiction à ce Temple profané ! Malédiction au grand-prêtre déicide ! Malédiction aux prêtres indignes, aux faux docteurs, aux pharisiens hypocrites, aux Juifs cruels, aux scribes sournois ! Malédiction à moi ! A moi, malédiction ! A moi ! Reprenez votre argent et qu’il vous étrangle l’âme dans la gorge, comme la corde pour moi. »

Il lance alors la bourse à la figure de Caïphe et s’en va en poussant un hurlement, tandis que les pièces résonnent en s’éparpillant sur le sol après avoir frappé, en la faisant saigner, la bouche de Caïphe.

Personne n’ose le retenir.

605.9

Il sort, et court à travers les chemins. Fatalement, il rencontre à deux reprises Jésus à l’aller et au retour de chez Hérode.

Il abandonne le centre de la ville pour prendre au hasard les ruelles les plus misérables, et va de nouveau finir contre la maison du Cénacle. Elle est entièrement fermée, comme abandonnée. Il s’arrête, la regarde.

« La Mère de Jésus, murmure-t-il, sa Mère !… » Il reste indécis… « Moi aussi, j’ai une mère ! Et j’ai tué le fils d’une mère !… Pourtant… je veux entrer… revoir cette pièce. Là, il n’y a pas de sang… »

Il donne un coup à la porte, un autre… encore un…

La gardienne de la maison vient entrouvrir la porte, ne laissant qu’une simple fente… A la vue de cet homme bouleversé, méconnaissable, elle pousse un cri et essaie de refermer. Mais Judas, d’un coup d’épaule, l’ouvre toute grande et, renversant la femme terrorisée, passe outre.

Il court vers la petite porte qui donne sur le Cénacle, et entre. Un beau soleil passe par les fenêtres. Judas pousse un soupir de soulagement. Ici, tout est calme et silencieux. La vaisselle est encore comme on l’a laissée. On comprend que, pour le moment, personne ne s’en est occupé. On pourrait croire qu’on va passer à table.

Judas, justement, s’approche de la table. Il regarde s’il y a du vin dans les amphores : il y en a. Il boit avidement à l’amphore elle-même qu’il soulève à deux mains. Puis il se laisse tomber assis et appuie sa tête sur ses bras croisés sur la table. Il ne s’aperçoit pas qu’il est assis à la place de Jésus et qu’il a devant lui la coupe qui a servi pour l’Eucharistie. Il s’arrête un moment, jusqu’à ce que s’apaise l’essoufflement causé par sa longue course. Puis il lève la tête, voit la coupe, et reconnaît la place où il s’est assis.

Il se lève comme un possédé. Mais la coupe le fascine. Il reste au fond un peu de vin rouge et le soleil, en frappant le métal (qui paraît être de l’argent) fait briller ce liquide.

« Du sang ! Du sang ! Du sang même ici ! Son sang ! Son sang !…“ Faites ceci en mémoire de moi !… Prenez et buvez. Ceci est mon sang… Le sang de la nouvelle alliance qui sera versé pour vous… ” Ah ! Maudit que je suis ! Pour moi, il ne peut plus être versé pour la rémission de mon péché. Je ne demande pas pardon, parce qu’il ne peut me pardonner. Partons ! Partons ! Il n’y a plus de lieu où le Caïn de Dieu puisse connaître le repos. A mort ! A mort !… »

605.10

En sortant, il se trouve face à face avec Marie, debout à la porte de la pièce où Jésus l’a quittée. Entendant du bruit, elle est venue, dans l’espoir peut-être de trouver Jean, qui est absent depuis bien longtemps. Elle est pâle comme si elle avait été vidée de son sang. La douleur rend ses yeux encore plus semblables à ceux de son Fils. Judas rencontre ce regard qui l’observe avec la même connaissance affligée et consciente que Jésus un peu plus tôt. Et avec un “ Oh ! ” effrayé, il s’adosse au mur.

« Judas ! dit Marie, Judas, qu’es-tu venu faire ? »

Ce sont les mots mêmes de Jésus, prononcés avec un amour douloureux. Judas s’en souvient et pousse un cri.

« Judas, répète Marie, qu’as-tu fait ? Tu as répondu à tant d’amour en trahissant ? »

La voix de Marie est une caresse tremblante.

Judas tente de s’échapper. Marie l’appelle d’une voix qui aurait pu convertir un démon.

« Judas ! Judas ! Arrête-toi ! Arrête-toi ! Ecoute ! Je te le dis en son nom : repens-toi, Judas. Lui, il pardonne… »

Mais Judas s’est enfui.

La voix de Marie, son aspect ont été le coup de grâce, ou plutôt de disgrâce puisqu’il lui résiste.

Dans sa précipitation, il croise Jean qui vient chercher Marie en courant. La sentence est prononcée. Jésus va aller au Calvaire. C’est le moment de conduire la Mère à son Fils.

Jean reconnaît Judas, bien qu’il reste bien peu du beau Judas d’il y a peu de temps.

« Toi ici ? » lui lance Jean avec un dégoût visible. « Toi ici ? Malédiction à toi, meurtrier du Fils de Dieu ! Le Maître est condamné. Réjouis-toi, si tu le peux, mais dégage le chemin. Je viens chercher Marie. Elle est ton autre victime, espèce de vipère, et je ne veux pas qu’elle te rencontre.»

605.11

Judas s’enfuit. Il s’est enveloppé la tête dans les lambeaux de son manteau en laissant seulement une fente pour les yeux. Les gens, le peu de gens qui ne sont pas vers le Prétoire, l’évitent comme s’ils voyaient un fou. Car il semble bien l’être.

Il erre à travers la campagne. Le vent apporte de temps à autre un écho de la clameur qui monte de la foule qui suit Jésus en lui adressant des imprécations. Chaque fois qu’un pareil écho arrive à Judas, il hurle comme un chacal.

Je crois qu’il est réellement devenu fou, car il se cogne la tête rythmiquement contre les murets de pierre. Ou bien il est devenu halluciné parce que, quand il voit un liquide quelconque : eau, lait porté par un enfant dans un récipient, de l’huile qui coule d’une outre, il crie à toutes forces :

« Du sang ! Du sang ! Son sang ! »

Il voudrait boire aux ruisseaux et aux fontaines, mais il ne le peut, car il prend l’eau pour du sang :

« C’est du sang ! C’est du sang ! Il me noie ! Il me brûle ! J’ai le feu ! Son sang, qu’il m’a donné hier, est devenu feu en moi ! Malédiction à moi et à toi, Jésus ! »

605.12

Il monte et descend les collines qui entourent Jérusalem. Irrésistiblement, ses yeux se tournent vers le Golgotha. A deux reprises, il aperçoit de loin le cortège qui monte en serpentant la côte, et pousse un cri.

Le voilà arrivé lui aussi au sommet d’une petite colline couverte d’oliviers. Il est entré dans l’oliveraie en ouvrant une fermeture rudimentaire, comme s’il en était le maître ou pour le moins un habitué des lieux. J’ai l’impression que Judas ne se souciait pas beaucoup de la propriété d’autrui. Debout sous un olivier à l’extrémité d’un talus, il regarde vers le Golgotha. Il voit se dresser les croix et il comprend que Jésus est crucifié. Plus exactement, il ne peut voir ni entendre, mais le délire ou quelque maléfice de Satan lui font voir et entendre comme s’il se trouvait au sommet du Calvaire.

Il observe, l’air égaré, tout en se débattant :

« Non ! Non ! Ne me regarde pas ! Ne me parle pas ! Je ne le supporte pas. Meurs, meurs, misérable ! Que la mort ferme ces yeux qui me font peur, cette bouche qui me maudit. Mais moi aussi je te maudis, puisque tu ne m’as pas sauvé. »

Son visage est si hagard, qu’on ne peut le soutenir. Deux filets de bave coulent de sa bouche hurlante. La joue mordue est livide et enflée, et déforme son visage. Ses cheveux collés, sa barbe très noire mettent un bâillon lugubre sur ses joues et son menton. Quant à ses yeux !… Ils roulent, ils louchent, ils sont phosphorescents. De vrais yeux de démon…

605.13

Il arrache de sa taille le cordon de grosse laine rouge qui la ceint de trois tours. Il en éprouve la solidité en l’enroulant autour d’un olivier et en tirant de toutes ses forces. Le cordon est solide, il résiste.

Il choisit un olivier qui se prête à ce qu’il veut faire. Celui qui penche au-delà du talus, avec son feuillage en forme de chevelure en désordre, lui convient. Il monte sur l’arbre, assure solidement un nœud coulant à une branche des plus robustes et qui pend sur le vide. Il a déjà fait le nœud coulant. Après un dernier coup d’œil vers le Golgotha, il passe la tête dans le nœud coulant. Il paraît maintenant avoir deux colliers rouges à la base du cou. Il s’assied sur le talus puis, d’un coup, se laisse glisser dans le vide.

Le nœud le serre. Il se débat quelques minutes. Ses yeux chavirent, l’asphyxie le rend noir, il ouvre la bouche, les veines du cou se gonflent et noircissent. Il lance quatre ou cinq coups de pieds en l’air, dans les dernières convulsions. Puis la bouche s’ouvre et la langue pend, noire et baveuse, les globes oculaires ouverts sortent de la tête en montrant le blanc de l’œil injecté de sang, l’iris disparaît vers le haut. Il est mort.

Le vent fort qui s’est levé avant l’orage imminent, balance le macabre pendule et le fait tourner comme une hideuse araignée suspendue au fil de sa toile.

Ainsi finit cette vision. Je ne peux que me souhaiter de l’oublier au plus vite, car je vous assure que c’était horrible.

605.14

Jésus dit :

« Horrible, mais pas inutile. Trop de gens croient que Judas a commis un acte de peu d’importance. Certains vont jusqu’à affirmer qu’il a eu un certain mérite, car sans lui la Rédemption n’aurait pas eu lieu, et cela lui vaut d’être justifié devant Dieu.

En vérité, je vous dis que si l’Enfer n’avait pas déjà existé, et si ses tourments n’avaient pas déjà été parfaits, il aurait été créé pour Judas encore plus horrible et éternel, parce que de tous les pécheurs et de tous les damnés, il est le plus damné et le plus pécheur. Dans toute l’éternité, il n’y aura jamais d’adoucissement de sa condamnation.

Le remords aurait pu aussi le sauver, s’il avait fait du remords un repentir. Mais il n’a pas voulu se repentir. Au premier crime de trahison, encore pardonnable à cause de ma grande miséricorde — c’est une faiblesse que m’impose mon amour —, il a joint les blasphèmes, les résistances aux voix de la grâce qui voulaient encore lui parler par l’intermédiaire des souvenirs, des terreurs, par l’intermédiaire de mon sang et de mon manteau, par l’intermédiaire de mon regard, des traces de l’institution de l’Eucharistie, des paroles de ma Mère.

Il a résisté à tout. Il a voulu résister, comme il avait voulu trahir. Comme il a voulu maudire, comme il a voulu se suicider.

605.15

C’est la volonté qui compte, dans le bien comme dans le mal.

Lorsque quelqu’un tombe sans la volonté de tomber, je pardonne. Regarde Pierre : il m’a renié. Pourquoi ? Lui-même ne le savait pas exactement. Pierre, un lâche? Non, mon Pierre n’était pas un lâche. Contre la cohorte et les gardes du Temple, il avait osé frapper Malchus pour me défendre au risque de sa vie. Ensuite, il s’était enfui, sans avoir la volonté de le faire. Il a renié, sans avoir la volonté de le faire. Plus tard, il saura bien rester fidèle et avancer sur le chemin sanglant de la croix, sur mon chemin, jusqu’à arriver à la mort sur la croix. Il a su par la suite donner de moi un excellent témoignage, au point d’être tué à cause de sa foi intrépide. Je le défends, mon Pierre. Sa défaillance a été la dernière de son humanité, mais sa volonté spirituelle n’était pas présente à ce moment. Elle dormait, émoussée par le poids de son humanité. Quand elle s’éveilla, elle ne voulut pas rester dans le péché et voulut être parfaite. Je lui ai aussitôt pardonné.

605.16

Judas, lui, n’as pas voulu. Tu dis qu’il paraissait fou et enragé. Il l’était, d’une rage satanique.

Sa terreur à la vue du chien, animal rare, en particulier à Jérusalem, vient du fait que, depuis un temps immémorial, on attribuait cette forme à Satan pour apparaître aux mortels. Dans les livres de magie, il est encore dit qu’une des formes préférées de Satan pour apparaître est celle d’un chien mystérieux, d’un chat ou d’un bouc. Judas, déjà en proie à la terreur qui lui venait de son crime, convaincu qu’il appartenait désormais à Satan, crut reconnaître Satan sous l’aspect de cette bête errante.

Une personne coupable voit en tout des ombres de peur. C’est sa conscience qui les crée. Ensuite, Satan excite ces ombres, qui pourraient encore susciter du repentir dans un cœur, et il en fait des larves horribles qui amènent au désespoir. Et le désespoir porte au crime ultime, au suicide.

A quoi bon jeter le prix de la trahison, quand ce dépouillement n’est que le fruit de la colère et n’est pas fortifié par une volonté droite de repentir ? Dans ce cas, se dépouiller des fruits du mal devient méritoire, mais comme il l’a fait, non. Ce fut un sacrifice inutile.

605.17

Ma Mère — et c’était la Grâce qui parlait et la Trésorière qui accordait[2] le pardon en mon nom —, lui dit : “ Repens-toi, Judas. Il pardonne… ” Ah ! oui, je lui aurais pardonné ! S’il s’était jeté aux pieds de ma Mère en implorant : “ Pitié ! ”, elle qui est la Mère de Miséricorde, elle l’aurait recueilli comme un blessé ; sur ses blessures sataniques par lesquelles l’Ennemi lui avait inoculé le Crime, elle aurait répandu ses larmes salvatrices, puis elle me l’aurait amené au pied de la croix, en le tenant par la main pour que Satan ne puisse le saisir et les disciples le frapper ; elle me l’aurait amené pour que mon sang tombe d’abord sur lui, le plus grand des pécheurs. Et elle se serait trouvée, en Prêtresse[3] admirable sur son autel, entre la pureté et la faute, car, si elle est la Mère des vierges et des saints, elle est aussi la Mère des pécheurs.

Mais Judas n’a pas voulu.

605.18

Méditez sur le pouvoir de la volonté dont vous êtes les arbitres absolus. C’est elle qui vous ouvre le Ciel ou l’Enfer. Méditez sur ce que veut dire persister dans la faute.

Le Crucifié se tient les bras ouverts et attachés pour vous dire qu’il vous aime, et qu’il ne veut pas vous frapper, qu’il ne peut vous frapper parce qu’il vous aime et préfère se refuser de pouvoir vous embrasser — son unique douleur dans son état de crucifié —, plutôt que d’avoir la liberté de vous punir. Le Crucifié, objet de divine espérance pour ceux qui se repentent et veulent se détourner de la faute, devient pour les impénitents un objet d’une telle horreur qu’elle les fait blasphémer et user de violence envers eux-mêmes. Ils deviennent meurtriers de leur esprit et de leur corps à cause de leur persistance dans la faute. Et la vue de Celui qui est doux, qui s’est laissé immoler dans l’espoir de les sauver, prend l’apparence d’un spectre horrifiant.

605.19

Maria, tu t’es plainte de cette vision. Mais c’est le vendredi de la Passion, ma fille. Tu dois souffrir. Aux souffrances que tu endures en raison de mes souffrances et de celles de Marie, tu dois unir tes propres souffrances dues à l’amertume de voir les pécheurs rester dans le même état. Ce fut notre souffrance. Elle doit être la tienne. Marie en a souffert et en souffre encore, comme de mes tortures. Tu dois donc en souffrir toi aussi. Maintenant, repose-toi. Dans trois heures, tu seras toute à moi et à Marie. Je te bénis, violette de ma passion et passiflore de ma Mère[4]. »

605.1

Here is my very painful vision in these early hours of Passion Friday, as it appeared to me while I was saying the prayers of the Hour of Our Lady of Sorrows; in fact I had thought that spending the night before my Profession in the company of the Virgin of Seven Sorrows was the best preparation for the Profession.

605.2

I see Judas. He is alone. He is dressed in light yellow with a red cord round his waist. My internal warner informs me that Jesus has been captured a short time ago and that Judas, who had run away after the arrest, is a prey to contrasting ideas. In fact the Iscariot looks like a furious wild beast hunted down by a pack of mastiffs. Every breath of wind rustling among leaves, any noise in the streets, the gurgling of a fountain make him start and turn round suspiciously and with terror, as if an executioner had caught up with him. He looks round with his head lowered, his neck twisted, rolling his eyes like one who wants to see but is afraid of seeing, and if a play of moonlight forms a shadow with a human appearance, he opens his eyes wide, jumps back, he becomes more livid than he normally is, he stops for a moment and then runs away headlong, retracing his steps, slipping away along other narrow streets, until another noise, another play of light makes him stop or run away in a different direction.

In his crazy running he goes towards the centre of the town. But the clamour of people makes him realise that he is near Caiaphas’ house, and then, pressing his head with his hands and stooping as if those shouts were stones lapidating him, he runs away. And in doing so he runs along a lane that takes him straight towards the house where the Supper was consumed. He becomes aware of that when he is in front of it, because there is a little fountain that trickles just there. The drops of water that fall into the small stone basin and the light whistle of the wind, that blowing along the narrow lane produces a kind of repressed groan, must sound to him like the tears and the moaning of the betrayed tortured Master. He covers his ears with his hands in order not to hear and runs away with his eyes closed in order not to see that door, which he had entered with the Master a few hours earlier, and from which he had come out to go and get the armed guards to arrest Him.

605.3

While running so blindly, he bumps against a stray dog, the first dog I have seen since I had visions, a big grey hairy dog that moves to one side snarling, ready to hurl itself upon the disturber. Judas opens his eyes and meets the two phosphorescent ones staring at him, and he sees the white uncovered fangs that seem to be laughing in a diabolic manner. He gives a shriek of terror. The dog, that perhaps takes it for a cry of menace, rushes upon him and they both roll in the dust: Judas underneath, paralysed by fear, the dog on top of him. When the animal leaves the prey, perhaps considered unworthy of a struggle, Judas is bleeding because of two of three bites, and his mantle is badly tom.

One bite has injured Judas’ cheek, exactly where he kissed Jesus. His cheek is bleeding and the blood stains the neck of Judas’ yellowish garment. It forms a sort of collar of blood soaking the red cord that fastens the garment round the neck, making it even redder. Judas, touching his cheek with his hand and looking at the dog that is going away, he looks at it from the opening of a door, whispering: «Beelzebub!», and with a fresh shriek he runs away chased by the dog for some time. He runs as far as the little bridge near Gethsemane. Here, either because it was tired of chasing him or because it was rabid and the water turns it away, the dog abandons the prey and goes back snarling. Judas, who had rushed into the torrent to get stones to throw at the dog, when he sees it go away, looks around and realises that the water reaches half-way up his calves. Without bothering about his garments, which are getting wetter and wetter, he bends down as far as the water and drinks, as if he were parched by fever, and he washes his cheek that is bleeding and must be painful.

605.4

In the light of daybreak he climbs out of the gravel-bed, on the other side, as if he were still afraid of the dog and did not dare to go back towards the town. He walks a few metres and finds himself at the entrance to the Garden of the Mount of Olives. He shouts: «No! No!» when he recognises the place. Then, I do not know through which irresistible force or through which satanic criminal sadism, he proceeds in that place. He looks for the place where Jesus was arrested. The earth of the path trampled on by many feet, the grass ruffled at a certain point and some blood on the ground, perhaps Malchus’, make him understand that there he pointed out the Innocent to the executioners.

He looks and looks… and then he utters a hoarse cry and jumps backwards. He shouts: «That blood, that blood!…» and he points it out… to whom? with his hand stretched out and his forefinger pointed to it. In the increasing light his face is ashen and ghastly. He looks like a madman. His eyes are wide open and shiny as if he were delirious, his hair, ruffled by his running and his terror, looks shaggy on his head, his cheek, which is swelling, twists his mouth in a grin. His tunic, torn, covered with blood, wet, muddy, because the dust that had stuck to the wet cloth has become mud, makes him look like a beggar. His mantle, which is also torn and muddy, hangs down from one shoulder like a rag, and he gets caught in it when, continuing to shout: «That blood, that blood!» he steps back, as if that blood had become a sea that rises and submerges.

Judas falls back and hurts the back of his head against a stone. He moans with pain and fear. «Who is it?» he shouts. He must have thought that somebody had made him fall to strike him. He turns round terrified. There is no one! He stands up. Blood is now dripping also at the back of his neck. The red circle widens on his garment. It does not fall to the ground[1], because there is not much of it. His garment absorbs it. The red halter now seems to be already round his neck.

605.5

He walks. He finds the traces of the little fire lit by Peter at the foot of an olive-tree. But he does not know that it is Peter’s work and he must think that Jesus was there. He shouts: «Away! Away!» and with both hands stretched out in front of him, he seems to be driving back a ghost that torments him. He runs away, and ends up just against the rock of the Agony.

By now daybreak is clear and one can see well and immediately. Judas sees Jesus’ mantle left folded on the rock. He recognises it. He wants to touch it. He is afraid. He stretches out his hand and withdraws it. He wants and does not want. But that mantle fascinates him. He moans: «No. No.» He then says: «Yes, by Satan! Yes. I want to touch it. I am not afraid! I am not afraid!» He says that he is not afraid, but his teeth are chattering with terror, and the noise made above his head by a branch of an olivetree, that is blown by the wind against the nearby trunk, makes him shout once again. And yet he makes an effort and gets hold of the mantle. And he laughs. The laughter of a madman, of a demon. A hysterical, broken, lugubrious, never ending laughter, because he has overcome his fear. And he says so: «You do not frighten me, Christ. I am no longer afraid. I was so much afraid of You, because I thought that You were a God and a strong man. Now You no longer frighten me, because You are not God. You are a poor madman, a weakling. You did not know how to defend Yourself. You did not reduce me to ashes, neither did You read betrayal in my heart. My fears!… What a fool! When You spoke, even yesterday evening, I thought You knew. But You knew nothing. It was my fear that gave the tone of prophecy to Your common words. You are nothing. You have allowed Yourself to be sold, pointed out, caught like a mouse in its hole. Your power! Your origin! Ha! Ha! Ha! Buffoon! Satan is the strong one! Stronger than You. He defeated You! Ha! Ha! Ha! The Prophet! The Messiah! The King of Israel! And You subjugated me for three years! With fear always in my heart! And I had to lie to deceive You subtly when I wanted to enjoy life! But even if I had stolen and fornicated without all the cunning I used to employ, You would not have done me anything. Faint-hearted! Fool! Coward! Take this! Take this! Take this! I was wrong in not doing to You what I am now doing to Your mantle to revenge myself for the time You kept me the slave of fear. Fear of a rabbit!… Take this! Here! Take this!»

605.6

At each «take this!» Judas bites the cloth of the mantle and tries to tear it. He rumples it with his hands. But in doing so, he unfolds it and the stains wetting it appear. Judas stops in his fury. He stares at those stains. He touches them. He smells them. It is blood… He spreads out the whole mantle. The impression left by the two hands stained with blood, when Jesus pressed the cloth against His face, is clearly visible.

«Ah!… Blood! Blood! His… No!» Judas drops the mantle and looks around. Also on the rock, where Jesus leaned with His back when the angel comforted Him, there is a dark mark of blood that is clotting. «There!… There!… Blood! Blood!…» He lowers his eyes in order not to see, and he sees the grass all stained with the blood that has dropped on it. As it has been diluted by the dew, it looks as if it had just dripped. It is red and shines in the early sunshine. «No! No! No! I don’t want to see it! I cannot look at that blood! Help!» and he holds his throat with his hands and gropes about, as if he were drowning in a sea of blood. «Back! Back! Leave me! Leave me! Cursed! But this blood is a sea! It covers the Earth! The Earth! The Earth! And on the Earth there is no room for me, because I cannot look at that blood that covers it. I am the Cain of the Innocent!»

I think that the idea of suicide entered his heart at this moment. Judas’ face is frightening.

605.7

He jumps from the terrace and runs away through the olivegrove without going back the way he came. He looks like one chased by wild beasts. He goes back to town. He wraps himself in his mantle as best he can and he tries to cover his wound and his face as much as possible.

He heads towards the Temple. But while going there, at a crossroad he finds himself in front of the rabble who are dragging Jesus to Pilate. He cannot withdraw, because other people press him from behind, as they flock to see. And, tall as he is, he dominates forcibly and sees. And he meets Jesus’ eyes… They exchange glances for a moment. Then Jesus, tied and beaten, passes by. And Judas falls on his back, as if he had fainted. The crowds trample on him pitilessly, and he does not react. He obviously prefers to be trodden on by the whole world, rather than meet those eyes.

605.8

When the deicide pack has gone by with the Martyr, and the street is empty, he stands up again and runs to the Temple. He bumps against and almost overthrows a guard on duty at the gate of the enclosure. Other guards run to prevent the frantic man from entering. But like a furious bull, he routs them all. One of them, who clings to him to prevent him from going into the hall of the Sanhedrin, where they are all still gathered discussing, is seized by the throat, strangled and thrown down the three steps, if not dead, certainly at the point of death.

«I don’t want your money, may you be damned» he shouts, standing in the middle of the hall, just where Jesus was previously. He looks like a demon who has come out of hell. Bleeding, unkempt, in a state of delirious fury, slavering, his hands like claws, he shouts and seems to be barking, so shrill and hoarse is his howling voice. «

No one dare stop him.

605.9

He goes out. He runs along the streets. And he fatally meets with Jesus twice again, as He goes and comes back from Herod.

He departs from the town centre, taking the poorest lanes at random and he ends up again at the house of the Supper. It is all closed as if it were abandoned. He stops. He looks at it. «The Mother!» he whispers. «The Mother!…» He is undecided… «I have a mother as well! And I have killed a son of a mother!… And yet… I want to go in… To see that room again. There is no blood in there…»

He knocks at the door. He knocks again… and again… The mistress of the house comes to open and half-opens the door. Ajar… And seeing the man so agitated and altered beyond recognition, she utters a cry and tries to close the door again. But Judas opens it wide with a push of his shoulder and, knocking down the terrified woman, he goes in.

He runs towards the little door that lets into the Supper Room. He opens it and goes in. A beautiful sunshine enters through the wide-open windows. Judas breathes a sigh of relief. He proceeds. Everything is calm and silent here. The dishes are still as they were left. One understands that nobody has taken care of them. One might think that they are about to sit at the table.

Judas goes towards the table. He looks whether there is any wine in the amphorae. There is. He drinks greedily out of the amphora itself, lifting it with both hands. Then he sits down and rests his head on his arms folded on the table. He does not notice that he has sat just where Jesus was seated and that in front of him there is the chalice used for the Eucharist. He remains still for some time, until his panting after so much running calms down. He then looks up and sees the chalice. And he realises where he has sat down.

He stands up as if he were possessed. But the chalice enchants him. A little red wine is still in the bottom of it and the sun, shining on the metal (it looks like silver), inflames the liquid. «Blood! Blood! Blood also here! His Blood! His Blood!… “Do this in memory of Me!… Take this and drink it. This is My Blood… The Blood of the new testament that will be shed for you…”. Ha! I am cursed! It can no longer be shed for me to remit my sin. I do not ask to be forgiven, because He cannot forgive me. Away, away! There is no place where the Cain of God may find peace. Death! Death to me!…»

605.10

He goes out. He finds himself in front of Mary, Who is standing at the door of the room where Jesus left Her. Hearing a noise, She has looked out, hoping perhaps to see John, who has been away such a long time. She looks as pale as if She had lost all Her blood. Grief has made Her eyes resemble even more those of Her Son. Judas meets those eyes that look at him with the same sorrowful conscious knowledge with which Jesus looked at him in the street, and uttering a frightened «Oh!» he leans against the wall.

«Judas!» says Mary, «Judas, why have you come?» The same words as Jesus’. And they are spoken with sad love. Judas remembers them and shouts. «Judas» repeats Mary «what have you done? To so much love have you replied by betraying?» Mary’s voice is a trembling caress.

Judas is about to run away. Mary calls him with a voice that should have converted a demon. «Judas! Judas! Stop! Stop! Listen! I am telling you in His name: repent, Judas. He forgives…» Judas has run away.

Mary’s voice, Her appearance, have been the coup de grace, or rather of disgrace, because he resists Her.

He goes away precipitately. He meets John who is going towards the house to get Mary. The sentence has been passed. Jesus is about to go to Calvary. It is time to take Mary to Her Son.

John recognises Judas, although there is little left of the handsome Judas of not long ago. «You here?» John says to him with obvious disgust. «You here? May you be cursed, you killer of the Son of God! The Master has been condemned. Rejoice, if you can. But get out of the way. I am going to get the Mother. Do not let Her, the other Victim of yours, meet you, you reptile.»

605.11

Judas runs away. He has wrapped his head in the tatters of his mantle, leaving only a small opening for his eyes. People, the few people who are not near the Praetorium, avoid him, as if they saw a madman. And that is what he looks like.

He wanders about the country. Now and again the wind carries an echo of the clamour made by the crowds who follow Jesus cursing Him. Every time such echo reaches Judas, he howls like a jackal.

I think that he has really gone mad, because he continuously knocks his head against the low stone walls. Or he has become hydrophobic because every time he sees a liquid — water, milk carried in a vessel by a child, oil dripping from a goatskin — he howls and shouts: «Blood! Blood! His Blood!» He would like to drink at streams and fountains. But he cannot, because water seems blood to him, and he says so: «It’s blood! It’s blood! It is drowning me! It is burning me! I am on fire! He gave me His Blood yesterday, and it has become fire in me! May I be accursed, and You, too!»

605.12

He goes up and down the hills around Jerusalem. And his eyes are irresistibly attracted towards Golgotha. And twice from afar he sees the procession wind uphill. He looks and howls.

It is now on the top. Judas also is on top of a little hill covered with olive-trees. He has gone in by opening a rustic paling, as if he were the owner or at least well acquainted with the place. I am under the impression that Judas did not have much consideration for other people’s property. Standing upright under an olive-tree on the edge of a terrace, he looks towards Golgotha. He sees the crosses being erected and he realises that Jesus has been crucified. He cannot bear to see or hear. But his mental derangement or an act of witchcraft by Satan make him see and hear as if he were on the top of Calvary.

He looks and looks like one bewitched. He struggles: «No! No! Don’t look at me. Don’t speak to me. I cannot bear it. Die, die, You cursed one! Let death close those eyes that frighten me, that mouth that curses me. But I also curse You. Because You did not save me.»

His face is so troubled that one cannot look at it. Two fine streams of slaver run down from his howling mouth. The cheek that was bitten is livid and swollen, and so his face looks twisted. His sticky hair, his very dark beard that has grown on his cheeks during these hours, make his face look dismal. And his eyes!… They roll, are squint and phosphorescent. The eyes of a real demon.

605.13

He tears away from his waist the cord of thick red wool that encircles it three times. He tests its solidity by winding it round an olive-tree and pulling it with all his strength. It resists. It is solid.

He chooses a suitable olive-tree. Here it is. This one, protruding beyond the terrace with its ruffled foliage, is all right. He climbs on the tree. He fastens a noose solidly to the strongest branch hanging out over the empty space. He has already tied a slip-knot. He looks at Golgotha for the last time. He then puts his head into the slip-knot. He now seems to have two red necklaces round the bottom part of his neck. He sits on the terrace. Then with a jerk he lets himself slip into the empty space.

The knot squeezes his throat. He struggles for some moments. He rolls his eyes strangely, he becomes black with suffocation, he opens his mouth, the veins of his neck swell and become black. He kicks the air four or five times in his last convulsions. Then his mouth opens and his dark slobbery tongue hangs out, his eye-balls remain uncovered, protruding, showing the whitish globes stained with blood. The irides disappear in the upper part. He is dead.

The strong wind, that has risen with the impending storm, makes the macabre pendulum swing and whirl like a horrible spider hanging from the thread of a cobweb.

The vision ends thus. And I hope I shall soon forget all this, because I can assure you that it is a dreadful vision.

605.14

Jesus says:

«Dreadful, but not useless. Too many people think that Judas did something of little importance. Some even go to the extent of saying that he is well deserving, because Redemption would not have taken place without him, and that he is therefore justified in the eyes of God.

I solemnly tell you that, if Hell did not already exist and was not perfect in its torments, it would have been created even more dreadful and eternal for Judas, because of all sinners and damned souls, he is the most damned and the biggest sinner, and throughout eternity there will be no mitigation of his sentence.

Remorse could have also saved him, if he had turned remorse into repentance. But he would not repent and, to the first crime of betrayal, still compatible because of the great mercy that is My loving weakness, he added blasphemy, resistance to the voices of Grace, that still wanted to speak to him through recollections, through terrors, through My Blood and My mantle, through My glances, through the traces of the institution of the Eucharist, through the words of My Mother.

He resisted everything. He wanted to resist. As he had wanted to betray. As he wanted to curse. As he wanted to commit suicide.

605.15

It is one’s will that matters in things. Both in good and in evil.

When one falls without the will to follow, I forgive. Consider Peter. He denied Me. Why? Not even he knew why. Was Peter a coward? No. My Peter was not cowardly. Facing the cohort and the guards of the Temple he had dared to wound Malcus to defend Me, risking his own life thereby. He then ran away, without the will to do so. Then he denied Me, without the will to do it. Later he did remain and proceed on the bloody way of the Cross, on My Way, until he reached death on a cross. And then he bore witness to Me very efficiently, to the point of being killed because of his fearless faith. I defend My Peter. His bewilderment was the last one of his human nature. But his spiritual will was not present at that moment. Dulled by the weight of his humanity, it was asleep. When it awoke, it did not want to remain in sin, but it wanted to be perfect. I forgave him at once.

605.16

Judas did not want. You say that he seemed mad and hydrophobic. He was so through satanic fury.

His terror in seeing the dog, a rare animal particularly in Jerusalem, was a consequence of the fact that, from time immemorial, that form was attributed to Satan to appear to men. In books of magic it is stated that one of the forms preferred by Satan to appear to men is that of a mysterious dog or cat or billy-goat. Judas, already a prey to terror brought about by his crime, being convinced that he belonged to Satan because of his crime, saw Satan in that stray animal.

He who is guilty, sees shadows of fear in everything. It is his conscience that creates them. Then Satan instigates such shadows, which might still bring a heart to repent, and turns them into horrible ghosts that Lead to despair. And despair leads to the last crime: suicide.

What is the use of throwing away the price of the betrayaL, when such deprivation is only the fruit of wrath and is not corroborated by a righteous will of repentance? Only in such case the act of divesting oneself of the fruits of evil deeds becomes meritorious. But he did not do that. A useless sacrifice.

605.17

My Mother, and She was Grace that was speaking and My Treasurer that was granting forgiveness in My name, said to him: “Repent, Judas. He forgives…”.

Oh! I would have forgiven him! If he had only thrown himself at the feet of My Mother saying: “Mercy”, She, the Merciful Mother, would have picked him up as a wounded man, and on his satanic wounds, through which the Enemy had imbued him with the Crime, She would have shed Her tears that save and She would have brought him to Me, to the foot of the Cross, holding him by the hand, so that Satan might not snatch him and the disciples might not strike him, She would have brought him so that My Blood might fall first of all on him, the greatest of all sinners. And She would have been the admirable Priestess on Her altar, between Purity and Guilt, because She is the Mother of virgins and saints, but She is also the Mother of sinners.

But he did not want.

605.18

Meditate on the power of free will, of which you are the absolute arbiters. Through it you can have Heaven or Hell. Meditate on what persisting in sin means.

The Crucified, He Who is holding His arms stretched out and nailed, to tell you that He loves you, and that He does not want and cannot strike you, because He loves you, and prefers to deprive Himself of the possibility of embracing you, His only sorrow in His being nailed to the cross, rather than have the freedom to punish you, Christ Crucified, the object of divine hope for those who repent and want to abandon sin, becomes for the unrepentant the object of such horror that makes them curse and be violent against themselves. They become the murderers of their spirits and bodies through their persistence in sin. And the sight of the Meek Saviour, Who allowed Himself to be sacrificed in the hope of saving them, takes the appearance of a horrifying ghost.

605.19

Mary, you complained of this vision. But, My dear daughter, this is the Friday of Passion Week. You must suffer. To the sufferings you endure because of Mary’s sufferings and Mine, you must add your own, caused by the bitterness in seeing sinners remain sinners. That was our suffering. It must be yours. Mary suffered, and still suffers, because of that, as She suffered because of My tortures. So you must suffer that. Rest now. In three hours’ time you will be completely Mine and Mary’s. I bless you, sweet little violet of My passion and passion-flower of Mary.»


Notes

  1. Il ne tombe pas par terre, parce qu’il ne doit pas se mêler… au sang très pur de l’Innocent, comme cela est expliqué en 603.5, et comme ce sera répété en 639.3. La relation entre Jésus et le sang, qui revêt dans ce chapitre des aspects obsessionnels, est explicitée également en 92.6, 361.5 et 496.4.
  2. qui accordait le pardon, dans le sens et dans la limite précisés en 574.13.
  3. Prêtresse est un titre donné autrefois aux femmes disciples, et illustré en 95.6, 151.3, 153.3, 157.2.5, 262.9, 307.2. C’est dans le même sens, mais de manière plus large, qu’il faut l’entendre quand il s’applique à Marie : en 610.11 elle se définit comme “ Prêtresse ” en vertu de sa propre maternité, et en 618.5 elle est proclamée par Jésus “ Reine du Sacerdoce ” (du sacerdoce commun des fidèles, comme cela sera précisé en 606.15).
  4. ma Mère : sur le manuscrit original, Maria Valtorta a noté au crayon : je suis le 5e grain ¼.

Notes

  1. It does not fall to the ground: because that was not to be mixed… with the most pure blood of the Innocent, as said in 603.5 and as it will be confirmed in 639.3.