Los Escritos de Maria Valtorta

318. Voyage en barque des huit disciples avec Jean d’En-Dor et Syntica.

318. En barca de Tolemaida a Tiro.

318.1

La ville de Ptolémaïs semble devoir rester écrasée sous un ciel bas, lourd, sans la moindre échancrure bleue, sans même une nuance dans sa noirceur. Non. Pas un nuage, un cirrus ou nimbus, qui se déplace sur la chape bouchée du firmament, mais une seule voûte concave et pesante comme un couvercle que l’on va abattre sur une caisse. Un couvercle énorme d’un étain crasseux, noirâtre, opaque, oppressant. Les maisons blanches de la ville semblent être en plâtre, un plâtre rêche, grossier, désolé, sous cette lumière… la couleur verte des plantes vivaces paraît embuée, triste, le visage des personnes livide ou spectral, et les couleurs des vêtements pâles. La ville se noie dans un sirocco accablant.

La mer répond au ciel par le même aspect lugubre : une mer infinie, immobile, déserte. Elle n’a même pas un aspect plombé, ce serait inexact de le dire. C’est une étendue sans fin, et je pourrais même dire sans rides, d’une substance huileuse, grise comme doivent l’être des lacs de pétrole brut, ou plutôt, si c’était possible, des lacs d’argent mélangé à de la suie, à de la cendre, pour en faire une pâte d’un éclat particulier qui rappelle celui du quartz, et qui pourtant ne semble pas briller tant elle est inerte et opaque. Cet éclat ne se remarque qu’à cause du désagrément qu’il apporte à l’œil, ébloui par ce scintillement de nacre noirâtre qui fatigue sans réjouir. Pas une vague à perte de vue. Le regard rejoint l’horizon là où la mer morte touche le ciel mort, sans que l’on perçoive le moindre frèmissement ; on se rend toutefois compte que ce n’est pas une mer solidifiée car elle a une houle profonde à peine perceptible à la surface à cause d’un miroitement obscur. Elle est morte à ce point qu’à la rive les eaux sont là, immobiles comme celles d’un bassin, sans le moindre indice de vague ou de ressac. Et le sable est nettement humide là, à un mètre ou un peu plus, indiquant ainsi qu’il n’y a pas eu de flux ni de reflux sur la rive, depuis de longues heures. Le calme plat.

Les rares navires qui se trouvent dans le port n’ont pas le moindre mouvement. Ils semblent figés dans une matière solide tant ils sont immobiles, et les quelques morceaux d’étoffes qui sont étendus sur les ponts, vêtements ou enseignes, pendent lamentablement.

318.2

Les apôtres, accompagnés des deux voyageurs pour Antioche, arrivent à la côte par une ruelle populaire du port. Je ne sais pas ce que sont devenus l’âne et le char. Ils ont disparu. Pierre et André portent un coffre, Jacques et Jean le second, tandis que Jude a chargé sur ses épaules le métier à tisser démonté ; Matthieu, Jacques, fils d’Alphée, et Simon le Zélote se sont chargés de tous les sacs, y compris celui de Jésus. Syntica a dans les mains un panier de vivres. Jean d’En-Dor ne porte rien. Ils marchent rapidement parmi les gens qui, pour la plupart, re­viennent du marché avec les provisions, ou se hâtent, s’il s’agit de matelots, vers le port pour charger ou décharger les navires, ou les réparer, suivant les besoins.

Simon-Pierre avance, sûr de lui. Il doit déjà savoir où se rendre car il ne regarde pas autour de lui. Tout rouge, il transporte, avec un cordage qui sert de poignée, le coffre avec l’aide d’André. Et on voit, tant pour eux que pour leurs compagnons Jacques et Jean, l’effort que leur impose le poids qu’ils portent à la contraction des muscles des mollets et des bras car, pour être plus libres, ils ne sont vêtus que de leur sous-vêtement court et sans manches, semblables en tout point aux portefaix qui se hâtent des entrepôts aux navires, ou vice versa, pour leurs opérations. Aussi passent-ils absolument inaperçus.

318.3

Pierre ne va pas à la grande cale, mais, par une passerelle grinçante, il se rend à la plus modeste, un petit môle arqué qui abrite un second bassin beaucoup moins vaste pour les barques de pêche. Il regarde et appelle.

Un homme se lève d’une embarcation robuste plutôt grande et répond :

« Tu veux absolument partir? Remarque que la voile ne sert à rien, aujourd’hui. Il faudra avancer à force de rames.

– Cela servira à me réchauffer et à me donner de l’appétit.

– Mais es-tu vraiment capable de naviguer ?

– Eh, l’homme ! Je ne savais pas encore dire “ maman ” que déjà mon père m’avait mis dans les mains la drisse et le filin des voiles. J’y ai aiguisé mes dents de lait…

– C’est parce que, tu sais, cette barque est mon seul bien, tu sais ?

– Tu me l’as déjà dit hier… Tu ne connais pas une autre chanson ?

– Je sais que si tu coules, je serai ruiné et…

– C’est moi qui serai ruiné si j’y laisse ma peau, pas toi!

– Mais c’est mon bien, mon pain, ma joie et celle de ma femme, la dot de ma fillette, et…

– Ouf ! Ecoute, ne m’excite pas les nerfs qui ont déjà une crampe… une crampe plus terrible que celle des nageurs ! Je t’ai tant donné que je pourrais dire : “ Cette barque, je l’ai achetée ” ! Je n’ai pas marchandé, voleur maritime que tu es, je t’ai montré que je connais la rame et la voile mieux que toi, et tout était conclu. Maintenant, si la salade de poireaux que tu as mangée hier soir – ta bouche en sent mauvais comme une sentine –, t’a donné des cauchemars et des remords, peu m’importe. L’affaire a été conclue avec deux témoins, un pour toi et un pour moi, et cela suffit. Saute hors d’ici, crabe poilu, et laisse-moi entrer.

– Mais… une garantie au moins… Si tu meurs, qui me paiera le navire ?

– Le navire ? C’est le nom que tu donnes à cette courge creuse ? Ah ! Homme misérable et orgueilleux ! Mais je vais te tranquilliser pourvu que tu te décides : je vais te donner cent autres drachmes. Avec celles-ci et ce que tu as voulu pour la location, tu t’en fais trois autres de ces taupes… Ou plutôt non : pas d’argent. Tu serais capable de me traiter de fou et d’en vouloir davantage au retour. Car pour ce qui est de revenir, je reviendrai, tu peux en être sûr ! Au moins pour te faire la barbe avec des claques si tu m’as donné une barque dont la carène est défectueuse. Je te donnerai l’âne et le char en gage… Non, pas même cela ! Mon Antoine, je ne te le confie pas. Tu serais capable d’échanger ton métier de loueur de barques contre celui de cocher et de filer pendant que je suis parti. Et mon Antoine vaut dix fois ta barque. Il vaut mieux te donner de l’argent. Remarque pourtant que c’est à titre de garantie, et que tu me le rendras à mon retour. Tu as compris ? Oui ou non ? Ohé, vous du bateau ! Qui est de Ptolémaïs ? »

D’un bateau voisin se penchent trois visages :

« Nous.

– Venez ici…

– Non, non, c’est inutile. Réglons l’affaire entre nous » dit le passeur.

Pierre le regarde d’un œil scrutateur, il réfléchit et, voyant que l’autre quitte la barque et s’empresse d’y mettre le métier que Jude avait posé par terre, il murmure :

« J’ai compris ! »

Il crie à ceux du bateau :

« Plus besoin ! Restez. »

Et il sort d’une petite bourse des pièces de monnaie, les compte et les porte à ses lèvres en disant :

« Adieu, mes chéries ! »

Puis il les donne au loueur de barques.

« Pourquoi leur as-tu donné un baiser ? demande ce dernier, étonné.

– Un… rite. Adieu, voleur ! Allons, vous ! Toi, tiens au moins la barque. Tu les compteras après. Le compte y est. Je ne veux pas t’avoir comme compagnon en enfer, tu sais ? Moi, je ne vole pas. Ho, hisse ! Ho, hisse ! »

Et il embarque le premier coffre, puis aide les autres à arrimer le leur, les sacs et tout le reste, en équilibrant le chargement et en rangeant les objets de manière à laisser libres les manœuvres et, après les objets, les personnes.

« Tu vois que je sais y faire, vampire ? Débarrasse le plancher maintenant et va à ton destin. »

Aidé d’André, il appuie la rame contre le petit môle pour s’en détacher.

318.4

Après s’être engagé dans le courant, il passe la barre à Matthieu, en disant :

« De toutes façons, toi, pour nous plumer, tu venais nous pincer quand nous pêchions, et tu sais la tenir passablement bien. »

Puis il s’assied à la proue en lui tournant le dos, sur le premier banc, avec André à côté de lui. Devant lui sont assis Jacques et Jean, fils de Zébédée, et ils rament à un rythme régulier et puissant.

La barque avance sans secousses et rapidement, malgré sa lourde charge, en frôlant le flanc des gros navires, d’où viennent des éloges pour la perfection du coup de rame.

Voici enfin le large en dehors des digues… Toute Ptolémaïs défile devant les yeux des voyageurs, étendue comme elle l’est sur la rive et avec le port au sud de la ville. Dans la barque, c’est le silence absolu. On n’entend que le grincement des rames dans les tolets. Après un bon moment, quand Ptolémaïs est déjà dépassée, Pierre dit :

« Pourtant, s’il y avait un peu de vent… Mais rien ! Pas un souffle !

– Pourvu qu’il ne pleuve pas ! Dit Jacques, fils de Zébédée.

– Hum ! Ça menace… »

Silence de l’équipage et bruit monotonedes rames pendant un long moment. Puis André demande :

« Pourquoi as-tu fait un baiser aux pièces de monnaie ?

– Parce que, quand on se quitte, on doit se saluer. Je ne les reverrai plus, et j’en suis désolé. J’aurais préféré les donner à quelque malheureux… Mais, patience ! La barque est réellement bonne, solide et bien construite. La meilleure de Ptolémaïs. C’est pour ça que j’ai cédé aux prétentions de son maître, et aussi pour qu’on ne nous pose pas de questions sur notre destination. C’est pour ça que j’ai dit : “ Pour acheter au Jardin blanc ”… Hélas ! Hélas ! Il commence à pleuvoir. Couvrez-vous, vous qui le pouvez, et toi, Syntica, donne son œuf à Jean. C’est l’heure… D’autant plus qu’avec une mer aussi calme, on n’a pas l’estomac soulevé… Et Jésus, qu’est-ce qu’il doit faire ? Que peut-il bien faire ? Sans vêtements, sans argent ! Mais où peut-il bien être maintenant ?

– Il doit sûrement prier pour nous, répond Jean, fils de Zébédée.

– C’est bien. Mais où ? … »

Personne ne peut dire où. Et la barque louvoie, lourde, avec peine, sous un ciel chargé, sur une mer de bitume couleur de cendre, sous une pluie fine comme la brume, agaçante comme une démangeaison qui n’en finit pas. Les montagnes qui, après une zone de plaine reviennent vers la mer, se rapprochent, livides dans l’air brumeux. La mer à proximité continue de fatiguer les yeux par sa phosphorescence étrange ; plus loin, elle se perd dans la brume.

318.5

« Nous allons nous arrêter dans ce village pour nous reposer et pour déjeuner » dit Pierre qui est un rameur infatigable.

Tout le monde est d’accord. On arrive au village : quelques maisons de pêcheurs à l’abri d’un éperon de la montagne qui s’avance vers la mer.

« On ne peut pas débarquer ici. Il n’y a pas de fond… C’est bon, nous allons rester là où nous sommes » bougonne Pierre.

Effectivement, les rameurs mangent de bon appétit, mais pas les exilés. La pluie reprend et cesse alternativement. Le village est désert comme s’il n’y avait pas d’habitants, et pourtant des vols de colombes d’une maison à l’autre et des vêtements étendus sur les hauteurs révèlent qu’il y a des gens. Enfin, on voit sur une route un homme à peine vêtu, qui se dirige vers une petite barque tirée sur la rive.

« Hé, l’homme ! Tu es pêcheur ? crie Pierre en faisant un porte-voix de ses mains.

– Oui. »

Le oui arrive affaibli à cause de la distance.

« Quel temps va-t-il faire ?

– La mer va être agitée d’ici peu. Si tu n’es pas d’ici, je te con­seille de contourner tout de suite le cap. De l’autre côté, l’eau est plus tranquille, surtout si tu louvoies, et tu le peux parce que la mer est profonde. Mais vas-y immédiatement…

– Oui. Paix à toi !

– Paix et bonne chance à vous !

– Allons-y, alors » dit Pierre à ses compagnons. « Et que Dieu soit avec nous.

– Bien sûr qu’il l’est. Jésus prie certainement pour nous » répond André en reprenant la rame.

Effectivement, la houle s’est déjà formée et elle repousse et attire la barque à chaque va-et-vient ; la pluie tombe plus drue… et un vent syncopé s’y unit pour tourmenter les pauvres navigateurs. Simon-Pierre le gratifie de toutes les épithètes les plus pittoresques, parce que c’est un mauvais vent qui ne peut servir pour la voile et qui tend à pousser la barque contre les écueils du cap désormais tout proche. La barque a du mal à naviguer dans la courbe de ce petit golfe, noir comme de l’encre. Ils rament tant et plus, épuisés, rouges, en sueur, serrant les dents, sans plus gaspiller le moindre brin de force en paroles. Les autres, assis en face d’eux – et je les vois de dos – se taisent, muets sous la pluie pénible : Jean et Syntica sont au milieu, près du mât de la voile, derrière eux se trouvent les fils d’Alphée, et en dernier Matthieu et Simon, qui luttent pour maintenir la barre à chaque vague.

318.6

C’est une dure entreprise de doubler le cap. Enfin, c’est fait… Et un peu de relâche est accordé aux rameurs qui doivent être épuisés. Ils s’interrogent pour savoir s’ils doivent se réfugier dans un petit village, au-delà du cap. Mais l’avis dominant est “ qu’il faut obéir au Maître même contre le bon sens. Or il a dit qu’ils doivent arriver à Tyr dans la journée ”. Et ils continuent…

La mer se calme à l’improviste. Ils remarquent le phénomène, et Jacques, fils d’Alphée, dit :

« C’est la récompense de l’obéissance.

– Oui. Satan est parti parce qu’il n’a pas réussi à nous faire désobéir, confirme Pierre.

– Nous arriverons à Tyr à la nuit, pourtant. Ce vent nous a beaucoup retardés…, dit Matthieu.

– Peu importe. Nous irons dormir, et demain nous chercherons le navire, répond Simon le Zélote.

– Mais est-ce que nous allons le trouver ?

– Jésus l’a dit. Nous le trouverons donc, dit Jude avec assurance.

– Nous pouvons hisser la voile, mon frère » observe André. « Il y a maintenant un bon vent et nous irons plus vite. »

La voile, en effet, se gonfle, pas beaucoup, mais suffisamment pour rendre moins nécessaire le travail des rameurs, et la barque glisse, comme allégée, vers Tyr dont le promontoire, ou plutôt l’isthme, apparaît là-bas, au nord, blanc dans les dernières lueurs du jour.

La nuit tombe très vite. Et il paraît étrange, après la grisaille du jour, de voir pointer les étoiles avec une imprévisible clarté et palpiter celles de la Grande Ourse, alors qu’arrive sur la mer la lumière d’un clair de lune si blanc qu’on croirait voir l’aube pointer après le jour pénible, sans nuit…

318.7

Jean la tête vers le ciel, regarde et rit, et à l’improviste se met à chanter, activant le mouvement des rames et le rythmant par son cantique :

« Salut, Etoile du Matin,

Jasmin de la nuit,

Lune d’or de mon Ciel,

Mère sainte de Jésus.

Espérance des navigateurs,

Celui qui souffre et meurt rêve de toi.

Rayonne, Etoile sainte et pieuse,

Vers celui qui t’aime, ô Marie !… »

Il chante en déployant sa voix de ténor, bienheureux.

« Mais que fais-tu ? Nous parlons de Jésus et toi tu parles de Marie ? demande son frère.

– Il est en elle et elle en lui. Mais il existe parce qu’elle a existé… Laisse-moi chanter… »

Et il s’y donne, entraînant les autres…

Ils arrivent ainsi à Tyr, où le débarquement est facile dans le port le plus petit, celui qui est au sud de l’isthme et que veillent les lampes qui pendent de nombreuses barques ; et ceux qui sont là ne refusent pas leur aide à ceux qui viennent d’arriver.

Alors que Pierre reste dans la barque avec Jacques, fils de Zébédée, pour veiller sur les coffres, les autres, avec un homme d’une autre barque, vont à l’auberge se reposer.

318.1

La ciudad de Tolemaida da la impresión de que va a ser aplastada por un cielo bajo, de plomo, sin una rendija azul, sin una sola variación en su lóbrego aspecto. No. Ni una nube o un cirro o un nimbo que surquen aislados la capa cerrada del firmamento. Es una única bóveda cóncava y pesada como una tapa que fuera a ser abatida sobre una caja; una enorme tapa de estaño sucio, fuliginoso, opaco, agobiante. Las casas blancas de la ciudad parecen de yeso, un yeso áspero, crudo, desolado, bajo esta luz… y el verde de las plantas siempre verdes parece empañado, triste; los rostros de las personas, lívidos y espectrales; los colores de los vestidos, apagados. La ciudad se ahoga en el cargante siroco.

El mar responde al cielo con su mismo aspecto de muerte. Un mar sin límites, quieto, desierto. No es siquiera plomizo, sería errado definirlo así. Es una extensión ilimitada, diría incluso sin repliegues, de una substancia oleaginosa, gris como deben ser los lagos de petróleo crudo, o, mejor, si fuera posible, los lagos de una plata mezclada con hollín, con ceniza, para formar una pomada. Tiene un especial brillo de lasca cuarzosa, y, no obstante, se ve tan muerto y opaco, que no parece brillar. Su resplandor no se advierte sino con la molestia que sufren los ojos, deslumbrados por este cabrilleo de madreperla negruzca que cansa y no alegra. No se ve ni una sola ola hasta donde alcanza la vista. La mirada llega al horizonte, donde el muerto mar toca el cielo muerto, sin ver movimiento alguno de ola, aunque, por su subyacente ondeo, apenas sensible en la superficie con el cabrilleo sucio de las aguas, se comprende que no son aguas solidificadas. Tan muerto, que en la orilla las aguas están detenidas como agua de un pilón, sin el más mínimo indicio de ola o resaca. Y la arena está claramente marcada de humedad a poco más de un metro del agua, confesando así que no ha habido movimiento de olas en la orilla desde hace muchas horas. Es la calma chicha absoluta.

Las naves, pocas, que hay en el puerto están completamente inmóviles. Tan inmóviles, que parecen clavadas en una materia sólida. Los pocos paños tendidos en los altos puentes — enseñas o indumentos, no lo sé — penden inmóviles.

318.2

Por una callecita del barrio popular del puerto, vienen hacia la marina los apóstoles con los dos que van a Antioquía. No sé qué ha sido del burro y el carro. No están ya. Pedro y Andrés llevan un arcón, Santiago y Juan el otro; Judas de Alfeo, por su parte, se ha liado a los hombros el telar, desmontado; Mateo, Santiago de Alfeo y Simón Zelote van cargados con los talegos de todos, incluido el de Jesús. Síntica lleva en la mano solamente un cesto con comida. Juan de Endor no lleva nada. Caminan deprisa por entre la gente que, en general, regresa de los mercados con las compras, o que, si son gente de mar, se apresura en dirección al puerto, para cargar o descargar las naves, o repararlas, según las necesidades.

Simón de Jonás camina seguro. Debe saber ya a dónde ir porque no mira a los lados. Todo colorado, sujeta de su parte el arcón, por una lazada de la cuerda, puesta como asidero; Andrés, de su parte, hace lo propio. Y se ve, tanto en ellos como en los compañeros Santiago y Juan, el esfuerzo del peso que llevan, porque se les ponen turgentes los músculos de las pantorrillas y de los brazos (y es que, para estar más libres, llevan sólo la prenda de debajo, corta y sin mangas); en todo, semejantes a los mozos de cuerda, que, ágiles, van de los fondaques a las naves, o viceversa, para sus operaciones. Por tanto, pasan completamente desapercibidos.

318.3

Pedro no va al muelle grande, sino a otro más pequeño, a través de una pasarela chirriante: es un andén construido en forma de arco, que delimita como un segundo embarcadero, mucho más pequeño, para las barcas de pesca. Mira y da una voz.

Responde un hombre, alzándose del fondo de una barca fuerte y bastante grande. «¿Estás decidido a zarpar de verdad? Ten en cuenta que la vela hoy no sirve. Tendrás que ir a fuerza de remos».

«Así me caliento y se me abre el apetito».

«¿Pero sabes de verdad navegar?».

«¡¿Pero qué dices, hombre?! No sabía decir “mamá” y ya mi padre me había puesto en la mano la sondaleza y las cuerdas de las velas. He amolado con ellas los dientes de leche…».

«Es porque… ¿sabes?… esta barca es todo lo que poseo, ¿sabes?…».

«Ya desde ayer me lo estás diciendo. ¿No sabes otra canción?».

«Lo que sé es que si te vas a pique pierdo todo y…».

«¡Yo sí que pierdo todo, que me dejo la piel ahí, no tú!».

«Pero esto es mi bien, mi pan, la alegría mía y de mi mujer, y es la dote de mi niña, y…».

«¡Uf! ¡Mira, no me pinches más los nervios, que tienen ya un calambre… un calambre… mucho peor que el de los nadadores! Te he dado tanto, que podría decir: “he comprado la barca”. No te he regateado lo que me has pedido. Tú eres un barquero largo de uñas, hombre. Te he demostrado que conozco el remo y la vela mejor que tú. Ya todo estaba acordado. Ahora, si la ensalada de puerros que has cenado ayer — que te huele la boca como una sentina — te ha dado una pesadilla y ahora te arrepientes, me importa un bledo. El acuerdo se ha efectuado delante de dos testigos, uno tuyo, otro mío, y es suficiente. Baja de ahí, cangrejo peludo, y déjame entrar».

«Pero yo… al menos una garantía… Si mueres, ¿quién me paga la nave?».

«¿La nave? ¿Llamas nave a esta calabaza despulpada? ¡Miserable! ¡Soberbio! De todas formas, te voy a calmar, para que te decidas: te voy a dar otras cien dracmas. Con éstas y con lo que has pedido como alquiler te construyes otros tres topos de éstos… Bueno, no… de dinero nada. Serías capaz incluso de llamarme loco, y luego pedirme más todavía, a la vuelta. ¡Porque vuelvo, eh, puedes estar seguro! A lo mejor para quitarte la barba a tortazos, si me has dado una barca con los fondos defectuosos. Te dejo como seña el burro y el carro… ¡No! ¡Tampoco eso! No dejo en tus manos a mi Antonio. Te creo capaz de cambiar de oficio y pasarte de barquero a carretero, y escaparte en mi ausencia. Mi Antonio vale diez veces lo que tu barca. Mejor te dejo el dinero. Pero ten en cuenta que son como seña, y tú me lo devuelves a mi regreso. ¿Está bien claro? ¡Eh, los de esa nave! ¿Quién es de Tolemaida?».

En una nave cercana se asoman tres caras: «Nosotros».

«Venid aquí…».

«No, no, no hace falta. Nos arreglamos entre nosotros» suplica el barquero.

Pedro le mira indagador, razona para sí, y, viendo que el hombre baja de la barca y se apresura a cargar el telar que Judas había dejado en el suelo, susurra: «¡Comprendo!». Luego grita a los de la nave: «Ya no hace falta. Quedaos ahí» y extrae de una bolsa pequeña unas monedas, las cuentas, las besa y dice: «¡Adiós, amigas!» y se las da al barquero.

«¿Por qué las has besado?» pregunta éste extrañado.

«Un… rito. ¡Adiós, ladrón! Arriba, vosotros; tú, al menos, sujeta la barca. Ya las contarás. Verás que están justas. No quiero tenerte como compañero en el infierno, ¿eh! Yo no robo… ¡Aaarriba! ¡Aaarriba!». Y embarca el primer baúl. Luego ayuda a los otros a estibar el suyo, los talegos y todo, equilibrando el peso y colocando los objetos de forma que pueda estar libre para las maniobras; y, después de las cosas, las personas. «¿Ves como sé, vampiro? Suelta ahora y ve a tu destino». Y, junto con Andrés, hinca el remo contra el andén para separar la barca.

318.4

Una vez tomada la dirección de la corriente, deja el timón a Mateo mientras le dice: «Bueno, tú, para sacarnos los hígados, venías a pescarnos cuando pescábamos, y sabes llevar el timón pasablemente». Luego se sienta en la proa, dando la espalda a la proa, en el primer banco, con Andrés a su lado. Frente a él están sentados Santiago y Juan de Zebedeo, que bogan con ritmo regular y poderoso.

La barca avanza — sin tirones, rápida, a pesar de ir bastante cargada — muy cerca del flanco de las naves grandes, desde cuya borda descienden palabras de alabanza por la perfecta boga. Luego, superados los espigones, el mar abierto… Tolemaida, al estar construida a orillas del mar y teniendo su puerto en el sur de la ciudad, desfila toda ante los ojos del grupo que parte. En la barca el silencio es absoluto. Sólo se oyen los chirridos de los remos en los toletes.

Pasado un buen rato, habiendo ya dejado atrás Tolemaida, Pedro dice: «Pero si hubiera un poco de viento… ¡Pero nada! ¡Ni un hilo!…».

«¡Con tal de que no llueva!…» dice Santiago de Zebedeo.

«¡Mmm! Tiene muchas ganas de llover…».

Silencio y cansancio de remos durante largo tiempo.

Luego Andrés pregunta: «¿Por qué has besado las monedas?».

«Porque se saluda a quien parte para siempre. No las volveré a ver. Y lo siento. Hubiera preferido dárselas a algún necesitado… ¡Paciencia!… La barca la verdad es que es buena y fuerte y está bien construida. Es la mejor de Tolemaida. Por eso he cedido a las pretensiones de su dueño. También para evitar muchas preguntas sobre el lugar adonde vamos. Por eso le he dicho: “A comprar al Jardín blanco”… ¡Ay, ay, ay, que empieza a llover! Cubríos, vosotros que podéis hacerlo. Tú, Síntica, dale el huevo a Juan. Es la hora… Y a mayor razón porque con un mar así no se revuelve nada en el estómago… ¿Y que me estará haciendo Jesús? ¿Qué estará haciendo? ¡Sin vestidos, sin dinero! ¿Y dónde estará ahora?».

«Sin duda, orando por nosotros» responde Juan de Zebedeo.

«Sí, pero ¿dónde?…».

Ninguno puede decir dónde. Y la barca da bordadas, con dificultad, pesada, bajo el cielo de plomo, en un mar de betún cinéreo, en medio de un sirimiri fino como niebla y latoso como cosquillas prolongadas. Los montes, que tras una zona de llanura vuelven a arrimarse al mar, se acercan, lívidos en el ambiente neblinoso. El mar, de cerca, sigue produciendo molestia a los ojos con su extraña fosforescencia; más lejos, se pierde en un velo brumoso.

318.5

«En aquel pueblo nos detendremos para descansar y comer» dice Pedro, que boga incansablemente. Los demás asienten.

Llegan al pueblo: un pequeño conglomerado de casas de pescadores al abrigo del espolón de un monte que penetra en el mar.

«Aquí no se desembarca. No se toca fondo…» dice Pedro entre dientes. «Bien, pues comeremos aquí donde estamos». Y así es: los bogadores comen con buen apetito; los dos exiliados, sin ganas. La lluvia, alternativamente, sigue o se para.

No se ve a gente en el pueblo; como si estuviera deshabitado. Pero, vuelos de palomas de una casa a otra y ropa tendida en las azoteas dicen que hay gente. En fin, aparece en la orilla un hombre semidesnudo que va hacia una barquita sacada al margen.

«¡Eh! ¡Tú, hombre! ¿Eres pescador?» grita Pedro haciendo embudo con las manos.

«Sí». El sí llega débil por la distancia.

«¿Qué tiempo hará?».

«Mar tendida dentro de poco. Si no eres de aquí, te aconsejo que vayas en seguida más allá del cabo. Allá la ola es más calma, sobre todo si vas bordeando la orilla. Puedes, porque es profundo el mar. Pero ve sin demora…».

«Sí. ¡Paz a ti!».

«¡Paz y suerte a vosotros!».

«Ánimo, entonces» dice Pedro a sus compañeros. «Y que Dios esté con nosotros».

«Está ciertamente con nosotros. Jesús ciertamente ora por nosotros» responde Andrés mientras se pone de nuevo a remar.

Pero la ola tendida, en efecto, ya se ha formado, y repele y aspira a la pobre barca cada vez que viene; mientras tanto, la lluvia se hace cada vez más tupida… y un viento rítmico se agrega para torturar a los pobres navegantes. Simón de Jonás le gratifica con todos los más pintorescos epítetos, porque es un viento malo que no puede ser usado para la vela y que trata de empujar a la barca contra los escollos del cabo ya cercano. La barca navega con dificultad en la curva de este pequeño golfo, más obscuro que la tinta. Reman, reman, con dificultad, rojos, sudados, apretando los dientes, sin desaprovechar ni una miaja de fuerza en palabras. Los otros, sentados frente a ellos — yo los veo de espaldas — callan, mudos, bajo la tediosa lluvia. Juan y Síntica, en el centro (junto al mástil de la vela); detrás de ellos, los hijos de Alfeo; últimos, Mateo y Simón, que luchan por mantener derecho el timón a cada golpe de ola.

318.6

Doblar el cabo es empresa fatigosa. Por fin lo hacen… Los remadores, que deben estar extenuados, pueden gozar de un poco de paz. Se consultan sobre si refugiarse en un pueblecillo de allende el cabo. Pero se impone la idea de que «se debe obedecer al Maestro incluso contra lo sensato. Y Él dijo que se debe llegar a Tiro todo en una jornada». Y continúan…

El mar se calma al improviso. Notan el fenómeno. Santiago de Alfeo dice: «El premio de la obediencia».

«Sí, Satanás se ha marchado porque no ha logrado hacernos desobedecer» confirma Pedro.

«De todas formas llegaremos a Tiro de noche. Esto nos ha retrasado mucho…» dice Mateo.

«No importa. Iremos a dormir, y mañana buscaremos la nave» responde Simón Zelote.

«¿Y la encontraremos?».

«Jesús lo ha dicho. Por tanto, la encontraremos» dice seguro el Tadeo.

«Podemos izar la vela, hermano» observa Andrés. «Ahora hay viento bueno. Iremos raudos».

La vela, efectivamente, se hincha, no mucho, pero lo suficiente como para que sea mucho menos necesario remar; y la barca se desliza, como aligerada, hacia Tiro, cuyo promontorio — mejor: cuyo istmo — albea allá, al Norte, con las últimas luces del día.

Y la noche cae rápida. Y parece extraño, después de tanta lobreguez de cielo, ver asomarse las estrellas a través de un imprevisto claro, y titilar resplandecientes los astros de la Osa, mientras el mar se ilumina con los serenos rayos de luna, tan blancos que casi parece rayar el alba, después de un día penoso, sin el intervalo de la noche…

318.7

Juan de Zebedeo alza la cabeza al cielo, mira y sonríe, y, al improviso, abre su boca al canto, acompañando el movimiento del remo con la estrofa y ritmando ésta con el remo:

«Ave, Estrella de la Mañana,

Jazmín de la noche,

Luna de oro de mi Cielo,

Madre santa de Jesús.

Espera en ti el navegante,

Te sueña el que sufre y muere,

¡Ilumina, Estrella santa y pía,

a quien te ama, oh María!…».

Canta feliz, a pleno pulmón, con voz de tenor.

«¿Pero qué haces? Estamos hablando de Jesús ¿y tú hablas de María?» pregunta su hermano.

«Él está en Ella y Ella en Él. Pero si Él está aquí es porque ha estado antes Ella… Déjame cantar…». Y pone ahínco y arrastra a los demás…

Llegan así a Tiro. La arribada es cómoda en el puertecito más pequeño, el que está al sur del istmo, velado por lámparas que cuelgan de muchas barcas. Los que están allí no niegan su ayuda a los recién llegados.

Pedro y Santiago de Zebedeo se quedan en la barca para vigilar los baúles. Mientras tanto, los otros, con un hombre de otra barca, se dirigen al hospedaje para descansar.