The Writings of Maria Valtorta

66. Judas Iscariote devient disciple à Gethsémani.

66. Judas of Kerioth at Gethsemane

66.1

Dans l’après-midi, je vois Jésus… sous des oliviers… Il est assis sur un talus, dans sa pose habituelle, les coudes sur les genoux, les avant-bras en avant et les mains jointes. La nuit tombe et la lumière baisse de plus en plus sous les frondaisons des oliviers. Jésus est seul. Il a enlevé son manteau comme s’il avait chaud, et son vêtement blanc met une teinte claire sur la verdure que le crépuscule obscurcit.

Un homme descend entre les oliviers. Il semble chercher quelqu’un ou quelque chose. Il est grand, vêtu d’un habit de teinte vive : un jaune rose qui fait ressortir la couleur du manteau tout orné de franges flottantes. Je ne vois pas bien son visage parce que la faiblesse du jour et la distance m’en empêchent, et aussi parce qu’il tient un pan de son manteau qui descend très bas sur son visage. Quand il voit Jésus, il fait un geste, comme pour dire : « Le voilà ! » et il presse le pas. A quelques mètres, il lance :

« Salut, Maître ! »

Jésus se retourne brusquement et lève la tête, car l’homme qui survient est sur le talus qui domine. Jésus le regarde sérieusement, je dirais avec tristesse.

L’autre répète :

« Je te salue, Maître ! Je suis Judas de Kérioth. Tu ne me reconnais pas ? Tu ne te souviens pas ?

– Je me souviens et je te reconnais. Tu es celui qui m’a parlé avec Thomas à la Pâque dernière.

– Et à qui tu as dit : “ Réfléchis et décide-toi avant mon retour. ” C’est décidé. Je viens.

– Pourquoi viens-tu, Judas ? »

Jésus est vraiment triste.

« Parce que… je t’en ai dit la raison la dernière fois : parce que je rêve au Royaume d’Israël et j’en vois en toi le roi.

– C’est pour cela que tu viens ?

– Pour cela. Je me mets moi-même et tout ce que je peux avoir : capacités, connaissances, amitiés, fatigue, à ton service et au service de ta mission pour reconstruire Israël. »

Les deux hommes se font maintenant face, ils sont proches l’un de l’autre, debout et se considèrent fixement. Jésus est sérieux, jusqu’à en paraître attristé, l’autre exalté dans son rêve, souriant, beau et juvénile, léger et ambitieux.

« Ce n’est pas moi qui suis allé à ta recherche, Judas.

– Je m’en suis aperçu, mais moi, je te cherchais. Il y a des jours et des jours que j’ai envoyé des gens aux portes pour me signaler ton arrivée. Je pensais que tu serais venu avec des disciples et par conséquent qu’il aurait été facile de te reconnaître. Au contraire… J’ai compris que tu étais là parce qu’un groupe de pèlerins te bénissait pour avoir guéri un malade. Mais personne ne savait dire où tu te trouvais. Alors je me suis rappelé cet endroit, et je suis venu. Si je ne t’avais pas trouvé ici, je me serais résigné à ne plus te trouver…

– Crois-tu que c’est un bien pour toi de m’avoir trouvé ?

– Oui, parce que je te cherchais, je te désirais, je te veux.

– Pourquoi ? Pourquoi m’as-tu cherché ?

– Mais, je te l’ai dit, Maître !

66.2

Tu ne m’as pas compris ?

– Je t’ai compris, oui, je t’ai compris. Mais je veux que tu me comprennes, toi aussi, avant de me suivre. Viens. Nous parlerons ensemble tout en marchant. »

Et ils se mettent en route, l’un à côté de l’autre, montant et descendant les sentiers qui découpent l’oliveraie.

« Tu me suis pour une idée qui est humaine, Judas. Moi, je dois t’en dissuader. Je ne suis pas venu pour cela.

– Mais n’es-tu pas le roi des Juifs désigné ? Celui dont ont parlé les prophètes ? Il s’en est levé d’autres. Mais il leur manquait trop de choses, et ils sont tombés comme des feuilles envolées que le vent ne soutient plus. Tu as Dieu avec toi, au point d’accomplir des miracles. Là où est Dieu, la réussite de la mission est assurée.

– Tu as bien parlé. J’ai Dieu avec moi. Je suis son Verbe. Je suis celui qu’ont prophétisé les prophètes, qui a été promis aux patriarches, celui que les foules attendent. Mais pourquoi, Israël, es-tu devenu aveugle et sourd au point de ne plus savoir lire et voir, écouter et comprendre le sens réel des faits ? Mon Royaume n’est pas de ce monde, Judas. Renonce à tes idées. Je viens apporter à Israël la Lumière et la Gloire, mais pas la lumière et la gloire de la terre. Je viens appeler au Royaume les justes d’Israël, car c’est par Israël et avec lui que doit se former et grandir l’arbre de la vie éternelle, dont la sève sera le sang du Seigneur, l’arbre qui étendra ses rameaux sur toute la terre jusqu’à la fin des siècles. Mes premiers disciples seront d’Israël. Mes premiers confesseurs seront d’Israël. Mais mes persécuteurs également seront d’Israël. Et aussi mes bourreaux, et même mon traître…

– Non, Maître. Cela, jamais. Si tous te trahissaient, moi je resterais et te défendrais.

– Toi, Judas ? Et sur quoi te bases-tu pour l’assurer ?

– Sur mon honneur d’homme.

– Voilà qui est plus fragile qu’une toile d’araignée, Judas. C’est à Dieu que nous devons demander la force d’être honnêtes et fidèles. L’homme !… L’homme accomplit des œuvres d’homme. Pour agir spirituellement – car suivre le Messie en toute vérité et justice, c’est agir spirituellement –, il faut tuer l’homme et le faire renaître. Es-tu capable d’en faire autant ?

– Oui, Maître. Et puis… Ce n’est pas tout Israël qui t’aimera. Mais des bourreaux et des traîtres à son Messie, il n’en viendra pas d’Israël. Il t’attend depuis des siècles !

– Il en viendra. Rappelle-toi les prophètes, leurs paroles… et leur fin. Je suis destiné à décevoir beaucoup de gens. Et tu es l’un de ceux-là. Judas, tu as en face de toi un doux, un pacifique, un pauvre qui veut rester pauvre. Je ne suis pas venu pour m’imposer et faire la guerre. Je ne dispute aux forts et aux puissants aucun royaume, aucun pouvoir. Ce n’est qu’à Satan que je viens disputer les âmes et je viens briser les chaînes de Satan par le feu de mon amour. Je viens enseigner la miséricorde, le sacrifice, l’humilité, la continence. Je te le dis, et je le dis à tous : “ N’ayez pas soif des richesses humaines, mais travaillez pour les éternelles. ” Abandonne toute illusion, Judas, si tu crois que je viens triompher de Rome et des castes dominantes. Les Hérodes aussi bien que les Césars peuvent dormir tranquilles pendant que je parle aux foules. Je ne suis pas venu arracher le sceptre à qui que ce soit… et mon sceptre, éternel, est déjà tout prêt. Mais il n’est personne, à moins d’être amour comme je le suis, qui voudrait le défendre.

66.3

Va, Judas et médite…

– Tu me repousses, Maître ?

– Je ne repousse personne, car celui qui repousse n’aime pas. Mais dis-moi, Judas : comment qualifierais-tu l’acte de quelqu’un qui, se sentant malade et contagieux, dirait à un autre qui ignore son mal et viendrait boire à sa coupe : “ Pense à ce que tu fais ” ? Appellerais-tu cela de la haine ou de l’amour ?

– Je dirais que c’est de l’amour, parce qu’il veut éviter à celui qui ignore de nuire à sa santé.

– Interprète ainsi mon acte.

– Puis-je nuire à ma santé en venant avec toi ? Non, jamais !

– C’est plus qu’à la santé que tu peux nuire, parce que, pen­ses-y bien, Judas, celui qui assassinera, en croyant faire justice parce qu’il ne connaît pas la vérité sera légèrement accusé ; mais il sera terriblement justiciable, celui qui, l’ayant connue, non seulement ne la suivra pas, mais s’en fera l’ennemi.

– Moi, je ne le serai pas. Prends-moi, Maître. Tu ne peux me refuser. Si tu es le Sauveur et si tu vois que je suis un pécheur, une brebis égarée, un aveugle qui s’est éloigné du chemin de la justice, pourquoi refuses-tu de me sauver ? Prends-moi. Je te suivrai jusqu’à la mort…

– Jusqu’à la mort ! C’est vrai. C’est bien vrai. Puis…

– Et puis, Maître ?

– L’avenir est dans le sein de Dieu. Va, demain nous nous reverrons près de la Porte des Poissons.

– Merci, Maître. Que le Seigneur soit avec toi.

– Et que sa miséricorde te sauve. »

Et tout se termine.

66.1

In the afternoon I see Jesus… in the olive-grove… He is sitting on one of the little ground terraces, in His familiar position, His elbows resting on His knees, His forearms forward and His hands joined. It is getting dark and the light becomes fainter and fainter in the thick olive-grove. Jesus is alone. He has taken off His mantle as if He were warm, and His white tunic stands out against the green of the surroundings which are made even darker by the twilight.

A man comes down through the olive-trees. He seems to be looking for something or someone. He is tall and is wearing gay coloured garments: a yellow pink hue that makes his big mantle more showy, adorned as it is with swinging fringes. I cannot see his face very well because of the dim light and the distance, and also because the edge of the mantle is lowered over part of his face. When he sees Jesus he makes a gesture as if to say: «There He is!» and he hastens his step. When he is a few metres away, he greets Him: «Hail, Master!»

Jesus turns round suddenly and looks up, because the man is standing on the next terrace, which is higher up. Jesus looks at him, He is serious, and I would say also sad. The man says once again: «I greet You, Master. I am Judas of Kerioth. Do You not recognise me? Do You not remember?»

«I remember and recognise you. You spoke to Me here with Thomas, last Passover.»

«And You said to me: “Think about it and make up your mind before I come back”. I have made up my mind. I will come.»

«Why are you coming, Judas?» Jesus is really sad.

«Because… The last time I told You why. Because I dream of the Kingdom of Israel and I see You as a king.»

«Is that why you are coming?»

«Yes, it is. I will put myself and everything I possess: capability, acquaintances, friends, fatigue at Your service and at the service of Your mission to rebuild Israel.»

The two are now close, in front of each other, standing, and they stare at each other. Jesus is serious and melancholy. Judas exalted by his dream is smiling, handsome and young, sprightly and ambitious.

«I did not look for you, Judas.»

«I know. But I looked for You. For days and days I have been putting people at the gates to warn me of Your arrival. I thought You would be coming with some followers and that it would therefore be easy to notice You. Instead… I understood that You had been here, because a group of pilgrims was blessing You as You had healed a sick man. But no one could tell me where You were. Then I remembered this place. And I have come. If I had not found You here, I would have resigned myself to not finding You any more…»

«Do you think it is a good thing for you, that you found Me?»

«Yes, because I was looking for You. I was longing for You, I want You.»

«Why? Why did you look for Me?»

«But I have told You, Master!

66.2

Did You not understand?»

«I did understand you. Yes, I did. But I want you also to understand Me before you follow Me. Come. We will talk while walking.» And they start walking, one beside the other, up and down the paths that cross one another in the olive-grove. «You want to follow Me for a human reason, Judas. But I must dissuade you. I have not come for that.»

«But are You not the designated King of the Jews? The one of whom the Prophets spoke? Others have come. But they lacked too many things and they fell like leaves no longer supported by the wind. But You have God with You, in fact You work miracles. Where there is God, the success of the mission is guaranteed.»

«You have spoken the truth. I have God with Me. I am His Word. I was prophesied by the Prophets, promised to the Patriarchs, expected by the people. But why, Israel, have you become so blind and deaf that you are no longer able to read and see, to hear and understand the reality of events? My Kingdom is not of this world, Judas. Allow yourself to be convinced of that. I have come to Israel to bring Light and Glory. But not the light and glory of the earth. I have come to call the just of Israel to the Kingdom. Because it is from Israel that the plant of eternal life is to come, and with Israel it is to be formed, the plant, the sap of which will be the Blood of the Lord, the plant that will spread all over the earth, until the end of time. My first followers will be from Israel. My first confessors will be from Israel. But also My persecutors will be from Israel. Also My executioners will be from Israel. And also My traitor will be from Israel.»

«No, Master. That will never happen. If everyone should betray You, I will remain with You and defend You.»

«You, Judas? And on what do you base your certainty?»

«On my honour as a man.»

«Which is more fragile than a cobweb, Judas. It is God we have to ask for the strength to be honest and faithful. Man!… Man accomplishes human deeds. To accomplish spiritual deeds — and to follow the Messiah with truthfulness and justice is to accomplish a spiritual deed — it is necessary to kill man and make him be born again. Are you capable of so much?»

«Yes, Master. And in any case… Not everybody in Israel will love You. But Israel will not give the Messiah executioners and traitors. Israel has been waiting for You for centuries!»

«I will be given them. Remember the Prophets… Their words… and their end. I am destined to disappoint many. And you are one of them. Judas, you have here in front of you a mild, peaceful poor man, who wishes to remain poor. I have not come to impose Myself and make war. I am not going to contend with the strong and mighty ones for any kingdom or any power. I contend only with Satan for souls and I have come to break the chains of Satan with the fire of My love. I have come to teach mercy, sacrifice, humbleness, continence. I say to you and to everybody: “Do not crave for human wealth, but work for eternal coins”. You are deceiving yourself if you think I am to triumph over Rome and the ruling classes. Herods and Caesars can sleep in peace, while I speak to the crowds. I have not come to snatch anybody’s sceptre,… and My eternal sceptre is already ready, but no one, unless one was love as I am, would like to hold it.

66.3

Go, Judas, and ponder…»

«Are You rejecting me, Master?»

«I reject nobody, because those who reject do not love. But, tell Me, Judas: how would you describe the gesture of a man, who, knowing he is infected by a contagious disease, says to another man who approaches him unaware of the situation, to drink out of his chalice: “Watch what you are doing”? Would you define it hatred or love?»

«I would say it was love, because he does not want the man, unaware of the danger, to ruin his health.»

«Well, define also My gesture likewise.»

«Can I ruin my health coming with You? No, never.»

«You can ruin more than your health, because, consider this carefully, Judas, little will be debited to him who is a murderer, but believes he is doing justice, and he believes it because he does not know the Truth; but a great deal will be debited to him, who knowing the Truth, not only does not follow it, but becomes its enemy.»

«I will not do that. Take me, Master. You cannot refuse me. If You are the Saviour and You see that I am a sinner, a sheep astray, a blind man off the right path, why do You refuse to save me? Take me. I will follow You, even to death…»

«To death! That is true. Then…»

«Then, Master?»

«The future is in God’s bosom. Go. We will meet tomorrow at the Fish Gate.»

«Thank You, Master. The Lord be with You.»

«And may His mercy save you.»

And it all finishes.