Los Escritos de Maria Valtorta

270. La nouvelle du meurtre de Jean-Baptiste.

270. Jesús recibe la noticia

270.1

Jésus est en train de guérir des malades, sans autre assistance que celle de Manahen. Ils sont dans la maison de Capharnaüm, dans le jardin ombragé en cette heure matinale. Manahen n’a plus de précieuse ceinture ni de lame d’or au front. Son vêtement est retenu par un cordon de laine et son couvre-chef par une bande étroite de toile. Jésus est tête nue, comme toujours quand il est à la maison.

Après avoir fini de guérir et de consoler les malades, Jésus monte avec Manahen dans la chambre du haut et ils s’asseyent tous deux sur le rebord de la fenêtre qui donne sur la colline : le côté du lac est en effet tout inondé d’un soleil, encore bien chaud quoique la canicule soit passée depuis quelque temps.

« D’ici peu, les vendanges vont commencer, annonce Manahen.

– Oui, puis la fête des Tentes va arriver… et l’hiver sera vite là. Quand comptes-tu partir ?

– Euh… Moi, je voudrais ne jamais partir… Mais je pense à Jean-Baptiste. Hérode est un faible. Quand on a su l’influencer en bien, s’il ne devient pas bon, il reste au moins… non sanguinaire. Mais rares sont ceux qui lui donnent de bons conseils. Et cette femme !… Cette femme !… Mais je voudrais rester ici jusqu’au retour de tes apôtres. Non que je présume beaucoup de moi… mais je vaux encore quelque chose… même si mon crédit est très diminué depuis qu’ils ont compris que je suis la voie du Bien. Mais cela ne m’importe guère.

270.2

Je voudrais avoir le vrai courage de tout abandonner pour te suivre complètement, comme ces disciples que tu attends. Mais y réussirai-je jamais ? Nous qui ne sommes pas du peuple, nous hésitons davantage à te suivre. Pourquoi ?

– Parce que vous avez, pour vous retenir, les tentacules des pauvres richesses.

– A vrai dire, je sais aussi que certains qui ne sont pas riches à proprement parler, mais savants ou en passe de le devenir, eux aussi ne viennent pas.

– Eux aussi ont les tentacules des pauvres richesses qui les retiennent. On n’est pas riche seulement d’argent. Il y a aussi la richesse du savoir. Peu de gens arrivent à reconnaître comme Salomon : “ Vanité des vanités. Tout n’est que vanité ”, reprise et amplifiée non seulement matériellement, mais en profondeur par Qohélet[1]. As-tu cette pensée présente à l’esprit ? La science humaine est vanité, car augmenter seulement le savoir humain “ est fatigue et affliction de l’esprit et celui qui développe ses connaissances développe aussi ses ennuis ”. En vérité, je te dis qu’il en va bien ainsi. J’ajoute que ce serait différent si la science hu­maine était soutenue et consolidée par la sagesse surnaturelle et le saint amour de Dieu. Le plaisir est vanité parce qu’il ne dure pas, mais se dissipe rapidement après avoir brûlé en laissant cendres et vide. Les biens accumulés par des travaux variés sont vanité pour l’homme qui meurt : il les laisse à d’autres et, malgré tous ses biens, il ne peut repousser la mort. La femme, vue en tant que femme et désirée comme telle, est vanité. En conclusion, l’u­nique chose qui ne soit pas vanité, c’est la sainte crainte de Dieu et l’obéissance à ses commandements, c’est-à-dire la sagesse de l’homme, qui n’est pas seulement chair, mais possède aussi la nature spirituelle. Ceux qui savent parvenir à cette conclusion et y mettre leur volonté, savent se détacher de tout tentacule de pauvre possession et aller librement à la rencontre du Soleil.

– Je veux me souvenir de ces paroles. Combien tu m’as donné en ces jours ! Je peux maintenant retourner dans la laideur de la Cour, qui ne paraît lumineuse qu’aux sots, qui paraît puissante et libre mais n’est que misère, prison et ténèbre, et j’y reviens avec un trésor qui me permettra d’y vivre mieux en attendant le meilleur. Mais arriverai-je jamais à ce “ meilleur ” qui consiste à t’appartenir totalement ?

– Tu y arriveras.

– Quand ? L’an prochain ? Ou plus tard ? Ou quand la vieillesse me rendra sage ?

– Tu y arriveras en atteignant la maturité spirituelle et la perfection de la volonté en quelques heures. »

Manahen le regarde d’un air pensif, interrogateur… Mais il ne demande rien de plus.

Un silence. Puis Jésus dit :

« As-tu jamais approché Lazare de Béthanie ?

– Non, Maître. Je peux dire que non. S’il y a eu quelque rencontre, cela ne peut s’appeler amitié. Tu sais… Hérode avec moi, et Hérode contre lui… par conséquent…

– Lazare te verrait maintenant bien au-delà de ce genre de considérations : en Dieu. Tu dois chercher à t’en approcher comme condisciple.

– Je le ferai, si tu le veux… »

270.3

Des voix d’hommes agités se font entendre dans le jardin. Ils demandent avec anxiété :

« Le Maître ! Le Maître ! Est-il ici ? »

La voix chantante de la maîtresse de maison leur répond :

« Il est dans la chambre du haut. Qui êtes-vous ? Des ma­lades ?

– Non, des disciples de Jean et nous voulons voir Jésus de Nazareth. »

Jésus se présente à la fenêtre en disant :

« Que la paix soit avec vous… Oh ! C’est vous ? Venez ! Venez ! »

Ce sont les trois bergers Jean, Matthias et Siméon.

« Ah, Maître ! » disent-ils en levant la tête et en montrant un visage boulversé. Même la vue de Jésus ne les apaise pas.

Jésus sort de la pièce pour venir à leur rencontre sur la terrasse. Manahen le suit. Ils se rencontrent justement là où l’escalier débouche sur la terrasse ensoleillée.

Les trois hommes s’agenouillent en baisant le sol. Puis Jean dit, au nom de tous :

« C’est l’heure de nous recueillir, Seigneur, parce que nous sommes ton héritage.»

Des larmes coulent sur le visage du disciple et de ses compagnons. Jésus et Manahen poussent un seul cri :

« Jean ! ?

– Il a été tué… »

Ce mot tombe comme un gigantesque pavé qui couvre tous les fracas du monde. Et pourtant il a été prononcé très doucement. Mais il pétrifie celui qui le dit comme ceux qui l’en­tendent. On dirait que la terre, pour le recueillir et pour frémir d’horreur, suspend tout bruit tant il y a un moment de silence épais et de profonde immobilité chez les animaux, dans les frondaisons, dans l’air. Suspendu le roucoulement des colombes, coupée la flûte d’un merle, muet le chœur des passereaux ; une cigale qui stridule se tait à l’improviste comme si son organe s’était brisé tout d’un coup, pendant que tombe le vent qui caressait les pampres et les feuilles, avec un gémissement qui imite le frou-frou de la soie et le grincement des pieux.

270.4

Jésus devient d’une pâleur d’ivoire et ses yeux se dilatent en s’humectant de larmes. Il ouvre les bras en parlant, mais sa voix est profonde par l’effort qu’il fait pour la rendre assurée :

« Paix au martyr de la justice et à mon précurseur. »

Puis il croise les bras et se recueille ; il prie certainement, en s’unissant à l’Esprit de Dieu et à celui de Jean-Baptiste.

Manahen n’ose faire un geste. Au contraire de Jésus, il a vivement rougi et il a eu un mouvement de colère. Puis il s’est raidi, et tout son trouble se manifeste par le mouvement mécanique de sa main droite qui tiraille le cordon de son vêtement et de sa main gauche qui, involontairement, cherche le poignard… et Manahen secoue la tête en se plaignant de la faiblesse de son esprit qui ne se souvient pas qu’il s’est désarmé pour être « le disciple qui est doux, auprès de Celui qui est doux ».

Jésus rouvre la bouche et les yeux. Son visage, son regard, sa voix ont repris la majesté divine qui lui est habituelle. Il ne lui reste qu’une tristesse grave que tempère la paix.

« Venez. Vous allez me raconter. A partir d’aujourd’hui vous êtes à moi. »

Il les conduit dans la pièce dont il ferme la porte, laissant les rideaux à demi-fermés pour tempérer la lumière et créer une atmosphère de recueillement autour de leur souffrance et de la grandeur de la mort de Jean-Baptiste, pour mettre une séparation entre cette perfection de vie et le monde corrompu.

« Parlez » ordonne-t-il.

Manahen semble toujours pétrifié. Il est près du groupe, mais ne souffle mot.

270.5

« C’était le soir de la fête… L’événement était imprévisible… Deux heures auparavant seulement, Hérode s’était entretenu avec Jean et l’avait congédié avec bienveillance… Et, très peu de temps avant qu’ait lieu… l’homicide, le martyre, le crime, la glorification, il avait envoyé un serviteur porter au prisonnier des fruits glacés et des vins rares. Jean nous avait distribué tout cela… Lui, il n’a jamais modifié son austérité… Il n’y avait que nous car, grâce à Manahen, nous étions au palais pour servir aux cuisines et aux écuries. Et c’était une faveur qui nous permettait de voir sans cesse notre Jean… Nous étions aux cuisines, Jean et moi, pendant que Siméon surveillait les serviteurs de l’écurie pour qu’ils traitent avec soin les montures des hôtes… Le palais était plein de grands, de chefs militaires et de seigneurs de Galilée. Hérodiade s’était enfermée dans ses appartements à la suite d’une violente scène entre Hérode et elle, survenue le matin… »

Manahen l’interrompt :

« Mais quand cette hyène est-elle venue ?

– Deux jours avant. On ne l’attendait pas… Elle avait dit au monarque qu’elle ne pouvait vivre loin de lui et être absente le jour de sa fête. Vipère et magicienne comme toujours, elle avait fait d’Hérode un jouet… Mais ce matin-là, Hérode, bien que déjà ivre de vin et de luxure, avait refusé d’accorder à sa femme ce qu’elle demandait à grands cris… Et personne ne pensait que c’était la vie de Jean !…

Elle était restée dans ses appartements, hautaine. Elle avait renvoyé les mets royaux envoyés par Hérode dans de la vaisselle de prix. Elle avait gardé seulement un plateau précieux plein de fruits, et en échange elle avait donné pour Hérode une amphore de vin drogué… Drogué… Ah ! Ivre comme il l’était, sa nature vicieuse suffisait bien à le pousser au crime !

Nous avons appris par ceux qui faisaient le service de la table que, après la danse des mimes de la cour ou plutôt au milieu, Salomé avait fait irruption en dansant dans la salle du banquet, et les mimes, pour faire place à la princesse, s’étaient plaquées contre les murs. La danse était parfaite, nous a-t-on dit. Lubrique et parfaite. Digne des hôtes… Hérode… Ah ! Peut-être qu’un nouveau désir d’inceste fermentait intérieurement… A la fin de cette danse, Hérode, enthousiaste, dit à Salomé : “ Tu as bien dansé ! Je jure que tu as mérité une récompense. Je jure que je te la donnerai. Je jure que je te donnerai tout ce que tu peux me demander. Je le jure en présence de tous. Et un roi est fidèle à sa parole, même sans serments. Demande donc ce que tu veux. ”

Alors Salomé, feignant l’embarras, l’innocence et la modestie, s’enveloppa de ses voiles, avec une moue pudique après tant d’impudicité, et dit : “ Permets-moi, grand roi, de réfléchir un moment. Je vais me retirer puis je reviendrai, car ta faveur m’a troublée ”… et elle se retira pour aller trouver sa mère.

Selma m’a dit qu’elle entra en riant et en disant : “ Mère, tu as gagné ! Donne-moi le plateau. ” Hérodiade, avec un cri de triomphe, ordonna à l’esclave de remettre à sa fille le plateau qu’elle avait mis de côté auparavant, en disant : “ Va, reviens avec cette tête haïe, et je te couvrirai de perles et d’or. ” Et Selma, horrifiée, obéit…

Salomé rentra en dansant dans la salle et, toujours en dansant, vint se prosterner aux pieds du roi. Elle dit : “ Voilà : sur ce plateau que tu as envoyé à ma mère en signe que tu l’aimes et que tu m’aimes, je veux la tête de Jean. Et puis je danserai encore, puisque cela te plaît tant. Je danserai la danse de la victoire parce que j’ai vaincu ! Je t’ai vaincu, roi ! J’ai vaincu la vie et je suis heureuse ! ” Voilà ce qu’elle a dit et que nous a répété un ami échanson…

Hérode fut troublé ; il était pris entre deux décisions : être fidèle à sa parole, ou être juste. Mais il n’a pas su être juste, car c’est un injuste. Il fit signe au bourreau qui se tenait derrière le siège royal, et ce dernier, ayant pris des mains de Salomé le plateau qu’elle présentait, descendit de la salle du festin vers les pièces du bas. Nous le vîmes, Jean et moi, traverser la cour… et peu après nous entendîmes le cri de Siméon : “ Assassins ! ” Puis nous le vîmes repasser avec la tête sur le plateau… Jean, ton Précurseur était mort…

270.6

– Siméon, peux-tu me dire comment il est mort ? demande Jésus au bout d’un certain temps.

– Oui. Il était en prière… Il m’avait dit auparavant : “ D’ici peu, les deux envoyés vont revenir et ceux qui ne croient pas croiront. Rappelle-toi cependant que si je ne vivais plus à leur retour, comme quelqu’un qui est près de la mort, je te dis encore pour que tu le leur répètes : ‘ Jésus de Nazareth est le vrai Messie.’ ” Il pensait toujours à toi… Le bourreau est entré. J’ai poussé un grand cri. Jean a levé la tête, l’a vu, et il s’est levé en disant : “ Tu ne peux que m’enlever la vie. Mais la vérité qui dure, c’est qu’il n’est pas permis de faire le mal. ” Et il allait me dire quelque chose quand le bourreau fit tournoyer sa lourde épée, pendant que Jean était debout, et sa tête est tombée du buste avec un grand flot de sang qui a rougi sa peau de chèvre et rendu blanc comme de la cire son visage maigre où les yeux restèrent vivants, ouverts, accusateurs. Elle roula à mes pieds… Je suis tombé en même temps que son corps, évanoui par l’excès de douleur… Ensuite… ensuite… Après qu’Hérodiade l’eut lacérée, la tête fut jetée aux chiens. Mais nous l’avons vite recueillie et nous l’avons déposée avec le tronc dans un voile précieux. De nuit, nous avons reconstitué le corps et nous l’avons transporté hors de Machéronte. Nous l’avons embaumé dans un bosquet d’acacias tout près de là, dès le lever du soleil, avec l’aide d’autres disciples… Mais il fut encore pris pour être de nouveau lacéré. Car elle ne peut le détruire et elle ne peut lui pardonner… Et ses esclaves, craignant d’être mis à mort, ont été plus féroces que des chacals pour nous enlever cette tête.

270.7

Si tu avais été là, Manahen…

– Si j’avais été là… Mais c’est sa malédiction, cette tête… Cela n’enlève rien à la gloire du Précurseur, même si son corps est incomplet. N’est-ce pas, Maître ?

– C’est vrai. Même si les chiens l’avaient détruite, sa gloire n’aurait pas changé.

– Et sa parole n’a pas changé, Maître. Ses yeux, bien que blessés, lacérés, disent encore : “ Cela ne t’est pas permis. ” Mais nous, nous l’avons perdu ! Dit Mathias.

– Et maintenant nous sommes à toi, parce que c’est ce qu’il a dit, en ajoutant que tu le sais déjà.

– Oui. Depuis des mois, vous m’appartenez. Comment êtes-vous venus ?

– A pied, par étapes. C’était un long chemin, pénible, sous un soleil torride et dans des sables brûlants, rendus encore plus brûlants par la douleur. Cela fait environ vingt jours que nous marchons…

– Maintenant, vous allez vous reposer. »

Manahen demande :

« Dites-moi : est-ce qu’Hérode ne s’est pas étonné de mon absence ?

– Si. Il a d’abord été inquiet, puis furieux, mais, une fois sa colère passée, il a dit : “ Cela fait un juge de moins. ” C’est ce que nous a rapporté notre ami échanson. »

Jésus dit :

« Un juge de moins ! Il a Dieu pour juge et cela suffit. Venez là où nous dormons. Vous êtes fatigués et pleins de poussière. Vous trouverez des vêtements et des sandales de vos compagnons. Prenez-les, changez-vous. Ce qui appartient à l’un appartient à tous. Toi, Mathias, qui es grand, tu peux prendre l’un de mes vêtements. Nous pourvoirons plus tard. Puisque c’est la veille du sabbat, mes apôtres viendront dans la soirée. La semaine prochaine, Isaac arrivera avec ses disciples, puis ce seront Benjamin et Daniel ; après la fête des Tentes, Elie, Joseph et Lévi viendront aussi. Il est temps que d’autres disciples s’unissent aux Douze. Allez maintenant vous reposer. »

Manahen les accompagne, et revient.

270.8

Jésus reste avec lui. Il s’assied, l’air pensif, visiblement attristé, la tête penchée sur la main, le coude appuyé sur le genou pour le soutenir. Manahen est assis près de la table et ne bouge pas. Mais il est sombre. Son visage est une tempête.

Longtemps après, Jésus relève la tête, le regarde et demande :

« Et toi ? Que vas-tu faire, maintenant ?

– Je l’ignore encore… Mon projet de rester à Machéronte, c’est fini. Mais je voudrais encore rester à la cour, pour savoir… et ainsi pouvoir te protéger.

– Il te conviendrait mieux de me suivre sans atermoiement. Mais je ne te force pas. Tu viendras quand le vieux Manahen sera détruit, molécule après molécule.

– Je voudrais aussi reprendre cette tête à cette femme. Elle n’est pas digne de la posséder… »

Jésus esquisse un pâle sourire et dit franchement :

« Et puis, tu n’es pas encore mort aux richesses humaines. Mais tu m’es tout de même cher. Je sais que je ne te perds pas, même si j’attends. Je sais attendre…

– Maître, je voudrais te donner ma générosité pour te consoler… parce que tu souffres. Je le vois.

– C’est vrai. Je souffre. Beaucoup ! Beaucoup…

– Seulement pour Jean ? Je ne crois pas. Tu le sais en paix.

– Je le sais en paix et je le sens tout près.

– Et alors ?

– Et alors !… Manahen, qu’est-ce que l’aube précède ?

– Le jour, Maître. Pourquoi le demandes-tu ?

– Parce que la mort de Jean précède le jour où je serai le Rédempteur. Et ce qu’il y a d’humain en moi frémit à cette pensée… Manahen, je monte sur la colline. Toi, reste pour recevoir ceux qui viennent, pour secourir ceux qui sont déjà venus. Reste jusqu’à mon retour. Puis… tu feras ce que tu voudras. Adieu. »

Et Jésus quitte la pièce. Il descend doucement l’escalier, traverse le jardin et, par derrière, il prend un sentier au milieu de jardins abandonnés et de vergers d’oliviers, de pommiers, de vignes et de figuiers. Il grimpe la pente d’une petite colline où il disparaît à ma vue.

270.1

Jesús está curando a unos enfermos. Le asiste sólo Manaén. Están en la casa de Cafarnaúm, en el huerto umbrío en esta hora matutina. Manaén ya no lleva ni el precioso cinturón ni la lámina de oro en la frente: sujeta su túnica un cordón de lana; una cinta de tela, la prenda que cubre su cabeza. Jesús tiene descubierta la cabeza, como siempre cuando está en casa.

Una vez que ha terminado de curar y de consolar a los enfermos, Jesús sube con Manaén a la habitación alta. Se sientan los dos en el alféizar de la ventana que mira al monte (porque la parte del lago cae toda bajo el sol, que todavía calienta bien, a pesar de que la canícula ha debido pasar ya hace algo de tiempo).

«Dentro de poco empezará la vendimia» dice Manaén.

«Sí. Y luego vendrán los Tabernáculos… y pronto llegará el invierno. ¿Cuándo piensas partir?».

«¡Mmm!… No me iría nunca… Pero pienso en el Bautista. Herodes es una persona débil. Si se le sabe influir positivamente, aunque no se vuelva bueno, al menos… no se hace sanguinario. Pero son pocos los que le aconsejan bien. ¡Y esa mujer!… ¡Esa mujer!… De todas formas, quisiera quedarme hasta que vuelvan tus apóstoles. No es que yo presuma mucho de mí… pero todavía valgo algo… si bien mi auge ha sufrido un duro golpe desde que han comprendido que sigo los caminos del Bien. Pero no me importa.

270.2

Quisiera tener la verdadera valentía de saber abandonar todo para seguirte completamente, como los discípulos a los que esperas. Pero, ¿algún día lo lograré? Nosotros que no somos del pueblo presentamos más dura resistencia a seguirte. ¿Por qué?».

«Porque los tentáculos de las míseras riquezas os retienen».

«La verdad es que sé también de algunos que no son lo que se dice ricos, sino que son doctos, o están en camino de serlo, y tampoco vienen».

«También están retenidos por los tentáculos de las míseras riquezas. No se es rico sólo de dinero. Existe también la riqueza del saber. Pocos llegan a la confesión de Salomón: “Vanidad de vanidades, todo es vanidad”, considerada de nuevo y ampliada —no tanto materialmente cuanto en profundidad— en Qohélet[1]. ¿Lo recuerdas? La ciencia humana es vanidad, porque aumentar sólo el humano saber “es afán y aflicción de espíritu, y quien multiplica la ciencia multiplica los afanes”. En verdad te digo que es así. Como también digo que no sería así si la ciencia humana estuviera sostenida y refrenada por la sabiduría sobrenatural y el santo amor a Dios. El placer es vanidad, porque no dura; arde y rápido se desvanece dejando tras sí ceniza y vacío. Los bienes acumulados con distintas habilidades son vanidad para el hombre que muere, porque con los bienes no puede evitar la muerte, y los deja a otros. La mujer, contemplada como hembra y como tal apetecida, es vanidad. De lo cual se concluye que lo único que no es vanidad es el santo temor de Dios y la obediencia a sus mandamientos, o sea, la sabiduría del hombre, que no es sólo carne sino que posee la segunda naturaleza: la espiritual. Quien así sabe concluir y querer, sabe liberarse de todo tentáculo de mísero tesoro y sabe ir libre al encuentro con el Sol».

«Quiero recordar estas palabras. ¡Cuánto me has dado en estos días! Ahora puedo ir a la suciedad de la Corte —que parece luminosa sólo a los necios, poderosa y libre; y no es sino miseria, cárcel y tinieblas—, e ir con un tesoro que me permitirá vivir mejor en espera de lo mejor. ¿Pero llegaré algún día a esta cosa mejor que es ser tuyo, totalmente?».

«Llegarás».

«¿Cuándo? ¿El año que viene? ¿Más adelante todavía? ¿Cuando la vejez me haga sabio?».

«Llegarás… alcanzando madurez de espíritu y perfección de voluntad en el transcurso de pocas horas».

Manaén le mira pensativo y escrutador… Pero no pregunta nada más.

Un rato de silencio. Luego Jesús dice: «¿Has tenido contacto alguna vez con Lázaro de Betania?».

«No, Maestro. Puedo decir que no; que si hubo algún encuentro, no puede llamarse amistad. Ya sabes… Yo con Herodes, Herodes contra él… Por tanto…».

«Lázaro ahora te vería por encima de las cosas, en Dios. Debes tratar de conocerle como condiscípulo».

«Lo haré si Tú lo quieres…».

270.3

Se oyen voces inquietas en el huerto. Preguntan con angustia: «¡El Maestro! ¡El Maestro! ¿Está aquí?».

Responde la voz cantarina de la dueña de la casa: «Está en la habitación de arriba. ¿Quiénes sois? ¿Enfermos?».

«No. Discípulos de Juan y queremos ver a Jesús de Nazaret».

Jesús se asoma por la ventana y dice: «Paz a vosotros… ¡Oh! ¿Sois vosotros? ¡Venid! ¡Venid!».

Son los tres pastores Juan, Matías y Simeón. «¡Oh! ¡Maestro!» dicen, y levantan la cabeza y dejan ver un rostro apenado. Ni siquiera viendo a Jesús se sosiegan.

Jesús deja la habitación y va a su encuentro a la terraza. Manaén le sigue. Se encuentran justamente en el punto en que la escalera termina en la soleada terraza.

Los tres se arrodillan y besan el suelo. Luego Juan, por todos, dice: «Ahora recíbenos, Señor, pues somos tu herencia» y unas lágrimas se deslizan por la cara del discípulo y de sus compañeros.

Jesús y Manaén, al unísono, gritan: «¡¿Juan?!».

«Le han dado muerte…».

La palabra cae cual enorme fragor que cubre todos los ruidos del mundo, a pesar de que haya sido pronunciada muy bajo. Petrifica a quien la dice y a quien la oye. Y se produce un rato de silencio tan profundo y de tan profunda inmovilidad en los animales, frondas y aire, que parece como si la tierra, para recoger esta palabra y sentir todo su horror, suspendiera todo ruido proprio. Queda suspendido el zureo de las palomas, truncada la flauta de un mirlo, enmudecido el coro de los pardales, y, como si de golpe se le hubiera roto el artilugio, una cigarra detiene su chirrido al improviso, mientras se para el viento que, haciendo frufrú de seda y crujido de palos, acariciaba las pámpanas y las hojas.

270.4

Jesús se pone pálido como el marfil mientras sus ojos se dilatan y se vidrian de llanto. Abre los brazos y, con voz profunda por el esfuerzo de hacerla firme, dice: «Paz al mártir de la justicia, paz a mi Precursor». Luego recoge sus brazos y su espíritu y, claramente, ora, entrando en contacto con el Espíritu de Dios y el de Juan Bautista.

Manaén no se atreve a hacer ni un gesto. Al contrario de Jesús, se ha puesto intensamente rojo y ha sentido un impulso de ira. Luego se ha quedado paralizado; toda su turbación se manifiesta en el movimiento mecánico de la mano derecha, que zalea el cordón de la túnica, y de la izquierda, que involuntariamente busca el puñal… y mueve la cabeza compadeciéndose de su fragilidad de mente, pues no se acordaba de que se había desarmado para ser «el discípulo del Manso», para estar «junto al Manso».

Jesús abre de nuevo su boca y sus ojos. Su rostro, su mirada, su voz han recuperado la majestad divina que habitualmente tienen en Él. Sólo queda una tristeza grave temperada de paz.

«Venid. Decidme cómo ha sucedido. Desde hoy sois míos». Y los conduce a la habitación. Cierra la puerta, corre las cortinas —no del todo— para suavizar la luz, para crear un ambiente de recogimiento en torno al dolor y la belleza de la muerte del Bautista, para separar esta perfección de vida y el mundo corrompido.

«Hablad» ordena.

Manaén todavía parece petrificado. Está con el grupo, pero no dice una palabra.

270.5

«Era la noche de la fiesta… No se podía prever esto… Sólo dos horas antes, Herodes había solicitado consejo de Juan, y se había despedido de él con benignidad… Y poco, poco antes de que se produjera… el homicidio, el martirio, el delito, la glorificación, había mandado a un siervo con frutas gélidas y vinos raros para el prisionero. Juan nos había distribuido esas cosas… Nunca mudó su austeridad… Estábamos sólo nosotros, porque por mérito de Manaén estábamos en el palacio como siervos en las cocinas y en las caballerizas. Esta concesión nos permitía ver siempre a nuestro Juan… Estábamos en las cocinas yo y Juan. Simeón no; él vigilaba a los caballerizos para que tratasen con cuidado las caballerías de los invitados… El palacio estaba lleno de gente importante, jefes militares, personalidades de Galilea. Herodías se había encerrado en sus habitaciones tras una escena violenta que se había producido por la mañana entre ella y Herodes…».

Manaén interrumpe: «¿Pero cuándo había llegado la hiena?».

«Dos días antes. No la esperaban… Dijo al monarca que no podía vivir lejos de él y estar ausente el día de su fiesta. Víbora y maga como siempre, había hecho de él un juguete… Pero Herodes, por la mañana de este día, se había negado —a pesar de que ya estuviera embriagado de vino y lujuria— a concederle a la mujer lo que con fuertes gritos pedía… ¡Y nadie pensaba que se tratase de la vida de Juan!… Estaba en sus habitaciones, desdeñosa. Había rechazado los alimentos reales, enviados por Herodes en preciosas fuentes. Sólo había aceptado una fuente preciosa colmada de fruta y había recompensado el presente con una ánfora de vino drogado para Herodes… Drogado… ¡Ah, era suficiente su naturaleza ebria y viciosa para alucinarle para el delito! Por los que servían a las mesas, supimos que después de la danza de las mujeres mimos de la Corte, es más, a la mitad de la danza, había irrumpido en la sala del banquete Salomé, bailando. Los mimos, ante la joven real, se habían retirado hacia las paredes. La danza era perfecta, nos han dicho. Lúbrica y perfecta. Digna de los invitados… Herodes… ¡Oh!, ¡quizás fermentaba dentro de él un nuevo deseo de incesto!… Herodes, al final de este baile, entusiasta, dijo a Salomé: “¡Has bailado bien! Juro que mereces un premio. Juro que te lo daré. Juro que te daré cualquier cosa que me pidas. Lo juro en presencia de todos. Y la palabra de un rey es fiel incluso sin juramento. Di, pues, qué quieres”. Y Salomé, fingiendo perplejidad, inocencia y modestia, recogiéndose en sus velos con gesto púdico después de tanta desvergüenza, dijo: “Permíteme, gran señor, que reflexione un momento. Me retiro y luego vuelvo, porque tu gracia me ha turbado”… y se retiró para ir donde su madre. Selma me ha dicho que entró riendo, diciendo: “¡Madre, has vencido! Dame la bandeja”. Y Herodías, con un grito de triunfo, ordenó a la esclava que diera a la joven la bandeja no devuelta antes, y dijo: “Ve. Vuelve con la odiada cabeza, y te vestiré de perlas y oro”. Selma, horrorizada, obedeció… Salomé volvió a entrar en la sala bailando, y, bailando, fue a postrarse a los pies del rey, y dijo: “En esta bandeja que has mandado a mi madre, en señal de que la amas y de que me amas, quiero la cabeza de Juan. Y luego seguiré bailando, si tanto te gusto. Bailaré la danza de la victoria. ¡Porque he vencido! ¡Te he vencido a ti, oh rey! ¡He vencido a la vida, y soy feliz!”. Esto es lo que dijo. A nosotros nos lo repitió un amigo copero. Herodes se turbó ante estas dos solicitaciones: ser fiel a la palabra, ser justo. Pero no supo ser justo porque es hombre injusto. Hizo una señal al verdugo que estaba detrás del asiento real, y éste, habiendo cogido de las manos alzadas de Salomé la bandeja, salió de la sala del banquete para ir a las habitaciones bajas. Yo y Juan le vimos atravesar el patio… Luego oímos el grito de Simeón: “¡Asesinos!”… y le vimos que volvía a pasar con la cabeza sobre la bandeja… Juan, tu Precursor, había muerto…».

270.6

«Simeón, ¿puedes decirme como ha muerto?» pregunta Jesús, pasado un momento.

«Sí. Estaba en oración… Me había dicho antes: “Dentro de poco volverán los dos que envié, y quien aún no cree creerá. De todas formas, recuerda que, si a su regreso ya no viviera, yo, como quien está cercano a la muerte, todavía te digo, para que tú por tu parte se lo digas a ellos: ‘Jesús de Nazaret es el verdadero Mesías’”. Pensaba siempre en ti… Entró el verdugo. Yo grité fuerte. Juan alzó la cabeza y le vio. Se puso en pie. Dijo: “Sólo puedes quitarme la vida. Pero la verdad que permanece es que no es lícito hacer el mal”. Estaba para decirme algo cuando el verdugo volteó la pesada espada, mientras Juan estaba todavía de pie, y la cabeza cayó del busto, con un gran flujo de sangre que puso roja la piel caprina, de cera el rostro enjuto en que quedaron vivos, abiertos, acusadores, los ojos. Rodó a mis pies… Yo caí junto con su cuerpo, vencido por el dolor… Después… después… La cabeza, después de lacerarla Herodías, fue arrojada a los perros. Pero nosotros la recogimos diligentemente y la envolvimos junto con el tronco en un precioso lienzo; durante la noche recompusimos el cuerpo y lo transportamos fuera de Maqueronte. Le embalsamamos en una espesura de acacias allí cerca con los primeros rayos del Sol y la ayuda de otros discípulos… Pero de nuevo nos la arrebataron para nuevas laceraciones. Porque ella no puede ni destruirle ni perdonarle… Y sus esclavos, temiendo la muerte, nos quitaron esa cabeza con ferocidad mayor que la de los chacales.

270.7

¡Si hubieras estado tú, Manaén!…».

«Si hubiera estado yo… Pero esa cabeza es su maldición… Aunque el cuerpo esté incompleto, nada se resta a la gloria del Precursor. ¿No es verdad, Maestro?».

«Es verdad. Aunque los perros le hubieran destruido, su gloria no habría sufrido mutación».

«Tampoco ha cambiado su palabra, Maestro. Sus ojos, a pesar de haber quedado lacerados bajo una gran herida, todavía dicen: “No te es lícito”. ¡Pero nosotros le hemos perdido!» dice Matías.

«Y ahora somos tuyos, porque así lo dijo él; y dijo también que Tú ya lo sabías».

«Sí, desde hace meses sois míos. ¿Cómo habéis venido?».

«A pie, por etapas. Largo, penoso camino entre quemazón de arenas y sol, y aún más quemazón de dolor. Hace casi veinte días que caminamos…».

«Ahora descansaréis».

Manaén pregunta: «Decid: ¿Herodes no se extrañó de mi ausencia?».

«Sí. Primero estuvo inquieto, luego se puso furioso; pero, pasado el furor, dijo: “Un juez menos”. Así nos refirió el amigo copero».

Jesús dice: «¡Un juez menos! Tiene a Dios por juez, que ya es suficiente. Venid a donde dormimos. Estáis cansados y llenos de polvo del camino. Encontraréis vestidos y sandalias de vuestros compañeros. Tomadlos. Descansad y reponed fuerzas. Lo que es de uno es de todos. Tú, Matías, que eres alto, puedes coger una túnica mía. Luego ya veremos. Esta noche, dado que es la vigilia del sábado, vienen mis apóstoles. La próxima semana vendrá Isaac con los discípulos, luego Benjamín y Daniel; después de los Tabernáculos, vendrán también Elías, José y Leví. Es tiempo de que a los doce se unan otros. Id ahora a descansar».

Manaén los acompaña y luego vuelve.

270.8

Jesús se queda solo con Manaén. Se sienta, pensativo, visiblemente triste, con la cabeza reclinada sobre la mano y el codo apoyado en la rodilla como soporte. Manaén está sentado junto a la mesa. No se mueve. Pero está taciturno. Su rostro es toda una borrasca.

Después de mucho, Jesús alza la cabeza, le mira y pregunta: «¿Y tú? ¿Qué vas a hacer ahora?».

«Todavía no lo sé… La idea de quedarme en Maqueronte ya no existe. Pero quisiera quedarme todavía en la Corte, para estar al corriente… para protegerte a ti estando al corriente de las cosas».

«Sería mejor para ti seguirme sin dilación. Pero no te fuerzo. Vendrás una vez que el viejo Manaén, molécula por molécula, haya quedado deshecho».

«También quisiera arrebatarle esa cabeza a esa mujer. No es digna de tenerla…».

Jesús expresa un leve gesto de sonrisa, y, con franqueza, dice: «Además no has muerto todavía a las riquezas humanas. Pero te quiero lo mismo. Sé que no te perderé aunque espere. Sé esperar…».

«Maestro, quisiera darte mi generosidad para consolarte… Porque sufres. Lo veo».

«Es verdad. Sufro. ¡Mucho! ¡Mucho!…».

«¿Sólo por Juan? No creo. Sabes que está en paz».

«Sé que está en paz, y no le siento lejano».

«¿Y entonces?».

«¡Y entonces!… Manaén, ¿a qué precede el alba?».

«Al día, Maestro. ¿Por qué lo preguntas?».

«Porque la muerte de Juan precede al día en que seré el Redentor. Y la parte humana de mí se estremece frente a esta idea… Manaén, voy al monte. Tú quédate aquí para recibir a los que vengan y socorrer a los que ya han llegado. Quédate aquí hasta que vuelva. Luego… harás lo que quieras. Adiós».

Y Jesús sale de la habitación. Baja despacio la escalera, atraviesa el huerto y, por la parte posterior del huerto, se introduce por un senderillo entre huertos desarreglados y matas de olivos, manzanos, vides e higueras. Toma la pendiente de un suave collado donde desaparece a mi vista.


Notes

  1. par Qohélet : en Qo 1,1-2.

Notas

  1. en Qohélet: se trata de Qohélet 1-2.