Los Escritos de Maria Valtorta

335. La fausse amitié d’Ismaël Ben Fabi et l’hydropique guéri un jour de sabbat.

335. La falsa amistad de Ismael ben Fabí,

335.1

Je vois Jésus qui marche rapidement sur une grand-route que le vent froid d’un matin d’hiver balaie et durcit. Les champs, des deux côtés de la route, présentent à peine un timide duvet de moissons qui viennent de percer, un fin voile de verdure qui annonce la promesse du pain à venir, mais une promesse vraiment à peine perceptible. Il y a encore, à l’ombre, des sillons dépourvus de cette végétation naissante et bénie, et seuls les sillons les plus ensoleillés ont cette teinte verte si légère et pourtant déjà joyeuse puisqu’elle annonce le printemps tout proche. Les arbres fruitiers sont encore nus, sans un bourgeon qui se gonfle sur leurs branches sombres. Seuls les oliviers ont leur couleur éternelle gris-vert, aussi triste sous le soleil d’août que dans la faible clarté de cette matinée d’hiver. Et avec eux, les feuilles grasses des cactées montrent leur couleur, un vert pâteux de céramiques à peine teintées.

Jésus marche, comme souvent, à deux ou trois pas en avant de ses disciples. Ils sont tous bien enveloppés dans leurs manteaux de laine.

A un certain moment, Jésus s’arrête et se retourne pour interpeller ses disciples :

« Vous connaissez le chemin ?

– C’est le bon, mais ensuite nous ne savons pas où se trouve la maison, car elle est à l’intérieur des terres… C’est peut-être à l’endroit de ce bosquet d’oliviers…

– Non. Ce doit être là au fond, au contraire, là où se trouvent ces gros arbres nus…

– Il devrait y avoir une route pour les chars… »

En somme, ils ne savent rien de précis. On ne voit personne sur la chaussée ni dans les champs. Ils avancent au hasard, en cherchant leur route.

Ils trouvent une petite maison de pauvres avec deux ou trois petits champs autour. Une petite fille est en train de tirer de l’eau à un puits.

« Paix à toi, fillette, dit Jésus en s’arrêtant à la limite de la haie qui a un passage pour la circulation.

– Paix à toi. Que veux-tu ?

– Un renseignement. Où se trouve la maison d’Ismaël, le pharisien ?

– Tu es perdu, Seigneur. Tu dois revenir au carrefour et prendre la direction du couchant du soleil. Mais il faut marcher beaucoup, beaucoup, car tu dois retourner là-bas, au carrefour, et puis marcher longtemps. Tu as mangé ? Il fait froid et, avec l’estomac vide, on le sent davantage. Entre, si tu veux. Nous sommes pauvres. Mais toi non plus tu n’es pas riche. Tu peux t’en arranger. Viens. »

Et d’une voix perçante, elle appelle :

« Maman ! »

335.2

Une femme de trente-cinq à quarante ans sort sur le seuil. Son visage est honnête mais un peu triste. Elle tient dans les bras un enfant d’environ trois ans, à peine vêtu.

« Entre. Le feu est allumé. Je te donnerai du lait et du pain.

– Je ne suis pas seul, j’ai ces amis.

– Qu’ils entrent tous et que la bénédiction de Dieu soit sur les pèlerins que j’accueille. »

Ils entrent dans une cuisine basse et sombre qu’égaie un feu pétillant. Ils s’asseyent çà et là sur des coffres bruts.

« Maintenant, je vais préparer… C’est le matin… Je n’ai encore rien mis en ordre… Excusez-moi.

– Tu es seule ? »

C’est Jésus qui parle.

« J’ai un mari et des enfants. Sept. Les deux plus grands sont encore au marché de Naïm. C’est à eux d’y aller parce que mon mari est malade. C’est une grande douleur ! Les fillettes m’aident. Celui-ci est le plus petit, mais j’en ai encore un autre à peine plus grand. »

Le petit, maintenant vêtu de sa tunique, accourt pieds nus vers Jésus et le regarde avec curiosité. Jésus lui sourit. L’amitié est faite.

« Qui tu es ? demande l’enfant avec confiance.

– Je suis Jésus. »

La femme se retourne pour le regarder attentivement. Elle est restée avec un pain dans les mains, entre le foyer et la table. Elle ouvre la bouche pour parler, mais se tait. L’enfant continue :

« Tu vas où ?

– Sur les chemins du monde.

– Pour quoi faire ?

– Pour bénir les gentils enfants et leurs maisons où l’on est fidèle à la Loi. »

335.3

La femme se retourne pour faire un geste, puis elle fait un signe à Judas qui est le plus près d’elle. Il se penche vers la femme qui demande :

« Qui est ton ami ? »

Et Judas, hautain, (il donne l’impression que c’est grâce à son mérite et à sa faveur que Jésus est le Messie):

« C’est le Rabbi de Galilée, Jésus de Nazareth. Tu l’ignores, femme ?

– La Galilée n’est pas à notre portée et moi, j’ai tant de soucis ! Mais… est-ce que je pourrais lui en parler ?

– Tu le peux » dit avec condescendance Judas.

On dirait un gros bonnet qui accorde une audience…

Jésus continue de parler avec l’enfant qui lui demande s’il a lui aussi des enfants. Pendant que la fillette déjà vue et une autre un peu plus grande apportent du lait et des bols, la femme s’approche de Jésus. Elle reste un peu hésitante, puis elle pousse un cri étouffé :

« Jésus, aie pitié de mon mari ! »

Jésus se lève. Il la domine de sa grande taille, mais il la regarde avec tant de bonté qu’elle s’enhardit.

« Que veux-tu que je fasse ?

– Il est très malade, gonflé comme une outre, il ne peut plus se baisser pour travailler. Il ne trouve pas de repos, car il étouffe et s’agite… Et nous avons des enfants encore petits…

– Tu veux que je le guérisse ? Mais pourquoi attends-tu cela de moi ?

– Parce que c’est toi. Je ne te connaissais pas, mais j’ai entendu parler de toi. Le hasard t’a conduit chez moi après que je t’ai cherché à Naïm et à Cana à trois reprises. Deux fois, mon mari était présent lui aussi. Il te cherchait, malgré la souffrance qu’il éprouvait à se déplacer en char… Encore maintenant, il est parti avec son frère… On nous avait rapporté que le Rabbi, ayant quitté Tibériade, allait à Césarée de Philippe. Il s’y est rendu pour t’attendre…

– Je ne suis pas allé à Césarée.

335.4

Je vais chez le pharisien Ismaël, après quoi je me dirigerai vers le Jourdain…

– Toi, qui es bon, tu vas chez Ismaël ?

– Oui. Pourquoi ?

– Parce que… parce que… Seigneur, je sais que tu dis de ne pas juger, de pardonner et de s’aimer. Je ne t’ai jamais vu, mais j’ai cherché à me renseigner sur toi, le plus que je pouvais, et j’ai prié l’Eternel de pouvoir t’entendre ne serait-ce qu’une fois. Je ne veux pas faire quoi que ce soit qui te déplaise… Mais comment ne pas juger Ismaël et l’aimer ? Moi, je n’ai rien de commun avec lui et je n’ai donc rien à lui pardonner. Les insolences qu’il nous lance à la figure quand il rencontre notre pauvreté sur son chemin, nous les secouons avec la même patience que nous secouons la boue ou la poussière qu’il projette sur nous en passant rapidement en char. Mais l’aimer et ne pas le juger, c’est trop difficile… Il est tellement méchant !

– Il est tellement méchant ? Avec qui ?

– Avec tout le monde. Il opprime ses serviteurs, il prête avec usure, et il a des exigences cruelles. Il n’aime que lui-même. Il est le plus cruel de la région. Il ne mérite rien, Seigneur.

– Je le sais. Tu dis vrai.

– Et tu vas chez lui ?

– Il m’a invité.

– Méfie-toi, Seigneur. Il ne l’a sûrement pas fait par amour. Il ne peut pas t’aimer. Et toi… tu ne peux pas l’aimer.

– Moi, j’aime même les pécheurs, femme. Je suis venu pour sauver ceux qui sont perdus…

– Mais lui, tu ne le sauveras pas. Oh ! Pardon d’avoir jugé ! Toi, tu sais… Tout est bien de ce que tu fais ! Pardonne à ma sotte langue et ne me punis pas.

– Je ne te punis pas, mais ne le fais plus. Aime même les méchants, non pas pour leur méchanceté, mais parce que c’est par l’amour qu’on leur obtient la miséricorde qui les convertit. Tu es bonne et désireuse de l’être encore davantage. Tu aimes la vérité, et la Vérité qui te parle te dit qu’elle t’aime, car selon la Loi[1], tu as pitié de l’hôte et du pèlerin et c’est ainsi que tu as élevé tes enfants. Dieu sera ta récompense.

335.5

Je dois aller chez Ismaël qui m’a invité pour me présenter à ses nombreux amis qui veulent faire ma connaissance. Je ne puis attendre ton mari qui, sache-le, est sur le chemin du retour. Mais dis-lui de souffrir encore un peu et de venir tout de suite chez Ismaël. Viens, toi aussi. Je le guérirai.

– Oh ! Seigneur !… »

La femme est à genoux aux pieds de Jésus et le regarde, riant et pleurant à la fois. Puis elle dit :

« Mais c’est le sabbat, ce soir !…

– Je le sais. J’ai besoin que ce soit le sabbat pour dire quelque chose à ce propos à Ismaël. Tout ce que je fais, je le fais dans un but clair et exempt d’erreur. Sachez-le tous, même vous, mes amis qui avez peur et voudriez que je conforme ma conduite aux convenances humaines pour ne pas en subir de dommage. C’est l’amour qui vous guide, je le sais. Mais vous devez savoir aimer mieux celui que vous aimez, en ne faisant jamais passer l’intérêt divin après l’intérêt de celui que vous aimez. Femme, je pars et je t’attends. Qu’une paix perpétuelle règne dans cette maison où l’on aime Dieu et sa Loi, où l’on respecte le mariage et où l’on élève saintement les enfants, où l’on aime son prochain et où l’on recherche la vérité. Adieu. »

Jésus pose la main sur la tête de la femme et des deux fillettes, il se penche pour embrasser les enfants plus petits, et il sort.

Un faible soleil d’hiver tempère maintenant la fraîcheur de l’air. Un garçon d’environ quinze ans attend avec un char rudimentaire en très mauvais état.

« Je n’ai que cela, Seigneur. Mais tu auras plus vite fait et plus commodément.

– Non, femme. Garde frais le cheval pour venir chez Ismaël. Montre-moi seulement la route la plus courte. »

Le garçon l’accompagne et, à travers champs et prés, ils se dirigent vers une ondulation de terrain. Au-delà s’étend une vaste cuvette de quelques hectares bien cultivée, au milieu de laquelle se trouve une belle maison, large et basse, entourée d’un jardin bien entretenu.

« Voici la maison, Seigneur » dit le garçon. « Si tu n’as plus besoin de moi, je vais rentrer chez nous pour aider ma mère.

– Va et sois toujours un bon fils. Dieu est avec toi. »

335.6

Jésus entre dans la somptueuse maison de campagne d’Ismaël. Des serviteurs en grand nombre accourent à la rencontre de l’Hôte, certainement attendu. D’autres vont prévenir le maître qui sort au devant de Jésus en s’inclinant profondément.

« Sois le bienvenu chez moi, Maître !

– Paix à toi, Ismaël Ben Fabi. Tu as désiré ma présence : je viens. Pourquoi m’as-tu invité ?

– Pour avoir l’honneur de t’accueillir et te présenter mes amis. Je veux qu’ils soient aussi les tiens, comme je veux que tu sois pour moi un ami.

– Je suis l’ami de tout le monde, Ismaël.

– Je le sais. Mais, tu comprends ! Il est bon d’avoir des amitiés en haut lieu. La mienne et celle de mes amis sont de cet ordre. Toi, pardonne-moi de te le dire, tu négliges trop ceux qui peuvent t’appuyer…

– Et tu es de ceux-ci ? Pourquoi ?

– Je suis de ceux-ci. Pourquoi ? Parce que je t’admire et que je veux que tu sois pour moi un ami.

– Un ami ! Mais sais-tu, Ismaël, le sens que je donne à ce mot ? Pour beaucoup, un ami veut dire une connaissance, pour d’autres un complice, pour d’autres un serviteur. Pour moi cela veut dire : une personne fidèle à la Parole du Père. Qui n’est pas cela ne peut être un ami pour moi, ni moi pour lui.

– Mais c’est justement parce que je veux être fidèle que je désire ton amitié, Maître. Tu ne le crois pas ?

335.7

Regarde : voici Eléazar qui arrive. Demande-lui comment je t’ai défendu auprès des Anciens. Eléazar, je te salue. Viens, car le Rabbi veut te demander quelque chose. »

Profondes salutations et réciproques coups d’œil investiga­teurs.

« Toi, Eléazar, raconte ce que j’ai dit du Maître la dernière fois que nous nous sommes réunis » dit Ismaël.

Il s’en va et laisse son ami auprès de Jésus.

« Oh ! Un véritable éloge ! Une défense passionnée ! Il m’est alors venu l’envie de t’entendre, tant Ismaël parlait de toi, Maître, comme du plus grand Prophète qui ait été envoyé au peuple d’Israël. Je me souviens qu’il disait que personne n’avait une parole plus profonde que la tienne, n’exerçait une fascination plus grande, et que si tu sais mettre en œuvre l’épée aussi bien que tu sais parler, il n’y aura pas de roi plus grand que toi en Israël.

– Mon Royaume !… Ce Royaume n’est pas terrestre, Eléazar.

– Mais le roi d’Israël ?!

– Que vos esprits s’ouvrent pour comprendre le sens des paroles secrètes. Le Royaume du Roi des rois viendra, mais pas selon la façon de voir humaine. Non pas pour ce qui périt, mais pour ce qui est éternel. On y arrive ni par un chemin bien paré et triomphal, ni sur un tapis que le sang des ennemis rend pourpre, mais par le rude chemin du sacrifice et par la douce échelle du pardon et de l’amour. Ce sont les victoires contre nous-mêmes qui nous donneront ce Royaume. Dieu veuille que le plus grand nombre de juifs puissent me comprendre. Mais ce ne sera pas le cas. Vous pensez ce qui n’est pas. Dans ma main, il y aura un sceptre royal et éternel, et c’est le peuple d’Israël qui l’y aura mis. Aucun roi ne pourra l’enlever à ma Maison. Mais beaucoup en Israël ne pourront le voir sans frémir d’horreur, car il portera un nom qui sera atroce pour eux.

– Tu nous crois incapables de te suivre ?

– Si vous le vouliez, vous le pourriez. Mais vous ne le voulez pas. Et pourquoi ne le voulez-vous pas ? Vous êtes âgés à présent. L’âge devrait vous donner compréhension et justice. Justice aussi pour vous-mêmes. Les jeunes… pourront se tromper et se repentir plus tard. Mais vous ! La mort est toujours proche pour les plus âgés. Eléazar, tu es moins enveloppé dans les théories que beaucoup de tes semblables. Ouvre ton cœur à la Lumière… »

335.8

Ismaël revient avec cinq autres pharisiens cérémonieux.

« Venez donc dans la maison » dit le maître.

Et, quittant l’atrium garni de sièges et de tapis, ils entrent dans une pièce où on leur apporte des amphores et des bassines pour les ablutions. Puis ils passent dans la salle à manger, très richement préparée.

« Jésus à côté de moi, entre Eléazar et moi » ordonne le maître de maison.

Et Jésus, qui s’était tenu au fond de la salle près des apôtres un peu intimidés et laissés de côté, doit s’asseoir à la place d’honneur.

Le repas commence par de nombreux plats de viandes et de poissons rôtis. Des vins et, me semble-t-il, des sirops ou au moins de l’hydromel, passent et repassent.

335.9

Tous essaient de faire parler Jésus. L’un d’eux, très âgé, tout tremblotant, demande d’une voix éraillée de vieillard décrépit :

« Maître, est-ce vrai que tu as l’intention de modifier la Loi, comme on le prétend ?

– Je ne changerai pas un iota à la Loi. Au contraire (et Jésus appuie sur les mots), je suis venu précisément pour la rendre de nouveau intacte comme quand elle fut donnée à Moïse.

– Voudrais-tu dire qu’elle a été changée ?

– Non, jamais. Elle a seulement subi le sort de toutes les institutions éminentes remises dans la main des hommes.

– Que veux-tu dire ? Précise.

– Je veux dire que l’homme, par suite de l’ancien orgueil ou sous l’influence de l’ancien foyer de la triple concupiscence, a voulu en retoucher les paroles droites et en a fait un fatras qui opprime les fidèles alors que, pour ceux qui les ont retouchées, ce n’est qu’un amas de phrases… qu’on laisse à l’usage des autres.

– Mais, Maître ! Nos rabbins…

– C’est une accusation !

– Ne nous déçois pas dans notre désir de t’être utile !

– Ah ! Ils ont bien raison de te traiter de révolté !

– Silence ! Jésus est mon hôte. Qu’il parle en toute liberté.

– Nos rabbins, pour commencer, se sont ingéniés et ont peiné dans l’intention sainte de rendre plus facile l’application de la Loi. Dieu lui-même a commencé cet enseignement quand, aux paroles des dix commandements, il a ajouté des explications plus détaillées. Cela pour que l’homme n’ait pas l’excuse de ne pas avoir su comprendre. Donc l’œuvre des maîtres qui ont coupé en petits morceaux pour les petits de Dieu le pain donné par Dieu à l’esprit fut une œuvre sainte. Mais elle est sainte si elle tend vers un but honnête. Ce n’a pas toujours été le cas, et maintenant moins que jamais. Mais pourquoi voulez-vous me le faire dire, vous qui vous offensez si je vous énumère les fautes des puissants ?

– Des fautes ! Des fautes ! Nous n’avons que des fautes, nous ?

– Je voudrais bien que vous n’ayez que des mérites !

– Mais nous ne les avons pas. C’est ce que tu penses, et ton regard le confirme.

335.10

Jésus, ce n’est pas en critiquant que l’on acquiert l’amitié des puissants. Tu ne règneras pas. Tu n’en connais pas l’art.

– Je ne demande pas à régner comme vous l’imaginez, et je ne mendie pas des amitiés. C’est l’amour que je veux, mais un amour honnête et saint. Un amour qui va de moi à ceux que j’aime, et qui se manifeste en faisant preuve à l’égard des pauvres de ce dont je prêche l’usage : la miséricorde.

– Moi, depuis que je t’ai entendu, je ne prête plus à usure, dit l’un.

– Et Dieu t’en récompensera.

– Après qu’on m’eut rapporté l’une de tes paraboles, dit un autre, le Seigneur m’est témoin que je n’ai plus frappé mes serviteurs qui auraient mérité le fouet.

– Et moi ? Ce sont plus de dix boisseaux d’orge que j’ai laissés dans les champs pour les pauvres ! » s’exclame son voisin.

Les pharisiens se louent copieusement.

Ismaël a gardé le silence. Jésus l’interpelle :

« Et toi, Ismaël ?

– Oh ! Moi… Moi, j’ai toujours fait preuve de miséricorde. Je n’ai qu’à continuer comme j’ai toujours agi.

– C’est bien pour toi ! S’il en est réellement ainsi, tu es l’homme qui ne connaît pas les remords.

– Ah ! Certainement pas ! »

Jésus le transperce de son œil de saphir.

335.11

Eléazar touche le bras de Jésus :

« Maître, écoute-moi. J’ai un cas particulier à te soumettre. J’ai acquis récemment la propriété d’un malheureux qui s’est ruiné pour une femme. Il me l’a vendue, mais sans me dire qu’il y avait une vieille servante, sa nourrice, désormais aveugle et presque idiote. Le vendeur n’en veut pas. Moi… j’aurais préféré qu’elle s’en aille. Mais la jeter à la rue… Que ferais-tu, Maître ?

– Toi, que ferais-tu si tu devais donner un conseil à un autre ?

– Je dirais : “ Garde-la. Ce n’est pas un pain qui va te ruiner. ”

– Et pourquoi parlerais-tu ainsi ?

– Mais… parce que je pense que c’est ainsi que j’agirais et je voudrais qu’on agisse ainsi à mon égard…

– Tu es très près de la justice, Eléazar. Agis comme tu conseil­lerais de le faire et le Dieu de Jacob sera toujours avec toi.

– Merci, Maître. »

Les autres bougonnent entre eux.

« Qu’avez-vous à murmurer ? » demande Jésus. « N’ai-je pas dit ce qui est juste ? Et lui, n’a-t-il pas parlé avec justice ? Ismaël, défends tes hôtes, toi qui as toujours agi avec miséricorde.

– Maître, tu parles bien, mais… si on agissait toujours ainsi !… On serait victime des autres.

– Et il vaut mieux, selon toi, que ce soient les autres qui soient nos victimes, n’est-ce pas ?

– Je ne dis pas cela. Mais il y a des cas…

– La Loi prescrit d’avoir pitié…

– Oui, pour le frère pauvre, pour l’étranger, le pèlerin, la veuve et l’orphelin. Mais cette vieille femme, qui est tombée dans les bras d’Eléazar, n’est pas sa sœur, ni pèlerine, ni étrangère, ni orpheline ou veuve. Elle n’est rien pour lui. Ni plus ni moins qu’un vieux tableau, oublié par son vrai maître dans la propriété vendue. Eléazar pourrait donc la chasser sans le moindre scrupule. Enfin, la responsabilité de la mort de la vieille ne lui reviendrait pas à lui, mais à son ancien maître…

– … qui ne peut plus la garder puisqu’il est pauvre lui aussi, et par conséquent lui aussi est exempt d’obligations. De sorte que si la petite vieille meurt de faim, c’est elle qui est coupable, n’est-ce pas ?

– C’est cela, Maître. C’est le sort de ceux… qui ne servent plus. Les malades, les vieillards, les incapables sont condamnés à la misère, à la mendicité. Et la mort est ce qu’il y a de mieux pour eux… C’est ainsi depuis que le monde est monde, et il en sera toujours ainsi…

335.12

– Jésus, aie pitié de moi ! »

On entend ce cri de détresse malgré les fenêtres fermées, car la salle est bien close et les lampes allumées, sans doute à cause du froid.

« Qui m’appelle ?

– Quelque importun. Je vais le faire chasser. Ou quelque mendiant. Je lui ferai donner un pain.

– Jésus, je suis malade. Sauve-moi !

– Je l’ai dit : un importun. Je punirai les serviteurs pour l’avoir fait passer. »

Et Ismaël se lève. Mais Jésus, plus jeune d’au moins vingt ans et qui le dépasse du cou et de la tête, l’oblige à se rasseoir en lui mettant la main sur l’épaule et en ordonnant :

« Reste, Ismaël. Je veux voir celui qui me cherche. Faites-le entrer. »

Un homme aux cheveux encore noirs entre. Il peut avoir dans les quarante ans. Mais il est enflé comme un tonneau et jaune comme un citron, avec les lèvres violettes entrouvertes et la bouche haletante. Il est accompagné par la femme de la première partie de la vision.

L’homme avance avec peine à cause de sa maladie et parce qu’il a peur : il voit qu’on le regarde d’un si mauvais œil ! Mais Jésus a quitté sa place et s’est approché du malheureux pour le prendre par la main et l’amener au milieu de la salle, dans l’espace vide entre les tables disposées en fer à cheval. Exactement sous le lampadaire.

« Que veux-tu de moi ?

– Maître… je t’ai tant cherché… depuis si longtemps… Je ne veux rien que la santé… pour mes enfants et ma femme… Toi, tu peux tout… Vois à quoi je suis réduit…

– Et tu crois que je puis te guérir ?

– Si je le crois !… Chaque pas m’est douloureux… chaque secousse pénible… et pourtant j’ai fait des milles pour te chercher… puis je t’ai suivi aussi en char… mais je ne te rattrapais jamais… Si je le crois !… Je suis étonné de n’être pas encore guéri, depuis que ma main est dans la tienne, car tout en toi est saint, ô Saint de Dieu. »

Le pauvre homme souffle comme un phoque sous l’effort qu’il fait pour tant parler. La femme regarde son mari et Jésus, et elle pleure.

335.13

Jésus les observe et sourit. Puis il se retourne et demande :

« Toi, vieux scribe (il parle au vieil homme à la voix chevrotante qui a parlé le premier), réponds-moi : est-il permis de guérir un jour de sabbat ?

– Pendant le sabbat aucun travail n’est permis.

– Même pas de sauver quelqu’un du désespoir ? Ce n’est pas un travail manuel.

– Le sabbat est consacré au Seigneur.

– Quelle œuvre plus digne d’un jour sacré que de faire en sorte qu’un fils de Dieu dise à son Père : “ Je t’aime et je te loue parce que tu m’as guéri ” ?

– Il doit le faire même s’il est malheureux.

– Chanania, sais-tu qu’en ce moment ton bois le plus beau est en train de brûler, et que toute la pente du mont Hermon rougit de l’éclat des flammes ? »

Le vieil homme bondit comme si un serpent l’avait mordu :

« Maître, dis-tu la vérité ou bien est-ce une plaisanterie ?

– Je dis la vérité. Je vois et je sais.

– Ah ! Malheureux que je suis ! Mon bois le plus beau ! Des milliers de sicles[2] en cendres ! Malédiction ! Maudits soient les chiens qui m’y ont mis le feu ! Que leurs viscères brûlent comme mon bois ! »

Le petit vieux est désespéré.

« Ce n’est qu’un bois, Canania[3], et tu te plains ! Pourquoi ne loues-tu pas le Seigneur dans ce malheur ? Cet homme ne perd pas du bois qui repousse, mais la vie et le pain de ses enfants, et il devrait louer quand toi tu ne le fais pas ? Donc, scribe, il ne m’est pas permis de le guérir le jour du sabbat ?

– Maudit soyez-vous, toi, lui et le sabbat ! J’ai bien autre chose à penser, moi… »

Et, bousculant Jésus qui lui avait mis une main sur le bras, il sort furieux et on l’entend brailler de sa voix chevrotante pour avoir son char.

« Et maintenant ? » demande Jésus en tournant son regard vers les autres. « A votre tour, dites-moi : est-ce permis ou non ? »

Personne ne répond. Eléazar baisse la tête après avoir entrouvert les lèvres, que pourtant il referme, saisi par le froid qui a envahi la salle.

« Eh bien ! Moi, je vais parler » dit Jésus.

Son aspect est imposant et sa voix est un tonnerre comme toujours quand il va opérer un miracle.

« Je vais parler. Je parle. Je dis : homme, qu’il te soit fait selon ce que tu crois. Tu es guéri. Loue l’Eternel. Va en paix. »

L’homme reste interdit. Peut-être pensait-il redevenir d’un coup agile comme autrefois. Et il lui semble qu’il n’est pas guéri. Mais qui sait ce qu’il ressent… il pousse un cri de joie, se jette aux pieds de Jésus et les baise.

« Va, va ! Sois toujours bon. Adieu ! »

L’homme sort, suivi de la femme qui, jusqu’au dernier moment, se retourne pour saluer Jésus.

335.14

« Pourtant, Maître… Dans ma maison… Le jour du sabbat…

– Tu n’approuves pas ! Je le sais. Et c’est pour cela que je suis venu. Mon ami, toi ? Non. Mon ennemi. Tu n’es pas sincère avec moi, ni avec Dieu.

– Tu m’offenses, maintenant ?

– Non, je dis la vérité. Tu as dit qu’Eléazar n’est pas tenu de secourir cette petite vieille parce qu’elle n’appartient pas à sa propriété. Mais toi, tu avais deux orphelins[4] dans ta propriété. C’étaient les enfants de deux serviteurs fidèles qui sont morts à la tâche, l’un avec la faux en main, l’autre tuée par une fatigue excessive. Pour que tu la gardes, tu avais exigé qu’elle ajoute à son service celui de son mari. Tu disais : “ J’ai passé un contrat pour deux travailleurs et, pour te garder, j’exige ton travail et celui du mort. ” C’est ce qu’elle a fait, et elle est morte avec l’enfant qu’elle portait, car cette femme était mère, et elle n’a pas obtenu la pitié que l’on a pour une bête qui engendre. Où sont maintenant ces deux enfants ?

– Je ne sais pas… Ils ont disparu, un jour.

– Ne mens pas maintenant. Avoir été cruel suffit. Il ne faut pas ajouter le mensonge pour rendre tes sabbats odieux à Dieu, même s’ils sont exempts d’œuvres serviles. Où sont ces enfants ?

– Je ne sais pas. Je ne sais plus, sois-en sûr.

– Moi, je le sais. Je les ai trouvés un soir de novembre, froid, pluvieux, sombre. Je les ai trouvés affamés et tremblants, près d’une maison, comme deux petits chiens à la recherche d’une bouchée de pain… Maudits et chassés par un homme qui avait des entrailles de chien, un homme pire qu’un chien, car un chien aurait eu pitié de ces deux orphelins. Or cet homme et toi, vous n’avez pas eu pitié. Leurs parents ne te servaient plus, n’est-ce pas ? Ils étaient morts. Les morts ne peuvent que pleurer dans leurs tombeaux, en entendant les sanglots de leurs enfants malheureux dont les autres ne s’occupent pas. Cependant les morts portent à Dieu, par leur âme, leurs pleurs et ceux de leurs enfants orphelins, et ils disent : “Seigneur, à toi d’exercer nos vengeances, puisque le monde opprime quand il ne peut plus exploiter. ” Les deux enfants n’étaient pas encore en âge de te servir, n’est-ce pas ? Oui et non, car la petite pouvait servir pour glaner… Et tu les as chassés, en leur refusant même le peu de bien qui appartenait à leurs parents. Ils pouvaient mourir de faim et de froid comme deux chiens au bord d’une route. Ils pouvaient vivre en devenant, l’un voleur, l’autre une prostituée, car la faim porte au péché. Mais que t’importait ?

A l’instant, tu as cité la Loi à l’appui de tes théories. Or la Loi ne dit-elle pas : “ Ne faites pas tort à la veuve et à l’orphelin. Si vous leur faites du tort, leurs voix s’élèveront vers moi, j’entendrai leurs cris et ma fureur s’enflammera ; je vous exterminerai par l’épée, et vos femmes resteront veuves et vos enfants orphelins ” ? N’est-ce pas ce que dit la Loi ? Alors, pourquoi ne l’observes-tu pas ? Tu m’as défendu auprès des autres ? Alors pourquoi ne prends-tu pas la défense de ma doctrine en toi-même ? Tu veux être pour moi un ami ? Alors pourquoi fais-tu le contraire de ce que je dis ? L’un de vous est en train de courir à perdre haleine, en s’arrachant les cheveux à cause de la ruine de son bois. Et il ne se les arrache pas pour les ruines de son cœur ! Et toi, qu’attends-tu pour le faire ?

335.15

Pourquoi voulez-vous vous croire parfaits, vous à qui le sort a donné une haute situation ? Et même si vous l’êtes en quelque chose, pourquoi ne cherchez-vous pas à l’être en tout ? Pourquoi me haïssez-vous parce que je découvre vos plaies ? Je suis le Médecin de votre âme. Est-ce qu’un médecin peut guérir sans mettre à nu et nettoyer les plaies ? Mais ne savez-vous pas que beaucoup – et cette femme qui est sortie est de leur nombre – méritent la première place au banquet de Dieu en dépit de leur piètre apparence ? Ce n’est pas l’extérieur qui a de la valeur, mais le cœur et l’âme. Dieu vous voit du haut de son trône, et il vous juge. Combien il en voit qui valent mieux que vous ! Par conséquent, écoutez-moi :

Prenez toujours comme règle de conduite ceci : quand on vous invite à un banquet de noces, choisissez toujours la dernière place. Il vous en reviendra un double honneur quand le maître vous dira : “ Mon ami, avance ” : honneur de mérite et honneur d’humilité. Alors que… Quel triste moment pour un orgueilleux d’avoir la honte de s’entendre dire : “ Va là-bas, au fond, car il y a quelqu’un de plus important que toi. ” Et faites la même chose dans le banquet secret de votre âme pour les noces avec Dieu. Qui s’abaisse sera élevé, et qui s’élève sera rabaissé.

335.16

Ismaël, ne me hais pas, car je te soigne. Moi, je ne te hais pas. Je suis venu pour te guérir. Tu es plus malade que cet homme. Tu m’as invité pour te donner du prestige à toi-même et satisfaire tes amis. Tu invites souvent, mais par orgueil et pour ton plaisir. Ne le fais pas. N’invite pas les riches, les parents, les amis. Mais ouvre ta maison, ouvre ton cœur aux pauvres, aux mendiants, aux estropiés, aux boiteux, aux orphelins et aux veuves. Ils ne te donneront en échange que des bénédictions. Mais Dieu les changera pour toi en grâces. Et à la fin… oh ! À la fin, quel sort bienheureux pour tous les miséricordieux qui seront récompensés par Dieu à la résurrection des morts !

Malheur à ceux qui caressent seulement un espoir de profit puis ferment leur cœur au frère qui ne peut plus servir. Malheur à eux ! Je vengerai ceux qui ont été abandonnés.

– Maître… je… je veux te satisfaire. Je reprendrai ces enfants.

– Non.

– Pourquoi ?

– Ismaël !… »

Ismaël baisse la tête. Il veut faire l’humble. Mais c’est une vipère à laquelle on a extrait le venin et elle ne mord plus parce qu’elle sait qu’elle n’en a plus ; toutefois elle attend le moment de mordre…

335.17

Eléazar essaie de ramener la paix en disant :

« Bienheureux ceux qui prennent part au banquet de Dieu dans leur âme et dans le Royaume éternel. Mais crois-le bien, Maître, c’est la vie qui nous apporte des obstacles. Les charges… les occupations… »

Alors Jésus dit la parabole[5] du banquet et achève :

« Les charges… les occupations, as-tu dit. C’est vrai. C’est pour cela que je t’ai dit, au commencement de ce banquet, que mon Royaume se conquiert par des victoires sur soi-même et non par des victoires sur des champs de bataille. La place au grand Banquet est destinée à ces humbles de cœur qui savent être grands par leur fidèle amour qui ne mesure pas le sacrifice et qui surmonte tout pour venir à moi. Même une heure suffit pour changer un cœur, pourvu que ce cœur le veuille. Et il suffit d’une parole. Je vous en ai dit tellement ! Et je regarde… Dans un cœur va naître une plante sainte. Dans les autres, des ronces pour moi et, dans ces ronces, des aspics et des scorpions. Peu importe. Je vais droit mon chemin. Qui m’aime me suive. Je marche en appelant à ma suite. Que ceux qui ont le cœur droit viennent à moi. Je vais en instruisant. Que ceux qui cherchent la justice s’ap­prochent de la Source. Pour les autres… pour les autres, c’est le Père saint qui les jugera.

Ismaël, je te salue. Ne me hais pas. Réfléchis. Et rends-toi compte que j’ai été sévère par amour, non par haine. Paix à cette maison et à ceux qui l’habitent, paix à tous si vous la méritez. »

335.1

Veo a Jesús que va andando rápidamente por una vía de primer orden que el viento frío de una mañana de invierno barre y endurece. Los campos, aquende y allende la vía, apenas presentan una tímida pelusa de gramíneas que ya brotan, un velo de verde en que hay una promesa de futuro pan, pero una promesa que apenas si ha sido pensada. Los surcos umbrosos carecen todavía de este verde bendito; sólo los que están en lugares más soleados tienen ese verdear, tan leve y ya tan festivo porque habla de próxima primavera. Los árboles frutales están todavía desnudos; ni siquiera una yema se hincha en sus obscuras ramas. Sólo los olivos presentan su eterno pardo verde, triste tanto bajo el sol de agosto como bajo este claror de reciente mañana invernal. Y, como ellos, también tienen verde — un verde pastoso de cerámicas acabadas de pintar — las carnosas hojas de las cácteas.

Jesús camina, como sucede a menudo, dos o tres pasos más adelante que los discípulos. Van todos bien tapados con sus mantos de lana. En llegando a un punto, Jesús se para, se vuelve y pregunta a los discípulos: «¿Conocéis bien el camino?».

«El camino es éste. Pero… ¿la casa?… no se sabe, porque está en el interior… Quizás allí, donde aquella mata de olivos…».

«No. Debe estar allá al final, donde aquellos árboles grandes sin hojas…».

«Debería haber un camino para carros…».

En definitiva, no saben nada con precisión. No se ven personas ni por la vía ni por los campos. Van sin rumbo definido, hacia delante, buscando el camino.

Encuentran una pequeña casita de pobres, con dos o tres terrenitos alrededor. Una niña saca agua de un pozo.

«Paz a ti, niña» dice Jesús mientras se detiene en el limen del seto, que tiene una abertura para quien va o viene.

«Paz a ti. ¿Qué quieres?».

«Una información. ¿Dónde está la casa de Ismael el fariseo?».

«Vas mal por aquí, Señor. Tienes que volver a la bifurcación y tomar el camino que va hacia donde se pone el Sol. Pero tienes que andar mucho, mucho, porque tienes que volver allí, a la bifurcación, y luego andar y andar. ¿Has comido? Hace frío y se siente más con el estómago vacío. Entra, si quieres. Somos pobres. Pero tú tampoco eres rico. Te puedes adaptar. Ven». Y llama con voz aguda: «¡Mamá!».

335.2

Se asoma a la puerta una mujer de unos treinta y cinco o cuarenta años. Su cara es honesta, aunque un poco triste. Lleva en brazos a un niño de unos tres años, medio desnudo.

«Entra. El fuego está encendido. Voy a darte leche y pan».

«No vengo sólo. Tengo conmigo a estos amigos».

«Que entren todos y que la bendición de Dios descienda sobre los peregrinos mis huéspedes».

Entran en una cocina baja y obscura alegrada por un fuego vivo. Se sientan acá o allá en rústicos arquibancos.

«Ahora os preparo… Es pronto… No he puesto en orden nada todavía… Perdonad».

«¿Vives sola?». Es Jesús el que habla.

«Tengo marido e hijos. Siete. Los dos mayores están todavía en el mercado de Naím. Tienen que ir ellos porque mi marido está enfermo. ¡Qué pena!… Las niñas me ayudan. Éste es el más pequeño. Pero tengo otro muy poco mayor que él».

El pequeñuelo, ya vestido con su tuniquita, corre descalzo hacia Jesús y le mira con curiosidad. Jesús le sonríe. Ya son amigos.

«¿Quién eres?» pregunta el niño con confianza.

«Soy Jesús».

La mujer se vuelve y le mira atentamente. Se ha quedado ahí, con un pan en las manos, entre el hogar y la mesa. Abre la boca para hablar, pero calla.

El niño continúa: «¿A dónde vas?».

«Voy por los caminos del mundo».

«¿Para qué?».

«Para bendecir a los niños buenos y a sus casas, donde hay fidelidad a la Ley».

335.3

La mujer hace otra vez un gesto. Luego hace una seña a Judas Iscariote, que es el que está más cerca de ella. Judas se inclina hacia la mujer, y ésta pregunta: «¿Pero quién es tu amigo?».

Y Judas, todo presumido (parece como si el Mesías fuera tal por su mérito y bondad): «Es el Rabí de Galilea, Jesús de Nazaret. ¿No lo sabes mujer?».

«¡Esta vía queda apartada y yo tengo muchas penas!… Pero… ¿podría hablarle?».

«Puedes» dice con entono Judas. Me parece como una persona importante del mundo concediendo audiencia…

Jesús sigue hablando con el niño, que le pregunta si tiene también Él niños.

Mientras la niña vista antes y otra más mayorcita traen leche y avíos de mesa, la mujer se acerca a Jesús. Un momento de pausa y luego un grito ahogado: «¡Jesús, piedad de mi marido!».

Jesús se levanta. La domina con su estatura, pero la mira con tanta bondad, que ella recobra la seguridad. «¿Qué quieres que haga?».

«Está muy enfermo. Hinchado como un odre. No puede ya agacharse y trabajar. No puede descansar porque se ahoga, y se agita… Y nuestros hijos son todavía pequeñitos…».

«¿Quieres que le cure? ¿Pero, por qué lo quieres de mí?».

«Porque Tú eres Tú. No te conocía, pero había oído hablar de ti. La fortuna te ha conducido a mi casa después de haberte buscado yo tres veces en Naím y en Caná. Dos veces estaba también mi marido. Ir en carro le hace sufrir mucho, y, no obstante, te buscaba… Está también fuera ahora, con su hermano… Nos habían comunicado que el Rabí, dejada Tiberíades, iba hacia Cesarea de Filipo. Ha ido allí a esperarte…».

«No he ido a Cesarea.

335.4

Voy a casa del fariseo Ismael y luego hacia el Jordán…».

«¡Tú, que eres bueno, donde Ismael?».

«Sí. ¿Por qué?».

«Porque… porque… Señor, sé que dices que no hay que juzgar, que hay que perdonar y que tenemos que amarnos. No te había visto nunca. Pero he tratado de saber de ti lo más que podía, y rogaba al Eterno poderte escuchar al menos una vez. No quiero hacer nada que te desagrade… Pero, ¿cómo se puede no juzgar a Ismael, y amarle? No tengo nada en común con él, y, por tanto, no tengo nada que perdonarle. Nos sacudimos las insolencias que nos lanza cuando encuentra nuestra pobreza en su camino, con la misma paciencia con que nos sacudimos el barro y el polvo que nos echa cuando pasa rápido con sus carruajes. Pero amarle y no juzgarle es demasiado difícil… ¡Es muy malo!».

«¿Es muy malo? ¿Con quién?».

«Con todos. Subyuga a sus siervos, presta con usura, y es exigente hasta la crueldad. Sólo se ama a sí mismo. Es el más cruel de la comarca. No lo merece, Señor».

«Lo sé. Dices la verdad».

«¿Y Tú vas allí?».

«Me ha invitado».

«Desconfía, Señor. No lo habrá hecho por amor. No te puede amar. Y Tú… no le puedes amar».

«Yo amo también a los pecadores, mujer. He venido para salvar a quien está perdido…».

«Pero a éste no le salvarás. ¡Oh, perdón por haber juzgado! Tú eres sabio… Todo lo que haces está bien hecho. Perdona a mi necia lengua y no me castigues».

«No te castigo. Pero no lo vuelvas a hacer. Ama a los malvados también. No por su maldad, sino porque con el amor es como se obtiene para ellos la misericordia que convierte. Tú eres buena y tienes deseos de serlo más todavía. Amas la Verdad, y la Verdad que te está hablando te dice que te ama porque eres compasiva para con el huésped y el peregrino, según la Ley, y así has educado a tus hijos.

Dios será tu recompensa.

335.5

Yo tengo que ir a casa de Ismael, que me ha invitado para presentarme a muchos amigos suyos que me quieren conocer. No puedo esperar más a tu marido. Has de saber que está regresando. Pero, exhórtale a sufrir todavía un poco y dile que venga en seguida a casa de Ismael. Ven tú también. Le curaré».

«¡Oh, Señor!…» la mujer está de rodillas a los pies de Jesús, y le mira con sonrisa y llanto. Luego dice: «¡Pero hoy es sábado!…».

«Lo sé. Necesito que sea sábado para decirle a Ismael algo al respecto. Todo lo que Yo hago lo hago con una finalidad clara y sin error. Sabedlo todos, también vosotros, amigos míos que tenéis miedo y querríais que me comportara según las conveniencias humanas para no recibir, de lo contrario, daño. Os guía el amor. Lo sé. Pero tenéis que saber amar mejor a quien amáis. No posponiendo nunca el interés divino al interés de vuestro amado. Mujer, voy y te espero. La paz sea perenne en esta casa en que se ama a Dios y a su Ley, se respeta el vínculo matrimonial, se educa santamente a la prole, se ama al prójimo y se busca la Verdad. Adiós».

Jesús pone la mano en la cabeza de la mujer y de las dos mocitas y luego se agacha para besar a los niños más pequeños, y sale.

Ahora un solecillo de invierno templa el aire crudo. Un muchacho de unos quince años espera con un rústico carro muy desvencijado.

«Sólo tengo esto, Señor. Pero, en todo caso, llegarás antes y con más comodidad».

«No, mujer. Conserva fresco tu caballo para venir a casa de Ismael. Indícame sólo el camino más corto».

El muchacho se pone a su lado y, por campos y prados, van hacia una ondulación del terreno, tras la cual hay una depresión de algunas hectáreas, bien cultivada, en cuyo centro hay una hermosa casa ancha y baja, circundada por una faja de jardín bien cultivado.

«La casa es aquélla, Señor» dice el muchacho. «Si no te hago más falta, vuelvo a casa para ayudar a mi madre».

«Ve, y sé siempre un hijo bueno. Dios está contigo»…

335.6

…Jesús entra en la suntuosa casa de campo de Ismael. Gran número de siervos acuden al encuentro del Huésped, ciertamente esperado. Otros van a avisar al amo, y éste sale al encuentro de Jesús haciendo profundas reverencias.

«¡Bien vienes, Maestro, a mi casa!».

«Paz a ti, Ismael ben Fabí. Deseabas mi presencia. Vengo. ¿Para qué querías verme?».

«Para ser honrado con tu presencia y para presentarte a mis amigos. Quiero que lo sean también tuyos. De la misma forma que deseo que Tú seas amigo mío».

«Yo soy amigo de todos, Ismael».

«Lo sé. Pero, ya sabes… Conviene tener amistades en las altas esferas. Y la mía y las de mis amigos son de ésas. Tú — perdona si te lo digo — pasas por alto demasiado a quienes te pueden apoyar…».

«¿Y tú eres de ésos? ¿Por qué?».

«Yo soy de ésos. ¿Por qué? Porque te admiro y quiero tenerte como amigo».

«¡Amigo! ¿Pero sabes, Ismael, el significado que doy Yo a esta palabra? Para muchos, “amigo” quiere decir “conocido”; para otros, “cómplice”; para otros, “siervo”. Para mí quiere decir “fiel a la Palabra del Padre”. Quien no es tal no puede ser amigo mío, ni Yo suyo».

«Pero si quiero tu amistad precisamente porque quiero ser fiel, Maestro. ¿No lo crees?

335.7

Mira: ahí llega Eleazar. Pregúntale cómo te he defendido ante los Ancianos. Eleazar, te saludo. Ven, que el Rabí quiere preguntarte una cosa».

Grandes saludos y recíprocas ojeadas indagadoras.

«Di tú, Eleazar, lo que dije del Maestro la última vez que nos reunimos».

«¡Oh, un verdadero elogio! ¡Una defensa apasionada! Ismael habló de ti tanto (como del Profeta más grande que haya venido al pueblo de Israel), Maestro, que sentí apetencia de escucharte. Recuerdo que dijo que ninguno tenía palabra más profunda que la tuya, ni atractivo mayor que el tuyo, y que, si como sabes hablar sabes sujetar la espada, no habrá ningún rey más grande que Tú en Israel».

«¡Mi Reino!… Este Reino no es humano, Eleazar».

«¡¿Pero el Rey de Israel?!».

«Ábranse vuestras mentes para comprender el sentido de las palabras arcanas. Vendrá el Reino del Rey de los reyes. Pero no en la medida humana. No respecto a lo perecedero, sino a lo eterno. A él se accede no por florida vía de triunfos ni sobre purpúrea alfombra de sangre enemiga, sino por empinado sendero de sacrificio y por benigna escalera de perdón y amor. Las victorias contra nosotros mismos nos darán este Reino. Y quiera Dios que la mayor parte de Israel pueda entenderme. Mas no será así. Vosotros pensáis lo que no es. En mi mano habrá un cetro puesto por el pueblo de Israel. Regio y eterno. Ningún rey podrá ya arrebatárselo a mi Casa. Pero muchos en Israel no podrán verlo sin estremecerse de horror, porque tendrá un nombre atroz para ellos».

«¿No nos crees capaces de seguirte?».

«Si quisierais, podríais. Pero no queréis. ¿Por qué no queréis? Sois ya ancianos. La edad debería haceros comprender y ser justos. Justos incluso con vosotros mismos. Los jóvenes… podrán errar y luego arrepentirse. ¡Pero vosotros! La muerte está siempre muy cerca de los ancianos. Eleazar, tú estás menos envuelto en las teorías de muchos de tus iguales. Abre tu corazón a la Luz…».

335.8

Vuelve Ismael con otros cinco pomposos fariseos: «Venid, pues, adentro» dice el amo de la casa. Y, dejado el atrio, rico de sillas y alfombras, entran en una estancia. Traen ánforas y palanganas para las abluciones. Luego pasan al comedor, muy ricamente preparado.

«Jesús a mi lado, entre yo y Eleazar» ordena el amo. Y Jesús, que había permanecido en el fondo de la sala, junto a los discípulos, un poco arredrados y olvidados, debe sentarse en el sitio de honor.

Empieza el banquete, con numerosos servicios de carnes y pescados asados. Vinos y, según me parece, jarabes, o por lo menos aguamieles, pasan una y otra vez.

335.9

Todos tratan de hacer hablar a Jesús. Uno, un viejo todo tembloroso, pregunta con voz bronca de decrépito: «Maestro, ¿es verdad lo que se dice, que pretendes modificar la Ley?».

«No cambiaré ni una iota a la Ley. Es más — y Jesús recalca las palabras —, he venido realmente para devolverle su integridad, como cuando le fue dada a Moisés».

«¿Insinúas que ha sido modificada?».

«De ninguna manera. Ha sufrido la suerte de todas las cosas excelsas que han sido puestas en manos del hombre, nada más».

«¿Qué quieres decir? Especifica».

«Quiero decir que el hombre, por la antigua soberbia o por el antiguo fomes de la triple lujuria, quiso retocar la palabra clara, e hizo de ella una cosa opresiva para los fieles; mientras que para los autores de los retoques no es más que un cúmulo de frases que… bueno, que es para los demás».

«¡Pero, Maestro! Nuestros rabíes…».

«¡Esto es una acusación!».

«¡No frustres nuestro deseo de favorecerte!…».

«¡Ah, ya! ¡Tienen razón cuando te llaman rebelde!».

«¡Silencio! Jesús es mi invitado. Que hable libremente».

«Nuestros rabíes comenzaron su esfuerzo con la santa finalidad de facilitar la aplicación de la Ley. Dios mismo dio comienzo a esta escuela cuando a las palabras de los diez mandamientos añadió explicaciones más detalladas. Para que el hombre no tuviera la excusa de no haber sabido comprender. Obra santa, pues, la de los maestros que desmenuzan para los pequeñuelos de Dios el pan que Dios ha dado al espíritu: santa si persigue recto fin. No siempre fue así. Y ahora menos que nunca. Pero, ¿por qué me queréis hacer hablar, vosotros que os ofendéis si os enumero las culpas de los poderosos?».

«¿Culpas? ¿Culpas? ¿No tenemos sino culpas?».

«¡Quisiera que tuvierais sólo méritos!».

«Pero no los tenemos: eso es lo que piensas, y tu mirada lo delata.

335.10

Jesús, no se logra la amistad de los poderosos criticando. No reinarás. No conoces el arte de reinar».

«No pido reinar a la manera que vosotros creéis. Ni mendigo amistades. Quiero amor. Pero un amor honesto y santo. Un amor que vaya de mí a aquellos a quienes amo, y que se demuestre usando con los pobres lo que predico que se use: misericordia».

«Yo, desde que te oí hablar, no he vuelto a prestar con usura» dice uno.

«Dios te recompensará».

«El Señor me es testigo de que no he vuelto a pegar a los siervos que merecían azotes, desde que me refirieron una parábola tuya» dice otro.

«¿Y yo? ¡He dejado en los campos, para los pobres, más de diez moyos de cebada!» dice un tercero.

Los fariseos se alaban excelsamente.

Ismael no ha hablado. Jesús pregunta: «¿Y tú, Ismael?».

«¡Oh, ¿yo?! Siempre he usado misericordia. Sólo debo seguir actuando como siempre».

«¡Bien para ti! Si es realmente así, eres el hombre que no conoce remordimientos».

«¡Ciertamente no!».

Jesús le perfora con su mirada de zafiro.

335.11

Eleazar le toca en el brazo: «Maestro, escúchame. Tengo un caso especial que someter a tu consideración. Recientemente he adquirido de un pobre desdichado una propiedad; este hombre se ha echado a perder por una mujer. Me ha vendido la propiedad, pero sin decirme que en ella hay una sierva anciana, su nodriza, ya ciega y medio chiflada. El vendedor no la quiere. Yo… no la querría. Pero, ponerla en plena calle… ¿Qué harías tú, Maestro?».

«¿Tú qué harías, si tuvieras que dar a otro un consejo?».

«Diría: “Quédate con ella, que no va a ser un pan lo que te arruine”».

«¿Y por qué dirías eso?».

«Bueno, pues… porque creo que yo actuaría así y querría que hicieran eso conmigo…».

«Estás muy cerca de la justicia, Eleazar. Haz como aconsejarías, y el Dios de Jacob estará siempre contigo».

«Gracias, Maestro».

Los otros murmuran entre sí.

«¿Qué tenéis que criticar?» pregunta Jesús. «¿No he hablado rectamente? ¿Y éste?, ¿no ha hablado también rectamente? Ismael, defiende a tus invitados, tú que siempre has usado misericordia».

«Maestro, hablas bien, pero… ¡si se actuara siempre así!… Seríamos víctimas de los demás».

«Y es mejor, según tú, que sean los demás víctimas nuestras, ¿no?».

«No digo eso. Pero hay casos…».

«La Ley dice que hay que tener misericordia…».

«Sí, hacia el hermano pobre, hacia el forastero, el peregrino, la viuda y el huérfano. Pero esta vieja que ha venido a parar a los brazos de Eleazar no es su hermana, ni peregrina, forastera, huérfana o viuda. Para él no es nada; ni menos ni más que un objeto viejo del ajuar — no suyo —, olvidado en la propiedad vendida por quien es su verdadero dueño. Por eso Eleazar podría incluso echarla sin escrúpulos de ningún tipo. A fin de cuentas, la culpa de la muerte de la vieja no sería suya, sino de su verdadero amo…».

«…el cual, siendo también pobre, no la puede seguir manteniendo; de forma que también está exento de obligaciones. Así que, si la anciana se muere de hambre, la culpa es de la anciana. ¿No es así?».

«Así, Maestro. Es la suerte de los que… ya no sirven. Enfermos, viejos, incapaces, están condenados a la miseria, a la mendicidad. Y la muerte es lo mejor para ellos… Así es desde que el mundo existe, y así será…».

335.12

«¡Jesús, ten piedad de mí!». Un lamento entra a través de las ventanas trancadas (porque la sala está cerrada y las lámparas encendidas; quizás por el frío).

«¿Quién me llama?».

«Algún importuno. Haré que le manden afuera. O algún mendigo. Diré que le den un pan».

«Jesús, estoy enfermo. ¡Sálvame!».

«Ya decía yo. Un importuno. Castigaré a los siervos por haberle dejado pasar». Y se levanta Ismael.

Pero Jesús, al menos veinte años más joven que él, y todo el cuello y la cabeza más alto, le sienta de nuevo poniéndole la mano en el hombro mientras ordena: «Quédate ahí, Ismael. Quiero ver a este que me busca. Que entre».

Entra un hombre de cabellos todavía negros. Puede tener unos cuarenta años. Pero está hinchado como una cuba y amarillo como un limón; violáceos los labios en la boca jadeante. Le acompaña la mujer de la primera parte de la visión. El hombre avanza con dificultad, por la enfermedad y por temor. ¡Se ve tan mal mirado!…

Pero ya Jesús ha dejado su sitio y ha ido hasta el infeliz. Luego le ha tomado de la mano y le ha llevado al centro de la sala, al espacio vacío que hay entre las mesas, colocadas en forma de “u”, justo debajo de la lámpara.

«¿Qué quieres de mí?».

«Maestro… te he buscado mucho… desde hace mucho… Nada quiero aparte de salud… por mis hijos y mi mujer… Tú puedes todo… Ya ves mi mísero estado…».

«¿Y crees que te puedo curar?».

«¡Vaya que si lo creo!… Cada paso que doy me hace sufrir… cada movimiento brusco es un dolor para mí… y, no obstante, he recorrido kilómetros para buscarte… y luego, con el carro, te he seguido aún… pero no te alcanzaba nunca… ¡Vaya que si lo creo! Me extraña no estar ya curado desde que mi mano está en la tuya, porque todo en ti es santo, ¡oh, Santo de Dios!».

El pobrecillo resopla como un fuelle por el esfuerzo de tantas palabras. La mujer mira a su marido y a Jesús, y llora.

335.13

Jesús los mira y sonríe. Luego se vuelve y pregunta: «Tú, anciano escriba (habla al viejo tembloroso que ha hablado el primero), respóndeme: ¿es lícito curar en sábado?».

«En sábado no es lícito hacer obra alguna».

«¿Ni siquiera salvar a uno de la desesperación? No es trabajo manual».

«El sábado está consagrado al Señor».

«¡¿Cuál obra más digna de un día sagrado que hacer que un hijo de Dios diga al Padre: “Te amo y te alabo porque me has curado”?!».

«Debe hacerlo aunque sea infeliz».

«Cananías[1], ¿sabes que en este momento tu bosque más hermoso está ardiendo y toda la ladera del Hermón resplandece envuelta en purpúreas llamas?».

El viejecillo pega un salto como si le hubiera mordido un áspid: «Maestro, ¿dices la verdad o estás bromeando?».

«Digo la verdad. Yo veo y sé».

«¡Oh, pobre de mí! ¡Mi más hermoso bosque! ¡Miles de siclos reducidos a ceniza! ¡Maldición! ¡Malditos sean los perros que me le han prendido fuego! ¡Que ardan sus entrañas como mi madera!». El viejecillo está desesperado.

«¡No es más que un bosque, Cananías, y te lamentas! ¿Por qué no alabas a Dios en esta desventura? Éste no pierde madera, que renace, sino la vida y el pan para los hijos, y debería dar a Dios esa alabanza que tú no le das. Entonces, escriba, ¿no me es lícito curar en sábado a éste?».

«¡Maldito Tú, él y el sábado! Tengo otras cosas mucho más graves en que pensar…» y, dando un empujón a Jesús, que le había puesto una mano en el brazo, sale enfurecido, y se le oye dar gritos con su voz bronca para que le traigan su carro.

«¿Y ahora?» pregunta Jesús mirando a los que tiene alrededor. «Y ahora, decidme, ¿es lícito o no?».

Ninguna respuesta. Eleazar agacha la cabeza. Antes había entreabierto los labios, pero vuelve a cerrarlos, sobrecogido por el hielo que reina en la sala.

«Bien, pues voy a hablar Yo» dice Jesús, con majestuoso aspecto y voz tronante, como siempre cuando está para realizar un milagro. «Voy a hablar Yo. Hablo. Digo: hombre, hágase en ti según crees. Estás curado. Alaba al Eterno. Ve en paz».

El hombre se queda desorientado. Quizás pensaba que iba a volverse de golpe esbelto, como tiempo atrás. Y le da la impresión de no estar curado. Pero… a saber lo que siente… Emite un grito de alegría, se arroja a los pies de Jesús y se los besa.

«¡Ve, ve! Sé siempre bueno. ¡Adiós!».

El hombre sale, seguido de la mujer, la cual hasta el último momento se vuelve a saludar a Jesús.

335.14

«Pero, Maestro… En mi casa… En sábado…».

«¿No das tu aprobación? Ya lo sé. Por esto he venido. ¿Tú, amigo? No. Enemigo mío. No eres sincero ni conmigo ni con Dios».

«¿Ofendes ahora?».

«No. Digo la verdad. Has dicho que Eleazar no está obligado a socorrer a esa anciana porque no es de su propiedad. Pero tú tenías a dos huérfanos[2] en tu propiedad. Eran hijos de dos de tus siervos fieles, que se han muerto trabajando, uno de ellos con la hoz en el puño, la otra matada por la excesiva fatiga por haberte tenido que servir — como la exigías para no despedirla —, servirte por ella y por su marido. Tú decías: “He hecho contrato por dos personas que trabajaran, y, para seguirte teniendo, quiero el trabajo tuyo y el del muerto”. Y ella te lo ha dado, y ha muerto con el fruto de su concebimiento; porque esa mujer era madre. Y no hubo para ella la piedad que se tiene con la bestia encinta. ¿Dónde están ahora esos dos niños?».

«No lo sé… Desaparecieron un día».

«No mientas ahora. Basta haber sido cruel. No es necesario añadir el embuste para que Dios aborrezca tus sábados, a pesar de su total carencia de obras serviles. ¿Dónde están esos niños?».

«No lo sé. Ya no lo sé. Créelo».

«Yo lo sé. Los encontré una noche de noviembre, fría, lluviosa, oscura. Los encontré hambrientos y temblando, cerca de una casa, como dos perrillos en busca de un pedazo de pan que llevarse a la boca… Maldecidos y despedidos por quien tenía entrañas de perro más que un perro verdadero. Porque un perro habría tenido piedad de aquellos dos huerfanitos. Y ni tú ni aquel hombre la habéis tenido. ¿Ya no te servían sus padres, verdad? Estaban muertos. Los muertos sólo lloran, en sus sepulcros, al oír los sollozos de esos hijos infelices de que los demás no se ocupan. Pero los muertos, con su espíritu, elevan sus llantos y los de sus huérfanos a Dios, y dicen: “Señor, vénganos tú, porque el mundo aplasta cuando ya no le es posible seguir explotando”. ¿No te servían todavía los dos pequeñuelos, verdad? Apenas si la niña podía servir para espigar… Y tú los despediste negándoles incluso aquellos pocos bienes que pertenecían a su padre y a su madre. Podían morir de hambre y frío como dos perros en un camino de carros. Podían vivir y hacerse el uno ladrón, la otra prostituta. Porque el hambre porta al pecado. ¡Pero a ti qué te importaba?

Hace un rato citabas la Ley como apoyo de tus teorías. ¿Es que la Ley no dice: “No vejéis[3] a la viuda y al huérfano, porque, si lo hacéis y elevan su voz hacia mí, escucharé su grito y mi furor se desencadenará y os exterminaré y vuestras mujeres se quedarán viudas y vuestros hijos huérfanos”? ¿No dice eso la Ley? Y entonces, ¿por qué no la observas? ¿Me defiendes ante los demás? ¿Y por qué no defiendes mi doctrina en ti mismo? ¿Quieres ser amigo mío? ¿Y por qué haces lo opuesto de lo que Yo digo? Uno de vosotros va corriendo a más no poder, arrancándose los pelos, por la destrucción de su bosque. ¡Y no se los arranca ante las ruinas de su corazón! ¿Y tú a qué esperas a hacerlo?

335.15

¿Por qué queréis siempre creeros perfectos, vosotros a quienes la suerte ha hecho subir? Y, suponiendo que lo fuerais en algo, ¿por qué no tratáis de serlo en todo? ¿Por qué me odiais porque os destapo las llagas? Yo soy el Médico de vuestro espíritu. ¿Puede un médico curar si no destapa y limpia las llagas? ¿No sabéis que muchos — y esa mujer que ha salido es uno de ellos — merecen, a pesar de su pobre apariencia, el primer puesto en el banquete de Dios? No es lo externo, es el corazón, es el espíritu, lo que vale. Dios os ve desde lo alto de su trono. Y os juzga. ¡Cuántos ve mejores que vosotros! Por tanto, escuchad. Como regla comportaos así, siempre: cuando os inviten a un banquete de bodas, elegid siempre el último puesto. Recibiréis doble honor cuando el amo de la casa os diga: “Amigo, ven adelante”. Honor de méritos y honor de humildad. Mientras… ¡Oh, triste hora para un soberbio, ser puesto en evidencia y oír que le dicen: “Ve allá, al final, que aquí hay uno que es más que tú”! Y haced lo mismo en el banquete secreto del desposorio de vuestro espíritu con Dios. Quien se humilla será ensalzado y quien se ensalza será humillado.

335.16

Ismael, no me odies porque te medico. Yo no te odio. He venido para curarte. Estás más enfermo que aquel hombre. Tú me has invitado para darte lustre a ti mismo y satisfacción a los amigos. Invitas a menudo, pero es por soberbia y gusto. No lo hagas. No invites a ricos, a parientes y a amigos. Abre, más bien, la casa, abre el corazón, a los pobres, mendigos, lisiados, cojos, huérfanos y viudas. La única compensación que te darán serán bendiciones. Pero Dios las transformará para ti en gracias. Y al final… ¡oh, al final, qué beata ventura para todos los misericordiosos, que serán retribuidos por Dios en la resurreción de los muertos! ¡Ay de aquellos que acarician solamente una esperanza de ganancia y luego cierran su corazón al hermano que ya no puede ser útil! ¡Ay de ellos! Yo vengaré a los abandonados».

«Maestro… yo… quiero complacerte. Tomaré de nuevo a esos niños».

«No».

«¿Por qué?».

«¡¿Ismael?!…».

Ismael agacha la cabeza. Quiere aparentar humildad. Pero es una víbora a la que se la ha hecho soltar el veneno, y no muerde porque sabe que no lo tiene, pero espera la ocasión para morder…

335.17

Eleazar trata de instaurar de nuevo la paz diciendo: «Dichosos los que participan en el banquete con Dios, en su espíritu y en el Reino eterno. Pero, créelo, Maestro, a veces es la vida la que supone un obstáculo. Los cargos… las ocupaciones…».

Jesús dice aquí la parábola del banquete[4], y termina: «Has dicho los cargos… las ocupaciones. Es verdad. Pero por eso te he dicho al principio de este convite que mi Reino se conquista con victorias sobre uno mismo y no con victorias de armas en el campo de batalla. El puesto en la gran Cena es para estos humildes de corazón que saben ser grandes con su amor fiel que no mide el sacrificio y que todo lo supera para venir a mí. Una hora basta para transformar un corazón. Si ese corazón quiere. Y basta una palabra. Yo os he dicho muchas. Y miro… En un corazón está naciendo una planta santa. En los otros, espinos para mí, y dentro de los espinos hay áspides y escorpiones. No importa. Yo voy por mi camino recto. El que me ame que me siga. Yo paso llamando. Los que sean rectos que vengan a mí. Paso instruyendo. Los buscadores de justicia acérquense a la Fuente. Respecto a los otros… respecto a los otros juzgará el Padre santo. Ismael, me despido de ti. No me odies. Medita. Siente que fui severo por amor, no por odio. Paz a esta casa y a sus habitantes. Paz a todos, si merecéis paz».


Notes

  1. la Loi concernant l’étranger en général se trouve en Ex 22, 20 ; 23, 9 ; Lv 19, 10.33-34 ; 23, 22 ; Dt 10, 19 ; 24, 14.17-22 ; 26, 11-13 ; 27, 19. Jésus rappelle, en 55.2, que le pèlerin est “ protégé par la loi de Dieu ”. L’écrivain observe, en 405.1, qu’il y avait en Israël “ l’habitude séculaire d’accorder l’hospitalité aux pèlerins ”.
  2. sicles : c’étaient des unités de poids, puis des monnaies allant de 6 à 12 g. en usage dans l’Orient ancien.
  3. Canania : Maria Valtorta note sur un cahier autographe qu’elle a écrit ce nom une fois avec un h et une fois sans, parce qu’ils le prononcent d’une manière médiane entre h aspiré et sch dur, si bien qu’elle dit ne pas savoir comment le retranscrire exactement.
  4. deux orphelins : il s’agit de Marie et de Matthias, rencontrés en 298.2/6 et en 299.2/8.
  5. parabole qui n’est pas rapportée ici, mais qu’on lira en Lc 14, 16-24, auquel Maria Valtorta renvoie dans une copie dactylographiée.

Notas

  1. Cananías. MV pone una nota en el manuscrito original, para explicar que el sonido correspondiente a la “C” lo pronuncian en un modo entre aspirado y prolongado. Por eso lo escribe una vez con “Ch” y otra simplemente con “C”. Con la “h” quiere expresar esa aspiración o prolongación del sonido.
  2. Los dos huérfanos son los niños María y Matías, que hemos visto en 298.2/6 y en 299.2/8.
  3. No vejéis... es cita de Éxodo 22, 21-23.
  4. Jesús dice aquí la parábola del banquete, que no está recogida aquí, pero que puede ser leída en Lucas 14, 16-24, texto a que remite MV en una copia mecanografiada.