The Writings of Maria Valtorta

75. Jésus retrouve les bergers Elie et Lévi.

75. Jesus finds the shepherds Elias and Levi.

75.1

Les collines se font beaucoup plus hautes et boisées que celles de Bethléem et s’élèvent toujours plus, formant une vraie chaîne de montagnes.

Jésus monte, en tête, scrutant devant et autour de lui, comme s’il cherchait quelque chose. Il ne parle pas. Il écoute les bruits des bois plutôt que les discussions des disciples, quelques mètres derrière lui.

Une clarine se fait entendre au loin, mais le vent apporte le son de la clochette. Jésus sourit. Il se retourne.

« J’entends des brebis, dit-il.

– Où ça, Maître ?

– Vers ce coteau, à ce qu’il me semble, mais le bois m’empêche de voir. »

Jean ne dit mot. Il retire son habit – le manteau, tous le portent roulé en bandoulière, car ils ont chaud – et, gardant sa tunique courte, il enlace un tronc élevé et lisse, un frêne, dirait-on, et il grimpe, il grimpe… jusqu’à ce qu’il voie.

« Oui, Maître, il y a beaucoup de troupeaux, ainsi que trois bergers là-bas, derrière ce bois touffu. »

Il descend et tous y vont, rassurés.

« Est-ce qu’il s’agit bien d’eux ?

– Nous le leur demanderons, Simon, et si ce n’est pas eux, ils nous renseigneront. Ils se connaissent entre eux. »

Encore environ une centaine de mètres, puis voilà un grand pâturage vert, entouré de gros arbres anciens.

75.2

Des troupeaux nombreux se trouvent sur la pente du pré et broutent l’herbe abondante. Trois hommes les gardent. L’un est âgé, déjà tout blanc, les autres ont, l’un la trentaine, l’autre la quarantaine environ.

« Attention, Maître, ce sont des pâtres… » conseille Judas, en voyant que Jésus presse le pas.

Mais Jésus ne répond même pas. Il avance, grand, beau, le visage éclairé par le soleil couchant, dans son blanc vêtement. On dirait un ange, tant il est lumineux…

« Que la paix soit avec vous, mes amis » dit-il quand il arrive à la limite du pré.

Surpris, les trois hommes se retournent. Un silence, puis le plus ancien demande :

« Qui es-tu ?

– Quelqu’un qui t’aime.

– Tu serais bien le premier depuis de nombreuses années ! D’où viens-tu ?

– De Galilée.

– De Galilée ? Oh ! »

L’homme le regarde attentivement. Les autres aussi se sont approchés.

« De Galilée » répète le berger ; et il ajoute à mi-voix, comme s’il s’adressait à lui-même : « Lui aussi venait de Galilée… De quel endroit, Seigneur ?

– De Nazareth.

– Oh ! Dis-moi, alors : est-ce qu’un enfant y est revenu, avec une femme qui s’appelait Marie et un homme du nom de Joseph, un enfant encore plus beau que sa mère ? On n’a jamais vu de fleur plus belle sur les collines de Juda. Un bébé né à Bethléem de Juda, au temps de l’édit ? Un enfant qui a ensuite pris la fuite pour le bonheur du monde. Cet enfant, je donnerais ma vie pour le savoir vivant et devenu maintenant un homme !

– Pourquoi dis-tu que sa fuite a fait le bonheur du monde ?

– Parce que c’était le Sauveur, le Messie, et qu’Hérode voulait sa mort. Je n’étais pas là quand il s’est enfui avec son père et sa Mère… Lorsque j’ai appris le massacre et que je suis revenu – car moi aussi, j’avais des enfants (il sanglote), Seigneur, et une femme… (il sanglote encore)… je les ai vus massacrés (il san­glote), mais je te jure par le Dieu d’Abraham que je tremblais plus pour lui que pour ma propre chair –, j’ai appris qu’il s’était enfui et pourtant, je n’ai pas pu m’informer ni retrouver mes enfants égorgés… A coups de pierres, comme un lépreux, comme un impur, j’ai été pris pour un assassin… et j’ai dû m’enfuir dans les bois, vivre comme un loup… jusqu’à ce que je trouve un maître. Ah, ce n’est plus Anne… Celui-ci est dur et cruel… Si une brebis chute et se blesse, si le loup m’emporte un agneau, il me faut être fouetté jusqu’au sang ou bien perdre mes petites économies, travailler dans les bois pour les autres, faire n’importe quoi, mais payer, toujours le triple de la valeur. Mais peu importe. J’ai toujours dit au Très-Haut : “ Fais-moi voir ton Messie, fais-moi savoir au moins qu’il est vivant et tout le reste n’est rien. ” Seigneur, je t’ai dit comment j’ai été traité par les habitants de Bethléem et comment je le suis par mon patron. J’aurais pu rendre le mal pour le mal ou faire le mal en volant, pour ne pas souffrir à cause de mon maître. Mais je n’ai voulu que pardonner, souffrir, être honnête car les anges ont dit : “ Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. ”

– C’est ce qu’ils ont dit ?

– Oui, Seigneur, tu peux le croire, toi au moins qui es bon. Sais-tu, au moins, et le crois-tu, que le Messie est né ? Personne ne veut plus le croire. Mais les anges ne mentent pas… et nous, nous n’étions pas ivres, comme ils l’ont prétendu. Celui-ci, tu vois, n’était alors qu’un enfant, et il fut le premier à voir l’ange. Il ne buvait que du lait, lui. Est-ce que le lait peut enivrer ? Les anges ont dit : “ Aujourd’hui, dans la cité de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Vous le reconnaîtrez à ceci : vous trouverez un bébé couché dans une mangeoire, enveloppé de langes. ”

– C’est exactement ce qu’ils ont dit ? N’avez-vous pas mal entendu ? Ne vous trompez-vous pas, depuis si longtemps ?

– Oh ! Non, hein, Lévi ? Pour ne pas oublier – d’ailleurs, nous ne l’aurions pas pu, car c’étaient des paroles du Ciel qui s’étaient gravées en lettres de feu dans nos cœurs –, tous les matins, tous les soirs, au lever du soleil et quand brille la première étoile, nous le disons comme une prière, pour en recevoir bénédiction, force et réconfort, avec son nom à lui et le nom de sa Mère.

– Ah ! Vous disiez : “ Christ ” ?

– Non, Seigneur, nous disions : “ Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, par Jésus, le Christ, qui est né de Marie dans une étable de Bethléem et qui était dans une mangeoire, enveloppé dans des langes. C’est lui le Sauveur du monde.»

75.3

– Mais, en somme, qui cherchez-vous ?

– Jésus, le Christ, fils de Marie, le Nazaréen, le Sauveur.

– C’est moi. »

A ces mots, Jésus s’illumine en se manifestant à ses fidèles et tenaces amis. Tenaces, fidèles, patients.

« Toi ! O Seigneur, Sauveur, notre Jésus ! »

Les trois hommes sont à terre et baisent les pieds de Jésus, pleurant de joie.

« Relevez-vous. Debout, Elie, et toi Lévi, et toi que je ne con­nais pas.

– Joseph, fils de Joseph.

– Et voici mes disciples : Jean, galiléen, Simon et Judas, judéens. »

Les bergers ne sont plus face à terre, mais encore à genoux. Penchés en arrière sur leurs talons, ils adorent le Sauveur avec un regard d’amour, des lèvres qui tremblent d’émotion, leurs visages pâles ou rouges de joie.

Jésus s’assied sur l’herbe.

« Non, Seigneur ! Pas sur l’herbe, pas toi, le roi d’Israël !

– Laissez, mes amis. Je suis pauvre, seulement un menuisier pour le monde. Riche uniquement d’amour pour le monde, et de l’amour que les bons me témoignent. Je suis venu pour rester chez vous, rompre avec vous le pain du soir, dormir sur le foin à côté de vous, recevoir votre réconfort…

– Du réconfort ! Nous sommes rustres et persécutés…

– Je suis persécuté moi aussi, mais vous me donnez ce que je cherche : l’amour, la foi et l’espérance qui résiste après bien des années et donne sa fleur. Vous voyez ? Vous avez su m’attendre et vous avez cru sans hésitation que c’était moi. Et moi, je suis venu.

– Oh oui, tu es venu. Maintenant, même si je meurs, je n’ai plus rien à regretter de ce que j’aurais pu espérer sans jamais l’obtenir.

– Non, Elie, tu vivras jusqu’après le triomphe du Christ. Toi qui as vu mon aube, tu dois voir ma splendeur.

75.4

Et les autres ? Vous étiez douze : Elie, Lévi, Samuel, Jonas, Isaac, Tobie, Jonathas, Daniel, Siméon, Jean, Joseph et Benjamin. Ma Mère me répétait toujours vos noms, les noms de mes premiers amis.

– Oh ! »

Les bergers sont toujours plus émus.

« Où sont les autres ?

– Le vieux Samuel est mort de vieillesse il y a vingt ans de cela. Joseph a été tué en se battant à la porte de son enclos, pour donner le temps à son épouse – qui était mère depuis quelques heures – de s’enfuir avec celui-ci que j’ai recueilli par amour pour mon ami, et pour… et pour avoir encore des enfants autour de moi. J’ai pris aussi Lévi avec moi… Il était persécuté. Benjamin est berger sur le mont Liban, avec Daniel. Siméon, Jean et Tobie – qui maintenant a pris le nom de Mathias en souvenir de son père, tué lui aussi – sont disciples de Jean. Jonas est dans la plaine d’Esdrelon, au service d’un pharisien. Isaac a les reins malades, il est dans une misère absolue, et il est seul, à Yutta. Nous l’aidons comme nous pouvons… mais nous sommes tous battus et ce sont des gouttes d’eau dans un incendie. Jonathas est maintenant serviteur chez un grand de la cour d’Hérode.

– Comment avez-vous pu, spécialement Jonathas, Jonas, Daniel et Benjamin, trouver ces emplois ?

– Je me souvenais de Zacharie, ton parent… Ta Mère m’avait envoyé à lui. Et quand nous nous sommes trouvés aux prises avec la furie des juifs, fugitifs et maudits, je les lui ai adressés. Il s’est montré bon. Il nous a protégés, nourris, il nous a cherché des patrons, comme il le pouvait. J’avais déjà pris tout le troupeau d’Anne passé à l’hérodien… et je suis resté avec lui…[1] Une fois adulte, Jean-Baptiste a commencé à prêcher, et Siméon, Jean et Tobie l’ont suivi.

– Mais, maintenant, Jean-Baptiste est prisonnier.

– Oui. Et eux circulent aux environs de Machéronte, avec un petit troupeau. Il leur a été donné par un riche, un disciple de Jean ton parent, pour écarter les soupçons.

– Je voudrais les voir tous.

– Oui, Seigneur. Nous irons leur annoncer : “ Venez, il est vivant. Il se souvient de nous et nous aime. ”

– Et il veut les compter au nombre de ses amis.

– Oui, Seigneur.

– Mais pour commencer, nous irons voir Isaac. Quant à Samuel et Joseph, où sont-ils enterrés ?

– Samuel, à Hébron. Il est resté au service de Zacharie. Joseph… n’a pas de tombeau, Seigneur. Il a brûlé avec sa maison.

– Il sera bientôt dans la gloire, non pas dans les flammes des hommes cruels, mais dans les flammes du Seigneur. Je vous l’assure ; à toi, Joseph, fils de Joseph, je te l’assure. Viens que je t’embrasse en guise de remerciement à ton père.

– Et mes enfants ?

– Ce sont des anges, Elie. Des anges qui rediront le “ Gloria ” quand le Sauveur sera couronné.

– Couronné roi ?

– Non, Rédempteur. Oh ! Cortège des justes et des saints ! D’abord, les phalanges, blanches et pourpres des petits martyrs ! Et, une fois que sera ouverte la porte des limbes, nous monterons ensemble au Royaume où l’on ne meurt plus. Et puis vous verrez et retrouverez vos pères, mères et enfants dans le Seigneur ! Ayez foi.

– Oui, Seigneur.

– Appelez-moi : Maître.

75.5

La nuit tombe. La première étoile apparaît. Dis ta prière avant le repas.

– Non, pas moi, toi.

– Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, qui ont mérité de voir la Lumière et de la servir. Le Sauveur est parmi eux. Le Berger de race royale est au milieu de son troupeau. L’Etoile du matin s’est levée. Réjouissez-vous, vous les justes ! Réjouissez-vous dans le Seigneur ! Lui qui a créé la voûte des cieux et y a semé les étoiles, lui qui a fixé les limites des terres et de la mer, lui qui a créé les vents et les pluies et réglé le cours des saisons pour donner pain et vin à ses enfants, voici qu’il vous envoie maintenant une nourriture plus excellente: le Pain vivant qui descend du Ciel, le Vin de la vigne éternelle. Venez, vous les prémices de mes adorateurs. Venez connaître le Père, en vérité, pour le suivre en sainteté et obtenir de lui une récompense éternelle. »

Jésus a prié debout, les bras tendus, pendant que ses disciples et les bergers se tenaient à genoux.

Après cela, on distribue du pain et une jatte de lait frais tiré. Comme il y a trois écuelles, ou trois courges évidées, je ne sais, c’est d’abord Jésus, Simon et Judas qui mangent, puis Jean à qui Jésus passe son bol, en même temps que Lévi et Joseph, et en dernier Elie.

Les animaux ne broutent plus. Ils ont formé un grand troupeau, serrés les uns contre les autres, en attendant peut-être qu’on les conduise à leur enclos. Mais je vois au contraire les trois bergers les conduire dans le bois, sous un grossier hangar de branchages entouré de cordes. Ils se mettent à préparer un lit de foin pour Jésus et ses disciples. On allume des feux, probablement à cause des bêtes sauvages.

Fatigués, Judas et Jean s’étendent, et peu après s’endorment. Simon voudrait bien tenir compagnie à Jésus, mais il ne tarde pas à s’endormir lui aussi, assis sur le foin, le dos appuyé à un pieu.

75.6

Jésus reste éveillé avec les bergers. Et ils parlent : de Joseph, de Marie, de la fuite en Egypte, du retour… Après ces demandes d’informations affectueuses, voici venir des questions plus élevées : que faire pour servir Jésus ? Comment le pourront-ils, eux, de grossiers bergers ?

Jésus les instruit et explique :

« Je vais maintenant parcourir la Judée. Vous serez toujours tenus informés par les disciples. Plus tard, je vous ferai venir. Rassemblez-vous, en attendant. Faites en sorte de vous informer mutuellement de ma présence en ce monde comme Maître et Sauveur. Faites-le savoir, comme vous pourrez. Je ne vous promets pas qu’on vous croira. J’ai essuyé dérision et poursuites. Vous aussi, vous rencontrerez la même chose. Mais, comme vous avez su vous montrer courageux et justes dans cette attente, soyez-le, plus encore, maintenant que vous êtes mes disciples. Demain, nous irons à Yutta, puis à Hébron. Pouvez-vous venir ?

– Oh oui ! Les routes sont à tout le monde, et les pâturages à Dieu. Seule Bethléem nous est interdite à cause de son injuste haine. Les autres villages sont au courant… mais ils se con­tentent de nous mépriser en nous traitant “ d’ivrognes ”. C’est pourquoi nous ne pourrons pas faire grand chose ici.

– Je vous appellerai ailleurs. Je ne vous abandonnerai pas.

– Pendant toute la vie ?

– Pendant toute ma vie.

– Non, c’est moi qui mourrai d’abord, Maître. Je suis âgé.

– Tu crois cela ? Pas moi. Un des premiers visages que j’ai vus, ce fut le tien, Elie. Ce sera l’un des derniers. Dans mes yeux, j’emporterai ton visage bouleversé par la douleur de ma mort. Mais, après, ce sera à toi de porter dans ton cœur la radieuse vision d’un matin triomphal et c’est avec elle que tu attendras la mort…. La mort, cette rencontre éternelle avec Jésus que tu as adoré tout petit. A ce moment-là aussi, les anges chanteront le Gloria pour “ l’homme de bonne volonté ”. »

Je ne vois plus rien. Cette douce vision se voile. C’est la fin.

75.1

The hills are becoming much higher and woodier than those around Bethlehem and they rise continuously and eventually form a real chain of mountains.

Jesus is climbing ahead of them all and He looks around, as if He were anxious to find something. He does not speak. He listens more to the voices of the woods than to the apostles’, who are a few yards behind Him and are speaking to one another.

A bell rings in the distance, but the wind carries its ding-dong. Jesus smiles. He turns around: «I hear the bells of sheep.»

«Where, Master?»

«I think near that hillock. But the wood prevents Me from seeing.»

John, without uttering one word, takes off his tunic — they have all rolled up their mantles and are carrying them across their backs, because they feel warm — and having on only his short tunic, he throws his arms around a tall smooth trunk, which I think is an ash tree, and he climbs up… until he can see. «Yes, Master. There are many herds and three shepherds over there, behind that thicket.» He comes down, and they proceed, sure of their way.

«Will it be them?»

«We shall ask, Simon, and if they are not, they will tell us something… They know one another.»

After approximately one hundred yards, there is a large, green pasture, surrounded on all sides by huge aged trees.

75.2

Many sheep are grazing on the thick grass of the undulated meadow. Three men are watching over them. One is old: his hair is all white, of the other two, one is about thirty, the other about forty years old.

«Be careful, Master. They are herdsmen…» advises Judas, when he sees Jesus hastening His step.

But Jesus does not even answer. He goes on, tall and handsome in His white tunic, with the setting sun in front of Him. He seems an angel, so bright He is… «Peace be with you, My friends» He greets when He reaches the edge of the meadow.

The three men turn around, surprised. There is silence. Then the oldest one asks: «Who are You?»

«One Who loves you.»

«You would be the first in so many years. Where are You from?»

«From Galilee.»

«From Galilee? Oh!» The man watches Him carefully. Also the other two have come near. «From Galilee» repeats the shepherd, and he adds in a very low voice, as if speaking to himself: «He came from Galilee, too… From which town, my Lord?»

«From Nazareth.»

«Oh! Well, tell me. Has a Child ever come back to Nazareth, a Child with a woman whose name was Mary and a man called Joseph, a Child, Who was even more beautiful than His Mother, so beautiful that I have never seen a fairer flower on the slopes of Judah? A Child born in Bethlehem of Judah, at the time of the edict? A Child Who later fled, most fortunately for the world. A Child, oh! I would give my life just to hear whether He is alive… He must be a man by now.»

«Why do you say that His flight was a great fortune for the world?»

«Because He was the Saviour, the Messiah and Herod wanted Him dead. I was not there when He fled with His father and Mother. When I heard of the slaughter and I came back… — because also I had children (he sobs), my Lord, and a wife… (he sobs), and I heard they had been killed (he sobs again), but I swear by the God of Abraham, I was more afraid for Him than for my own family — I heard He had fled and I could not even enquire; I could not even take away my own slaughtered creatures… They threw stones at me, as they do with lepers and unclean people, they treated me like a murderer… and I had to hide in the woods, and live like a wolf… until I found a master. Oh! it’s no longer Anne… He is hard and cruel… If a sheep gets hurt, if a wolf preys on a lamb, he either beats me till I bleed or he takes my poor pay, and I have to work in the woods for other people, I must do something, to pay him back three times the value. But it does not matter. I have always said to the Most High: “Let me see Your Messiah, at least let me know that He is alive, and all the rest is nothing”. My Lord, I have told You how the people in Bethlehem treated me, and how my master deals with me. I could have repaid them in their own coins, I could have wronged them, stealing, so that I would not suffer under my master. But I preferred to suffer, to forgive, to be honest, because the angels said: “Glory to God in the Highest Heaven and peace on earth to men of goodwill”.»

«Is that what they said?»

«Yes, they did, my Lord, You must believe, at least You, Who are good. You must know and believe that the Messiah is born. No one would believe it any longer. But angels do not lie… and we were not drunk, as they said. This man here, was a boy then, and he was the first to see the angel. He drank but milk. Can milk make one drunk? The angels said: “Today, in the town of David the Saviour was born, He is Christ, the Lord. And here is a sign for you. You will find a Child wrapped in swaddling clothes lying in a manger”.»

«Did they say exactly that? Did you not misunderstand them? Are you not mistaken, after such a long time?»

«Oh! no! Isn’t it, Levi? In order not to forget, — we could not forget in any case, because they were heavenly words and were written in our hearts with a heavenly fire — every morning, every evening, when the sun rises, when the first star starts shining, we repeat them as a prayer, as a blessing, to have strength and comfort in His name and in His Mother’s.»

«Ah! You said: “Christ”?»

«No, my Lord. We say: “Glory to God in the Highest Heaven and peace on earth to men of goodwill, through Jesus Christ Who was born of Mary in a stable in Bethlehem and Who, wrapped in swaddling clothes, was in a manger, He Who is the Saviour of the world”.»

75.3

«But, in short, whom are you looking for?»

«Jesus Christ, the Son of Mary, the Nazarene, the Saviour.»

«It is I.» Jesus is radiant when saying so, revealing Himself to His persevering lovers: persevering, faithful, patient.

«You! Oh! Lord, Saviour, Our Jesus!» The three men prostrate themselves on the ground and kiss Jesus’ feet, crying with joy.

«Stand up. Get up. Elias and you, Levi and you, whose name I do not know.»

«Joseph, the son of Joseph.»

«These are My disciples, John, a Galilean, Simon and Judas, Judaeans.»

The shepherds are no longer prostrated on the ground, they are kneeling, sitting back on their heels. They worship thus the Saviour, with loving eyes, trembling lips, while their faces blanch and blush with joy.

Jesus sits down on the grass.

«No, my Lord. You, King of Israel, must not sit on the grass.»

«Never mind, My dear friends. I am poor. A carpenter as far as the world is concerned. I am rich only in My love for the world, and in the love I get from good people. I have come to stay with you, to share the evening meal with you and sleep beside you on the hay, and to be comforted by you…»

«Oh! comfort! We are coarse and persecuted.»

«I am persecuted, too. But you give Me what I am seeking: love, faith and hope, a hope that will last for years and bear flowers. See? You waited for Me and you believed without the least doubt, that I was the Messiah. And I have come to you.»

«Oh! Yes! You have come. Now, even if I die, I will not be upset by the fact that I hoped in vain.»

«No, Elias. You will live until Christ’s triumph and after.

You saw My dawn, you must see My giory.

75.4

And what about the others? You were twelve: Elias, Levi, Samuel, Jonah, Isaac, Tobias, Jonathan, Daniel, Simeon, John, Joseph, Benjamin. My Mother always mentioned your names to Me. Because you were My first friends.»

«Oh!» The shepherds are more and more moved.

«Where are the others?»

«Old Samuel died of old age about twenty years ago. Joseph was killed because he fought at the gate of the enclosure to give time to his wife, who had just become a mother a few hours before, to escape with this man, whom I took with me for the sake of my friend… also to have children around me once again. I took Levi also with me… He was persecuted. Benjamin is a shepherd on Lebanon with Daniel. Simeon, John and Tobias, who now wants to be called Matthew in memory of his father, who was also killed, are disciples of John. Jonah works on the plain of Esdraelon for a Pharisee. Isaac suffers very much from his back that is bent in two, he lives in dire poverty, all by himself at Juttah. We help him as much as we can, but we have all been badly hit and our help is like dew drops on a fire. Jonathan is now the servant of one of Herod’s big men.»

«How could you, and particularly Jonathan, Jonah, Daniel and Benjamin get such jobs?»

«I remembered Your relative Zacharias… Your Mother had sent me to him. When we were in the mountain gorges in Judaea, fugitives and cursed, I took them to him. He was good to us. He sheltered and fed us. And he found work for us. He did what he could. I had already taken all Anne’s herd for the Herodian… and I remained with him… When the Baptist, grown into a man, began to preach, Simeon, John and Tobias went to him.»

«But now the Baptist is in jail.»

«Yes, and they are keeping watch near Machaerus, with a few sheep, to avoid arousing suspicion. They were given the sheep by a rich man, a disciple of Your relative John.»

«I would like to see them all.»

«Yes, My Lord. We will go and say to them: “Come, He is alive. He remembers us and loves us”.»

«And He wants you to be His friends.»

«Yes, my Lord.»

«But we will go first to Isaac. And where are Samuel and Joseph buried?»

«Samuel in Hebron. He remained in Zacharias’ service. Joseph… has no tomb. He was burned with the house.»

«He is no longer in the cruel fire, but in the flames of God’s love and will soon be in His glory. I am telling you, and particularly you, Joseph, son of Joseph. Come here, that I may kiss you to thank your father.»

«And my children?»

«They are angels, Elias. Angels who will repeat the “Gloria” when the Saviour is crowned.

«King?»

«No, Redeemer. Oh! What a procession of just people and saints! And in front there will be the white and purple phalanges of the martyrs! As soon as the gates of Limbo are opened, we shall ascend together to the eternal Kingdom. And then you will come and will find your fathers, mothers and children in the Lord! Believe Me.»

«Yes, my Lord.»

«Call Me: Master.

75.5

It is getting dark, the first evening star is beginning to shine. Say your prayer before supper.»

«Not I. You say it, please.»

«Glory to God in the highest Heaven, and peace on earth to men of goodwill who have deserved to see the Light and serve it. The Saviour is among them. The Shepherd of the royal line is with His herd. The morning Star has risen. Rejoice, just people! Rejoice in the Lord. He Who made the vaults of heaven and has strewn them with stars, Who placed the seas at the boundaries of the land, Who created winds and dew, and fixed the course of seasons to give bread and wine to His children, He is now sending you a more sublime food: the living Bread that descends from Heaven, the Wine of the eternal Vine. Come to Me, you who are the first of My worshippers. Come to meet the Eternal Father in truth, to follow Him in holiness and receive His eternal reward.» Jesus has said the prayer, standing up, with His arms stretched out, while the disciples and shepherds are on their knees.

They then offer bread and new milk, and since there are only three bowls, or emptied marrows, I do not know which, Jesus is the first to eat, with Simon and Judas. Then John, to whom Jesus hands His cup, with Levi and Joseph. Elias is last.

The sheep are no longer grazing. They gather in a compact group, perhaps waiting to be led to their enclosure. Instead I see the three shepherds taking them into the wood, under a rustic shed formed with branches and enclosed by ropes. They then busy themselves preparing hay beds for Jesus and His disciples. They light fires, probably to keep wild animals away.

Judas and John lie down, and tired as they are, they soon fall asleep. Simon would like to keep Jesus company. But shortly afterwards he falls asleep too, sitting on the hay leaning against a pole.

75.6

Jesus remains awake with the shepherds. And they talk of Joseph, of Mary, of the escape into Egypt, of their return… and after such questions about loving friendship, they ask more noble questions: what can they do to serve Jesus? How will they, poor, rough shepherds, be able to do anything?

And Jesus teaches them and explains: «Now I am going to go through Judaea. My disciples will keep in touch with you all the time. Later I will let you come. In the meantime, get together. Make sure that you are all in touch with one another, and that everyone knows that I am here, in this world, as Master and Saviour. Let everybody know, as best you can. I will not promise that you will be believed. I have been mocked at and beaten. They will do the same to you. But as you have been strong and just in your long expectation, persist in being so, now that you are Mine. Tomorrow we will go towards Juttah. Then to Hebron. Can you come?»

«Of course, we can. The roads belong to everybody and the pastures to God. Only Bethlehem is forbidden by an unfair hatred. The other villages know… but they jeer at us, calling us “drunkards”. Thus we will not be able to do very much here.»

«I will employ you elsewhere. I will not abandon you.»

«For all our lifetimes?»

«For all My lifetime.»

«No, Master, I will die first. I am old.»

«Do you think so? I do not. One of the first faces I saw, Elias, was yours. It will also be one of the last. I will take with Me, impressed in My eyes, the image of your face deranged by sorrow for My death. But after, you will treasure in your heart the memory of the joy of a triumphal morning, and will thus await death… Death: the everlasting meeting with Jesus, Whom you adored when He was a baby. Also then the angels will sing the Gloria: “for the man of goodwill”.»

I hear nothing more, the sweet vision fades away and ends.


Notes

  1. J’avais déjà pris tout le troupeau d’Anne passé à l’hérodien… et je suis resté avec lui… Cela signifie : le troupeau que je gardais pour le compte d’Anne avait été pris par l’hérodien, si bien que je suis passé au service de ce dernier.