Los Escritos de Maria Valtorta

425. A Césarée Maritime.

425. En Cesarea Marítima. Romanos mundanos

425.1

Césarée dispose de vastes marchés où affluent les denrées délicates destinées au tables raffinées des Romains ; près des places où, dans un kaléidoscope de visages, de couleurs, de races, se trouvent les aliments plus humbles, il y a des magasins réservés aux produits plus luxueux de toutes provenances, aussi bien des diverses colonies romaines que de la lointaine Italie, pour rendre moins pénible l’éloignement de la patrie. On y trouve des commerces de vins ou de mets précieux importés d’ailleurs, sous des portiques profonds, car les Romains n’aiment pas être brûlés par le soleil ou mouillés par la pluie quand ils se procurent pour leurs bouches raffinées les victuailles qu’ils consommeront au cours des banquets. C’est bien d’être épicurien pour satisfaire le palais, mais il faut aussi veiller à la protection des autres membres… et c’est pour cela que des portiques ombreux et frais, des galeries protégées de la pluie mènent du quartier romain — presque entièrement groupé autour du palais du Proconsul, resserré entre la route littorale et la place des casernes et des impôts —, aux magasins romains, près du marché des juifs.

Il y a beaucoup de monde sous ces portiques, pratiques sinon élégants, à l’extrémité qui donne sur les marchés. Ce sont des gens de toute espèce : esclaves et affranchis, et même quelques rares riches noceurs entourés d’esclaves, qui, ayant laissé leur litière dans la rue, passent nonchalamment d’un comptoir à l’autre en faisant des emplettes que les esclaves emportent vers leur maison. On assiste aux habituelles conversations oiseuses quand deux riches Romains se rencontrent : le temps, l’ennui, dans un pays qui n’offre pas les joies de l’Italie lointaine, le regret des spectacles grandioses, le programme des festins et des conversations licencieuses.

425.2

Un romain, précédé d’une dizaine d’esclaves chargés de sacs et de paquets, en rencontre deux autres de son rang. Salutations réciproques :

« Salut, Ennius !

– Salut, Florus Tullius Cornelius ! Salut, Marcus Heracleus Flavius !

– Quand es-tu revenu ?

– Avant-hier à l’aube, mais je suis épuisé.

– Toi, épuisé ? Quand donc transpires-tu ? plaisante le jeune, dénommé Florus.

– Ne te moque pas, Florus Tullius Cornelius. Maintenant, justement, je suis en train de transpirer pour les amis !

– Pour les amis ? Nous ne t’avons pas demandé de te fatiguer, objecte l’autre, plus âgé, appelé Marcus Heracleus Flavius.

– Mais mon amour pense à vous. O cruels qui me méprisez, voyez-vous cette file d’esclaves chargés de paquets ? D’autres les ont précédés avec d’autres paquets. Et tout cela pour vous, pour vous faire honneur !

– Alors, c’est cela, ton travail ? Un banquet ?

– Et pourquoi ? crient bruyamment les deux amis.

– Chut ! Un pareil vacarme entre nobles patriciens ! Vous ressemblez à la plèbe de ce pays où nous nous usons en…

– Orgies et oisiveté. Nous ne faisons rien d’autre. Je me demande encore pourquoi nous sommes ici. Quelles sont nos tâches ?

– Mourir d’ennui en est une.

– Enseigner à vivre à ces lamentables pleureuses en est une autre.

– Et… semer Rome dans les bassins sacrés des femmes hébraïques en est une troisième.

– Profiter, ici comme ailleurs, de nos ressources et de notre puissance à laquelle tout est permis, en est encore une. »

Les trois alternent comme pour une litanie, et ils rient.

425.3

Cependant le jeune Florus s’arrête et s’assombrit :

« Mais depuis quelque temps une brume tombe sur la joyeuse cour de Pilate. Les plus belles femmes ont l’air de chastes vestales et les maris favorisent leur caprice. Cela fait grand tort aux fêtes habituelles…

– Oui ! Cet ascétisme est dû à ce grossier Galiléen… Mais cela passera vite…

– Tu te trompes, Ennius. Je sais que Claudia elle-même est l’une de ses conquêtes et à cause de cela, une… étrange réserve dans les mœurs s’est installée dans son palais. On a l’impression d’y voir revivre l’austère Rome républicaine…

– Cela sent le moisi ! Mais depuis quand ?

– Depuis le doux mois d’avril favorable aux amours. Tu ne sais pas… tu étais absent. Mais nos dames sont devenues lugubres comme les pleureuses des urnes funéraires, et nous autres, pauvres hommes, devons chercher ailleurs beaucoup de consolations. Elles ne nous sont même pas permises en présence de ces pudibondes !

– C’est une raison de plus pour que je vienne à votre secours. Ce soir, grand dîner… et, en plus, grande orgie dans ma maison. A Cintium[1], où je suis allé, j’ai trouvé des délices que ces abrutis tants regardent comme immondes : des paons, des perdrix, des échassiers de toute espèce, et des marcassins enlevés vivants à leur mère qu’on avait tuée, et engraissés pour nos repas. Quant aux vins… Ah ! les doux et précieux vins des collines romaines, de mes chaudes côtes de Liternum et de ses plages ensoleillées près de l’Aciri !… Les vins parfumés de Chio et de l’île dont Cintium est la perle ! Et ceux d’Ibérie, enivrants, propres à enflammer les sens pour la jouissance finale. Oh ! ce doit être une grande fête, pour chasser l’ennui de cet exil et nous persuader que nous sommes encore virils…

– Il y aura des femmes aussi ?

– Bien entendu !… Et plus belles que des roses. De toutes couleurs et… de toutes saveurs. L’acquisition de toutes les marchandises, parmi lesquelles les femmes, m’a coûté un vrai trésor… Mais je suis généreux pour mes amis, moi !… Je terminais ici mes derniers achats, ce qui pouvait s’abîmer pendant le voyage. Après le banquet, à nous l’amour !

– La navigation a été bonne ?

– Excellente. Vénus marine m’a favorisé. Du reste, c’est à elle que je dédie le rite de cette nuit… »

Les trois hommes rient grassement, goûtant d’avance leurs prochaines et indignes joies.

425.4

Mais Florus demande :

« Pourquoi cette fête extraordinaire ? Quelle en est la raison ?

– Il y en a trois. Primo, mon cher neveu revêt ces jours-ci la toge virile. Je dois célébrer l’événement. Secundo, je devais me soumettre au présage que Césarée devenait un séjour affligeant, mais on pouvait aller à l’encontre du sort par un rite à Vénus. Tertio… je vous l’annonce tout bas : je suis de noces…

– Toi ? Farceur !

– Je suis de noces. C’est “ noces ” chaque fois que l’on goûte la première gorgée d’une amphore fermée. C’est ce que je ferai ce soir. Je l’ai payée vingt mille sesterces ou, si vous préférez, deux cents pièces d’or — qu’en réalité j’ai fini par débourser entre courtiers et… autres du même genre —. Mais même si Vénus l’avait enfantée lors d’une aurore d’avril, et faite d’écume et de rayons d’or, je ne l’aurais pas trouvée plus belle et plus pure ! Un bouton, un bouton clos… Et c’est moi qui en suis le maître !

– Profanateur ! dit en plaisantant Marcus Heracleus.

– Ne fais pas le censeur, toi qui ne vaux pas mieux !… Après le départ de Valérien, on mourait d’ennui, ici. Mais je le remplace… Il faut profiter de l’expérience de nos prédécesseurs. Je ne serai pas, comme lui, assez sot pour attendre que celle qui est plus blonde que le miel — je l’ai nommée Galla Ciprina —, soit corrompue par les tristesses et les philosophies des émasculés qui ne savent pas jouir de la vie…

– Bravo ! Pourtant… l’esclave de Valérien était instruite et…

– …et folle, avec ses lectures philosophiques… Mais quelle âme ! Quelle autre vie ! Quelle vertu !… Vivre, c’est jouir ! Et ici on vit. Hier, j’ai jeté au feu tous les rouleaux funestes et j’ai ordonné aux esclaves, sous peine de mort, de ne pas rappeler les misères des philosophes et des galiléens. La fillette ne connaîtra que moi…

– Mais où l’as-tu trouvée ?

– Hé ! C’est quelqu’un qui a été avisé et qui a acquis des esclaves après la guerre des Gaules ; il s’en est servi uniquement comme reproducteurs, en les traitant bien. Il ne leur demandait que de procréer pour donner des fleurs nouvelles de beauté… Et Galla est l’une d’elles. Elle est maintenant pubère, et son maître l’a vendue… et moi je l’ai achetée… Ha ! Ha ! Ha !

– Libidineux !

– Si ce n’était pas moi, c’était un autre… Donc… Elle aurait dû ne pas naître femme…

– S’il t’entendait…

425.5

Oh ! le voilà !

– Qui ?

– Le Nazaréen qui a ensorcelé nos dames ! Il est derrière toi… »

Ennius se retourne comme s’il y avait un aspic au talon. Il regarde Jésus s’avancer lentement au milieu des gens qui se pressent autour de lui, de pauvres gens du peuple et même des esclaves des romains, et il raille :

« Ce gueux ! Les femmes sont des dépravées. Mais fuyons, qu’il ne nous ensorcelle pas nous aussi ! »

Puis il s’adresse à ses pauvres esclaves, qui sont restés tout le temps chargés de leurs fardeaux comme des cariatides et dont il n’a aucune pitié :

« Quant à vous, allez à la maison, et vite puisque vous avez perdu du temps jusqu’à présent et que ceux qui préparent attendent les épices et les parfums. Au pas de course ! Et rappelez-vous qu’on donnera le fouet si tout n’est pas prêt au crépuscule. »

Les esclaves partent en courant, suivis plus lentement par le romain et ses deux amis…

425.6

Jésus s’avance, attristé parce qu’il a entendu la fin de la conversation d’Ennius. Du haut de sa grande taille, il observe avec une infinie compassion les esclaves qui se hâtent sous leurs fardeaux. Il regarde tout autour de lui à la recherche d’autres visages d’esclaves romains… Il en voit quelques-uns, tremblants de peur d’être surpris par les intendants ou chassés par les juifs, mêlés à la foule qui l’enserre, et il dit en s’arrêtant :

« N’y a-t-il personne de cette maison parmi vous ?

– Non, Seigneur, mais nous les connaissons, répondent les esclaves présents.

– Matthieu, donne-leur une obole abondante : ils la partageront avec leurs compagnons, pour qu’ils sachent qu’il y a quelqu’un qui les aime. Et vous, sachez — et transmettez-le aux autres — qu’avec la vie cesse la douleur pour ceux qui auront été bons et honnêtes dans leurs chaînes, et, avec la douleur, la différence entre riches et pauvres, entre hommes libres et esclaves. Après, il y a un Dieu unique et juste pour tous. Il récompensera les bons et châtiera les mauvais sans tenir compte de la richesse ou des chaînes. Souvenez-vous-en.

– Oui, Seigneur. Mais nous qui sommes de la maison de Claudia et de Plautina, nous sommes assez heureux, comme ceux de Livia et de Valéria, et nous te bénissons, car tu as amélioré notre sort, dit un vieil esclave que tous écoutent comme un chef.

– Pour me montrer que vous m’êtes reconnaissants, soyez toujours meilleurs, et vous aurez le vrai Dieu pour éternel Ami. »

Jésus lève la main comme pour les congédier et les bénir, puis il s’adosse à une colonne et commence à parler au milieu du silence attentif de la foule. Les esclaves ne s’éloignent pas, mais ils restent pour entendre les paroles qui sortent de la bouche divine.

425.7

« Ecoutez : un père qui avait beaucoup d’enfants remit à chacun d’eux, une fois adultes, deux pièces de monnaie de grande valeur, et il leur dit :

“ Je n’ai plus l’intention de travailler pour chacun de vous. Vous êtes maintenant en âge de gagner votre vie. Je donne donc à chacun la même quantité d’argent. Vous l’emploierez selon votre volonté, et dans votre intérêt. Je resterai ici à attendre, disposé à vous conseiller, prêt aussi à vous aider si, par suite d’un malheur involontaire, vous en veniez à perdre tout ou partie de ce que je vous confie maintenant. Cependant, rappelez-vous bien que je serai inexorable pour celui qui l’aura perdu par malice volontaire, et pour les paresseux qui le dépensent ou le laissent improductif par oisiveté ou par vice. Je vous ai enseigné à tous à pratiquer le bien et à fuir le mal. Vous ne pouvez donc pas dire que vous allez sans expérience au-devant de la vie. Je vous ai donné l’exemple d’une activité sage et juste et d’une vie honnête. Il vous est donc impossible de prétendre que je vous ai corrompu l’esprit par mon mauvais exemple. J’ai fait mon devoir. A votre tour aujourd’hui de faire le vôtre, car vous n’êtes pas sots, ni incapables, ni ignorants. Allez ! ”

Et il les congédia, restant seul chez lui, à attendre.

Ses enfants se dispersèrent dans le monde. Ils avaient tous le même capital : deux pièces de monnaie de grande valeur dont ils pouvaient disposer à leur gré, et un plus grand trésor de santé, d’énergies, de connaissances et d’exemples paternels. Ils auraient donc tous dû réussir de la même façon. Mais qu’advint-il ? Certains enfants firent bon emploi de leurs ressources et se procurèrent vite un grand et honnête trésor grâce à un travail inlassable et une bonne conduite réglée sur les enseignements de leur père ; d’autres firent d’abord honnêtement fortune, mais ils dilapidèrent ensuite leurs biens dans l’oisiveté et la bonne chère ; certains de leurs frères s’enrichirent par l’usure et des commerces indignes ; d’autres enfin ne firent rien par indolence, par paresse, ou par indécision et ils se retrouvèrent sans ressources sans avoir encore trouvé une occupation quelconque.

425.8

Après quelque temps, le père de famille envoya des serviteurs, partout où il savait que se trouvaient ses enfants, et il dit aux serviteurs :

“ Vous demanderez à mes enfants de se rassembler à la maison. Je veux qu’ils me rendent compte de ce qu’ils ont fait pendant cette période, et je souhaite vérifier moi-même leur situation. ”

Les serviteurs allèrent trouver les enfants de leur maître. Ils leur portèrent ce message et chacun d’eux revint avec l’enfant qu’il avait rejoint.

Le père de famille les accueillit très solennellement, en père, mais aussi en juge. Tous les parents de la famille étaient présents, et avec eux les amis, les connaissances, les serviteurs, les concitoyens et les gens des alentours. Cela formait une grande assemblée. Le père était assis sur son siège de chef de famille, avec toute l’assistance en demi-cercle derrière lui. Les enfants, alignés, leur faisaient face.

Avant même qu’on les interroge, leur différence d’aspect trahissait déjà la vérité. Ceux qui avaient été d’honnêtes travailleurs à la conduite correcte et qui avaient fait saintement fortune, avaient l’air épanoui, paisible et à l’aise de ceux qui ont de larges moyens, une bonne santé et la conscience tranquille. Ils regardaient leur père avec un bon sourire reconnaissant, humble, mais en même temps triomphant, éclairé par la joie d’avoir honoré leur père et leur famille, et d’avoir été de bons fils, de bons citoyens et de bons fidèles. Ceux qui avaient dissipé leurs ressources dans la paresse ou le vice étaient dépités, penauds, d’aspect minable et de tenue négligée, marqués par la bombance ou par la faim dont ils portaient l’empreinte sur toute leur personne. Enfin les fils qui s’étaient enrichis par des manœuvres délictueuses, avaient le visage dur, agressif, le regard cruel et troublé des fauves qui craignent le dompteur et s’apprêtent à réagir…

Le père commença l’interrogatoire par ces derniers :

“ Comment donc, vous qui aviez l’air si serein à votre départ, ressemblez-vous aujourd’hui à des tigres prêts à déchirer ? D’où vous vient cette attitude ? ”

“ – C’est la vie qui nous l’a donnée, ainsi que la dureté dont tu as fait preuve en nous éloignant de la maison. C’est toi qui nous as mis au contact du monde. ”

“ – Et alors, qu’avez-vous fait dans le monde ? ”

“ – Ce que nous pouvions pour obéir à ton ordre de gagner notre vie, avec le peu que tu nous as donné. ”

“ – C’est dit. Mettez-vous dans ce coin… A votre tour, maintenant, vous qui êtes maigres, malades et mal vêtus. Comment êtes-vous donc réduits à cet état ? Vous étiez pourtant en bonne santé et bien vêtus quand vous êtes partis… ”

“ – En dix ans, les habits s’usent… ” objectèrent les paresseux.

“ – Il n’y a donc plus d’étoffe sur terre pour faire des vêtements d’hommes ? ”

“ – Si… Mais il faut de l’argent pour en acheter… ”

“ – Vous en aviez. ”

“ – En dix ans… il était plus qu’épuisé. Tout ce qui commence a une fin. ”

“ – Oui, si vous en déboursez sans en rajouter. Mais pourquoi en avez-vous seulement dépensé ? Si vous aviez travaillé, vous auriez pu en gagner et puiser sans fin dans vos réserves, et même augmenter votre épargne. Vous avez peut-être été malades ? ”

“ – Non, père. ”

“ – Et alors ? ”

“ – Nous nous sentions perdus… Nous ne savions que faire, rien ne nous convenait… Nous craignions de mal agir et pour éviter cela, nous n’avons rien fait. ”

“ – Et n’aviez-vous pas votre père, à qui vous pouviez vous adresser pour demander conseil ? Ai-je jamais été un père intransigeant, inabordable ? ”

“ – Oh ! non ! Mais nous rougissions de te dire : ‘ Nous ne sommes pas capables de prendre des initiatives. ’ Tu as été toujours si actif… Nous nous sommes cachés par honte. ”

“ – C’est bon. Allez vous mettre au milieu de la pièce… A votre tour ! Et vous, que me dites-vous ? Vous semblez avoir souffert de la faim et de la maladie ? Peut-être l’excès de travail vous a-t-il rendus malades ? Soyez sincères et je ne vous gronderai pas. ”

Certains des fils interpellés se jetèrent à genoux en se frappant la poitrine. Ils disaient :

“ Pardonne-nous, père ! Dieu nous a déjà châtiés, et nous le méritons. Mais toi qui es notre père, pardonne-nous !… Nous avions bien commencé, mais nous n’avons pas persévéré. Après nous être enrichis facilement, nous nous sommes dit : ‘ Bon ! Profitons un peu de la vie, comme le suggèrent nos amis, puis nous reprendrons le travail et nous rétablirons notre situation financière. ’ En vérité, c’est ce que nous comptions faire : revenir aux deux pièces de monnaie initiales, puis les faire fructifier de nouveau comme par jeu. Et à deux reprises (disent deux d’entre eux), à trois reprises (dit un autre) nous y sommes parvenus. Mais ensuite la chance nous a abandonnés et nous avons perdu tout notre argent. ”

“ – Mais pourquoi ne vous êtes-vous pas repris après la première fois ? ”

“ – Parce que le pain épicé par le vice corrompt le palais, et on ne peut plus s’en passer… ”

“ – Il y avait votre père… ”

“ – C’est vrai. Et nous soupirions vers toi avec regret et nostalgie. Mais nous t’avions offensé… Nous suppliions le Ciel de t’inspirer de nous appeler pour recevoir à la fois tes reproches et ton pardon ; nous le demandions alors, et aujourd’hui encore, plutôt que les richesses dont nous ne voulons plus parce qu’elles nous ont dévoyés. ”

“ – C’est bien. Mettez-vous auprès de ceux d’avant, au milieu de la pièce. Et vous, qui êtes aussi malades et pauvres qu’eux, mais qui vous taisez et ne montrez pas de douleur, que dites-vous ? ”

“ – Ce qu’ont déclaré les premiers : que nous te détestons parce que tu nous as ruinés par ton imprudente façon d’agir. Toi qui nous connaissais, tu ne devais pas nous jeter au milieu des tentations. Tu nous as haïs et nous te haïssons. Tu nous as tendu ce piège pour te débarrasser de nous. Sois maudit. ”

“ – C’est vu. Allez avec les premiers dans ce coin. Et maintenant à vous, mes fils, épanouis, sereins, riches. Parlez : comment êtes-vous arrivés à cela ? ”

“ – En mettant en pratique tes enseignements, tes exemples, tes conseils, tes ordres, tout. En résistant aux tentations par amour pour toi, père béni qui nous as donné la vie et la sagesse. ”

“ – C’est parfait. Mettez-vous à ma droite et écoutez tous mon jugement et ma défense. Je vous ai donné à tous autant d’argent, de bons exemples et de sagesse. Mes enfants ont répondu de manières différentes. D’un père travailleur, honnête, sobre, sont issus des fils qui lui ressemblent, mais aussi des paresseux, des faibles succombant facilement à la tentation, et des cruels qui haïssent leur père, leurs frères et leur prochain, sur lequel — je le sais, même s’ils ne le disent pas — ils ont exercé l’usure et le crime. Parmi les faibles et les paresseux, certains se sont repentis, d’autres sont impénitents. Maintenant, je juge. Les parfaits se tiennent déjà à ma droite, égaux à moi dans la gloire comme dans les œuvres ; ceux qui se sont repentis seront de nouveau soumis à l’épreuve, comme des enfants qu’il faut encore instruire, jusqu’à ce qu’ils aient atteint le niveau d’aptitude qui les rende adultes ; quant aux impénitents et aux coupables, qu’ils soient jetés hors d’ici et poursuivis par la malédiction de celui qui n’est plus leur père, puisque leur haine à mon endroit efface tout rapport de paternité et de filiation entre nous. Pourtant, je rappelle à tous que chacun s’est fabriqué son destin, car j’ai remis à tous les mêmes choses qui, selon celui qui les recevait, ont produit quatre destins différents. Et je ne puis être accusé d’avoir voulu leur mal. ”

425.9

Voilà la parabole terminée. Je vous en donne maintenant l’explication.

Le Père des Cieux est représenté par le père d’une nombreuse famille. Les deux pièces de monnaie confiées à tous les fils avant leur envoi dans le monde, ce sont le temps et la libre volonté que Dieu accorde à tout homme pour qu’il en use comme il le croit bon, après avoir été instruit et formé par la Loi et les exemples des justes.

Tous reçoivent des dons égaux. Mais chaque homme les emploie à son gré. Il y en a qui thésaurisent le temps, leurs moyens, l’éducation, leurs ressources, tout, pour le bien et qui se gardent en bonne santé et saints, riches d’une fortune qu’ils ont accrue. D’autres commencent bien, puis se lassent et perdent tout. Certains ne font rien et prétendent que c’est aux autres d’agir. Il en est qui accusent le Père de leurs erreurs, ou qui se repentent et sont disposés à réparer, ou encore qui, non contents de ne pas se repentir, accusent et maudissent comme si leur ruine avait été imposée par d’autres.

Dieu offre aux justes une récompense immédiate : à ceux qui ont reconnu leurs torts, la miséricorde et le temps de se racheter pour arriver à la récompense par leur repentir et leur expiation. Mais il maudit et châtie celui qui piétine l’amour avec l’impénitence qui suit le péché. Il donne à chacun ce qui lui revient.

Ne dilapidez donc pas les deux pièces de monnaie — votre temps et votre libre arbitre — mais faites en bon emploi pour vous tenir à la droite du Père ; et si vous avez fauté, repentez-vous et ayez foi en l’Amour miséricordieux.

Allez ! Que la paix soit avec vous ! »

Jésus les bénit et les regarde s’éloigner sous le soleil qui inonde la place et les rues.

425.10

Mais les esclaves sont restés…

« Vous êtes encore là, mes pauvres amis ? Mais n’allez-vous pas être punis ?

– Non, Seigneur, si nous disons que nous t’avons écouté. Nos maîtresses te vénèrent. Où vas-tu aller maintenant, Seigneur ? Elles désirent te voir depuis si longtemps…

– Chez le cordier du port. Mais je pars ce soir, et vos maîtresses seront à la fête…

– Nous le dirons quand même. Elles nous ont ordonné depuis des mois de signaler tous tes passages.

– C’est bien. Allez. Et vous aussi, faites bon usage du temps et de la pensée, qui est toujours libre, même si l’homme est dans les chaînes. »

Les esclaves s’inclinent jusqu’à terre et s’éloignent en direction des quartiers romains. Jésus et ses disciples prennent une modeste ruelle, et se dirigent vers le port.

425.1

Cesarea tiene vastos mercados, a los que afluyen productos alimenticios finos para las refinadas mesas romanas. Cerca de las plazas de los mercados donde, formando una imagen calidoscópica de rostros, colores y géneros, están los alimentos más humildes, se encuentran los almacenes para los alimentos más ricos, importados de todas partes — bien sea de las distintas colonias romanas o de la distante Italia — para hacer menos penosa la ausencia de la lejana Patria. Y los almacenes de los vinos o de las finuras culinarias traídas de otros lugares están bajo profundos pórticos, porque a los romanos no les gusta que el sol los queme, ni que los mojen las lluvias, mientras buscan para sus paladares refinados los alimentos que consumirán en los festines. De acuerdo con ser epicúreos en el gusto del paladar, pero ello no debe faltar al respeto a los otros miembros… así que sombras de pórticos frescos, arcos protectores para las lluvias conducen desde el barrio romano — casi todo él reunido en torno al palacio del Procónsul, apretado entre la vía litoral y la plaza de los edificios militares y telonios — a los almacenes romanos cercanos a los mercados de los judíos.

Hay mucha gente bajo estos pórticos, que, si bien no son bonitos en esta parte extrema suya que desemboca en los mercados, cómodos sí que son. Gente de todos los tipos. Esclavos y libertos, y también algún que otro epicúreo señor circundado de esclavos, que, dejada su litera en la vía, va indolente de una tienda a otra, comprando cosas que los esclavos llevan a casa. Las consabidas ociosas conversaciones, cuando dos señores romanos se encuentran: el tiempo, el aburrimiento de la ciudad, que no ofrece las satisfacciones de la Italia lejana, añoranzas de espectáculos grandiosos, programas de festines y conversaciones licenciosas.

425.2

Un romano, precedido por un grupo de unos diez esclavos cargados de sacos y paquetes, se cruza con otros dos de su clase. Saludos recíprocos: «¡Salve, Enio!».

«¡Salud, Floro Tulio Cornelio! ¡Salud, Marco Heracles Flavio!».

«¿Cuándo has vuelto?».

«Cansado, al alba de anteayer».

«¿Tú cansado? ¿Pero cuándo sudas tú!» dice, burlón, el joven llamado Floro.

«No te burles, Floro Tulio Cornelio. ¡También ahora estoy sudando por los amigos!».

«¿Por los amigos? No te hemos pedido fatigas» objeta el otro, más anciano, llamado Marco Heracles Flavio.

«Pero mi amor piensa en vosotros. ¿Veis, vosotros, crueles que os burláis de mí, esta fila de esclavos cargados de pesos? Otros los han precedido con otros pesos. Y todo para vosotros. Para daros hono­res».

«¿Éste es entonces tu trabajo? ¿Un banquete?», «¿Y por qué?» gritan rumorosamente los dos amigos.

«¡Chist! ¡Un alboroto como éste entre nobles patricios! Os parecéis a la plebe de esta ciudad donde nos consumimos en…».

«Orgías y ocio. Que no hacemos sino eso. Todavía me pregunto: ¿para qué estamos aquí?, ¿qué misiones tenemos?».

«Morir de aburrimiento es una».

«Enseñar a vivir a estas plañideras quejumbrosas es otra».

«Y… sembrar a Roma en los sagrados bacinetes de las mujeres hebreas es otra más».

«Y otra es gozar, aquí como en otras partes, de nuestra riqueza y poder, al cual todo le está permitido».

Los tres se alternan como por una letania, y ríen.

425.3

Pero el joven Floro se para y se pone serio, y dice: «Pero desde hace ya un tiempo una neblina se abate sobre la alegre corte de Pilato. Las más hermosas damas parecen castas vestales y sus maridos las secundan en el capricho. Ello quita mucho a las habituales fiestas…».

«¡Ya! El capricho por ese tosco Galileo… Pero pasará pronto…».

«Te equivocas, Enio. Sé que también Claudia está conquistada, y por eso una… extraña morigeración de costumbres se ha establecido en su palacio. Parece como si reviviera allí la austera Roma republicana…».

«¡Uf! ¡Qué aburrimiento! ¿Pero desde cuándo?».

«Desde el dulce abril propicio a los amores. Tú no lo sabes… Estabas ausente. Nuestras damas han regresado fúnebres como las lloronas de las urnas cinerarias, y nosotros, pobres hombres, tenemos que buscar en otros lugares muchos solaces, que tampoco se nos conceden en presencia de las púdicas».

«Una razón más para que os socorra. Esta noche gran cena… y además gran orgía, en mi casa. En Cintium, donde he estado, he encontrado delicias que estos inmundos consideran impuras: pavos reales, perdices y zancudas de todas las especies, y crías de jabalíes: la madre matada y ellos cogidos vivos y criados para nuestras cenas. Y vinos… ¡Ah, delicados, preciosos vinos de las colinas romanas, de mis cálidas pendientes de Liternum y de tus soleadas playas en Aciri!… Y aromáticos vinos de Quío y de la isla en que Cintium es la gema. Y embriagadores vinos de Iberia, propicios para encender la sensualidad para el goce final. ¡Oh, tiene que ser una gran fiesta! Para sacudirnos el aburrimiento de este exilio. Para persuadirnos de que somos todavía viriles…».

«¿También mujeres?».

«También… Y más guapas que rosas. De todos los colores y… sabores. Un tesoro me ha costado adquirir todas las mercancías, y entre ellas las hembras… Pero soy generoso para los amigos… Ahora aquí estaba terminando de comprar las últimas cosas: las que en el viaje podían estropearse. ¡Después del banquete… a nosotros el amor!…».

«¿Has tenido buena navegación?».

«Magnífica. Venus marina me ha sido propicia. En fin… le dedico a ella el rito de esta noche…».

Los tres se ríen de forma vulgar, catando ya con anticipación las próximas, indignas delicias…

425.4

Pero Floro pregunta: «¿Por qué esta extraordinaria fiesta? ¿Hay un motivo para ella?…».

«Tres motivos: mi amado nieto se pone en estos días la toga viril. Debo dar solemnidad a este acontecimiento. Una obediencia al presagio que me decía que Cesarea se transformaba en dolorosa morada y había que conjurar el hado con un rito a Venus. El tercero… — bajo, os lo digo bajo — es que estoy de boda…».

«¿Tú! ¡Embustero!».

«Estoy de boda. Es “boda” cada vez que uno saborea el primer trago de una ánfora cerrada. Yo esta noche lo voy a hacer. He pagado por ella veinte mil sextercios o, si lo preferís, doscientos áureos, porque en realidad es lo que he terminado por desembolsar entre intermediarios y… similares. Pero no la habría encontrado más hermosa y pura ni aunque la hubiera dado a luz Venus en una aurora de abril y la hubiera hecho de espumas y rayos de oro. Un capullo, un capullo cerrado… ¡Ah, y yo soy su dueño!».

«¡Profanador!» dice, burlón, Marco Heracles.

«¡No te pongas censor, que eres como yo!… Cuando se marchó Valeriano, aquí languidecíamos de aburrimiento. Pero yo tomo su lugar… Los tesoros de los antepasados están para esto. Y no voy a ser como él, tan necio que espere a que la más rubia que la miel, Gala Ciprina — la he llamado así —, sea corrompida por las melancolías y filosofías de los emasculados que no saben gozarse la vida…».

«¡¡¡Sí señor!!! Pero, de todas formas… la esclava de Valeriano era culta y…».

«… y estaba desquiciada con sus lecturas de los filósofos… Alma, segunda vida, virtud… ¡qué va hombre!… vivir es gozar. Y aquí se vive. Ayer he arrojado a las llamas todos los volúmenes funestos, y, so pena de muerte, he mandado a los esclavos que no recuerden miserias de filósofos ni de galileos. Y la muchacha me conocerá sólo a mí…».

«¿Pero dónde la has encontrado?».

«¡Ya ves, hubo quien fue sagaz y adquirió esclavos después de las guerras gálicas y no los usó más que como reproductores, manteniéndolos bien. Sólo debían procrear para dar flores nuevas… Y Gala es una de éstas. Ahora es púber, y el amo la ha vendido… Y yo la he comprado… ¡ja! ¡ja! ¡ja!».

«¡Libidinoso!».

«Si no hubiera sido yo, hubiera sido otro… Por tanto… no debía nacer mujer…».

«Si te oyera…

425.5

¡Oh, ahí está!».

«¿Quién?».

«El Nazareno que ha hechizado a nuestras damas. Está detrás de ti…».

Enio se vuelve como si tuviera a sus espaldas un áspid. Mira a Jesús, que avanza lentamente entre la gente que se apiña alrededor de Él, pobre gente común y también esclavos de romanos, y, riendo maliciosamente, dice: «¡¿Ese andrajoso?! Las mujeres son unas depravadas. Pero vamos a largarnos, ¡no vaya a ser que nos hechice también a nosotros! Vosotros» dice por fin a sus pobres esclavos, que han estado todo el tiempo bajo sus cargas, semejantes a cariátides para las cuales no hay piedad, «vosotros, id a casa, y raudos, que habéis perdido tiempo hasta ahora y los preparadores están esperando las especias, los perfumes. ¡Corriendo! Y recordad que os espera el azote, si todo no está preparado para la puesta del Sol».

Los esclavos se marchan corriendo y, más lentamente, los sigue el romano con los dos amigos…

425.6

Jesús avanza. Triste, porque ha oído el final de la conversación de Enio. Y desde lo alto de su estatura mira con infinita compasión a los esclavos que corren bajo sus pesos. Se vuelve en torno a sí, busca otras caras de esclavos de romanos… Ve algunas, mezcladas entre la turba que le aprieta, temblorosas de miedo (los esclavos tienen miedo a ser sorprendidos por los encargados u obligados por los hebreos a marcharse), y, deteniéndose, dice: «¿No hay entre vosotros alguno de aquella casa?».

«No, Señor. Pero los conocemos» responden los esclavos presentes.

«Mateo, dales abundante limosna. Lo repartirán con sus compañeros, para que sepan que hay quien los quiere. Y vosotros sabed, y decídselo a los otros, que con la vida cesa el dolor sólo para los que fueron buenos y honestos en sus cadenas, y con el dolor cesa la diferencia entre ricos y pobres, esclavos y libres. Después hay un único y justo Dios para todos, el cual, sin tener en cuenta ni riquezas ni cadenas, dará premio a los buenos y castigo a los no buenos. Recordadlo».

«Sí, Señor. Pero nosotros los de las casas de Claudia y Plautina vivimos bastante felices, como también los de Livia y Valeria; y te bendecimos porque has mejorado nuestra condición» dice un anciano, al que todos escuchan como jefe.

«Para mostrarme que me estáis agradecidos, sed cada vez más buenos, y tendréis al verdadero Dios como vuestro eterno Amigo».

Jesús alza la mano como para despedirse y bendecir, y luego se pone junto a una columna y empieza a hablar en medio del atento silencio de la muchedumbre. Y ya no se marchan los esclavos, sino que se quedan a escuchar las palabras que salen de la boca divina.

425.7

«Oíd. Un padre que tenía muchos hijos dio a cada uno de ellos, ya adultos, dos monedas de mucho valor, y les dijo: “No pienso seguir trabajando para cada uno de vosotros. Ya estáis en la edad de ganaros la vida. Por tanto os doy a cada uno una cantidad igual de dinero, para que la empleéis como más os plazca y para vuestro interés. Yo estaré esperando aquí, dispuesto a aconsejaros, dispuesto también a ayudaros, si por una involuntaria calamidad perdierais todo el dinero que ahora os doy o parte de él. Pero recordad bien que seré intransigente con el que lo disipe con malicia voluntaria y con los holgazanes que lo gasten o lo dejen como está, con el ocio o con los vicios. A todos os he mostrado el Bien y el Mal. Así que no podéis decir que vais ignorantes al encuentro de la vida. A todos os he dado ejemplo de laboriosidad sabia y justa y de vida honesta. Por tanto, no podéis decir que os haya pervertido el espíritu con mi mal ejemplo. He cumplido con mi deber. Cumplid vosotros ahora con el vuestro, que ni sois tontos ni estáis sin la necesaria preparación ni sois analfabetos. Idos”, y se despidió de ellos y se quedó solo, a la espera, en su casa.

Los hijos se dispersaron por el mundo. Tenían todos las mismas cosas: dos monedas de gran valor, de las que podían libremente disponer, y un tesoro mayor de salud, energía, conocimientos y ejemplos paternos. Por tanto, habrían debido llegar todos de la misma forma a un resultado positivo. Pero ¿qué sucedió? Que entre los hijos hubo quien hizo buen uso de las monedas y consiguió pronto un grande y honesto tesoro con el trabajo asiduo y honesto y una vida morigerada, conformada a las enseñanzas del padre; hubo quien al principio se enriqueció honestamente, pero luego despilfarró la fortuna con el ocio y las orgías; hubo quien hizo dinero con usura y comercio indigno; y hubo quien no hizo nada, porque fue pasivo, perezoso, vacilante, y acabó las monedas de mucho valor sin haber podido encontrar todavía una ocupación cualquiera.

425.8

Después de un tiempo, el padre de familia mandó servidores a todas las partes donde sabía que estaban sus hijos, y dijo a los servidores: “Diréis a mis hijos que se reúnan en mi casa. Quiero que rindan cuentas de lo que han hecho en este tiempo, y hacerme idea directa de sus condiciones”. Y los servidores fueron por todos los lugares y encontraron a los hijos de su señor; transmitieron el mensaje y cada uno de ellos regresó con el hijo de su señor encontrado.

El padre de familia los recibió con mucha solemnidad. Como padre, pero también como juez. Y todos los parientes de la familia estaban presentes, y con los parientes los amigos, los conocidos, los criados, los convecinos y los de los lugares limítrofes. Una reunión solemne. El padre estaba en su sitial de cabeza de familia. En torno, en semicírculo, todos los parientes, amigos, conocidos, servidores, convecinos y habitantes de zonas limítrofes. Enfrente, alineados, los hijos.

Incluso sin preguntas, su diverso aspecto daba respuesta acerca de la verdad: los que habían sido laboriosos, honrados, morigerados, y habían construido una santa fortuna, tenían el aspecto lozano, pacífico y holgado propio de quien tiene abundantes medios, buena salud y serenidad de conciencia. Miraban a su padre con una sonrisa buena, agradecida, humilde pero al mismo tiempo triunfadora, esplendorosa por la alegría de haber honrado al padre y a la familia y por haber sido buenos hijos, buenos ciudadanos y buenos fieles. Los que habían derrochado sus haberes en la negligencia o en el vicio estaban apesadumbrados, mustios, deslucidos la cara y el vestido, con las señales de las orgías o del hambre claramente imprimidas en todos ellos. Los que se habían enriquecido con maniobras delictivas tenían la agresividad, la dureza, en su rostro, la mirada cruel y turbada de fieras que temen al domador y se preparan a reaccionar…

El padre empezó el interrogatorio por estos últimos: “¿Cómo es que vosotros, que teníais un aspecto tan sereno cuando os marchasteis, ahora parecéis fieras preparadas a despedazar? ¿De dónde os viene ese aspecto?”.

“Nos lo ha dado la vida. Y tu dureza de mandarnos fuera de casa. Tú nos pusiste en contacto con el mundo”.

“Bien. ¿Y qué habéis hecho en el mundo?”.

“Lo que hemos podido para obedecer a tu orden de ganarnos la vida con la nada que nos diste”.

“Bien. Poneos en aquel rincón… Y ahora a vosotros, delgados, enfermos y mal vestidos. ¿Qué habéis hecho para acabar así? Cuando os marchasteis estabais sanos y bien vestidos”.

“En diez años la ropa se deteriora…” objetaron los holgazanes.

“¿Es que ya no hay telares en el mundo que hagan telas para los indumentos de los hombres?”.

“Sí… Pero se necesita dinero para comprar estas cosas…”.

“Lo teníais”.

“En diez años… se han requeteterminado. Todo lo que tiene principio tiene fin”.

“Sí, si se saca sin meter. Pero, ¿por qué habéis sacado sólo? Si hubierais trabajado, podíais meter y sacar sin que se terminara el dinero; es más, consiguiendo que aumentara. ¿Habéis estado enfermos?”.

“No, padre”.

“¿Y entonces?”.

“Nos sentimos desorientados… sin saber qué hacer, sin saber qué fuera lo bueno… Temíamos actuar mal, y para no actuar mal no hicimos nada”.

“¿Y no estaba vuestro padre a quien dirigirse para ser aconsejados? ¿Es que he sido alguna vez un padre intransigente, amedrentador?”.

“¡Oh, no! Pero nos avergonzábamos de decirte: ‘No somos capaces de tomar iniciativas’. ¡Tú has sido siempre tan activo!… Nos hemos escondido por vergüenza”.

“Bien. Id al centro de la estancia. ¡A vosotros! ¿Qué me decís vosotros, vosotros que al aspecto del hambre unís el de la enfermedad? ¿Quizás os ha enfermado el excesivo trabajo? Sed sinceros y no os regañaré”.

Algunos de los interpelados se hincaron de rodillas golpeándose el pecho y diciendo: “¡Perdónanos, padre! Ya Dios nos ha castigado y nos lo merecemos. Pero tú, que eres nuestro padre, perdónanos… Habíamos empezado bien, pero no perseveramos. Viéndonos fácilmente ricos, dijimos: ‘Pues bien, ahora vamos a gozar un poco, como nos sugieren los amigos, y luego volveremos al trabajo y reconstruiremos lo perdido’. Y queríamos hacerlo así de verdad. Volver a las dos monedas y luego volver a hacerlas producir, como por juego. Y dos veces — dos dicen dos, uno dice tres — lo conseguimos. Pero luego la suerte nos abandonó… y consumimos todo el dinero”.

“Pero ¿por qué no os corregisteis después de la primera vez?”.

“Porque el pan condimentado con el vicio corrompe el paladar y ya uno no puede prescindir de él…”.

“Estaba vuestro padre…”.

“Es verdad. Y te anhelábamos con añoranza y nostalgia. Pero te hemos ofendido… Suplicábamos al Cielo que te inspirara llamarnos para recibir tu reprensión y tu perdón; esto pedíamos y pedimos, más que las riquezas que ya no queremos porque nos han extraviado”.

“Bien. Poneos también junto a los de antes, en el centro de la estancia. ¿Y vosotros, enfermos y pobres como éstos, pero que estáis silenciosos y no mostráis dolor, qué decís?”.

“Lo que han dicho los primeros. Que te odiamos porque con tu imprudente modo de actuar nos has causado la ruina. Tú, que nos conocías, no debías lanzarnos a las tentaciones. Nos has odiado y te odiamos. Nos has preparado esta trampa para librarte de nosotros. ¡Maldito seas!”.

“Bien. Id junto a los primeros a aquel rincón. Y ahora a vosotros, de lozano aspecto, serenos, ricos hijos míos. Decid. ¿Cómo habéis alcanzado esto?”.

“Poniendo en práctica tus enseñanzas, ejemplos, consejos, órdenes, todo. Resistiendo a los tentadores por amor a ti, padre bendito que nos has dado la vida y los conocimientos”.

“Bien. Venid a mi derecha. Y oíd todos mi juicio y mi defensa. Yo he dado a todos igual en dinero, ejemplo y conocimientos; mis hijos han respondido de formas diferentes. De un padre trabajador, honrado, morigerado, han salido algunos semejantes a él, luego ociosos, luego débiles que con facilidad caen en tentación, y crueles que odian a su padre, a sus hermanos y al prójimo, contra quien — aunque no lo digan, lo sé — han ejercitado usura y han cometido delitos. Y en los débiles y los ociosos están los arrepentidos y los impenitentes. Ahora juzgo. Los perfectos ya están a mi derecha, a mi nivel en la gloria como en las obras; los arrepentidos estarán de nuevo sujetos, como niños que han de instruirse todavía, hasta que alcancen el grado de capacidad que los haga de nuevo adultos; los impenitentes y culpables, que sean arrojados fuera de mis fronteras y perseguidos por la maldición de quien ya no es su padre, porque su odio a mí anula las relaciones de paternidad y filiación entre nosotros. Y recuerdo a todos que cada uno se ha construido su destino, porque yo he dado a todos las mismas cosas, que, en los que las han recibido, han producido cuatro desenlaces distintos, y no puedo ser acusado de haber querido su mal”.

425.9

La parábola ha terminado, oh vosotros que habéis escuchado. Ahora os doy sus equivalencias.

El Padre de los Cielos está celado en el padre de familia numerosa. Las dos monedas dadas por el padre a todos los hijos antes de mandarlos al mundo son el tiempo y la libre voluntad que Dios da a cada uno de los hombres, para que los use como mejor le parezca, después de haber sido adoctrinado y edificado con la Ley y los ejemplos de los justos. A todos, iguales dones. Pero cada hombre los usa como su voluntad quiere: quién atesora el tiempo, los medios, la educación, la riqueza, todo, en el bien y se mantiene sano y santo, rico con una riqueza multiplicada; quién empieza bien y luego se cansa y disipa los bienes; quién no hace nada pretendiendo que sean los demás los que hagan las cosas; quién acusa al Padre de los propios errores; quién se arrepiente, dispuesto a ofrecer reparación; quién no se arrepiente y acusa y maldice como si su ruina hubiera estado forzada por otros. Y Dios a los justos les da inmediatamente premio; a los arrepentidos, misericordia y tiempo de expiar para alcanzar el premio por su arrepentimiento y expiación; y da maldición y castigo a quien pisotea el amor con la impenitencia después del pecado. A cada uno le da lo suyo.

No malgastéis nunca las dos monedas, el tiempo y el libre arbitrio; antes bien, usad éstos con justicia para estar a la derecha del padre, y, si habéis faltado, arrepentíos y tened fe en el misericordioso Amor. Idos. ¡La paz esté con vosotros!».

Los bendice y los mira mientras se alejan bajo el sol que inunda la plaza y las calles.

425.10

Pero los esclavos están todavía allí…

«¿Todavía aquí, pobres amigos? ¿Y no os van a castigar?».

«No, Señor, si decimos que te hemos estado escuchando a ti. Nuestras amas te veneran. ¿A dónde vas ahora, Señor? Desean verte desde hace mucho…».

«A casa del soguero del puerto. Pero me marcho esta noche, y vuestras amas estarán en la fiesta…».

«Lo diremos igualmente. Nos tienen ordenado, desde hace meses y meses, que señalemos todas las veces que pases».

«De acuerdo. Marchaos. Y también vosotros haced buen uso del tiempo y del pensamiento, que es siempre libre aunque el hombre esté encadenado».

Los esclavos se prosternan y se marchan hacia los barrios romanos; Jesús y los suyos, por una callecita modesta, van hacia el puerto.


Notes

  1. Cintium se trouvait sur l’île de Chypre, et Liternum tout au sud de l’Italie, dans la province actuelle du Basilicate. L’Aciri est un fleuve de la même région.