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C’est un groupe de montagnes dont la seule occupation semble être de s’élever toujours plus haut. Et chaque étape — pour ainsi dire — de son effort est marquée par une chaîne escarpée de collines rocheuses, aux pentes très fortes entaillées de vallées étroites comme des incisions gigantesques couronnées de crêtes sauvages. De là, on peut entrevoir incidemment des parties de la Mer Morte, située au sud-est de l’endroit où se trouvent les apôtres avec le Maître. On ne peut voir ni le Jourdain et sa vallée fertile et paisible, ni Jéricho, et pas davantage les autres villes. Il n’y a que des montagnes et encore des montagnes qui se dressent en direction de la Samarie, et la sombre Mer Morte entre deux escarpements montagneux.
En bas, un torrent coule d’ouest en est, sans aucun doute vers le Jourdain. On entend de grands cris de faucons et des corassements de corbeaux dans le ciel bleu clair, de bruyants pépiements d’oiseaux dans les feuillages des pentes sauvages. Le vent qui siffle dans les gorges apporte des odeurs et de lointaines rumeurs, qui recouvrent même les bruits proches suivant qu’ils sont légers ou intenses. Des tintements de sonnaille montent de la route, qui passe certainement dans la vallée. On entend bêler des brebis qui paissent sur les plateaux, ou encore des bruits d’eau qui goutte des roches ou de torrents qui grondent. Mais la saison est bonne, sèche, tiède, les pentes sont émaillées de fleurs sur l’émeraude de l’herbe ; d’autres fleurs, en grappes ou en festons, pendent des troncs et des feuillages, donnant aux lieux un air de gaieté…
Les visages des treize hommes ici réunis sont très joyeux, d’une joie surnaturelle. Ils ont oublié le monde. Il est loin… Les âmes ont repris leur équilibre secoué par tant de heurts, elles ont pu rentrer dans le halo de Dieu, c’est-à-dire dans la paix. Et elle se lit sur les visages.