239.1
Tout le monde s’est réuni dans la vaste pièce de l’étage supérieur. L’orage violent a tourné en une pluie persistante qui, tantôt se fait légère comme si elle voulait finir, tantôt redouble avec une furie imprévue. Le lac, aujourd’hui, n’est vraiment pas bleu mais jaunâtre, avec des traînées d’écume quand l’orage s’accompagne de rafales de vent, ou gris de plomb avec de l’écume blanche quand l’orage se calme. Les collines, toutes ruisselantes, avec leurs frondaisons qui ploient encore sous le poids de la pluie, avec des branches qui pendent, brisées par le vent, et quantité de feuilles arrachées par la grêle, forment de tous côtés des petits bras d’eaux jaunâtres qui charrient dans le lac des feuilles, des pierres, de la terre arrachée aux pentes. La lumière est restée voilée, verdâtre.
Assise près de la fenêtre qui ouvre sur les collines, Marie se tient dans la pièce avec Marthe et Marie-Madeleine, ainsi que deux autres femmes dont je ne sais trop qui elles sont. Mais j’ai l’impression qu’elles sont déjà connues de Jésus, de Marie et des apôtres, car elles sont à l’aise. Certainement plus que Marie-Madeleine qui reste immobile, la tête baissée, entre la Vierge et Marthe. Elles ont remis leurs vêtements séchés devant le feu et débarrassés de la boue. Mais je m’exprime mal. La Vierge a remis son vêtement de laine bleu foncé, mais Marie-Madeleine porte un vêtement d’emprunt, court et étroit pour elle qui est grande et bien formée, et elle cherche à parer aux défauts du vêtement en restant enveloppée dans le manteau de sa sœur. Elle a rassemblé ses cheveux en deux grosses tresses qu’elle noue sur la nuque n’importe comment parce que, pour soutenir leur poids, il faudrait bien plus que quelques épingles rassemblées par-ci par-là. En effet, depuis, j’ai toujours remarqué que Marie-Madeleine complète les épingles avec un ruban qui est une sorte de fin diadème dont la couleur paille se confond avec l’or de ses cheveux.
De l’autre côté de la pièce, assis sur des tabourets ou sur les rebords des fenêtres, il y a Jésus avec les apôtres et le propriétaire de la maison. Il manque le serviteur de Marthe. Pierre et les autres pêcheurs étudient le temps en faisant des pronostics pour le lendemain. Jésus écoute ou répond à ceci et à cela.
« Si j’avais su, j’aurais dit à ma mère de venir. Il serait bon qu’elle s’habitue à ses compagnes, dit Jacques, fils de Zébédée, en regardant du côté des femmes.
– Hé ! Si on avait su !…