The Writings of Maria Valtorta

270. La nouvelle du meurtre de Jean-Baptiste.

270. News of the beheading of John the Baptist.

270.1

Jésus est en train de guérir des malades, sans autre assistance que celle de Manahen. Ils sont dans la maison de Capharnaüm, dans le jardin ombragé en cette heure matinale. Manahen n’a plus de précieuse ceinture ni de lame d’or au front. Son vêtement est retenu par un cordon de laine et son couvre-chef par une bande étroite de toile. Jésus est tête nue, comme toujours quand il est à la maison.

Après avoir fini de guérir et de consoler les malades, Jésus monte avec Manahen dans la chambre du haut et ils s’asseyent tous deux sur le rebord de la fenêtre qui donne sur la colline : le côté du lac est en effet tout inondé d’un soleil, encore bien chaud quoique la canicule soit passée depuis quelque temps.

« D’ici peu, les vendanges vont commencer, annonce Manahen.

– Oui, puis la fête des Tentes va arriver… et l’hiver sera vite là. Quand comptes-tu partir ?

– Euh… Moi, je voudrais ne jamais partir… Mais je pense à Jean-Baptiste. Hérode est un faible. Quand on a su l’influencer en bien, s’il ne devient pas bon, il reste au moins… non sanguinaire. Mais rares sont ceux qui lui donnent de bons conseils. Et cette femme !… Cette femme !… Mais je voudrais rester ici jusqu’au retour de tes apôtres. Non que je présume beaucoup de moi… mais je vaux encore quelque chose… même si mon crédit est très diminué depuis qu’ils ont compris que je suis la voie du Bien. Mais cela ne m’importe guère.

270.2

Je voudrais avoir le vrai courage de tout abandonner pour te suivre complètement, comme ces disciples que tu attends. Mais y réussirai-je jamais ? Nous qui ne sommes pas du peuple, nous hésitons davantage à te suivre. Pourquoi ?

– Parce que vous avez, pour vous retenir, les tentacules des pauvres richesses.

– A vrai dire, je sais aussi que certains qui ne sont pas riches à proprement parler, mais savants ou en passe de le devenir, eux aussi ne viennent pas.

– Eux aussi ont les tentacules des pauvres richesses qui les retiennent. On n’est pas riche seulement d’argent. Il y a aussi la richesse du savoir. Peu de gens arrivent à reconnaître comme Salomon : “ Vanité des vanités. Tout n’est que vanité ”, reprise et amplifiée non seulement matériellement, mais en profondeur par Qohélet[1]. As-tu cette pensée présente à l’esprit ? La science humaine est vanité, car augmenter seulement le savoir humain “ est fatigue et affliction de l’esprit et celui qui développe ses connaissances développe aussi ses ennuis ”. En vérité, je te dis qu’il en va bien ainsi. J’ajoute que ce serait différent si la science hu­maine était soutenue et consolidée par la sagesse surnaturelle et le saint amour de Dieu. Le plaisir est vanité parce qu’il ne dure pas, mais se dissipe rapidement après avoir brûlé en laissant cendres et vide. Les biens accumulés par des travaux variés sont vanité pour l’homme qui meurt : il les laisse à d’autres et, malgré tous ses biens, il ne peut repousser la mort. La femme, vue en tant que femme et désirée comme telle, est vanité. En conclusion, l’u­nique chose qui ne soit pas vanité, c’est la sainte crainte de Dieu et l’obéissance à ses commandements, c’est-à-dire la sagesse de l’homme, qui n’est pas seulement chair, mais possède aussi la nature spirituelle. Ceux qui savent parvenir à cette conclusion et y mettre leur volonté, savent se détacher de tout tentacule de pauvre possession et aller librement à la rencontre du Soleil.

– Je veux me souvenir de ces paroles. Combien tu m’as donné en ces jours ! Je peux maintenant retourner dans la laideur de la Cour, qui ne paraît lumineuse qu’aux sots, qui paraît puissante et libre mais n’est que misère, prison et ténèbre, et j’y reviens avec un trésor qui me permettra d’y vivre mieux en attendant le meilleur. Mais arriverai-je jamais à ce “ meilleur ” qui consiste à t’appartenir totalement ?

– Tu y arriveras.

– Quand ? L’an prochain ? Ou plus tard ? Ou quand la vieillesse me rendra sage ?

– Tu y arriveras en atteignant la maturité spirituelle et la perfection de la volonté en quelques heures. »

Manahen le regarde d’un air pensif, interrogateur… Mais il ne demande rien de plus.

Un silence. Puis Jésus dit :

« As-tu jamais approché Lazare de Béthanie ?

– Non, Maître. Je peux dire que non. S’il y a eu quelque rencontre, cela ne peut s’appeler amitié. Tu sais… Hérode avec moi, et Hérode contre lui… par conséquent…

– Lazare te verrait maintenant bien au-delà de ce genre de considérations : en Dieu. Tu dois chercher à t’en approcher comme condisciple.

– Je le ferai, si tu le veux… »

270.3

Des voix d’hommes agités se font entendre dans le jardin. Ils demandent avec anxiété :

« Le Maître ! Le Maître ! Est-il ici ? »

La voix chantante de la maîtresse de maison leur répond :

« Il est dans la chambre du haut. Qui êtes-vous ? Des ma­lades ?

– Non, des disciples de Jean et nous voulons voir Jésus de Nazareth. »

Jésus se présente à la fenêtre en disant :

« Que la paix soit avec vous… Oh ! C’est vous ? Venez ! Venez ! »

Ce sont les trois bergers Jean, Matthias et Siméon.

« Ah, Maître ! » disent-ils en levant la tête et en montrant un visage boulversé. Même la vue de Jésus ne les apaise pas.

Jésus sort de la pièce pour venir à leur rencontre sur la terrasse. Manahen le suit. Ils se rencontrent justement là où l’escalier débouche sur la terrasse ensoleillée.

Les trois hommes s’agenouillent en baisant le sol. Puis Jean dit, au nom de tous :

« C’est l’heure de nous recueillir, Seigneur, parce que nous sommes ton héritage.»

Des larmes coulent sur le visage du disciple et de ses compagnons. Jésus et Manahen poussent un seul cri :

« Jean ! ?

– Il a été tué… »

Ce mot tombe comme un gigantesque pavé qui couvre tous les fracas du monde. Et pourtant il a été prononcé très doucement. Mais il pétrifie celui qui le dit comme ceux qui l’en­tendent. On dirait que la terre, pour le recueillir et pour frémir d’horreur, suspend tout bruit tant il y a un moment de silence épais et de profonde immobilité chez les animaux, dans les frondaisons, dans l’air. Suspendu le roucoulement des colombes, coupée la flûte d’un merle, muet le chœur des passereaux ; une cigale qui stridule se tait à l’improviste comme si son organe s’était brisé tout d’un coup, pendant que tombe le vent qui caressait les pampres et les feuilles, avec un gémissement qui imite le frou-frou de la soie et le grincement des pieux.

270.4

Jésus devient d’une pâleur d’ivoire et ses yeux se dilatent en s’humectant de larmes. Il ouvre les bras en parlant, mais sa voix est profonde par l’effort qu’il fait pour la rendre assurée :

« Paix au martyr de la justice et à mon précurseur. »

Puis il croise les bras et se recueille ; il prie certainement, en s’unissant à l’Esprit de Dieu et à celui de Jean-Baptiste.

Manahen n’ose faire un geste. Au contraire de Jésus, il a vivement rougi et il a eu un mouvement de colère. Puis il s’est raidi, et tout son trouble se manifeste par le mouvement mécanique de sa main droite qui tiraille le cordon de son vêtement et de sa main gauche qui, involontairement, cherche le poignard… et Manahen secoue la tête en se plaignant de la faiblesse de son esprit qui ne se souvient pas qu’il s’est désarmé pour être « le disciple qui est doux, auprès de Celui qui est doux ».

Jésus rouvre la bouche et les yeux. Son visage, son regard, sa voix ont repris la majesté divine qui lui est habituelle. Il ne lui reste qu’une tristesse grave que tempère la paix.

« Venez. Vous allez me raconter. A partir d’aujourd’hui vous êtes à moi. »

Il les conduit dans la pièce dont il ferme la porte, laissant les rideaux à demi-fermés pour tempérer la lumière et créer une atmosphère de recueillement autour de leur souffrance et de la grandeur de la mort de Jean-Baptiste, pour mettre une séparation entre cette perfection de vie et le monde corrompu.

« Parlez » ordonne-t-il.

Manahen semble toujours pétrifié. Il est près du groupe, mais ne souffle mot.

270.5

« C’était le soir de la fête… L’événement était imprévisible… Deux heures auparavant seulement, Hérode s’était entretenu avec Jean et l’avait congédié avec bienveillance… Et, très peu de temps avant qu’ait lieu… l’homicide, le martyre, le crime, la glorification, il avait envoyé un serviteur porter au prisonnier des fruits glacés et des vins rares. Jean nous avait distribué tout cela… Lui, il n’a jamais modifié son austérité… Il n’y avait que nous car, grâce à Manahen, nous étions au palais pour servir aux cuisines et aux écuries. Et c’était une faveur qui nous permettait de voir sans cesse notre Jean… Nous étions aux cuisines, Jean et moi, pendant que Siméon surveillait les serviteurs de l’écurie pour qu’ils traitent avec soin les montures des hôtes… Le palais était plein de grands, de chefs militaires et de seigneurs de Galilée. Hérodiade s’était enfermée dans ses appartements à la suite d’une violente scène entre Hérode et elle, survenue le matin… »

Manahen l’interrompt :

« Mais quand cette hyène est-elle venue ?

– Deux jours avant. On ne l’attendait pas… Elle avait dit au monarque qu’elle ne pouvait vivre loin de lui et être absente le jour de sa fête. Vipère et magicienne comme toujours, elle avait fait d’Hérode un jouet… Mais ce matin-là, Hérode, bien que déjà ivre de vin et de luxure, avait refusé d’accorder à sa femme ce qu’elle demandait à grands cris… Et personne ne pensait que c’était la vie de Jean !…

Elle était restée dans ses appartements, hautaine. Elle avait renvoyé les mets royaux envoyés par Hérode dans de la vaisselle de prix. Elle avait gardé seulement un plateau précieux plein de fruits, et en échange elle avait donné pour Hérode une amphore de vin drogué… Drogué… Ah ! Ivre comme il l’était, sa nature vicieuse suffisait bien à le pousser au crime !

Nous avons appris par ceux qui faisaient le service de la table que, après la danse des mimes de la cour ou plutôt au milieu, Salomé avait fait irruption en dansant dans la salle du banquet, et les mimes, pour faire place à la princesse, s’étaient plaquées contre les murs. La danse était parfaite, nous a-t-on dit. Lubrique et parfaite. Digne des hôtes… Hérode… Ah ! Peut-être qu’un nouveau désir d’inceste fermentait intérieurement… A la fin de cette danse, Hérode, enthousiaste, dit à Salomé : “ Tu as bien dansé ! Je jure que tu as mérité une récompense. Je jure que je te la donnerai. Je jure que je te donnerai tout ce que tu peux me demander. Je le jure en présence de tous. Et un roi est fidèle à sa parole, même sans serments. Demande donc ce que tu veux. ”

Alors Salomé, feignant l’embarras, l’innocence et la modestie, s’enveloppa de ses voiles, avec une moue pudique après tant d’impudicité, et dit : “ Permets-moi, grand roi, de réfléchir un moment. Je vais me retirer puis je reviendrai, car ta faveur m’a troublée ”… et elle se retira pour aller trouver sa mère.

Selma m’a dit qu’elle entra en riant et en disant : “ Mère, tu as gagné ! Donne-moi le plateau. ” Hérodiade, avec un cri de triomphe, ordonna à l’esclave de remettre à sa fille le plateau qu’elle avait mis de côté auparavant, en disant : “ Va, reviens avec cette tête haïe, et je te couvrirai de perles et d’or. ” Et Selma, horrifiée, obéit…

Salomé rentra en dansant dans la salle et, toujours en dansant, vint se prosterner aux pieds du roi. Elle dit : “ Voilà : sur ce plateau que tu as envoyé à ma mère en signe que tu l’aimes et que tu m’aimes, je veux la tête de Jean. Et puis je danserai encore, puisque cela te plaît tant. Je danserai la danse de la victoire parce que j’ai vaincu ! Je t’ai vaincu, roi ! J’ai vaincu la vie et je suis heureuse ! ” Voilà ce qu’elle a dit et que nous a répété un ami échanson…

Hérode fut troublé ; il était pris entre deux décisions : être fidèle à sa parole, ou être juste. Mais il n’a pas su être juste, car c’est un injuste. Il fit signe au bourreau qui se tenait derrière le siège royal, et ce dernier, ayant pris des mains de Salomé le plateau qu’elle présentait, descendit de la salle du festin vers les pièces du bas. Nous le vîmes, Jean et moi, traverser la cour… et peu après nous entendîmes le cri de Siméon : “ Assassins ! ” Puis nous le vîmes repasser avec la tête sur le plateau… Jean, ton Précurseur était mort…

270.6

– Siméon, peux-tu me dire comment il est mort ? demande Jésus au bout d’un certain temps.

– Oui. Il était en prière… Il m’avait dit auparavant : “ D’ici peu, les deux envoyés vont revenir et ceux qui ne croient pas croiront. Rappelle-toi cependant que si je ne vivais plus à leur retour, comme quelqu’un qui est près de la mort, je te dis encore pour que tu le leur répètes : ‘ Jésus de Nazareth est le vrai Messie.’ ” Il pensait toujours à toi… Le bourreau est entré. J’ai poussé un grand cri. Jean a levé la tête, l’a vu, et il s’est levé en disant : “ Tu ne peux que m’enlever la vie. Mais la vérité qui dure, c’est qu’il n’est pas permis de faire le mal. ” Et il allait me dire quelque chose quand le bourreau fit tournoyer sa lourde épée, pendant que Jean était debout, et sa tête est tombée du buste avec un grand flot de sang qui a rougi sa peau de chèvre et rendu blanc comme de la cire son visage maigre où les yeux restèrent vivants, ouverts, accusateurs. Elle roula à mes pieds… Je suis tombé en même temps que son corps, évanoui par l’excès de douleur… Ensuite… ensuite… Après qu’Hérodiade l’eut lacérée, la tête fut jetée aux chiens. Mais nous l’avons vite recueillie et nous l’avons déposée avec le tronc dans un voile précieux. De nuit, nous avons reconstitué le corps et nous l’avons transporté hors de Machéronte. Nous l’avons embaumé dans un bosquet d’acacias tout près de là, dès le lever du soleil, avec l’aide d’autres disciples… Mais il fut encore pris pour être de nouveau lacéré. Car elle ne peut le détruire et elle ne peut lui pardonner… Et ses esclaves, craignant d’être mis à mort, ont été plus féroces que des chacals pour nous enlever cette tête.

270.7

Si tu avais été là, Manahen…

– Si j’avais été là… Mais c’est sa malédiction, cette tête… Cela n’enlève rien à la gloire du Précurseur, même si son corps est incomplet. N’est-ce pas, Maître ?

– C’est vrai. Même si les chiens l’avaient détruite, sa gloire n’aurait pas changé.

– Et sa parole n’a pas changé, Maître. Ses yeux, bien que blessés, lacérés, disent encore : “ Cela ne t’est pas permis. ” Mais nous, nous l’avons perdu ! Dit Mathias.

– Et maintenant nous sommes à toi, parce que c’est ce qu’il a dit, en ajoutant que tu le sais déjà.

– Oui. Depuis des mois, vous m’appartenez. Comment êtes-vous venus ?

– A pied, par étapes. C’était un long chemin, pénible, sous un soleil torride et dans des sables brûlants, rendus encore plus brûlants par la douleur. Cela fait environ vingt jours que nous marchons…

– Maintenant, vous allez vous reposer. »

Manahen demande :

« Dites-moi : est-ce qu’Hérode ne s’est pas étonné de mon absence ?

– Si. Il a d’abord été inquiet, puis furieux, mais, une fois sa colère passée, il a dit : “ Cela fait un juge de moins. ” C’est ce que nous a rapporté notre ami échanson. »

Jésus dit :

« Un juge de moins ! Il a Dieu pour juge et cela suffit. Venez là où nous dormons. Vous êtes fatigués et pleins de poussière. Vous trouverez des vêtements et des sandales de vos compagnons. Prenez-les, changez-vous. Ce qui appartient à l’un appartient à tous. Toi, Mathias, qui es grand, tu peux prendre l’un de mes vêtements. Nous pourvoirons plus tard. Puisque c’est la veille du sabbat, mes apôtres viendront dans la soirée. La semaine prochaine, Isaac arrivera avec ses disciples, puis ce seront Benjamin et Daniel ; après la fête des Tentes, Elie, Joseph et Lévi viendront aussi. Il est temps que d’autres disciples s’unissent aux Douze. Allez maintenant vous reposer. »

Manahen les accompagne, et revient.

270.8

Jésus reste avec lui. Il s’assied, l’air pensif, visiblement attristé, la tête penchée sur la main, le coude appuyé sur le genou pour le soutenir. Manahen est assis près de la table et ne bouge pas. Mais il est sombre. Son visage est une tempête.

Longtemps après, Jésus relève la tête, le regarde et demande :

« Et toi ? Que vas-tu faire, maintenant ?

– Je l’ignore encore… Mon projet de rester à Machéronte, c’est fini. Mais je voudrais encore rester à la cour, pour savoir… et ainsi pouvoir te protéger.

– Il te conviendrait mieux de me suivre sans atermoiement. Mais je ne te force pas. Tu viendras quand le vieux Manahen sera détruit, molécule après molécule.

– Je voudrais aussi reprendre cette tête à cette femme. Elle n’est pas digne de la posséder… »

Jésus esquisse un pâle sourire et dit franchement :

« Et puis, tu n’es pas encore mort aux richesses humaines. Mais tu m’es tout de même cher. Je sais que je ne te perds pas, même si j’attends. Je sais attendre…

– Maître, je voudrais te donner ma générosité pour te consoler… parce que tu souffres. Je le vois.

– C’est vrai. Je souffre. Beaucoup ! Beaucoup…

– Seulement pour Jean ? Je ne crois pas. Tu le sais en paix.

– Je le sais en paix et je le sens tout près.

– Et alors ?

– Et alors !… Manahen, qu’est-ce que l’aube précède ?

– Le jour, Maître. Pourquoi le demandes-tu ?

– Parce que la mort de Jean précède le jour où je serai le Rédempteur. Et ce qu’il y a d’humain en moi frémit à cette pensée… Manahen, je monte sur la colline. Toi, reste pour recevoir ceux qui viennent, pour secourir ceux qui sont déjà venus. Reste jusqu’à mon retour. Puis… tu feras ce que tu voudras. Adieu. »

Et Jésus quitte la pièce. Il descend doucement l’escalier, traverse le jardin et, par derrière, il prend un sentier au milieu de jardins abandonnés et de vergers d’oliviers, de pommiers, de vignes et de figuiers. Il grimpe la pente d’une petite colline où il disparaît à ma vue.

270.1

Jesus is curing some sick people; only Manaen is present. They are in the house in Capernaum, in the shady kitchen garden, early in the morning. Manaen is no longer wearing his precious belt or the thin plate on his forehead. His tunic is held tight by a woolen cord and his headgear by a thin strip of cloth. Jesus is bareheaded, as He always is, when at home.

After curing and comforting the sick people, Jesus goes upstairs with Manaen and they both sit on the window-sill of the window facing the mountain, because the sun is shining on the other side of the house and it is very warm, although it is no longer the height of summer.

«Vintage will be starting soon» says Manaen.

«Yes. Then it will be the feast of the Tabernacles… and it will soon be winter. When are you thinking of going away?»

«H’m… I would never leave… But I am thinking of the Baptist. Herod is weak. If one knows how to influence him to do good, if he does not become good, he remains at least… not blood-thirsty. But only few people advise him wisely. And that woman!… That woman!… But I would like to stay here until Your apostles come back. Not that I rely much on myself… but I still have some weight… although the favour I enjoyed previously has diminished much since they have realized that I now follow the way of Good. But it does not matter.

270.2

I would like to have enough courage to be able to abandon everything and follow You completely, like the disciples whom You are expecting. But shall I ever succeed? We who are not of the common people find it more difficult to follow You. Why?»

«Because the tentacles of your poor wealth hold you back.»

«However, I know some people who are not exactly rich, but are learned or about to be so, and they do not come either.»

«They also have the tentacles of poor riches holding them back. One is not rich only in money. There is the wealth of knowledge. Few can confess with Solomon: “Vanity of vanities. All is vanity”, which confession is resumed and enlarged not so much materially but deeply in Qoheleth[1]. Do you remember it? Human science is vanity because to increase human knowledge alone “is anguish and affliction of the spirit and he who multiplies science multiplies such anguish”. I solemnly tell you that it is so. And I also tell you that it would not be so if human science were supported and bridled by supernatural wisdom and the holy love of God. Pleasure is vanity, because it does not last, but quickly fades away after burning, leaving ashes and emptiness. Wealth stored up by means of various industries is vanity for the man who dies, as he leaves it to other people and cannot repel death by means of it. Woman is vanity, when she is considered a female and desired as such. So we conclude that the only thing which is not vanity is the holy fear of God and obedience to His commandments, that is the wisdom of man, who is not only flesh, but has a second nature: the spiritual one. He who can reason thus and is willing, is able to break off from every tentacle of poor wealth and move freely towards the Sun.»

«I want to remember those words. How much You have given me during the past days! I can now go back to that ugly Court which seems bright only to fools, and seems powerful and free, whereas it is misery, prison and darkness, and I will be able to go back with a treasure that will enable me to live better waiting for the best. But will I ever reach that best, which is to be entirely Yours?»

«Yes, you will.»

«When? Next year? Later? Or when old age will make me wise?»

«You will reach it in a few hours by becoming spiritually mature and perfect in will.»

Manaen looks at Him thoughtfully, inquisitively… But he does not ask any other question.

There is silence. Then Jesus says: «Have you ever approached Lazarus of Bethany?»

«No, Master. I can say no. If we met on few occasions I cannot say it was out of friendship. You know… I was with Herod and Herod was against him… So…»

«Lazarus would now see you in God, beyond such things. You must endeavour to approach him, as a fellow disciple.»

«I will do it, if You wish so…»

270.3

Excited voices are heard in the garden. They are anxiously asking: «The Master! The Master! Is He here?»

The harmonious voice of the landlady replies: «He is upstairs. Who are you? Sick people?»

«No. Disciples of John and we want Jesus of Nazareth.»

Jesus looks out of the window saying: «Peace be with you… Oh! It is you. Come in!»

They are the three shepherds John, Matthias and Simeon. «Oh! Master!» they say looking up and showing their sorrowful faces. Not even the sight of Jesus cheers them up.

Jesus leaves the room and goes out to meet them on the terrace. Manaen follows Him. They meet where the staircase leads on to the sunny terrace.

The three men kneel down kissing the floor. Then John says on behalf of them all: «Receive us now, Lord, because we are Your inheritance» and tears stream down the faces of the disciple and his companions.

Jesus and Manaen utter one only cry: «John!?»

«He has been killed…»

The word drops like a loud dull noise, which drowns every other noise in the world. And yet it was uttered in a low voice. But it petrifies both him who speaks and those who listen. And the earth, upon hearing it and being horrified, seems to interrupt every noise, such is the period of deep silence and complete immobility in animals, in leafy branches, in the air. Doves stop cooing, blackbirds interrupt their musical songs, the choir of sparrows is struck dumb, and a chirping cicada suddenly becomes silent, as if its contrivance had broken down unexpectedly, while the wind, which was caressing the leaves of vines and trees, making them rustle like silk and causing poles to squeak, drops completely.

270.4

Jesus becomes as pale as ivory while His eyes dilate glazing over. He opens His arms saying, and His voice is deep in the effort to make it steady: «Peace to the martyr of justice and to My Precursor.» He folds His arms, collects His thoughts in prayer, communicating with the Spirit of God and of the Baptist.

Manaen does not dare to make a gesture. Contrary to Jesus, he blushes vehemently and has an impulsion of anger. Then he becomes stiff and his excitement is revealed by the mechanical movement of his right hand rumpling the cord of his tunic, and of the left one which unintentionally searches for his dagger… and Manaen shakes his head pitying his weak mind that does not remember that he had renounced weapons in order to be «the disciple of the Meek Master, near the Meek Messiah.»

Jesus opens His mouth and eyes again. His countenance, His eyes, His voice have resumed the divine majesty habitual to Him. Only a deep melancholy tempered with peace hovers about Him. «Come and tell Me. As from today you will be Mine.» And He takes them into the room, closing the door and half-drawing the curtains, to have a subdued light and an atmosphere of concentration around the sorrow and the beauty of the Baptist’s death, and to form a partition between such perfection of life and the corrupt world. «Speak» He tells them.

Manaen is still petrified. He is near the group but does not utter one word.

270.5

«It was the evening of the feast… The event was unforeseeable… Only two hours before Herod had consulted with John and had dismissed him very kindly… And shortly before the… murder, the martyrdom, the crime, the glorification, Herod had sent a servant with icy fruit and rare wines for the prisoner. John had distributed everything to us… he never changed his austerity… We were the only ones to be there, thanks to Manaen, we were in the palace as kitchen servants and stable-grooms. And that was a grace because we could always see our John… John and I were in the kitchen, while Simeon supervised in the stables ensuring that the grooms looked after the mounts of guests properly… The palace was full of important people, military commanders and gentlemen from Galilee. Herodias had locked herself in her rooms after a violent quarrel in the morning with Herod…»

Manaen interferes: «But when did the hyena come?»

«Two days before. Unexpectedly… saying to the monarch that she could not live away from him and be absent on the day of his feast. A viper and sorceress as she had always been, she had made a laughing-stock of him… But that morning, although he was already full of wine and lust, Herod refused to give the woman what she asked for with loud cries… But nobody thought it was John’s life!… She remained disdainfully in her rooms. She sent back the royal dishes that Herod had sent to her on precious trays. She kept only a precious one full of fruit, exchanging the gift with an amphora of drugged wine for Herod… Drugged… Ah! Her vicious intoxicated nature was sufficient to drug him for the crime! From the servants waiting at the table we learned that after the dance of the mimes, or rather half way through it, Salome had rushed dancing into the banquet hall. And the mimers, in the presence of the royal girl, had withdrawn against the walls. We were told that her dance was perfect. Lewd and perfect. Worthy of the guests… Herod…. Oh! perhaps a new desire of incest was fermenting in his heart!… Herod, at the end of the dance, said enthusiastically to Salome: “You have danced very well! I swear that you deserve a prize. I swear that I will give it to you. I swear that I will give anything you may ask me for. I swear it in the presence of everybody. And the word of a king is loyal also without swearing. Ask what you want”. And Salome, simulating perplexity, innocence and modesty, enveloping herself in her veils with bashful gesture after so much impudicity, said: “Allow me, great king, to ponder for a moment. I will withdraw and I will come back later because your grace has moved me”… and she left going to her mother. Selma told me that she went in laughing, saying: “Mother, you have won! Give me the tray”. And Herodias with a cry of triumph ordered the slave to give the girl the tray that she had kept previously, saying: “Go, and come back with the hated head and I will clothe you with pearls and gold”. And Selma was struck with horror and obeyed… Salome re-entered the hall dancing and went to prostrate herself at the king’s feet saying: “Here. On this tray that you sent to my mother as a token that you love her and you love me, I want the head of John. And I will dance again, if it pleases you so much. I will dance the dance of victory. Because I have won! I have beaten you, king! I have defeated life and I am happy!” That is what she said, and her words were repeated to us by a friendly cup-bearer. And Herod was embarrassed, being caught by two desires: to abide by his promise, to be just. But he could not be just, because he is unjust. He nodded to the headsman who was standing behind the royal seat, and he took the tray from Salome’s raised hands and from the banquet hall went down to the lower rooms. John and I saw him cross the yard… and shortly afterwards we heard Simeon’s cry: “Murderers!” and then we saw the headsman pass again with the head on the tray… John, Your Precursor, is dead…»

270.6

«Simeon, can you tell Me how he died?» asks Jesus after some time.

«Yes, he was praying… He had previously said to me: “The two messengers will be back before long, and those who do not believe, will believe. But remember, should I be no longer alive when they come back, I, on the point of dying, say to you: ‘Jesus of Nazareth is the true Messiah’ so that you may repeat it to the others”. He was always thinking of You… The headsman entered. I uttered a cry. John looked up and saw him. He stood up and said: “You can take only my life. But the lasting truth is that it is not legal to do wrong”. And he was about to say something to me when the headsman swung his heavy sword, while John was standing and the head fell from the bust in a stream of blood that reddened the goatskin while his thin face blanched, but his open eyes were still alive and accusing. The head rolled at my feet… I fell at the same time as his body, as I fainted with grief… After… After Herodias had disfigured it, the head was thrown to the dogs. But we picked it up at once and we tied it in a precious veil together with the trunk and during the night we recomposed the body and carried it out of Machaerus. We embalmed it at daybreak in a nearby acacia-thicket with the help of other disciples… But it was taken from us again to be slashed… Because she cannot destroy it and cannot forgive him… And her slaves, fearing death, were more ferocious than jackals in taking the head from us.

270.7

If you had been there, Manaen!…»

«Had I been there… But that head is her malediction… Nothing is taken from the glory of the Precursor, even if the body is mutilated. Is that right, Master?»

«That is true. Even if the dogs had destroyed it, his glory would not change.»

«Neither has his word changed, Master. His eyes, although disfigured, under a large wound, still say: “You are not allowed”. But we have lost him!» says Matthias.

«And we are now Your disciples, because that is what he said, and he told us that You already know.»

«Yes you have been Mine for months. How did you come?»

«On foot; by stages. It was a long painful journey, in the heat of sands and of the sun, made even more painful by grief. We have been walking for almost twenty days…»

«You will rest now.»

Manaen asks: «Was Herod not surprised at my absence?»

«Yes, at first he was annoyed, then he became furious. But when his rage calmed down, he said: “One judge less”. That is what our friend, the cup-bearer, told us.»

Jesus says: «One judge less! He has God as a judge and that is enough. Let us go to where we sleep. You are tired and covered with dust. You will find the garments and sandals of your companions. Take them, refresh yourselves. What belongs to one, belongs to everybody. Matthias, since you are tall, you can take one of My tunics. We will provide later. My apostles will be coming before night, because this is the Sabbath eve. Isaac will be coming next week with the disciples, and later Benjamin and Daniel will come; Elias, Joseph and Levi will be here after the Tabernacles. It is time for others to join the Twelve. Go and rest now.»

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Manaen takes them in and then comes back. Jesus remains with Manaen. He sits down pensively, and is clearly sad, with His head reclined on a hand, His elbow resting on His knee as a support. Manaen is sitting near the table and does not move. He is sullen. His face is a storm.

After a long time, Jesus raises His head, looks at him and asks: «And what are you going to do now?»

«I do not know yet… There is no purpose in staying any longer at Machaerus. But I would like to remain at the court to find out… to protect You according to what I learn.»

«You had better follow Me without any delay. But I will not force you. You will come, when the old Manaen has been destroyed bit by bit.»

«I would also like to take that head away from that woman. She is not worthy to have it…»

Jesus has a pale hint of a smile and says frankly: «And you are not yet dead to human wealth. But you are dear to Me just the same. I know that I shall not lose you even if I have to wait. I know how to wait…»

«Master, I would like to give You my generosity to comfort You… Because You are suffering. I can see it.»

«It is true. I am suffering. Very much!»

«Only because of John? I do not think so. You know that he is in peace.»

«I know that he is in peace and I perceive him close to Me.»

«Well, then?»

«Then!… Manaen, what does dawn precede?»

«The day, Master. Why do You ask me?»

«Because the death of John precedes the day when I will be the Redeemer. And the human part in Me trembles at the idea… Manaen, I am going up the mountain. You stay here to receive whoever should come and to assist those who have already come. Stay until I come back. Then… you will do whatever you wish. Goodbye.»

And Jesus leaves the room. He goes slowly down the steps, crosses the kitchen garden and at the back of it He takes a little path along ruffled gardens, olive-groves, orchards of apple and fig-trees and vineyards and He climbs the slope of a little hill where He disappears from my sight.


Notes

  1. par Qohélet : en Qo 1,1-2.

Notes

  1. in Qoheleth, in Ecclesiastes 1:2.