86.1
Encore une aurore. Encore les défilés d’ânes qui se pressent près de la Porte des Poissons toujours fermée. Et encore Jésus avec Simon et Jean. Des marchands le reconnaissent et se groupent autour de lui.
Un soldat de garde accourt lui aussi vers Jésus, lorsque la porte s’ouvre et qu’il le voit. Il le salue :
« Salut, Galiléen. Dis à ces agités d’être moins turbulents. Ils se plaignent de nous, mais ils ne font que nous maudire et désobéir. En plus, ils prétendent que c’est pour eux un acte religieux. Quelle religion ont-ils si elle est basée sur la désobéissance ?
– Comprends-les, soldat. Ils sont comme ceux dont la maison est occupée par un hôte indésirable et plus fort qu’eux. Et ils n’ont que la langue et la réplique pour se venger.
– Oui, mais nous, nous devons faire notre devoir, donc nous devons les punir. C’est ainsi que nous devenons des hôtes toujours plus indésirables.
– Tu as raison. Tu dois faire ton devoir, mais que ce soit toujours avec humanité. Pense toujours : “ Si j’étais à leur place, qu’est-ce que je ferais ? ” Tu verras qu’alors tu éprouveras une grande pitié pour ceux qui vous sont soumis.
– Il m’est agréable de t’entendre parler. Pas de mépris, pas de hauteur de ta part. Les autres Palestiniens crachent derrière notre dos, nous insultent, montrent leur mépris pour nous… quand ils ne nous dépouillent pas consciencieusement pour une femme ou pour des achats. Dans ce cas, l’or de Rome n’est pas méprisé.
– L’homme est toujours l’homme, soldat.
– Oui, et plus trompeur qu’une guenon. Ce n’est pas agréable de vivre au milieu de gens qui sont comme des serpents aux aguets… Nous aussi, nous avons des maisons, des mères, des épouses et des enfants, et nous tenons à la vie.
– Voilà : si chacun se le rappelait, il n’y aurait plus de haine. Tu as dit : “ Quelle religion ont-ils ? ” Je te réponds : une religion sainte dont le premier commandement est l’amour pour Dieu et pour le prochain. Une religion qui enseigne l’obéissance aux lois, même s’il s’agit d’Etats ennemis.