Los Escritos de Maria Valtorta

246. Un apologue pour les habitants de Nazareth, qui restent incrédules.

246. Un apólogo para los habitantes

246.1

De nouveau la synagogue de Nazareth, mais cette fois le jour du sabbat.

Jésus a lu l’apologue[1] contre Abimélek et achève par ces mots :

« “ qu’un feu sorte de lui, et qu’il dévore les cèdres du Liban. ” » Puis il rend le rouleau au chef de la synagogue.

« tu ne lis pas la suite ? Ce serait utile pour faire bien comprendre l’apologue, lui dit ce dernier.

– Ce n’est pas nécessaire. L’époque d’Abimélek est très lointaine. J’applique au moment présent cet ancien apologue.

Ecoutez, gens de Nazareth : vous connaissez déjà, par les enseignements du chef de votre synagogue, les applications de l’apologue contre Abimélek. En effet, il a été instruit en son temps par un rabbi, celui-ci par un autre encore et ainsi de suite au cours des siècles, et cela toujours avec la même méthode et les mêmes conclusions.

Mais de moi, vous entendrez une autre application. Et je vous prie, du reste, de savoir y éveiller votre intelligence et ne pas vous comporter comme les cordes disposées sur la poulie du puits : tant qu’elles ne sont pas usées, elles vont de la poulie à l’eau et de l’eau à la poulie sans jamais pouvoir changer. L’homme n’est pas un cordage lié, ni un instrument mécanique. L’homme est doté d’un cerveau intelligent et il doit s’en servir par lui-même selon les besoins et les circonstances.

Car, si la lettre de la parole est éternelle, les circonstances sont changeantes. Malheureux les maîtres qui ne savent pas vouloir faire l’effort et trouver la satisfaction d’y découvrir chaque fois un enseignement nouveau, c’est-à-dire l’esprit que les pa­roles anciennes et sages contiennent toujours. Ils seront semblables à l’écho qui ne peut que répéter des dizaines de fois un seul mot sans rien y mettre du leur.

246.2

Les arbres, c’est-à-dire l’humanité représentée par la forêt où sont rassemblées toutes les espèces d’arbres, d’arbustes et d’herbes, éprouvent le besoin d’être conduits par quelqu’un qui se charge de toutes les gloires, mais aussi – et cela pèse bien plus lourd – de toutes les charges de l’autorité, d’être le responsable du bonheur ou du malheur de ses sujets, le responsable auprès des sujets, auprès des peuples voisins et, ce qui est redoutable, auprès de Dieu. Car les couronnes, ou les hautes situations sociales quelles qu’elles soient, sont données par les hommes, c’est vrai, mais avec la permission de Dieu, sans l’agrément de qui aucune force humaine ne peut s’imposer. C’est ce qui explique les changements impensables et imprévus de dynasties qui semblaient éternelles et de puissances qui semblaient intouchables, mais qui, quand elles dépassèrent la mesure dans leur rôle de punitions ou d’épreuves pour les peuples, ont été renversées par eux avec la permission de Dieu, et furent réduites à n’être plus rien que poussière, parfois fanges d’égout.

J’ai dit : les peuples éprouvent le besoin d’élire une personne qui se charge de toutes les responsabilités envers ses sujets, envers les nations voisines et envers Dieu, ce qui est le plus redoutable de tout.

Le jugement de l’histoire est terrible, et c’est en vain que les intérêts des peuples cherchent à le changer, car les événements et les peuples futurs le rendront à sa vérité première, terrible ; mais plus dur est le jugement de Dieu qui ne subit aucune pression et n’est pas sujet à des changements d’humeur ou de jugement, comme les hommes le sont trop souvent, et encore moins sujet à des erreurs de jugement. Il faudrait donc que ceux qui sont élus pour être les chefs de peuples et les créateurs de l’histoire a­gissent avec la justice héroïque propre aux saints pour n’être pas déshonorés dans les siècles à venir et punis par Dieu dans les siècles des siècles.

246.3

Mais revenons à l’apologue d’Abimélek. Les arbres vou­lurent donc élire un roi et allèrent trouver l’olivier. Or ce dernier est un arbre sacré et consacré à des usages surnaturels à cause de l’huile qui brûle devant le Seigneur et a une place prépondérante dans les dîmes et les sacrifices ; il fournit son huile pour former le baume saint pour l’onction de l’autel, des prêtres et des rois, huile qui descend avec des propriétés, je dirais de thaumaturgie, dans les corps ou sur les corps malades. C’est pourquoi l’olivier répondit : “ Comment puis-je manquer à ma vocation sainte et surnaturelle pour m’abaisser aux choses de la terre ? ”

Ah ! Cette douce réponse de l’olivier ! Pourquoi n’est-elle pas apprise et formulée par tous ceux que Dieu choisit pour une sainte mission, au moins par eux – je dis bien au moins – ? Parce que, en vérité, il faudrait qu’elle soit faite par tout homme pour répondre aux suggestions du démon, étant donné que chacun est roi et fils de Dieu, doté d’une âme qui le rend tel, royal, filialement divin, appelé à un destin surnaturel. Il a une âme qui est un autel et une demeure. L’autel de Dieu, la demeure où le Père des Cieux descend pour recevoir amour et respect de son fils et sujet. Tout homme a une âme, et toute âme, étant un autel, fait de l’homme qui la contient un prêtre, gardien de l’autel. Or il est dit[2] dans le Lévitique : “ Que le prêtre ne se contamine pas. ” L’homme devrait donc répondre à la tentation du démon, du monde et de la chair : “ Puis-je cesser d’être spirituel pour m’occuper de choses matérielles et qui portent au péché ? ”

246.4

Alors les arbres allèrent trouver le figuier et l’invitèrent à régner sur eux. Mais le figuier répondit : “ Comment puis-je renoncer à ma douceur et à mes fruits si savoureux pour devenir votre roi ? ”

Nombreux sont ceux qui se tournent vers un homme doux pour le prendre comme roi, moins par admiration pour sa douceur que parce qu’ils espèrent qu’à force d’être doux il finira par devenir un roi de comédie dont on peut attendre qu’il consente à toujours dire oui et avec qui on peut se permettre toutes les libertés.

Or la douceur n’est pas de la faiblesse, mais de la bonté. Elle est juste, intelligente, ferme. Ne confondez jamais la douceur avec la faiblesse. La première est une vertu, la seconde un défaut. Et parce qu’elle est une vertu, elle communique à celui qui la possède une droiture de conscience qui lui permet de résister aux sollicitations et aux séductions humaines, attentives à le tourner vers leurs intérêts, qui ne sont pas les intérêts de Dieu. Elle demeure à tout prix fidèle à sa destinée.

L’homme doux ne rejettera jamais avec âpreté les réprimandes d’autrui. Il ne repoussera jamais avec dureté celui qui le réclame. Mais, en pardonnant et en souriant, il dira toujours : “ Mon frère, laisse-moi à ma douce destinée. Je suis ici pour te consoler et t’aider, mais je ne peux devenir un roi tel que tu l’envisages parce que je me soucie et me préoccupe d’une seule royauté, pour mon âme et la tienne : celle de l’esprit. ”

246.5

Les arbres allèrent donc trouver la vigne pour lui demander de régner sur eux. Mais la vigne répondit : “ Comment puis-je, moi, renoncer à être allégresse et force pour régner sur vous ? ”

Etre roi amène toujours à s’obscurcir l’esprit, à cause des responsabilités et des remords, car le roi qui ne pèche pas et ne se crée pas des remords est plus rare que le diamant noir. La puissance séduit, tant qu’elle brille de loin comme un phare, mais une fois obtenue, on se rend compte que ce n’est qu’une lumière de luciole et non d’étoile.

Plus encore : la puissance n’est qu’une force liée par les mille entraves des nombreux intérêts qui s’agitent autour d’un roi : intérêts des courtisans, intérêts des alliés, intérêts personnels et familiaux. Au moment d’être consacrés par l’huile, combien de rois se jurent : “ Moi, je serai impartial ” mais ensuite ne savent pas l’être ? Tel un arbre puissant qui ne se révolte pas à la première étreinte du lierre tendre et fin en disant : “ Il est si faible qu’il ne saurait me nuire ” – parfois même il se plaît à en être paré et à être son protecteur qui en soutient la croissance –, le roi cède souvent – si ce n’est même toujours – à la première étreinte d’un intérêt courtisan, allié, personnel ou de parenté qui s’adresse à lui, et il se plaît à en être un munificent protecteur. “ C’est si peu de chose ! ” se dit-il quand sa conscience l’interpelle : “ Prends garde ! ” ; il s’imagine que cela ne peut nuire ni à sa puissance, ni à son renom.

L’arbre lui aussi le croit. Mais un jour vient où, branche après branche, croissant en force et en longueur, croissant en voracité à sucer la sève du sol et à s’élever à la conquête de la lumière et du soleil, le lierre étreint complètement l’arbre puissant, le re­couvre, l’étouffe, le tue. Et il était si faible ! Et l’arbre était si fort !

Il en va de même pour les rois. Un premier compromis avec sa mission, un premier haussement d’épaules à la voix de sa conscience parce que les flatteries sont douces, parce que l’air de protecteur que l’on veut se donner est agréable, et il vient un moment où ce n’est plus le roi qui règne, mais les intérêts des autres ; ils l’emprisonnent, le bâillonnent jusqu’à l’étouffer, et ils le suppriment si, devenus plus forts que lui, ils voient qu’il n’est pas pressé de mourir.

L’homme ordinaire aussi, qui est toujours roi spirituellement, se perd s’il accepte une royauté inférieure, par orgueil, ou par avidité. Et il perd sa sérénité spirituelle qui lui vient de son union à Dieu. Car le démon, le monde et la chair peuvent donner un pouvoir et une jouissance illusoires, mais aux dépens de l’allégresse spirituelle qui lui vient de l’union à Dieu.

Allégresse et force des pauvres en esprit, vous méritez bien que l’homme sache répondre : “ Comment puis-je accepter de devenir roi dans mon être inférieur si, en en venant à faire alliance avec vous, je perds la force et la joie intérieure, le Ciel et sa véritable royauté ? ” Et ces bienheureux pauvres en esprit qui ne visent qu’à posséder le Royaume des Cieux et méprisent toute richesse qui ne soit pas ce royaume peuvent aussi répondre : “ Et comment pourrions-nous manquer à notre mission qui consiste à faire mûrir des sucs fortifiants et porteurs de joie pour cette humanité, notre sœur, qui vit dans le désert aride de l’animalité et qui a besoin d’être désaltérée pour ne pas mourir, pour être nourrie de sucs vitaux comme un enfant privé de nourrice ? Nous sommes les nourrices de l’humanité qui a perdu le sein de Dieu et erre, stérile et malade, et qui en viendrait à mourir de désespoir ou plongerait dans un sombre scepticisme si elle ne nous trouvait pas, nous qui, par le joyeux labeur des êtres libres de toute at­tache terrestre, leur donnons la certitude qu’il existe une Vie, une Joie, une Liberté, une Paix. Nous ne pouvons renoncer à cette charité pour un intérêt mesquin. ”

246.6

Les arbres s’en allèrent alors trouver la ronce. Elle ne les repoussa pas, mais leur imposa un pacte sévère : “ Si vous voulez que je règne sur vous, venez au-dessous de moi. Mais, si vous ne voulez pas le faire, après m’avoir élue, je ferai de toute épine un tourment ardent et je vous brûlerai tous, même les cèdres du Liban. ”

Violà une royauté que le monde regarde pourtant comme la vraie ! L’humanité corrompue prend la tyrannie et la férocité pour la vraie royauté, alors que l’on considère la douceur et la bonté comme de la sottise et de la bassesse. L’homme ne se soumet pas au bien, mais il se soumet au mal. Il est séduit par lui, en conséquence de quoi il en est brûlé. Voilà quel est l’apologue d’Abimélech.

246.7

Mais moi, je vous en propose un autre, non pas lointain et pour des faits éloignés, mais proche, présent.

Les animaux décidèrent d’élire un roi. Comme ils étaient astucieux, ils pensèrent choisir un animal dont ils n’aient pas à redouter la force ou la férocité. Ils écartèrent donc le lion et tous les félins. Ils déclarèrent ne pas vouloir des aigles à cause de leurs becs, ni d’aucun oiseau de proie. Ils se méfièrent du cheval qui, grâce à sa rapidité, pouvait les rattraper et voir ce qu’ils faisaient. Ils se défièrent encore plus de l’âne dont ils connaissaient la patience, mais aussi les subites furies et les puissantes ruades. Ils étaient horrifiés à l’idée d’avoir pour roi un singe parce qu’il est trop intelligent et vindicatif. Arguant que le serpent s’était prêté à Satan pour séduire l’homme, ils déclarèrent ne pas le vouloir pour roi malgré ses couleurs gracieuses et l’élégance de ses mouvements. En réalité, ils n’en voulaient pas parce qu’ils connaissaient sa marche silencieuse, la grande puissance de ses muscles, l’efficacité redoutable de son venin. Se donner pour roi un taureau ou un autre animal armé de cornes pointues ? Fi donc ! “ Le diable aussi en a ”, dirent-ils. Mais ils pensaient : “ Si un jour nous nous révoltons, il va nous exterminer avec ses cornes. ”

Après bien de vaines recherches, ils virent un agnelet grassouillet et blanc qui gambadait joyeusement dans un pré vert et donnait des coups de museau à la mamelle gonflée de sa mère. Il n’avait pas de cornes, mais il avait des yeux doux comme un ciel d’avril. Il était gracieux et simple. Il était content de tout : de l’eau d’un ruisseau où il buvait en y plongeant son petit museau rose ; des fleurs aux goûts différents qui plaisaient à sa vue et à son palais ; de l’herbe drue où il était agréable de se coucher quand il était rassasié ; et des nuages qui paraissaient être d’autres agneaux qui s’ébattaient là-haut sur des prés azurés et qui l’invitaient à jouer en courant dans le pré, comme eux dans le ciel, et surtout des caresses de sa mère qui lui permettait encore de téter son lait tiède, tout en léchant sa blanche toison de sa langue rose ; enfin du bercail bien protégé et à l’abri du vent, de la litière douce et parfumée sur laquelle il était agréable de dormir près de sa mère.

“ Il est facile à contenter. Il n’a ni arme ni venin. Il est naïf. Prenons-le pour roi. ” Et c’est ce qu’ils firent. Ils s’en félicitaient parce qu’il était beau et bon, admiré des peuples voisins, aimé de ses sujets à cause de sa patiente douceur.

246.8

Le temps passa, l’agneau devint bélier et dit : “ Maintenant, le moment est venu de gouverner réellement. Désormais, j’ai la pleine connaissance de ma mission. La volonté de Dieu qui a permis que je sois élu roi m’a formé à cette mission en me donnant la capacité de régner. Il est donc juste que je l’exerce d’une manière parfaite, ne serait-ce que pour ne pas négliger les dons de Dieu. ”

Voyant des sujets qui faisaient des choses contraires à l’honnêteté des mœurs, à la charité, à la douceur, à la loyauté, à la tempérance, à l’obéissance, au respect, à la prudence et autres vertus, il éleva la voix pour les réprimander. Ses sujets se gaus­sèrent de son bêlement sage et doux qui ne faisait pas peur comme le rugissement des félins, ni comme le cri des vautours quand ils fondent sur leur proie d’un vol rapide, ni comme le sifflement du serpent, ni même comme l’aboiement du chien qui inspire la crainte.

L’agneau devenu bélier ne se borna pas à bêler, il alla trouver les coupables pour les ramener à leur devoir. Mais le serpent se glissa entre ses pattes. L’aigle s’éleva dans les hauteurs en le laissant en plan. Les félins, d’un coup de patte feutrée, le bousculèrent en le menaçant : “ Tu vois ce qu’il y a dans notre patte feutrée qui, pour l’instant, te bouscule seulement ? Des griffes. ” Les chevaux, et tous les coureurs, coursiers et chasseurs, se mirent à galoper autour de lui, en le tournant en dérision. Les pachydermes, éléphants ou rhinocéros, d’un coup de trompe ou museau, le proje­tèrent çà et là, pendant que les singes lui lançaient des projec­tiles du haut des arbres.

L’agneau devenu bélier finit par s’inquiéter et dit : “ Je ne voulais pas me servir de mes cornes ni de ma force car, moi aussi, j’ai une force dans ce cou et on la prendra comme modèle pour abattre les obstacles en temps de guerre. Je ne voulais pas m’en servir, parce que je voulais faire preuve d’amour et de persuasion, mais puisque vous m’attaquez avec ces armes, je vais user de ma force : en effet, si vous manquez à votre devoir envers Dieu et envers moi, moi, je ne veux pas manquer à mon devoir envers Dieu et envers vous. J’ai été mis à cette place, par vous et par Dieu, pour vous conduire à la justice et au bien. Et je veux que règnent ici la justice et le bien, autrement dit l’ordre. ”

Il utilisa donc ses cornes pour punir – légèrement parce qu’il était bon – un roquet têtu qui continuait à importuner ses voisins, puis, de son cou puissant, il défonça la porte d’une tanière où un porc goulu et égoïste avait accumulé des vivres au détriment des autres, et il abattit le buisson de lianes choisi par deux singes luxurieux pour leurs amours illicites.

246.9

“ Ce roi est devenu trop puissant. Il veut vraiment régner. Il veut absolument que nous vivions en sages. Cela ne nous plaît pas. Il faut le détrôner ”, décidèrent-ils.

Mais un astucieux petit singe leur conseilla : “ Ne le faisons que sous l’apparence d’un juste motif. Sinon, nous ferions piètre figure auprès des peuples et nous serions odieux à Dieu. Epions donc chaque geste de l’agneau devenu bélier pour pouvoir l’accuser avec un semblant de justice. ”

“ Je m’en occupe, dit le serpent.

– Et moi aussi ”, dit le singe.

Le premier en se glissant dans les herbes, l’autre en restant en haut des arbres ne perdirent plus de vue l’agneau devenu bélier. Chaque soir, quand il se retirait chez lui pour se reposer des fa­tigues de la mission et réfléchir sur les mesures à adopter et les paroles à employer pour dompter la révolte et triompher des péchés de ses sujets, ceux-ci, à part quelques rares animaux honnêtes et fidèles, se réunissaient pour écouter le rapport des deux espions et des deux traîtres. Car c’était bien cela qu’ils étaient.

Le serpent disait à son roi : “ Je te suis parce que je t’aime et si je voyais qu’on t’attaque, je veux pouvoir te défendre. ” Le singe disait à son roi : “ Comme je t’admire ! Je veux t’aider. Regarde : d’ici, je vois qu’au-delà du pré on est en train de pécher. Cours ! ” Puis il disait à ses compagnons : “ Aujourd’hui encore, il a pris part au banquet de certains pécheurs. Il a feint d’y aller pour les convertir, mais ensuite, en réalité, il a été complice de leur ripaille. ” Et le serpent rapportait : “ Il est allé jusqu’en dehors de son peuple, fréquentant les papillons, les mouches et les limaces visqueuses. C’est un infidèle. Il entretient des relations avec des étrangers impurs. ”

Voilà ce qu’ils disaient derrière le dos de l’innocent, s’imaginant que celui-ci n’en savait rien. Mais l’esprit du Seigneur, qui l’avait formé pour sa mission, l’éclairait aussi sur les complots de ses sujets. Il aurait pu s’enfuir, indigné, en les maudissant. Mais l’agneau était doux et humble de cœur. Il aimait. Il avait ce tort, et celui, encore plus grand, de persévérer dans sa mission, en aimant et en pardonnant, au prix de sa vie, pour accomplir la volonté de Dieu. Ah ! Quels torts c’étaient aux yeux des hommes ! Impardonnables ! Et ils l’étaient tant, qu’ils lui va­lurent la condamnation.

“ Qu’on le tue, pour que nous soyons délivrés de son oppression. ” Et le serpent se chargea de le tuer, parce que le serpent est toujours le traître…

246.10

Voilà donc le second apologue. A toi de le comprendre, peuple de Nazareth ! Quant à moi, à cause de l’amour qui m’attache à toi, je te souhaite d’en rester tout au plus à l’hostilité, et de ne pas aller au-delà. L’amour de la terre où je suis venu tout enfant, où j’ai grandi en vous aimant et en recevant de l’amour, me fait vous dire à vous tous : “ Ne soyez pas plus qu’hostiles. N’agissez pas en sorte que l’histoire dise : ‘ C’est de Nazareth que sont venus le traître qui l’a livré et ses juges iniques. ’ ”

Adieu. Que vos jugements soient droits et votre volonté cons­tante. Le premier conseil vaut pour vous tous, mes concitoyens, le second vaut pour ceux d’entre vous que troublent des pensées qui ne sont pas honnêtes. Je pars… Que la paix soit avec vous. »

Et, au milieu d’un silence pénible rompu seulement par deux ou trois voix qui l’approuvent, Jésus sort tristement, tête basse, de la synagogue de Nazareth.

246.11

Les apôtres le suivent. Les fils d’Alphée viennent en dernier et leurs yeux ne sont certainement pas les yeux d’un doux agneau… Ils regardent sévèrement la foule hostile et Jude n’hésite pas à se planter droit en face de son frère Simon et à lui dire :

« Je croyais avoir un frère plus honnête et ayant davantage de caractère. »

Simon baisse la tête et se tait, mais son autre frère, Joseph encouragé par des habitants de Nazareth, dit :

« Tu n’as pas honte d’offenser ton frère aîné ?

– Non. J’ai honte de vous, de vous tous. Ce n’est pas une ma­râtre, mais une marâtre dépravée qu’est Nazareth pour le Messie. Ecoutez pourtant ma prophétie. Vous pleurerez assez de larmes pour alimenter une fontaine, mais elles ne suffiront pas à effacer des livres de l’histoire le vrai nom de cette cité et le vôtre. Vous savez lequel ? “ Sottise. ” Adieu. »

Jacques ajoute un salut plus large en leur souhaitant la lumière de la sagesse, puis ils sortent en compagnie d’Alphée, fils de Sarah, et de deux jeunes garçons ; si je les reconnais bien, ce sont les deux âniers[3] qui escortèrent les ânes qui avaient servi pour aller à la rencontre de Jeanne, femme de Kouza, quand elle était mourante.

246.12

La foule, interdite, murmure :

« Mais d’où lui vient tant de sagesse ?

– Et les miracles, d’où en a-t-il le pouvoir ? Car, pour en faire, il en fait ! Toute la Palestine en parle.

– N’est-ce pas le fils de Joseph le menuisier ? Nous l’avons tous vu à son atelier de Nazareth fabriquer des tables et des lits, et ajuster des roues et des serrures. Il n’est même pas allé à l’école et sa Mère seule fut son enseignante.

– Cela aussi, c’est un scandale que notre père a critiqué, dit Joseph, fils d’Alphée.

– Mais tes frères eux aussi ont terminé l’école avec Marie, femme de Joseph.

– Eh ! Mon père s’est montré faible avec son épouse…, répond encore Joseph.

– Et aussi le frère de ton père, alors ?

– Lui aussi.

– Mais est-ce bien le fils du menuisier ?

– Tu ne le vois pas ?

– Oh, il y en a tant qui se ressemblent ! Moi je pense que c’est quelqu’un qui veut se faire passer pour lui.

– Dans ce cas, où est Jésus, fils de Joseph ?

– Crois-tu que sa Mère ne le connaît pas ?

– Il a ici ses frères et ses sœurs et tous le qualifient de parent. N’est-ce pas vrai, peut-être, vous deux ? »

Les deux fils aînés d’Alphée font signe que oui.

« Alors il est devenu fou ou possédé, car ses paroles ne peuvent venir d’un ouvrier.

– Il faudrait ne pas l’écouter. Sa prétendue doctrine, c’est du délire ou de la possession… »

246.13

… Jésus s’est arrêté sur la place pour attendre Alphée, fils de Sarah, qui parle avec un homme. Pendant ce temps, l’un des deux âniers qui était resté près de la porte de la synagogue lui rapporte les calomnies qu’on y a dites.

« Ne t’en afflige pas. En général, un prophète n’est pas honoré dans sa patrie et dans sa maison. L’homme est sot au point de croire que, pour être prophète, il faut être pour ainsi dire étranger à la vie. Or, mieux que tous, ses concitoyens et les membres de sa famille connaissent et se rappellent le caractère humain de leur concitoyen et parent. Mais la vérité triomphera toujours. Et maintenant, je te salue. Que la paix soit avec toi.

– Merci, Maître, d’avoir guéri ma mère.

– Tu le méritais, parce que tu as su croire. Mon pouvoir est impuissant ici, car il n’y a pas de foi. Allons, mes amis. Demain, nous partirons à l’aube. »

246.1

Todavía la sinagoga de Nazaret, pero hoy es sábado.

Jesús ha leído el apólogo contra Abimélek[1], y termina con las palabras: «”salga de él fuego y devore los cedros del Líbano”». Luego restituye el rollo al arquisinagogo.

«¿No lees lo demás? Sería conveniente para comprender el apólogo» dice el jefe de la sinagoga.

«No hace falta. El tiempo de Abimélek está ya muy lejano. Yo aplico al momento presente el viejo apólogo.

Escuchad, gentes de Nazaret. Ya sabéis, por la instrucción recibida de vuestro arquisinagogo —el cual, en su momento, fue instruido a su vez por un rabí, y éste a su vez por otro, y así sucesivamente desde hace siglos, siempre con el mismo método y las mismas conclusiones—, ya sabéis las aplicaciones del apólogo contra Abimélek. Yo os voy a hablar de otra aplicación. Y… os ruego que sepáis usar vuestra inteligencia, que no seáis como esas cuerdas que pasan por la polea de un pozo, que hasta que no se gastan van de la polea al agua y del agua a la polea, sin poder jamás cambiar. El hombre no es una soga obligada, ni un instrumento mecánico. El hombre está dotado de cerebro inteligente y debe saber usarlo por sí mismo, según las necesidades y circunstancias. Porque, si bien la letra de la palabra es eterna, las circunstancias cambian. Son raquíticos esos maestros que no saben saber querer el esfuerzo y satisfacción que supone el ir extrayendo gradualmente la enseñanza nueva, es decir, el espíritu que siempre está contenido en las palabras antiguas y sabias. Serán semejantes al eco, que lo único que puede hacer es repetir, incluso hasta el infinito, una sola palabra, sin decir ni siquiera una de su propia cosecha.

246.2

Los árboles, es decir, la humanidad representada en el bosque en que están reunidas todas las especies de árboles, arbustos y hierbas, sienten la necesidad de que los guíe uno que cargue no sólo con todas las glorias, sino también —y es peso mucho mayor— con todas las cargas de la autoridad, y con la responsabilidad de la felicidad o infelicidad de los súbditos, la responsabilidad ante los propios súbditos, ante los pueblos vecinos y, lo que es terrible, ante Dios. Porque los hombres otorgan todo tipo de coronas o preeminencias sociales, es verdad, pero también es verdad que Dios lo permite, y, sin su condescendencia, ninguna fuerza humana puede imponerse. Esto explica los cambios inimaginables e imprevistos de dinastías que parecían eternas, o de poderes que parecían intocables: cuando sobrepasaron la medida, en castigo o prueba para los pueblos, fueron derrocados por los propios súbditos, con el permiso de Dios, y vinieron a ser nada, polvo, o incluso fango de mísera cloaca.

He dicho que los pueblos sienten la necesidad de elegirse a uno que cargue con todas las responsabilidades para con sus súbditos, para con las naciones vecinas y, lo que es más tremendo, para con Dios. En efecto, si el juicio de la historia es terrible —en vano los intereses de los pueblos tratan de mutarlo, pues hechos y pueblos futuros lo devolverán a su primera, tremenda verdad—, todavía peor es el juicio de Dios, quien no sufre presiones de nadie, ni está sujeto a cambios de humor o de juicio —como demasiadas veces les sucede a los hombres—, ni —todavía mucho menos— a errores de juicio. Por tanto, los elegidos para dirigir pueblos y crear historia tendrían que actuar con la justicia heroica propia de los santos, para no caer en la ignominia en los siglos futuros y recibir el castigo de Dios por los siglos de los siglos.

246.3

Mas volvamos al apólogo de Abimélek. Los árboles, pues, queriendo elegir un rey, fueron donde el olivo. Mas éste, árbol sagrado y consagrado para usos sobrenaturales, por el aceite que arde ante el Señor y es parte preponderante en los diezmos y sacrificios; éste, que presta su líquido para elaborar el bálsamo santo con que se ungirán altares, sacerdotes y reyes, líquido que desciende al interior de los cuerpos enfermos, o que se aplica sobre ellos, con propiedades, diría, casi taumatúrgicas, respondió: “¿Cómo puedo desatender mi vocación santa y sobrenatural para rebajarme a cosas de la tierra?”.

¡Oh, dulce respuesta del olivo! ¿Por qué será que no la aprenden y practican todos aquellos a quienes Dios elige para santa misión, al menos éstos? En verdad, deberían responder así todos los hombres a las sugestiones del demonio, dado que todo hombre es rey e hijo de Dios, dotado de un alma que le hace tal: regio, filialmente divino, y llamado a sobrenatural destino. Tiene un alma que es altar y casa: el altar de Dios, la casa a donde el Padre de los Cielos desciende a recibir amor y reverencia del hijo y súbdito. Todo hombre tiene un alma, y toda alma, siendo altar, hace del hombre que la contiene un sacerdote, custodio del altar; y está escrito en el Levítico: “El Sacerdote no se contamine”. El hombre, pues, tendría el deber de responder a la tentación del demonio, del mundo y la carne: “¿Puedo yo dejar de ser espiritual para ocuparme de cosas materiales y pecaminosas?”.

246.4

Los árboles fueron entonces donde la higuera, y la invitaron a que reinara sobre ellos. Pero la higuera respondió: “¿Cómo puedo renunciar a mi dulzura y a mis suavísimos frutos por reinar sobre vosotros?”.

Muchos se dirigen a la persona dulce para tenerla como rey; no tanto por admiración de su dulzura, cuanto porque esperan que, siendo muy dulce, acabe transformándose en un rey de tres al cuarto, del cual podrán obtener todo tipo de consenso y con el cual podrán permitirse todo tipo de licencias. Pero la dulzura no es debilidad; es bondad, justa, inteligente, firme. No confundáis nunca la dulzura con la debilidad: la primera es virtud; la segunda, defecto. Y, precisamente por ser virtud, comunica a quien la posee una rectitud de conciencia que le permite resistir a las solicitaciones y seducciones humanas (que pretenden doblegarle a sus intereses, que no son los de Dios) y permanece fiel a su destino, a toda costa. El dulce de espíritu no rebatirá nunca con acritud las recriminaciones de los demás, no rechazará nunca con dureza a quien le solicita; no obstante, perdonando y sonriendo, dirá siempre: “Hermano, déjame a mi dulce suerte. Estoy aquí para consolarte y ayudarte, pero no puedo ser rey como tú lo concibes, porque una sola realeza me interesa y me preocupa, por mi alma y por la tuya: la espiritual”.

246.5

Los árboles fueron a la vid y le pidieron que reinara sobre ellos. Pero la vid respondió: “¿Cómo puedo renunciar a ser alegría y fuerza para ir a reinar sobre vosotros?”.

Ser rey, tanto por las responsabilidades como por los remordimientos —es más raro que un diamante negro el rey que no peca y no se crea remordimientos—, lleva siempre a estados espirituales sombríos. El poder seduce mientras resplandece como un faro de lejos; una vez que uno lo alcanza, se ve que no es sino resplandor de luciérnaga, no de estrella. Y también: el poder no es sino una fuerza ligada por mil sogas (las de los mil intereses que bullen en torno a un rey). Intereses de los cortesanos, intereses de los aliados, intereses personales y de la parentela. ¿Cuántos reyes se juran a sí mismos, mientras el óleo los consagra: “Seré imparcial”, y luego no saben serlo? Cual árbol robusto que no se rebela contra el primer abrazo de la hiedra débil y delgada, sino que dice: “Es tan frágil, que no me puede causar daño”, antes al contrario se complace de que la hiedra lo enguirnalde, se complace de ser el protector que la sujeta mientras sube; así, tan frecuentemente —podría decir que siem­­pre—, el rey cede al primer abrazo del interés que a él se dirige, de cortesano o de aliado, personal o de parentela, y se complace en ser su munífico protector. “¡Es tan poca cosa!”, dice, aunque la conciencia le grite: “¡Ten cuidado!”. Y piensa que no le podrá perjudicar ni en cuanto al poder ni en cuanto al buen nombre.

Lo mismo piensa el árbol. Mas llega el día en que, robusteciéndose y extendiéndose, aumentando su voracidad de succionar linfa del suelo y subir a la conquista de luz y sol, la hiedra abraza, rama tras rama, todo ese árbol fuerte, y prevalece sobre él, le ahoga, le mata. ¡Y era tan frágil; y él, tan fuerte! Sucede igual con los reyes. Un primer compromiso con la propia misión, un primer gesto de encogerse de hombros ante la voz de la conciencia (y ello porque las alabanzas son dulces y porque agrada ese aire de protector solicitado)… llega un momento en que ya no es el rey el que reina, sino los intereses de los demás. Estos intereses atan al rey, le amordazan, hasta ahogarle; y le matan si, siendo ya más fuertes que él, ven que no se da prisa en morir. También el hombre común, que es lo mismo un rey en el espíritu, se pierde si acepta realezas menores por soberbia o ambición. Y pierde su serenidad espiritual, la que le viene de la unión con Dios. Porque el demonio, el mundo y la carne pueden dar un poder y gozo ilusorios, pero a costa de la alegría espiritual que viene de la unión con Dios.

¡Alegría y fuerza de los pobres de espíritu, bien merecéis que el hombre sepa decir: “¿Cómo podré aceptar la realeza sobre la parte inferior, si aliándome con vosotros, pierdo fuerza y alegría internas y el Cielo y su verdadera realeza?”! Y pueden decir también estos bienaventurados pobres de espíritu —que tienen como único objetivo la posesión del Reino de los Cielos y desprecian todas las demás riquezas que no sean el Reino—, pueden decir: “¿Cómo decaer en nuestra misión, que consiste en producir maduros jugos fortalecedores y de alegría para esta humanidad, hermana nuestra, que vive en el desierto de la animalidad, y que necesita apagar su sed para no morir, y para nutrirse de jugos vitales, cual niño que no tiene a nadie que le alacte? Nosotros somos las nodrizas de esta humanidad que ha perdido el seno de Dios, esta humanidad que vaga estéril y enferma, y que encontraría la muerte desesperada, el negro escepticismo, si no nos encontrase a nosotros, que, con la alegre laboriosidad de quien está libre de todo lazo terreno, los persuadiéramos de que hay una Vida, una Alegría, una Libertad, una Paz. No podemos renunciar a esta Caridad por un interés mezquino”.

246.6

Los árboles se dirigieron entonces al espino. Éste no los rechazó. Pero impuso pactos severos: “Si me queréis como rey, venid aquí debajo de mí. Si me elegís y luego no queréis venir, haré de cada espina encendido tormento y os quemaré a todos, incluso a los cedros del Líbano”.

¡He aquí cuáles son las realezas que el mundo acepta como verdaderas! La corrupción de la humanidad es causa de que se tomen por verdadera realeza la tiranía y la crueldad; la mansedumbre y bondad, por estupidez y bajos sentimientos. El hombre no se somete al Bien, pero sí se somete al Mal. El Mal lo seduce. La consecuencia es que el Mal le consume con fuego.

Éste es el apólogo de Abimélek.

246.7

Pues bien, voy a proponeros otro; no lejano ni referido a hechos lejanos, sino cercano, presente.

Los animales pensaron en elegir a un rey. Como eran astutos, pensaron elegir a uno del que no debiera temerse fuerza o ferocidad; descartaron, por tanto, al león y a todos los otros felinos. Dijeron que no querían a las rostradas águilas, ni a ninguna otra ave rapaz. Desconfiaron del caballo, que podía llegarse hasta ellos con rapidez, y ver sus acciones; desconfiaron todavía más del burro, del que conocían la paciencia, sí, pero también los repentinos arranques de furia y las fuertes pezuñas. Se horrorizaron ante la idea de tener por rey al mono, pues era demasiado inteligente y vengativo. Con respecto a la serpiente, con la disculpa de que se había prestado a Satanás para seducir al hombre, dijeron que no la querían como rey, a pesar de sus graciosos colores y la elegancia de sus movimientos; en realidad no la quisieron porque conocían su silencioso paso majestuoso, la fuerza de sus músculos, el terrible efecto de su veneno. ¿Elegir rey a un toro o a otro animal provisto de aguzados cuernos? ¡No hombre, no! “Que el diablo también los tiene” dijeron; pero en realidad pensaban: “Si nos rebelamos, un día nos extermina con sus cuernos”.

Eliminando a unos y eliminando a otros, he aquí que vieron a un corderito regordete y blanco que triscaba alegre por un prado verde, hocicando en la rechoncha mama materna. No tenía cuernos; antes al contrario, unos ojos mansos como cielo de abril. Era manso y sencillo. De todo estaba contento: del agua de un pequeño riachuelo donde bebía hundiendo su morrillo rosado; de las florecillas de variados sabores que satisfacían el ojo y el paladar; de la tupida hierba, sobre la cual era bonito estar tumbado después de haber comido bien; y de las nubes, que parecían otros corderitos que correteasen por aquellos prados azules, allá arriba, y le invitaran a jugar, corriendo por el prado como ellas por el cielo; y, sobre todo, de las caricias de su mamá, la cual todavía le consentía alguna sobria chupada, lamiéndole, mientras tanto, la blanca lana con su rosada lengua; y del aprisco, seguro y protegido del viento, y de la cama, bien esponjosa y fragante, en que le era dulce dormir junto a su madre. “Es fácil contentarle. Y no tiene ni armas ni veneno. Es ingenuo. Hagámosle rey”. Y le hicieron rey. Y se gloriaban de él, porque era hermoso y bueno y porque le admiraban los pueblos vecinos y le amaban los súbditos por su paciente mansedumbre.

246.8

Pasó un tiempo. El cordero se hizo carnero, y dijo: “Llega el momento de gobernar realmente. Ahora tengo pleno conocimiento de mi misión. La voluntad de Dios —que permitió que fuera elegido rey— me ha formado para esta misión y me ha dado capacidad de reinar; justo es, por tanto, que la ejercite en forma plena, incluso porque, si no, sería desperdiciar los dones de Dios”.

Viendo, pues, a súbditos hacer cosas contrarias a la honestidad de las costumbres, o a la caridad, dulzura, lealtad, morigeración, obediencia, respeto, prudencia, etc. alzó su voz para amonestar. Mas he aquí que los súbditos se rieron de su balido sabio y dulce, que no atemorizaba como el rugido de los felinos, ni como el chillido de los buitres cuando se lanzan veloces sobre la presa, ni como el silbido de la serpiente… ni siquiera como los ladridos del perro que infunde temor.

El cordero, ya carnero, no se limitó a balar; fue donde los culpables para conducirlos de nuevo al cumplimiento del deber. Ahora bien, la serpiente se le escurrió por entre las patas; el águila se alzó en vuelo y le dejó plantado; los felinos, con una manotada, le apartaron amenazándole: “¿Ves lo que hay en esta mano afelpada que por ahora se limita a apartarte? Son garras”; los caballos, y todos los animales corredores en general, se pusieron a girar al galope alrededor de él en plan de burla; los robustos elefantes, u otros paquidermos, con un golpe del morro, lo tiraron a un lado o a otro; los monos, desde encima de los árboles, le hicieron blanco de sus proyectiles.

El cordero, ya carnero, acabó por inquietarse, y dijo: “No quería usar ni mis cuernos ni mi fuerza; porque también yo tengo fuerza en este cuello (tanto que será modelo para abatir obstáculos de guerra). No quería usarla porque prefiero usar el amor y la persuasión. Pero, dado que ante estas armas no os doblegáis, haré uso de la fuerza, porque no quiero faltar a mi deber para con Dios y para con vosotros, a pesar de que vosotros faltéis al vuestro para con Dios y para conmigo. He sido establecido aquí por vosotros y Dios para guiaros a la Justicia y al Bien, y aquí quiero que Justicia y Bien (es decir, Orden) reinen”. Y castigó con los cuernos —ligeramente, porque era bueno— a un gozquejillo que seguía molestando a los que estaban a su lado; y luego, con su fortísimo cuello, echó abajo la puerta de la guarida donde un cerdo glotón y egoísta había almacenado provisiones en perjuicio de los demás; y tiró abajo también la mata de lianas que dos jóvenes monos habían elegido para sus ilícitos amores.

246.9

“Este rey se ha hecho demasiado fuerte. Quiere realmente reinar él y que vivamos una vida sabia. Esto no nos agrada. Hay que destronarle” dijeron.

Mas un mono joven y astuto aconsejó: “Hagámoslo de forma que parezca que ha sido por un motivo justo; si no, quedaremos mal ante los otros pueblos y nos atraeremos la enemistad de Dios. Vamos a espiar todo lo que hace el carnero para poderle acusar bajo apariencia de justicia”.

“Me encargo de ello yo” dijo la serpiente. “Y yo” dijo el mono. Una arrastrándose por entre la hierba, el otro desde las copas de los árboles, no perdieron ni un momento de vista al cordero. Y todas las noches, cuando él se retiraba para descansar de las fatigas de la misión y meditar en las medidas que debería tomar y en las palabras que tendría que usar, para domar la rebelión y vencer los pecados de los súbditos, entonces éstos, excepto alguno —raro— honesto y fiel, se reunían para escuchar el relato de los dos espías y traidores (pues traidores eran también).

La serpiente decía a su rey: “Te sigo porque te amo, para defenderte en caso de que te agredieran”. El mono decía a su rey: “¡Como te admiro! Quiero ayudarte. Mira, desde aquí veo que más allá de este prado se está pecando. ¡Corre!” y luego decía a sus compañeros: “Hoy también ha tomado parte en el banquete de algunos pecadores. Ha simulado que iba allí para convertirlos, pero luego en realidad ha sido cómplice de sus orgías”. Y la serpiente refería: “Se ha alejado incluso allende los confines de su pueblo, y ha entablado conversación con mariposas, moscardones y babosas. Es un infiel. Trata con extranjeros impuros”.

Así hablaban a espaldas del inocente, creyendo que él lo ignorase. Pero el espíritu del Señor, que le había formado para su misión, le iluminaba también respecto a las conjuras de sus súbditos. Habría podido huir, indignado, maldiciéndolos. Pero el cordero era manso y humilde de corazón. Amaba: éste era su error. Y cometía un error aún mayor: el de perseverar en su misión, amando y perdonando, a costa de la vida, para cumplir la voluntad de Dios. ¡Oh, qué errores éstos ante los hombres! ¡Imperdonables! Tanto que le procuraron la condena.

“Muera. Para liberarnos de su opresión”. Y la serpiente se encargó de matarle, porque siempre la traidora es la serpiente…

246.10

Éste es el otro apólogo. ¡Ahora te toca a ti entenderlo, pueblo de Nazaret! Yo, por el amor que me une a ti, te deseo, al menos, que no pases del grado de pueblo hostil. El amor de la tierra a la que vine cuando era niño, en que crecí amándoos y siendo amado, me hace deciros a todos vosotros: “No seáis más que hostiles. No hagáis que la historia diga: ‘De Nazaret vinieron su traidor y sus jueces inicuos’”.

Adiós. Juzgaz con rectitud y quered con constancia: lo primero, todos vosotros; lo segundo, aquellos de entre vosotros que no vivan disturbados por pensamientos deshonestos. Me marcho… La paz sea con vosotros».

Y Jesús, en medio de un silencio penoso, quebrado sólo por dos o tres voces que le aprueban, sale, triste, cabizbajo, de la sinagoga de Nazaret.

246.11

Le siguen los apóstoles. Al final de todos van los hijos de Alfeo (y sus ojos no son, ciertamente, ojos de manso cordero)… Miran severamente a la multitud hostil, y Judas Tadeo, sin vacilaciones, se planta erguido ante su hermano Simón y le dice: «Creía que tenía un hermano más honesto y de carácter más fuerte».

Simón agacha la cabeza y calla. Pero el otro hermano, respaldado por otros de Nazaret, dice: «¡Deberías avergonzarte de ofender a tu hermano mayor!».

«No. Me avergüenzo de vosotros. De todos vosotros. Esta Nazaret no es simplemente una madrastra para el Mesías, es una madrastra depravada. Oíd mi profecía: Lloraréis tantas lágrimas como para alimentar una fuente, pero no servirán para lavar de los libros de la historia el verdadero nombre de esta ciudad y de vosotros. ¿Sabéis cuál es? “Estupidez”. Adiós».

Santiago añade un saludo más amplio augurando luz de sabiduría. Y salen, junto con Alfeo de Sara y otros dos jóvenes que, si los reconozco bien, son los dos asnerizos que acompañaron a los jumentos usados para ir al encuentro de Juana de Cusa cuando estaba moribunda.

246.12

La gente, que ha quedado confundida, murmura: «¿Pero de dónde le viene tanta sabiduría?».

«¿Y de dónde los milagros que hace? Porque hacerlos los hace. Toda Palestina lo dice».

«¿No es el hijo de José el carpintero? Todos le hemos visto hacer mesas y camas en el banco del artesano de Nazaret, y arreglar ruedas y cierres. Ni siquiera fue a la escuela. Su Madre fue su única maestra».

«Eso también fue un escándalo, que nuestro padre criticó» dice José de Alfeo.

«Pero también tus hermanos terminaron la escuela con María de José».

«¡Ya! Mi padre fue débil ante su mujer…» responde José.

«Entonces, ¿también el hermano de tu padre?».

«También».

«¿Pero es realmente el hijo del carpintero?».

«¿Pero es que no lo ves?».

«Hay muchos que se parecen. Creo que es uno que se hace pasar por él pero no lo es».

«¿Y dónde está entonces Jesús de José?».

«¿Pero tú crees que su Madre no le va a conocer!».

«Aquí están sus hermanos y hermanas, y todos ellos le reconocen como pariente. ¿No es verdad, vosotros dos?».

Los dos ancianos hijos de Alfeo asienten.

«Entonces se ha vuelto loco o está endemoniado, porque lo que dice no puede provenir de un obrero».

«Lo que habría que hacer es no escucharle. Su pretendida doctrina es delirio o posesión.»…

246.13

…Jesús está parado en la plaza esperando a Alfeo de Sara, que habla con un hombre. Mientras espera, uno de los arrieros, que se había quedado cerca de la puerta de la sinagoga, le trae las calumnias que allí se han dicho.

«No te apenes por esto. Un profeta, generalmente, no recibe honor ni de su patria ni de su casa. El hombre es tan necio que cree que para ser profetas es necesario casi estar fuera de la vida; y los coterráneos y familiares, más que todos los demás, conocen y recuerdan la humanidad de su paisano y pariente. Pero la verdad triunfa siempre. Adiós. La paz sea contigo».

«Gracias, Maestro, por haber curado a mi madre».

«Lo merecías, porque supiste creer. Mi poder aquí es inoperante, porque aquí no hay fe. Vamos, amigos. Mañana al alba nos marchamos».


Notes

  1. l’apologue : en Jg 9, 8-15.
  2. il est dit : en Lv 21, 1-4.
  3. les deux âniers : voir en 102.5/8.

Notas

  1. el apólogo contra Abimélek está en Jueces 9, 8-15.