Je vois Jésus qui marche rapidement sur une grand-route que le vent froid d’un matin d’hiver balaie et durcit. Les champs, des deux côtés de la route, présentent à peine un timide duvet de moissons qui viennent de percer, un fin voile de verdure qui annonce la promesse du pain à venir, mais une promesse vraiment à peine perceptible. Il y a encore, à l’ombre, des sillons dépourvus de cette végétation naissante et bénie, et seuls les sillons les plus ensoleillés ont cette teinte verte si légère et pourtant déjà joyeuse puisqu’elle annonce le printemps tout proche. Les arbres fruitiers sont encore nus, sans un bourgeon qui se gonfle sur leurs branches sombres. Seuls les oliviers ont leur couleur éternelle gris-vert, aussi triste sous le soleil d’août que dans la faible clarté de cette matinée d’hiver. Et avec eux, les feuilles grasses des cactées montrent leur couleur, un vert pâteux de céramiques à peine teintées.
Jésus marche, comme souvent, à deux ou trois pas en avant de ses disciples. Ils sont tous bien enveloppés dans leurs manteaux de laine.
A un certain moment, Jésus s’arrête et se retourne pour interpeller ses disciples :
« Vous connaissez le chemin ?
– C’est le bon, mais ensuite nous ne savons pas où se trouve la maison, car elle est à l’intérieur des terres… C’est peut-être à l’endroit de ce bosquet d’oliviers…
– Non. Ce doit être là au fond, au contraire, là où se trouvent ces gros arbres nus…
– Il devrait y avoir une route pour les chars… »
En somme, ils ne savent rien de précis. On ne voit personne sur la chaussée ni dans les champs. Ils avancent au hasard, en cherchant leur route.
Ils trouvent une petite maison de pauvres avec deux ou trois petits champs autour. Une petite fille est en train de tirer de l’eau à un puits.
« Paix à toi, fillette, dit Jésus en s’arrêtant à la limite de la haie qui a un passage pour la circulation.
– Paix à toi. Que veux-tu ?
– Un renseignement. Où se trouve la maison d’Ismaël, le pharisien ?
– Tu es perdu, Seigneur. Tu dois revenir au carrefour et prendre la direction du couchant du soleil. Mais il faut marcher beaucoup, beaucoup, car tu dois retourner là-bas, au carrefour, et puis marcher longtemps. Tu as mangé ? Il fait froid et, avec l’estomac vide, on le sent davantage. Entre, si tu veux. Nous sommes pauvres. Mais toi non plus tu n’es pas riche. Tu peux t’en arranger. Viens. »
Et d’une voix perçante, elle appelle :
« Maman ! »