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La cour des trois frères est à moitié à l’ombre, à moitié au soleil. Elle est pleine de gens qui vont et viennent pour leurs achats alors que, de l’autre côté du porche, sur la petite place, on entend la rumeur du marché d’Alexandroscène avec le va-et-vient confus des acheteurs et des vendeurs, auquel se mêle le bruit des ânes, des brebis, des agneaux, des poules. On comprend qu’ici, il y a moins de complications et on apporte même les poulets au marché sans craindre de contaminations d’aucune sorte. Braiments, bêlements, gloussements des poules et cocoricos triomphants des coqs se mêlent aux voix des hommes en un joyeux chœur qui parfois atteint des notes aiguës et dramatiques à la suite de quelque empoignade.
Même dans la cour des frères, il règne un bruit confus et il se produit des altercations soit à propos du prix soit parce qu’un acheteur emporte quelque chose qu’un autre voulait acquérir. La plainte lamentable des mendiants n’est pas absente non plus : de la place, près du portail, ils font défiler la litanie de leurs misères sur un air triste comme la plainte d’un mourant.
Des soldats romains vont et viennent en maîtres dans l’entrepôt et sur la place. Je suppose que c’est un service d’ordre, car je les vois armés, et jamais seuls, parmi les Phéniciens tous armés.
Jésus lui aussi va et vient dans la cour, se promenant avec les six apôtres, comme s’il attendait le bon moment pour parler. Puis il sort un instant sur la place en passant près des mendiants auxquels il donne une obole. Les gens se distraient pendant quelques minutes pour regarder le groupe des Galiléens et se demandent qui sont ces étrangers. Et il en est qui les informent, parce qu’ils ont interrogé les trois frères qui sont leurs hôtes.
Un murmure suit les pas de Jésus qui marche tranquillement, tout en caressant les enfants qu’il trouve sur son chemin. Au milieu de ce brouhaha, on entend certes des ricanements et des qualificatifs peu flatteurs pour les Hébreux, mais aussi le désir honnête d’entendre ce “ Prophète ”, ce “ Rabbi ”, ce “ Saint ”, ce “ Messie ” d’Israël, auquel ils donnent ces noms lorsqu’ils en parlent, selon le degré de foi et de rectitude de leurs âmes.