« On peut entrer ? dit à la porte de la pièce qui donne sur la rue la voix un peu rauque de Pierre.
– Simon ! Ouvrez !
– Simon ! Il n’a pas su rester loin d’ici ! s’exclame Thomas pendant qu’en riant il court ouvrir.
– Simon ! C’était à prévoir… » dit en souriant Simon le Zélote.
Mais ce n’est pas seulement le visage de Pierre qui s’encadre dans la porte. Il y a tous les apôtres du lac, tous, sauf Barthélemy et Judas. Jude et Jacques, fils d’Alphée, sont là aussi.
« Paix à vous ! Mais pourquoi êtes-vous venus par cette chaleur ?
– Parce que… nous ne pouvions plus rester au loin. Cela fait deux semaines et demie, tu sais ? Tu comprends ? Deux semaines et demie que nous ne te voyons plus ! »
Pierre semble dire : “ Deux siècles ! C’est énorme ! ”
« Mais je vous avais demandé d’attendre Judas à chaque sabbat.
– Oui. Mais, aux deux sabbats, il n’est pas venu… et le troisième, c’est nous qui venons. Nathanaël est resté là-bas, parce qu’il ne va pas trop bien, et il recevra Judas, s’il vient… Mais ce ne sera sûrement pas le cas… En passant par Tibériade avant de nous rejoindre, pour aller vers le grand Hermon, Benjamin et Daniel nous ont dit l’avoir vu à Tibériade et… Bon, je t’en parlerai plus tard… dit Pierre, qui s’est tu lorsque son frère a tiré son vêtement.
– C’est bien. Tu me raconteras… Pourtant, vous désiriez tant vous reposer et, maintenant que vous le pouvez, vous faites ces courses ! Quand êtes-vous partis ?
– Hier soir, sur un lac qui était un miroir. Nous avons débarqué à Tarichée pour éviter Tibériade afin de… de ne pas rencontrer Judas…
– Pourquoi ?
– Parce que, Maître, nous voulions profiter de toi en paix.
– Vous êtes égoïstes !
– Non. Lui, il a ses propres joies… Je ne sais pas qui lui procure tant d’argent pour en jouir… Oui, j’ai compris, André, ne tire plus si fort mon habit. Je n’ai que celui-là, tu le sais. Veux-tu me faire repartir en guenilles ! »
André rougit. Les autres rient. Jésus sourit.
« Bien. Nous sommes aussi descendus à Tarichée parce que… ne me fais pas de reproches… Ce sera la chaleur, ce sera que loin de toi je deviens mauvais, ce sera que penser que Judas s’est séparé de toi pour s’unir à… Cesse de me tirer la manche ! Tu vois que je sais m’arrêter à temps !… Donc, Maître, ce sera pour bien des raisons… moi, je ne voulais pas pécher, et si j’avais vu Judas, je l’aurais fait. C’est pourquoi je me suis dirigé vers Tarichée et, à l’aube, nous nous sommes mis en route.
– Etes-vous passés par Cana ?
– Non. Nous ne voulions pas allonger notre chemin… Mais malgré cela, il a été très long. Et le poisson allait se gâter… Nous l’avons donné dans une maison, pour y être abrités pendant quelques heures, les plus chaudes. Et nous sommes partis au milieu de l’heure suivant none… C’était un vrai four !…
– Vous pouviez vous épargner tout cela : je n’aurais pas tardé à venir…
– Quand ?
– Une fois le soleil sorti du Lion.
– Tu penses donc que nous pouvions rester si longtemps sans toi ? Mais nous aurions défié mille chaleurs comme celle-là pour venir à toi et te voir. Notre Maître ! Notre Maître adoré ! »
Et Pierre embrasse son Trésor retrouvé.
« Dire que, lorsque nous sommes ensemble, vous ne faites que vous plaindre du temps, de la longueur du chemin…
– Parce que nous sommes sots. Lorsqu’on est ensemble, on ne se rend pas bien compte de ce que tu es pour nous… Mais nous voici ici. Nous avons déjà une place : les uns chez Marie, femme d’Alphée, les autres chez Simon, son fils, ou chez Ismaël, chez Aser, ou encore chez Alphée, tout près d’ici. Maintenant nous nous reposons, et demain soir, nous repartirons, plus contents.