Los Escritos de Maria Valtorta

461. Un complot pour élire Jésus comme roi.

461. Confabulación en casa de Cusa para elegir a Jesús rey.

461.1

Sur les rives du lac ou sur le lac lui-même, Tibériade a déversé tous ses habitants qui espèrent trouver quelque rafraîchissement dans la brise qui court sur les eaux et fait bouger les arbres des jardins, le long de la berge. Dans cette ville, se mêlent de nombreuses races, réunies là pour des motifs variés. Les riches se détendent sur des barques de plaisance confortables ou bien, sous les ombres vertes des jardins, ils regardent les bateaux évoluer sur les eaux bleu turquoise, déjà épurées de la couleur jaune qu’y avait apportée l’orage du soir précédent. Les pauvres, et les enfants surtout, s’ébattent sur la plage, là où les petites vagues viennent mourir. La fraîcheur de l’eau, qui les atteint plus haut qu’ils ne le voudraient, leur fait pousser de petits cris qui rappellent ceux des hirondelles.

Les barques de Pierre et de Jacques approchent de la rive et se dirigent vers le petit môle.

« Non. Allons au jardin de Jeanne » ordonne Jésus.

Pierre obéit sans mot dire et la barque, suivie de sa sœur jumelle, exécute un virage parfait qui laisse un sillage d’écume en forme de point d’interrogation pour se replier sur la jetée du jardin de Kouza, où elle accoste et s’arrête. Jésus est le premier à descendre, et il donne la main aux deux Marie pour les aider à monter sur le petit quai.

« Vous, maintenant, allez au grand môle et mettez-vous à parler. Vous allez voir un homme s’approcher pour vous demander où je suis. C’est l’homme d’Antioche. Conduisez-le-moi après avoir congédié la foule.

– Oui… mais… Que devons-nous dire aux gens ? Annoncer ta venue ou prêcher ta doctrine ?

– Ma venue. Prévenez-les qu’à l’aurore je parlerai à Tarichée et guérirai les malades. Que l’un de vous surveille les barques, ou chargez-en quelque disciple, afin qu’elles soient prêtes pour le départ. Allez, et que la paix soit avec vous. »

Puis il se dirige vers la grille qui sert de clôture sur le débarcadère. Les deux Marie le suivent en silence.

461.2

Dans le grand jardin où des roses tardives fleurissent — bien qu’en petit nombre —, on ne voit personne. Mais on entend les cris heureux des deux enfants qui jouent. En passant la main à travers les arabesques de la grille, Jésus cherche à déplacer le verrou. Comme il n’y parvient pas, il cherche quelque chose qui puisse faire du bruit et attirer l’attention. Mais il n’y a rien. Alors, entendant les cris des deux enfants se rapprocher, il hèle à haute voix :

« Marie ! »

Du coup, les deux enfants se taisent… Jésus répète :

« Marie ! »

Soudain, au milieu du pré, tondu comme un tapis d’où s’élèvent des touffes de rosiers bien tenus, il aperçoit la fillette, marchant à petits pas, circonspecte, un doigt sur les lèvres, ses yeux inquisiteurs scrutant dans tous les sens, puis, quelques pas en arrière, Mathias, suivi d’un agnelet blanc comme de l’écume.

« Marie ! Mathias ! » crie Jésus à haute voix.

La voix guide les regards innocents. Les deux enfants tournent les yeux vers la grille et aperçoivent Jésus, le visage contre les barres, qui leur sourit.

« Le Seigneur ! Cours, Mathias, prévenir maman… Appelle Elie ou Michée… Qu’ils viennent ouvrir…

– Vas-y toi-même ! Moi, je vais vers le Seigneur… »

Et ils courent tous les deux, les bras tendus, tels deux papillons, l’un blanc, l’autre rosé avec leur petite tête brune. Heureusement, tout en courant ils alertent les serviteurs, et ceux-ci arrivent, armés d’arrosoirs et de râteaux, de sorte que finalement la grille s’ouvre et que les deux enfants se précipitent dans les bras de Jésus, qui les embrasse et franchit le seuil en les tenant par la main.

461.3

« Maman est à la maison avec ses amies. On nous renvoie, parce qu’on ne veut pas de nous, explique rapidement Mathias.

– Ne parle pas si mal. Maman nous renvoie parce que ces dames sont romaines et elles parlent encore de leurs dieux ; or nous, que Jésus a sauvés, nous ne devons connaître que lui seul. C’est pour ça, Seigneur. Mathias est trop petit, il ne comprend pas, dit-elle, gracieusement, avec son bon sens d’enfant qui a souffert et qui est par conséquent plus mûre, plus adulte que son âge.

– Notre père aussi nous renvoie quand viennent les hommes de la Cour. Et ils me plairaient, parce que ce sont presque tous des soldats… des guerriers… La guerre ! C’est beau, la guerre ! Elle donne la victoire ! Elle chasse les Romains. A bas Rome ! Vive le royaume d’Israël, s’écrie fièrement le petit.

– Ce n’est pas beau la guerre, Mathias, et quand on ne remporte pas la victoire, de sujets on devient esclaves.

– Mais ton Règne doit arriver, et pour cela on fera la guerre. Et on les renverra tous, même Hérode, et c’est toi qui seras roi.

– Mais tais-toi, espèce de bavard ! Tu sais bien que tu ne dois pas répéter ce que tu entends. Ils font bien de te chasser. Ignores-tu que tu peux faire du tort à nos parents et aussi à Jésus, en parlant comme ça ? » dit Marie.

Puis elle explique :

« Un jour est venu celui qui est comme un prince et un parent d’Hérode et qui est ton disciple, pour parler avec notre père. Ils criaient très fort. Ils n’étaient pas seuls, mais avec beaucoup d’autres…

– Tous beaux, avec de belles épées, et ils parlaient de guerre… interrompt Mathias.

– Je t’ai dit de te taire ! Ils criaient si fort qu’on a entendu, et, depuis lors, ce benêt ne fait qu’en parler. Dis-le-lui, toi, qu’il ne doit pas le faire… Maman l’a dit, et notre père a menacé de l’envoyer au sommet du grand Hermon, dans une grotte avec un esclave sourd et muet, jusqu’à ce qu’il ait appris à se taire. Et là, il y serait bien obligé, car s’il parle avec l’esclave, celui-ci n’entend pas et ne répond pas, et, s’il crie, les aigles et les loups arrivent pour le manger…

– Quel terrible châtiment! » dit Jésus en souriant.

Et il caresse l’enfant, qui a perdu sa hardiesse et se serre contre Jésus comme s’il voyait déjà les aigles et les loups prêts à le dévorer tout entier, y compris sa petite langue imprudente.

« Un châtiment vraiment terrible ! répète-t-il.

– Hé ! oui, et moi, j’ai peur que ça lui arrive et que je reste sans Mathias, et je pleure… Mais lui n’a pitié ni de maman ni de moi, et il nous fera mourir de douleur…

– Je ne fais pas exprès… J’ai entendu… et je répète… C’est si beau… de penser que les Romains seront vaincus, que Hérode et Philippe seront chassés, et que tu seras Roi d’Israël », achève-t-il dans un murmure, en cachant son visage contre les vêtements de Jésus pour étouffer encore plus le son de sa voix.

461.4

« Mathias ne dira plus jamais rien de tel. Il me le promet, et il tiendra parole. N’est-ce pas ? Ainsi, lui ne sera pas dévoré, Jeanne et Marie ne mourront pas de douleur, Kouza ne sera pas fâché, et moi, je ne serai pas haï. Parce que tu vois, Mathias ? Tu me fais haïr en disant de telles choses. Cela te plaît, que Jésus soit persécuté ? Imagine ton remords si un jour tu devais te dire : “ J’ai fait persécuter Jésus qui m’a sauvé, et tout cela pour avoir répété ce que j’ai entendu par hasard. ” Ces gens étaient des hommes, et les hommes perdent souvent Dieu de vue, parce qu’ils sont pécheurs. Ne voyant pas Dieu, ils ne voient pas la Sagesse et ils se trompent, ils font le mal alors qu’ils croient bien faire. Mais les enfants sont bons, leurs âmes voient Dieu, et Dieu repose dans leur cœur. Par conséquent, ils doivent comprendre les choses avec sagesse et dire que mon Royaume ne se fera pas par la violence sur la terre, mais par l’amour dans les cœurs. Et il leur faut prier pour que les hommes comprennent ce Royaume, comme le font les enfants. Les prières des enfants sont portées au Ciel par leurs anges, et le Très-Haut les transforme en grâces. Et Jésus a besoin de ces grâces pour faire de ces hommes, qui pensent à la guerre et au royaume de la terre, des apôtres qui comprennent que Jésus est paix et que son Royaume est dans les cœurs et au ciel. Tu vois cet agneau ? Pourrait-il dévorer quelqu’un ?

– Bien sûr que non ! Si c’était possible, notre père ne nous en aurait pas fait cadeau pour nous faire mettre en pièces.

– Voilà, tu as raison. De même, le Père qui est dans les Cieux ne m’aurait pas envoyé si j’avais eu la puissance et la volonté de mettre en pièces. Je suis l’Agneau et le Berger. Je suis doux et plein de bonté comme l’agneau, et je suis celui qui réunit par l’amour avec le bâton du bon Pasteur et non avec la lance et l’épée du guerrier. Tu as compris ? Et me promets-tu, à moi, précisément à moi, de ne plus parler comme un étourdi ?

– Oui, Jésus. Mais… aide-moi, toi… parce que tout seul…

– Je t’aiderai. Regarde, je te caresse les lèvres et ainsi elles sauront rester closes.

461.5

– Mon Maître ! Sainte est cette soirée qui me permet de te voir ! dit Jonathas en accourant de la maison et en se prosternant aux pieds de Jésus.

– Paix à toi, Jonathas. Puis-je voir Jeanne ?

– Elle va arriver. Elle a congédié les Romaines pour venir te trouver. »

Jésus le regarde d’un air interrogateur, mais ne lui demande rien. Il marche vers la maison, en écoutant Jonathas qui parle de Kouza, “ vraiment fâché avec Hérode ”, et qui ajoute :

« Pour l’amour de ma maîtresse, je te prie de le modérer, car il veut faire des choses qui… ne feraient de bien ni à toi, ni à lui… mais surtout pas à toi. »

461.6

Jeanne est une véritable apparition de beauté, de pureté et de grâce : elle porte un splendide vêtement blanc sur lequel, de la tête, descend un voile qui ressemble à un filigrane d’argent tant il est broché de fils de ce métal — et je ne sais comment la légèreté de l’étoffe supporte cette riche broderie. Elle est ceinte d’un fin diadème qui pointe légèrement sur le devant, comme une mitre emperlée, elle a de lourdes boucles d’oreilles ornées de perles assorties à son collier, des bagues et des bracelets pareillement garnis. Elle se hâte vers le Seigneur et, sans se soucier de ses beaux vêtements, elle se prosterne dans la poussière du sentier et dépose un baiser sur les pieds de Jésus.

« Paix à toi, Jeanne.

– Quand tu es avec moi, la paix est toujours en moi et dans ma maison… Mère !… »

Elle est sur le point de baiser les pieds de Marie, mais celle-ci, les bras ouverts, l’accueille et l’embrasse. Elle échange aussi un baiser avec Marie, femme d’Alphée.

Après les salutations, Jésus dit :

« Je dois te parler, Jeanne.

– Me voici, Maître. Marie, ma maison est la tienne : commande ce qu’il faut. Moi, je vais avec le Maître… »

Jésus a déjà pris la direction du pré, bien en vue de tout le monde, mais assez isolé pour que personne ne puisse entendre. Jeanne le rejoint.

« Jeanne, je dois recevoir quelqu’un qui vient d’Antioche, envoyé par Syntica, certainement. J’ai pensé le faire chez toi, ici, dans ton jardin…

– Tu es le maître de tout ce qui appartient à Jeanne.

– Même de ton cœur ? »

Jésus la regarde fixement.

« Tu sais, déjà, Maître ! J’en étais presque certaine. Maintenant, je le suis tout à fait. Kouza… L’incohérence des hommes est bien grande ! Le sentiment de leur intérêt est bien fort ! Et leur pitié pour leur femme est bien faible ! Nous sommes… Que sommes-nous donc, nous, les épouses des meilleurs ? Un joyau que l’on montre ou que l’on cache selon que cela peut être utile… Un mime qui doit rire ou pleurer, attirer ou repousser, parler ou se taire, se montrer ou rester caché, selon les désirs de l’homme… et toujours dans son intérêt… Il est triste, notre sort, Seigneur ! Et dégradant, aussi !

– En compensation, il vous est donné de savoir vous élever plus haut par l’esprit.

– C’est vrai. Tu l’as appris par toi-même ou bien on t’en a parlé ? As-tu vu Manahen ? Il te cherchait…

– Non, je n’ai vu personne. Il est ici ?

– Oui. Nous sommes tous ici… Je veux dire : tous les courtisans d’Hérode… et plusieurs d’entre eux parce qu’ils le haïssent. Kouza est des leurs depuis que, par la volonté d’Hérodiade, Hérode se plaît à humilier son intendant… Seigneur, tu te souviens qu’à Béther, il voulait me séparer de toi, parce qu’il craignait la disgrâce d’Hérode ? Il ne s’est passé que quelques mois… et déjà maintenant il veut que je… Oui, Seigneur, il voudrait que je te persuade d’accepter son aide pour devenir roi à la place du Tétrarque… Moi, je dois te le rapporter puisque je suis une femme, donc soumise à l’homme, et en plus femme juive, par conséquent plus que jamais soumise aux volontés de son époux. Je t’en informe donc… Et je ne te donne pas de conseil… car j’espère savoir déjà que tu ne te feras pas roi à l’aide de lanciers gagés. Oh !… qu’ai-je dit ! Je ne devais pas parler ainsi… Je devais te laisser d’abord entendre Kouza, Manahen et d’autres… D’un autre côté, si je m’étais tue, est-ce que je n’aurais pas mal agi ?… Seigneur, aide-moi à y voir clair…

461.7

– Tu vois clair, Jeanne. Ce ne sera pas à l’aide des cohortes romaines ou des lances israélites que je deviendrai roi, même si Rome et Israël voulaient pacifier cette région en se servant de moi. J’ai déjà compris suffisamment de choses pour m’en rendre compte. Mathias a eu des paroles imprudentes. Jonathas a fait allusion à des mécontentements. Tu m’apprends le reste. Et moi, je complète ainsi : une folle conception de mon royaume pousse ceux qui sont bons, sans être encore justes, comme Manahen, à créer des mouvements tendant à instaurer le royaume d’Israël selon l’idée fixe de la plupart. Un ardent besoin de se venger d’un affront en pousse d’autres, parmi lesquels ton époux, à suivre ce même but. C’est sur ces deux motifs que fait levier l’astuce des pharisiens, des sadducéens, des scribes et aussi des hérodiens pour se débarrasser de moi en me faisant passer, aux yeux de ceux qui nous dominent, pour ce que je ne suis pas.

Tu as congédié les Romaines pour me rapporter cela, pour ne pas trahir Kouza, ni Manahen, ni les autres. Mais je te dis, en vérité, que ce sont les païens qui m’ont le mieux compris. Ils m’appellent le philosophe : peut-être jugent-ils que je suis un rêveur, un irréaliste, un malheureux, selon eux pour qui tout repose sur la violence. Mais ils ont compris, eux au moins, que je ne suis pas de cette terre, et mon Royaume non plus. Ils ne me craignent pas, mais ils ont peur de ceux qui me suivent. Ils ont raison. Ceux qui me suivent, les uns par amour, les autres par orgueil, seraient capables de faire n’importe quoi pour réaliser leur idée : faire de moi — le Roi des rois, le Roi universel — le pauvre roi d’un état minuscule… Et, en vérité, je dois me garder davantage de ce complot qui se développe dans l’ombre, encouragé par mes vrais ennemis, qui ne sont pas au palais proconsulaire de Césarée, ni à celui du Légat à Antioche, ni à l’Antonia, mais sous les tefilim, les franges et les zizits[1] des vêtements hébraïques, et spécialement sous les larges tefilim et les floconneux zizits qui ornent les amples vêtements des pharisiens et des scribes pour manifester une adhésion encore plus large à la Loi. Mais la Loi doit être dans le cœur, pas sur les vêtements… Ceux qui se détestaient s’unissent maintenant, oubliant, pour me nuire, cette haine qui avait creusé de profonds fossés entre les castes ; or, aujourd’hui, Israël n’est plus divisé mais nivelé, car les fossés se sont comblés par leur haine commune pour moi. Si la Loi était dans leur cœur, au lieu d’être suspendue et attachée à leurs vêtements, à leurs fronts, à leurs mains, comme un sauvage s’orne d’amulettes, de coquillages, d’os, de becs de vautours, par superstition ou comme parure, si cette Loi était dans leur cœur, si la Sagesse était inscrite, non pas dans les tefilim, mais sur les fibres de leur cœur, ils comprendraient qui je suis et ils sauraient qu’ils ne peuvent s’opposer à moi pour me détruire comme Verbe et comme Homme.

Je dois donc me défendre de mes amis et de mes ennemis, pareillement injustes dans leur haine comme dans leur amour. Je dois chercher à diriger l’amour et à apaiser l’animosité. Je le fais pour accomplir mon devoir, et cela jusqu’à ce que j’aie édifié mon Royaume, en arrosant ses pierres de mon sang pour les cimenter. Lorsque je vous aurai aspergés de mon sang, votre cœur ne vacillera plus. Je parle des cœurs qui me sont fidèles, et du tien, Jeanne, qui es ainsi partagée entre les deux forces et les deux amours qui sont sur toi et en toi : Kouza et moi.

– Mais tu vaincras, Seigneur.

– Je vaincrai, oui.

– Cherche pourtant à sauver Kouza aussi… Aime celui que j’aime.

– J’aime celui qui t’aime.

– Aime Kouza qui t’aime…

– Le mensonge ne convient pas à ce front, pur comme les perles qui le ceignent, et qui rougit maintenant sous l’effort de vouloir se persuader et me persuader que Kouza m’aime.

– Et pourtant, c’est le cas.

– Oui, par intérêt. De même que, par intérêt là aussi, il ne m’aimait pas à Zio et à Sivam…

461.8

Mais voici Simon, fils de Jonas, avec l’étranger. Allons à leur rencontre… »

Ils se dirigent vers le vaste vestibule qui se trouve à l’arrière de la maison ; plus qu’un vestibule, d’ailleurs, c’est un portique en demi-cercle ouvrant sur le parc, et orné de colonnes avec des branches de rosiers, maintenant sans fleurs, et de charmants rameaux de jasmin, constellés de fleurs et d’autres plantes grimpantes pourpres dont j’ignore le nom.

« Que la paix soit avec toi, étranger. Tu voulais me voir ?

– Salut et gloire, Seigneur. Oui, je voulais te voir : j’ai une lettre pour toi. C’est une femme grecque qui me l’a remise à Antioche. Je suis… Non, je ne suis plus grec, car j’ai pris la nationalité romaine pour continuer mon travail. Je suis fournisseur des milices romaines. Je les déteste, mais il est rentable de les ravitailler. A cause de ce qu’ils nous ont fait, je devrais mêler de la ciguë à la farine, mais il faudrait les empoisonner tous, pas seulement quelques-uns. Ce serait inutile, ce serait pire… Ils se croient tout permis parce qu’ils sont forts. Ce sont des barbares en comparaison des Grecs. Ils nous ont tout volé pour s’orner de ce qui était à nous et essayer de paraître civilisés. Mais une fois grattée la croûte qui est teinte de notre civilisation, on découvre toujours un Amulius, un Romulus, un Tarquin… On découvre toujours un Brutus, meurtrier de son bienfaiteur. Maintenant, ils ont Tibère ! C’est encore peu pour eux ! Ils ont Séjan. Ils ont ce qu’ils méritent. Le fer, les chaînes, les crimes qu’ils ont commis se retournent contre eux et mordent les chairs de ces brutes de Romains. C’est peu, encore trop peu. Mais ils n’échapperont pas à la loi : quand le monstre sera devenu énorme, il s’écroulera sous son propre poids et pourrira. Alors, les vaincus riront devant ce monstrueux cadavre, et ils redeviendront les vainqueurs. Qu’il en soit ainsi ! Tous les pieds des conquérants pour accabler celle qui nous a écrasés par sa brutale expansion… Mais pardonne-moi, Seigneur. Ma perpétuelle douleur m’a bouleversé encore une fois…

461.9

Je disais qu’une Grecque m’a remis une lettre pour toi, et elle m’a dit que tu es le Vertueux parfait. Vertueux… Tu es bien jeune pour l’être ! Les grands esprits de l’Hellade ont eu besoin de toute leur vie pour le devenir un peu… Et pourtant, la femme m’a dit ton Idée. Si vraiment tu crois à ce que tu enseignes, tu es grand… Est-il vrai que tu vis dans le but de te préparer à la mort pour donner au monde la sagesse de vivre en dieux et non en brutes, comme le font actuellement les hommes ? Est-il vrai que tu affirmes qu’il n’y a qu’une richesse qui mérite qu’on l’atteigne : celle de la vertu ? Est-il vrai que tu es venu pour racheter, mais que la rédemption commence en nous-mêmes, quand on suit tes enseignements ? Est-il vrai que nous possédons une âme et que nous devons en prendre soin car c’est une création divine, immortelle, incorruptible par nature, mais à laquelle, par une mauvaise vie, nous pouvons faire perdre son caractère divin, sans pouvoir la détruire ? Réponds, Grand Homme !

– C’est vrai. Tout est vrai.

– Par Zeus, c’est cela que disait notre très grand Sage. Mais cela semblait être une mélodie à laquelle il manquait une note, une lyre à laquelle il manquait une corde. De temps à autre, on sentait un vide que le philosophe ne franchissait pas. Toi, tu l’as comblé, si réellement tu es venu non seulement pour enseigner, mais encore pour mourir sans y être contraint par personne, mais poussé par ta volonté personnelle d’obéir à Dieu… ce qui change ta mort, de suicide en sacrifice… Par la divine Pallas ! Aucun de nos dieux n’a jamais fait cela. J’en déduis donc que tu es au-dessus d’eux. La Grecque prétend qu’ils n’existent pas et que toi seul, tu existes… Je parle donc à un Dieu ? Et un Dieu peut-il écouter ainsi un ravitailleur voleur et qui hait son ennemi, un homme misérable ? Pourquoi m’écoutes-tu ?

– Parce que je vois ton âme.

– Tu la vois ! Comment est-elle ?

– Difforme, sale, serpentine, amère, ignorante, même si ton intelligence est bien différente de celle d’un barbare. Mais à l’intérieur de ce temple souillé, il y a un autel qui attend, comme celui qui se trouve à l’Aréopage et qui attend la même chose : le Dieu vrai.

– C’est donc toi, puisque la Grecque dit que tu es le vrai Dieu. Mais, par Zeus, ce que tu dis de mon âme est vrai. Tu es plus clair et plus sûr que l’oracle de Delphes. Mais tu prêches la paix, l’amour et le pardon : ce sont là de difficiles vertus. Et tu prêches la continence et l’honnêteté en toute matière… Pour les pratiquer, il faut être des dieux, plus grands que des dieux, car eux… ils sont bien loin d’être pacifiques, honnêtes ou magnanimes ! Ils sont la perfection des mauvaises passions de l’homme, excepté Minerve qui, elle au moins, est sage… Diane elle-même est pure, mais cruelle… Oui, être ce que tu prêches, c’est être plus grand qu’un dieu. Si je le devenais… Par le charmant Ganymède ! Lui fut enlevé tout jeune homme par l’aigle de l’Olympe et devint l’échanson des dieux. Mais Zénon, passer de l’état de fournisseur de vivres à des maîtres barbares à celui de dieu…

461.10

Mais permets-moi de m’enfermer dans cette pensée et, pendant ce temps, lis la lettre de la femme…»

Et l’homme se met à marcher comme un péripatéticien[2].

Pierre, fatigué et voyant que la conversation se prolongeait, s’était confortablement installé sur un siège de l’atrium et, dans cette fraîcheur, dans la douceur des coussins qui recouvraient le siège, il s’était tranquillement mis à sommeiller… Il doit cependant avoir gardé une oreille attentive, car il est réveillé par le bruit du sceau que l’on brise et du parchemin que l’on déroule. Il se lève en se frottant les yeux, lourds encore de sommeil. Il s’approche du Maître, qui lit debout, sous un lustre de plaques de mica délicatement violacées. La lumière est faible, juste suffisante pour éclairer l’endroit sans lui enlever l’enchantement du clair de lune d’une nuit sereine. Aussi Jésus tient-il très haut la feuille pour lire, et Pierre, qui est beaucoup plus petit et est tout près de lui, essaie d’allonger le cou, de se lever sur la pointe des pieds pour voir, mais sans y parvenir.

« C’est Syntica, hein? Que dit-elle ? » Il répète sa question, et supplie : « Lis tout haut, Maître ! »

Mais Jésus répond :

« Oui, c’est elle… Plus tard… »

Et il poursuit sa lecture. Une fois la première feuille finie, il la plie, la passe dans les plis de sa ceinture et se met à lire la seconde feuille.

« Comme elle en a écrit long, hein ! Comment va Jean ? Et qui est cet homme ? »

Pierre insiste comme un enfant, mais Jésus est tellement absorbé qu’il ne l’entend plus. La seconde feuille, achevée, subit le sort de la première.

« Elles s’abîment, comme ça. Passe-moi les feuilles pour que je les tienne… »

Il pense certainement : “ et pour que je les lorgne. ” Mais, en levant les yeux pour suivre les mains du Maître, qui déroulent la troisième et dernière feuille, il voit briller une larme suspendue dans les cils blonds de Jésus.

« Maître ! Tu pleures ? Pourquoi, mon Maître ? »

Et il le serre contre lui en le prenant par la taille de son bras court et musclé.

« Jean est mort…

– Oh ! le pauvre ! Quand ?

– Aux premières chaleurs… et en désirant tellement notre présence…

– Oh ! pauvre Jean !… Mais… il était déjà à bout !… Et la douleur de la séparation… Tout cela à cause de ces serpents ! Si je connaissais leurs noms !… Lis tout haut, Seigneur. Jean, je l’aimais bien, moi !

– Plus tard. Plus tard, je lirai. Tais-toi maintenant. »

Jésus lit attentivement… Pierre se dresse encore plus pour voir… Une fois la lecture finie, Jésus replie la feuille et dit :

« Appelle ma Mère.

– Tu ne me lis pas la lettre ?

– J’attends les autres… Entre-temps, je vais congédier cet homme. »

461.11

Et, pendant que Pierre se dirige vers la maison où se tiennent les femmes disciples avec Jeanne, Jésus va trouver le Grec :

« Quand pars-tu ?

– Je dois aller à Césarée chez le Proconsul, puis à Joppé après avoir acheté des marchandises. Je partirai d’ici un mois, assez tôt pour éviter les tempêtes de novembre. Je le ferai par mer. As-tu besoin de moi ?

– Oui, pour répondre. La Grecque dit que je peux me fier à toi.

– On dit que nous sommes faux, mais nous sommes aussi capables de ne pas l’être. Fais-moi confiance. Tu peux préparer l’écrit et me chercher pour la fête des Tentes chez Cléanthe. C’est lui qui me fournit en fromage de Judée pour les tables des Romains. C’est la troisième maison après la fontaine du village de Bethphagé. Tu ne peux te tromper.

– Toi aussi, tu ne peux te tromper si tu suis la route où tu as mis le pied. Adieu, homme. La civilisation grecque t’amène à la chrétienne.

– Tu ne me reproches pas de haïr ?

– Te rends-tu compte que je devrais le faire ?

– Oui, parce que tu réprouves la haine comme une passion indigne, et que tu as horreur de la vengeance.

– Et toi, qu’en penses-tu ?

– Que celui qui ne hait pas et pardonne, est plus grand que Zeus.

– Atteins alors cette grandeur… Adieu, homme. Que ta famille aime Syntica et, dans l’exil où vous êtes, prenez les chemins de la Patrie immortelle : le Ciel. Celui qui croit en moi et met mes paroles en pratique aura cette Patrie. Que la Lumière t’éclaire. Va en paix. »

L’homme salue et s’éloigne. Puis il s’arrête, et revient sur ses pas :

« Je ne t’entendrai pas parler ?

– A l’aurore, je vais parler à Tarichée. Mais ensuite, je partirai en direction de la Syro-Phénicie, puis, je ne sais par quel chemin, pour Jérusalem.

– Je te chercherai, et demain je serai à Tarichée constater juger si tu es aussi éloquent que sage. »

Sur ces mots, il part définitivement.

461.12

Dans l’atrium, les femmes commentent avec Pierre la mort de Jean. Mais ceux qui étaient restés en ville pour prévenir que le Rabbi serait le lendemain matin à Tarichée, sont arrivés à leur tour. Et tous parlent du pauvre Jean et sont impatients de savoir.

« Il est mort, mon Fils ? demande Marie.

– Oui, le voilà en paix.

– Il a vraiment fini de souffrir, soupire Pierre.

– Il est définitivement sorti de prison.

– Il aurait été juste qu’il ne souffre pas la dernière douleur de l’exil, observe Jude avec véhémence.

– Une purification de plus…

– Ah ! je ne voudrais pas d’une telle purification pour moi. N’importe quelle autre, mais ne pas mourir loin du Maître ! s’écrie Jacques, fils de Zébédée.

– Et pourtant… nous mourrons tous ainsi… Maître… emmène-nous avec toi ! dit André après les autres.

– Tu ne sais pas ce que tu demandes, André. Votre place est ici jusqu’à ce que je vous appelle.

461.13

Mais écoutez ce qu’écrit Syntica :

“ Syntica du Christ, au Christ Jésus, salut.

L’homme qui te portera ces feuilles est mon compatriote. Il m’a promis de te chercher jusqu’à ce qu’il te rencontre, en se réservant comme dernier endroit Béthanie où il laissera la lettre chez Lazare s’il n’a pu te trouver nulle part. C’est quelqu’un qui se remet, comme il le peut, de tout le mal qu’il a reçu, lui et ses ancêtres, de la part de Rome. Par trois fois, Rome les a frappés, de multiples manières, et toujours avec ses méthodes. Lui, avec sa finesse de Grec, dit qu’il trait les vaches du Tibre pour leur faire cracher les chèvres helléniques. Il est le fournisseur de la maison du Légat et de nombreuses maisons romaines de cette petite Rome, de cette grande ville, reine de l’Orient. En outre, après les aliments raffinés pour les riches, il a réussi à s’assurer, d’une manière astucieuse faite d’hommages serviles qui voilent une haine implacable, les fournitures des cohortes d’Orient. Je n’approuve pas sa façon de faire, mais chacun a sa méthode. Moi, j’aurais préféré le pain, mendié le long des routes, aux bourses d’or que lui offre l’oppresseur. Et c’est ainsi que j’aurais toujours agi, si maintenant un autre motif, qui n’est pas intéressé, ne m’avait poussée à imiter le Grec pour atteindre mon but.

Mais, au fond, c’est un brave homme et ce sont de braves gens que sa femme, ses trois filles et son fils. Je les ai connus à la petite école d’Antigonie et, comme la mère était malade au commencement du printemps, je l’ai soignée avec le baume, et c’est ainsi que je suis entrée dans leur maison. Beaucoup de maisons m’auraient reçue comme maîtresse de broderie, demeures nobles et maisons de commerce, mais j’ai préféré celle-là, et pas précisément parce que ses habitants sont grecs. Je vais t’expliquer.

Je te prie d’être indulgent pour Zénon, même si tu ne peux approuver ses vues. Il ressemble à certains terrains arides, quartzeux en surface, mais excellents sous une croûte dure. J’espère réussir à enlever cette croûte formée par tant de souffrances et à mettre à nu la bonne terre. Il serait d’un grand secours pour ton Eglise, car Zénon est connu et il a des relations avec quantité de personnes d’Asie Mineure et de Grèce, sans compter Chypre, Malte et jusqu’à l’Ibérie où il a partout des parents et des amis, grecs comme lui et persécutés, et aussi des Romains des milices ou de la magistrature, très utiles, un jour, à ta cause.

461.14

Seigneur, au moment où j’écris, de l’une des terrasses de la maison, je vois Antioche avec ses quais sur le fleuve, le palais du Légat dans l’île, ses rues royales, ses murs aux centaines de tours puissantes et, si je me retourne, je vois le sommet du mont Sulpius qui me domine avec ses casernes, et le second palais du Légat. Je me trouve ainsi entre les deux manifestations de la puissance romaine, moi, pauvre femme sujette, seule. Mais elles ne me font pas peur. Je pense au contraire que ce qui est impossible au déchaînement des éléments et à la force d’un peuple entier révolté, sera fait par la faiblesse qui ne porte pas ombrage, la faiblesse apparente que méprisent les puissants, de ceux qui sont une force parce qu’ils possèdent Dieu : toi.

Je pense, et je te le dis, que cette force romaine sera la force chrétienne quand elle t’aura connu, et que c’est par les citadelles de la romanité païenne qu’il faudra commencer le travail, parce qu’elles seront toujours les maîtresses du monde. Et une romanité chrétienne voudra dire une chrétienté universelle. Quand cela aura-t-il lieu ? Je ne sais, mais je sens que cela arrivera. C’est pour cela que je regarde en souriant ces témoignages de la puissance romaine, en pensant au jour où ils mettront leurs enseignes et leur force au service du Roi des rois. Je les considère comme on considère des amis qui ne savent pas encore qu’ils le sont, qui feront souffrir avant d’être conquis, mais qui, une fois conquis, te porteront, porteront la connaissance de toi jusqu’aux confins du monde.

Moi qui suis une pauvre femme, voilà ce que j’ose dire à ceux qui sont mes grands frères en toi. Quand sera venue l’heure de conquérir le monde à ton Royaume, il ne faudra pas commencer par Israël, trop renfermé dans son rigorisme mosaïque, aigri par les pharisiens et les autres castes, mais par ici, par le monde romain, par ses ramifications — les tentacules par lesquels Rome étrangle toute foi, tout amour, toute liberté différente de ce qu’elle veut, au service de ses intérêts : c’est par là que devra commencer la conquête des âmes à la Vérité.

Toi, tu le sais, Seigneur. Mais je parle pour les frères qui ne peuvent croire que nous aussi, les païens, nous aspirons au bien. C’est aux frères que je dis que, sous la cuirasse païenne, il y a des cœurs déçus par le vide du paganisme, qui ont la nausée de la vie qu’ils mènent, dictée par les coutumes, qui sont las de la haine, du vice, de la dureté. Il y a des âmes honnêtes, mais qui ne savent pas où s’appuyer, pour trouver un apaisement à leurs aspirations au bien. Donnez-leur une foi qui les assouvisse, ils mourront pour elle en la portant toujours plus en avant, tel un flambeau dans les ténèbres, comme les athlètes des jeux helléniques. ” »

461.15

Jésus replie la première feuille. Ceux qui l’ont écouté commentent le style, la force, les idées de Syntica, et ils se demandent pourquoi elle n’est plus à Antigonie. Pendant ce temps, Jésus déroule la deuxième feuille.

Pierre, qui jusque là était resté assis, se rapproche comme pour mieux entendre et se dresse de nouveau sur la pointe des pieds, pour voir, en se serrant contre Jésus.

« Simon, il fait si chaud, et tu te colles à moi », dit Jésus en souriant. « Retourne à ta place. N’as-tu pas entendu jusqu’à présent ?

– Entendu ? Oui. Mais je n’ai pas vu, et maintenant je veux voir, car c’est à partir de cette feuille que tu as changé et que tu as pleuré… Et ce n’est pas simplement pour Jean… On savait bien qu’il était mourant… »

Jésus sourit, mais pour empêcher Pierre de jeter un coup d’œil par derrière sur l’écrit, il s’adosse à la colonne la plus proche, sans s’inquiéter de s’éloigner du lustre qui, s’il n’éclaire plus la feuille, éclaire vivement, en revanche, le visage de Jésus.

Pierre, bien décidé à voir, à comprendre, traîne un tabouret en face de Jésus et s’y assied, en gardant les yeux fixés sur le visage du Maître.

« “ J’en suis tellement convaincue que, restée seule, j’ai quitté Antigonie pour Antioche, certaine de pouvoir mieux travailler sur ce terrain où, comme à Rome, toutes les races se fondent et se mélangent, que là où Israël est maître… Je ne puis, moi, une femme, partir à la conquête de Rome, mais si je ne peux rejoindre la Ville, je jette la semence sur la fille la plus belle de la Ville, celle qui ressemble le plus à sa mère dans tout l’Univers… Sur combien de cœurs tombera-t-elle ? En combien germera-t-elle ? En combien se trouvera-t-elle transportée ailleurs ou attendra-t-elle les apôtres pour germer ? Je ne sais, je ne cherche même pas à savoir. J’agis. J’offre mon travail au Dieu que j’ai connu et qui satisfait mon esprit et mon intelligence. C’est en ce Dieu que je crois comme à un Dieu unique et tout puissant. Je sais qu’il ne déçoit pas l’homme de bonne volonté. Cela me suffit et soutient mon effort.

461.16

Maître : Jean est mort le sixième jour avant les nones de juin selon les Romains, à peu près à la nouvelle lune de Tamuz pour les Hébreux.

Seigneur… A quoi bon te dire ce que tu sais ? Je le fais pourtant à cause des frères. Jean est mort en juste, et pour révéler la vérité sur ses souffrances, je devrais dire en martyr.

Je l’ai assisté avec toute la pitié qu’une femme peut ressentir, avec tout le respect que l’on a pour un héros, avec tout l’amour que l’on porte à un frère, mais cela n’a pas empêché une souffrance telle que moi, non par ennui ou par lassitude, mais par compassion, je priais l’Eternel de l’appeler à la paix. Lui disait : ‘A la liberté.’

Quelles paroles sortaient de sa bouche ! Comment donc un homme, qui est descendu jusque dans les bas-fonds, comme il le disait, peut-il s’élever à une sagesse si lumineuse ? Ah ! la mort est vraiment le mystère qui dévoile notre origine, et la vie est le décor qui cache le mystère. Un décor qui nous est donné vierge, sans textures, et sur lequel nous pouvons tracer ce que nous voulons. Il avait écrit beaucoup de choses, et toutes n’étaient pas belles. Mais les dernières étaient sublimes. Du ciel ténébreux d’en bas, sur lequel se trouvaient des dessins de douleur humaine et d’humaine violence, il était passé, comme un sage artiste, à des traits de plus en plus lumineux décorant de vertu la fin de sa vie chrétienne, pour terminer dans la clarté éblouissante d’une âme perdue en Dieu.

Je te l’affirme : il n’a pas parlé, mais chanté son dernier poème. Il n’est pas mort, mais il s’est élevé. Et je ne pouvais distinguer exactement quand c’était encore l’homme qui parlait ou déjà l’esprit, fils de Dieu.

Seigneur : j’ai lu, tu le sais, toutes les œuvres des philosophes afin d’y chercher une pâture pour une âme attachée par la double chaîne de l’esclavage et du paganisme. Mais c’étaient des œuvres d’hommes. Ici, ce n’étaient plus des paroles humaines, mais surnaturelles, celles d’un esprit supérieur, ou plutôt d’un esprit à demi-divin.

J’ai veillé sur le mystère, qui d’ailleurs n’aurait pas été compris par ceux qui nous logeaient : ils étaient bons avec l’homme, mais juifs dans le sens le plus large et le plus complet du mot… Et quand, dans les dernières touches de l’amour, Jean ne fut plus qu’une expression d’amour, j’ai éloigné tout le monde et j’ai recueilli, moi seule, ce que certainement tu sais…

Seigneur… cet homme est mort, il est ‘enfin sorti de sa prison pour entrer dans la liberté’, comme il le disait de son filet de voix des derniers jours, et avec un regard embrasé par l’extase, en me serrant la main et en me dévoilant, par ses paroles, le Paradis. Cet homme est mort en m’enseignant à vivre, à pardonner, à croire, à aimer. Il est mort en me préparant au dernier temps de ta vie.

Seigneur, je sais tout : au long des soirées d’hiver, il m’avait instruite sur les prophètes. Je connais le Livre comme une vraie juive, mais je sais aussi ce que le Livre ne spécifie pas…

Mon Maître et mon Seigneur… je l’imiterai ! Et je voudrais la même faveur, mais je pense qu’il est plus héroïque de ne pas la demander et de faire ta Volonté… ” »

461.17

Jésus replie la feuille et il est sur le point de prendre la troisième.

« Non, non, Maître ! » s’exclame Pierre. « Ce n’est pas possible… Il y a autre chose. La page n’a pas pu se terminer aussi vite ! Tu ne lis pas tout ! Pourquoi, Seigneur ? Allez, protestez, vous aussi ! Syntica a écrit plus pour nous que pour lui, mais lui ne lit pas.

– N’insiste pas, Pierre !

– Si, j’insiste ! Et comment, j’insiste ! J’ai vu, tu sais, que ton œil allait plus bas tout d’un coup et j’ai vu par transparence que tu n’as pas lu les dernières lignes. Je ne serai pas tranquille tant que tu n’auras pas lu la fin de cette feuille. Tu avais pleuré auparavant !… Eh quoi ? Y a-t-il par hasard de quoi pleurer dans ce que tu as lu ? C’est une peine, oui, de le savoir mort… mais une pareille mort ne fait pas pleurer ! Moi, je croyais qu’il avait eu une mauvaise mort, en perdant son âme… Au contraire… Lis, allons ! Mère ! Jean ! Vous qui obtenez tout…

– Ecoute-le, mon Fils, et même si c’est quelque chose de pénible à apprendre, nous boirons tous le calice…

– Qu’il en soit comme vous voulez…

“ Je connais le Livre comme une vraie juive. Mais je sais aussi ce que le Livre ne spécifie pas : que désormais ta Passion ne tardera pas à s’accomplir, puisque Jean est mort et que tu lui as promis un court séjour dans les limbes. C’est lui qui me l’a révélé. Et il m’a dit que tu lui avais promis de l’enlever avant qu’il connaisse comment et jusqu’où peut arriver la haine d’Israël envers toi, et cela pour empêcher que, par amour pour toi, il n’en vienne à haïr ceux qui te tortureront. Maintenant, il est mort… et tu es donc près de mourir… Non, de vivre. Vraiment de vivre avec ta Doctrine, avec toi-même en nous, avec la Divinité en nous, après que le Sacrifice nous aura rendu la vie de l’âme, la grâce, l’union avec le Père, avec le Fils, avec l’Esprit Saint.

Maître, mon Sauveur, mon Roi, mon Dieu… forte est ma tentation — ou plutôt elle a été forte — de te rejoindre, maintenant que Jean dort avec son corps dans le tombeau et qu’avec son âme il repose dans l’attente. Te rejoindre pour être avec mes sœurs disciples, près de ton autel. Mais les autels doivent être ornés non seulement de la victime, mais de guirlandes en l’honneur de Dieu, en l’honneur de qui on offre le sacrifice. Je mets ma guirlande violette de disciple lointaine au pied de ton autel. J’y joins l’obéissance, le travail, le sacrifice de ne pas te voir et de ne pas t’entendre… Ah ! Ce sera bien dur ! C’est bien dur maintenant que sont terminés tes colloques surnaturels avec Jean, et que je n’en profite plus !… Seigneur, lève ta main sur ta servante pour qu’elle sache faire ta seule volonté et qu’elle sache te servir. ” »

461.18

Jésus replie la feuille et regarde les visages de ceux qui l’écoutent. Ils sont pâles, mais Pierre murmure :

« Je ne comprends pas pourquoi tu as pleuré… Je croyais qu’il y avait autre chose…

– Je pleurais parce que je comparais l’ancien galérien, meurtrier de son épouse, et l’esclave païenne avec de trop nombreux juifs.

– J’ai compris ! Tu es angoissé de voir les Hébreux inférieurs aux païens, et les prêtres et les chefs inférieurs aux galériens. Tu as raison. J’étais stupide ! Quelle femme que cette femme-là ! Dommage qu’elle ait dû s’éloigner ! »

Jésus déplie la troisième feuille.

« “ Et sache imiter en toutes choses ton disciple et frère qui est déjà dans la paix, qui y est allé après avoir accompli toutes les purifications… en ton honneur et pour alléger tes souffrances. ”

-Ah ! non, la suite ! »

Pierre a sauté agilement sur son siège avant que Jésus puisse s’écarter, et il voit qu’il n’est pas possible que Jésus en soit déjà là où son œil regarde. Il faut préciser que le parchemin s’enroule sur lui-même à mesure qu’on le laisse libre en haut, aussi plusieurs lignes sont-elles désormais cachées au sommet de la feuille.

Jésus lève la tête, et avec le visage plus doux que triste, doux mais plein de fermeté, il repousse son apôtre et lui dit :

« Pierre, ton Maître sait ce qui te fait du bien ! Laisse-moi te donner ce qui est bon pour toi… »

Pierre est touché par ces mots, et davantage encore par le regard de Jésus, tellement implorant, et dans ses yeux brille une larme prête à tomber. Il descend de son siège en disant :

« J’obéis… Mais que pouvait-il bien y avoir à cet endroit ! »

461.19

Jésus reprend sa lecture :

« “ Et maintenant que j’ai parlé des autres, je parle de moi. J’ai quitté Antigonie après l’enterrement de Jean. Ce n’est pas que je n’y ai pas été bien traitée, mais je me rendais compte que ce n’était pas ma place. C’était plutôt une impression : je sentais qu’il me fallait le faire. Comme je te l’ai dit, j’avais connu de nombreuses familles parce que beaucoup venaient nous trouver. J’ai préféré m’installer auprès de celle de Zénon, car c’est précisément dans ce milieu que je compte travailler.

Une dame romaine voulait m’accueillir dans sa splendide maison près des colonnades d’Hérode. Une très riche Syrienne me proposait une place de directrice dans la fabrique d’étoffes que son mari, de Tyr, a installée à Séleucie. Une prosélyte, veuve, mère de sept enfants, qui habite près du pont de Séleucie voulait m’avoir en souvenir de Jean, qui avait été le maître de ses garçons. Une famille gréco-assyrienne qui possède des magasins dans une rue près du Cirque, me demandait d’aller chez elle, parce que, à l’époque des jeux, je pouvais leur être utile. Enfin un Romain, déjà centurion, je crois, certainement militaire, et resté ici avec je ne sais quelle fonction précise, guéri lui aussi par le baume, insistait pour que je vienne chez lui.

Non, je ne voulais pas des riches, ni des marchands. Je voulais des âmes, et des âmes grecques et romaines, car je sens que c’est par elles que doit commencer l’expansion de ta Doctrine dans le monde.

Et me voici dans la maison de Zénon, sur les pentes du mont Sulpius, près des casernes. Du sommet, la citadelle surplombe, menaçante. Cependant, malgré son aspect si peu engageant, elle vaut mieux que les riches palais de l’Onpholus et du Nimpheus, et j’y ai des amis : un soldat qui te connaît, du nom d’Alexandre. C’est un cœur simple d’enfant, enfermé dans un grand corps de soldat. Et le tribun lui-même, arrivé depuis peu de Césarée, qui, sous sa chlamyde a un cœur droit. Dans sa rude simplicité, Alexandre est plus proche de la vérité. Mais le tribun aussi t’admire comme un rhéteur parfait, un philosophe ‘ divin ’, comme il dit. S’il ne peut encore accueillir la vérité, il n’est pas hostile à la Sagesse. Mais les conquérir, eux et leurs familles, en te faisant quelque peu connaître, cela veut dire jeter la semence de cette connaissance au septentrion et au midi, à l’orient et à l’occident, puisque les troupes sont comme des grains secoués par le van ou plutôt des balles que le tourbillon, dans notre cas le bon vouloir des Césars et les besoins de l’Empire, répand dans toutes les directions.

Un jour viendra où tes apôtres, tels des oiseaux qui prennent leur envol, se répandront sur la Terre, et ce sera pour eux une grande aide de trouver dans les lieux de leur apostolat une personne, ne serait-ce qu’une seule, qui n’ignore pas que tu as existé. C’est dans cette pensée aussi que je soigne les membres douloureux des anciens gladiateurs, et les blessures des jeunes. C’est pour cela aussi que je n’évite plus les dames romaines, et que je supporte ceux qui me faisaient souffrir… Tout cela pour toi.

Si je me trompe, donne-moi les conseils de ta sagesse. Sache seulement — mais tu le sais déjà — que mes erreurs viennent de mon incapacité, mais pas de quelque malice.

Seigneur, ta servante t’en a tant dit… c’est pourtant peu de choses de ce qu’elle a dans le cœur. Mais tu vois mon âme, Seigneur… Quand verrai-je ton visage ? Quand reverrai-je ta Mère, les frères ?… La vie est un rêve qui passe. La séparation passera. Je serai en toi et avec eux, et ce sera la joie et la liberté pour moi, pour moi aussi, comme pour Jean.

Je me prosterne à tes pieds, mon Sauveur, bénis-moi en me donnant ta paix. A Marie de Nazareth, aux disciples mes compagnes, paix et bénédiction. Aux apôtres et aux disciples, paix et bénédiction. A toi, Seigneur, gloire et amour. ”

461.20

Voici la lecture terminée. Mère, viens avec moi. Vous, attendez-moi, ou bien reposez-vous. Je ne vais pas rentrer. Je reste en prière avec ma Mère. Jeanne, si on me cherche, je suis dans le pavillon, près du lac. »

Pierre a tiré Marie à part, et il lui parle, tout excité, mais à voix basse. Marie lui sourit et murmure quelque chose, puis elle rejoint son Fils qui suit le sentier à peine visible dans la nuit.

« Que voulait Simon ?

– Savoir, mon Fils. C’est un enfant… un grand enfant… Mais il est si bon !

– Oui, il est très bon, et il t’a priée, toi qui es toute bonne, pour savoir… Il a trouvé mon point faible : toi et Jean. Je le sais, je fais semblant de ne pas le savoir, mais je le sais. Mais je ne puis toujours céder pour lui faire plaisir…

Il ne fallait pas, Jonathas. Nous serions restés même dans l’obscurité », dit-il en voyant le majordome accourir avec une lanterne en argent qu’il pose sur la table et des coussins qu’il place sur les sièges du pavillon.

« C’est Jeanne qui me l’a ordonné. Paix à toi, Maître.

– Et à toi aussi. »

Ils restent seuls.

« Je disais que je ne puis toujours lui faire plaisir. Ce soir, je ne le pouvais pas. Toi seule peux connaître les passages que j’ai tus. C’est pour cela que j’ai voulu t’avoir avec moi, et aussi pour rester avec toi, Maman… Rester avec toi, dans les dernières heures avant une séparation, c’est rassembler une grande force, très douce, pour en être riche aux nombreux moments de solitude au milieu du monde qui ne me comprend pas, ou me comprend mal. Et rester avec toi, aux premières heures d’un retour, c’est retrouver immédiatement des forces dans ta douceur, après toutes les coupes si rebutantes et si amères que je dois boire dans le monde… »

Marie le caresse en silence. Debout près de Jésus assis, c’est la Mère qui réconforte le Fils. Mais il la fait asseoir et lui dit :

« Ecoute… »

Alors Marie, attentive, assise en face de lui, devient un disciple suspendu aux lèvres de Jésus son Maître.

461.21

« Syntica écrit en parlant d’Antioche : “ Je ne sais pas toujours distinguer où cesse la volonté des hommes et où commence celle de Dieu, car je n’ai pas assez de sagesse ; mais ce qui m’a amenée ici, c’est une volonté plus forte que mon désir, et c’était peut-être la volonté de Dieu. Il est certain que, sans doute par une grâce du Ciel, j’aime désormais cette ville : avec les sommets du mont Casius et de l’Aman, qui veillent sur elle des deux côtés, et la crête verte des Montagnes Noires plus au loin, elle me rappelle beaucoup ma patrie perdue. Et il me semble que c’est le premier pas du retour vers ma terre : non pas celui d’une pèlerine épuisée qui y retourne pour y mourir, mais celui d’une messagère de vie, qui vient donner la vie à celle qui fut sa mère. J’ai l’impression que c’est d’ici, après m’être reposée comme une hirondelle qui reprendra son vol, et m’être nourrie de Sagesse, que je dois voler vers la ville où j’ai vu la lumière, et d’où je veux, je voudrais m’élever vers la Lumière lorsque je lui aurai donné la lumière que j’ai moi-même reçue.

Ceux qui sont mes frères en toi, je le sais, n’approuveraient pas cette manière de voir. Ce n’est que pour eux qu’ils veulent ta sagesse, mais ils se trompent. Un jour, ils comprendront que le monde attend, et que le monde qu’ils méprisent sera le meilleur. Moi, je leur prépare le chemin. Pas ici seulement, mais avec les gens si nombreux qui séjournent ici, puis retournent dans d’autres pays — et je ne me soucie pas de savoir si ce sont des païens ou des prosélytes, des Grecs ou des Romains, ou s’ils proviennent d’autres colonies de l’Empire ou de la Diaspora. Je parle, j’éveille le désir de te connaître… La mer n’est pas faite d’un nuage qui s’y est déversé ; elle est faite de nuées innombrables qui se déversent sur la Terre, et s’en vont à la mer. Je serai un nuage, la mer sera le christianisme. Je veux multiplier la connaissance de ta personne, pour contribuer à former la mer du christianisme. Moi qui suis grecque, je sais parler aux Grecs, non pas tant en raison de la langue que de la tournure d’esprit… Comme je suis une ancienne esclave des Romains, je sais travailler leurs esprits dont je connais les points sensibles. Et, après avoir vécu parmi les Hébreux, je sais aussi comment m’y prendre avec eux, spécialement ici où les prosélytes sont nombreux. Jean est mort pour ta gloire. Moi, je vivrai pour ta gloire. Bénis nos âmes. ”

461.22

Et plus loin, là où elle parle de la mort de Jean, là où je n’ai pas laissé Simon lire, elle a écrit : “ Jean est mort après avoir accompli toutes les purifications, même la dernière : il a pardonné à ceux qui, par leurs manières d’agir, l’ont tué et t’ont contraint à l’éloigner. Je sais leurs noms, au moins celui du principal d’entre eux. Jean me l’a révélé en me disant : ‘ Méfie-toi toujours de lui. C’est un traître. Il m’a trahi, il le trahira, Lui et ses compagnons, mais je pardonne à Judas comme Lui, il pardonnera. L’abîme où il gît est déjà si grand, que je ne veux pas l’approfondir encore en refusant de lui pardonner de m’avoir tué en me séparant de Jésus. Mon pardon ne le sauvera pas. Rien ne le sauvera, car c’est un démon. Je ne devrais pas dire cela, moi qui ai été assassin, mais j’avais du moins une offense pour me rendre fou. Lui s’attaque à quelqu’un qui ne lui a pas fait de mal, et il finira par trahir son Sauveur. Mais je lui pardonne car, de sa haine, la bonté de Dieu a tiré du bien pour moi. Tu vois ? J’ai tout expié. Le Maître me l’a dit hier soir. J’ai tout expié. Maintenant je sors de prison, maintenant j’entre vraiment dans la liberté, libéré aussi du poids du souvenir du péché de Judas envers un malheureux qui avait trouvé la paix auprès de son Seigneur. ’

Moi aussi, à son exemple, je lui pardonne de m’avoir arrachée à toi, à ta Mère bénie, à mes sœurs disciples, de m’avoir empêchée de t’entendre, de te suivre jusqu’à la mort, pour être présente à ton triomphe de Rédempteur. C’est pour toi que je le fais, en ton honneur, et pour alléger tes souffrances. Sois en paix, mon Seigneur. Le nom de l’opprobre qui se trouve dans les rangs de tes disciples ne franchira jamais mes lèvres. Pareillement, rien ne sortira de ce que j’ai entendu auprès de Jean quand son moi parlait avec ton invisible et béatifiante Présence. J’ai hésité à venir te voir avant de me fixer dans ma nouvelle demeure, mais j’ai senti que je me serais trahie par la répulsion que j’éprouve à l’égard de Judas, et que je t’aurais nui auprès de tes ennemis. J’ai donc sacrifié ce réconfort… certaine que ce sacrifice ne restera pas sans fruit ni sans récompense. ”

461.23

Voilà, Mère. Pouvais-je lire cela à Simon ?

– Non. Ni à lui, ni aux autres. Dans ma douleur, j’ai la joie de cette mort sainte de Jean… Mon Fils, prions pour qu’il sente notre amour et… pour que Judas ne soit pas l’opprobre… Oh ! c’est horrible !… Et pourtant… nous pardonnerons…

– Prions… »

Ils se lèvent et prient dans la lumière tremblante de la lampe, au milieu des rideaux que forment les branches pendantes, pendant que le ressac fait entendre sa respiration syncopée contre la rive…

461.1

Tiberíades ha vertido todos sus habitantes en las orillas del lago, o en el propio lago, buscando refrigerio en la brisa que recorre las aguas y cimbra los árboles de los jardines de la orilla. Mientras los ricos de esta ciudad —donde se entreveran muchas razas allí reunidas por muchos motivos— se procuran alivio en cómodas barcas de recreo, o desde las sombras verdes de los jardines observan los movimientos de las barcas en las aguas de turquesa, ya depuradas del amarillor que había puesto en ellas el aguacero de la noche anterior, los pobres, especialmente los niños, retozan en la playa, en el linde donde las olas mueren, y sus grititos, por el frío del agua que les da más arriba de lo que quisieran, parecen gritos de golondrinas.

Las barcas de Pedro y Santiago se acercan a la orilla dirigiéndose hacia el embarcadero.

«No. Al jardín de Juana» ordena Jesús.

Pedro obedece sin decir nada, y la barca, seguida por su gemela, con una virada perfecta que dibuja una estela de espuma en forma de interrogación, tuerce hacia el desembarcadero del jardín de Cusa, se arrima a él y se para. Jesús es el primero en bajar. Luego da la mano a las dos Marías para ayudarlas a bajar al pequeño andén.

«Ahora vosotros id al muelle grande y poneos a predicar al Señor. Veréis a un hombre que se acercará a preguntaros dónde estoy. Es el hombre de Antioquía. Traedle a mí después de que hayáis despedido a la gente».

«Sí… pero… ¿Qué debemos decir a la gente? ¿Predicar que has venido o predicar tu doctrina?».

«Que he venido. Decir que para la aurora hablaré en Tariquea y curaré a los enfermos. Uno de vosotros que vigile las barcas, o poned a algún discípulo que lo haga, para que estén preparadas para partir. Id y que la paz sea con vosotros». Y se encamina hacia la cancilla que se cierra ante el embarcadero. Las dos Marías le siguen silenciosas.

461.2

En el vasto jardín, donde pertinaces rosas florecen todavía, si bien muy escasas, no se ve a nadie. Pero se oyen los gritos felices de los dos pequeños, que están jugando.

Jesús, pasando la mano por entre los arabescos de la cancilla, trata de correr el pasador. Pero no lo consigue. Busca si hay algo que pueda hacer ruido y llamar la atención. Pero no hay nada. Entonces, al oír más cercanas las vocecitas de los dos niños, llama fuerte: «¡María!». Las dos voces enmudecen de golpe… Jesús repite: «¡María!»…

Y allá, en el medio del prado, mantenido al rape —como una alfombra de la que sobresalieran los pies bien cuidados de los rosales—, allá aparece la niñita, dando pasitos cortos, cautos, con un dedito entre los labios, indagadores los ojos que escrutan en todas las direcciones; y luego, unos pasos más atrás, seguido de un corderito blanco como la espuma, vese a Matías.

«¡María! ¡Matías!» grita fuerte Jesús.

La voz guía las miradas inocentes. Los dos niños dirigen sus ojos hacia la cancilla, y ven a Jesús con la cara contra las barras, sonriéndoles.

«¡El Señor! Ve corriendo, Matías, donde mamá… Llama a Elías o a Miqueas… Que vengan a abrir…».

«Vete tú. Yo voy donde el Señor…» y, tendidos los brazos, se echan a correr los dos: dos mariposas, una blanca, una rosada de cabecita morena.

Pero, afortunadamente, mientras corren llaman a los criados, y éstos, llevando en sus manos regaderas y rastrillos, acuden; de forma que, al fin, la cancilla se abre y los dos niños se refugian en los brazos de Jesús, quien los besa y pasa el umbral llevándolos de la mano.

461.3

«Nuestra mamá está en casa con sus amigas. Entonces a nosotros nos dicen que nos vayamos, porque no quieren que estemos allí» explica expeditivo Matías.

«No hables de esa forma tan mala. Nuestra mamá nos dice que nos vayamos porque esas damas son romanas y hablan todavía de sus dioses, y nosotros, los salvados de Jesús, debemos conocerle sólo a Él. Es por esto, Señor. Matías es demasiado pequeño y no comprende» dice, con la gracia de su sensatez de criatura que ha sufrido, y que por eso es más madura, más adulta de lo que comportaría su edad.

«Nos dice que nos vayamos también nuestro padre cuando vienen los de la Corte. Y me gustaría, porque son casi todos soldados… guerreros… ¡La guerra! ¡La guerra es bonita! ¡Hace vencer! Echa a los romanos. ¡Abajo Roma! Viva el Reino de Israel» grita fieramente el pequeño.

«La guerra no es bonita, Matías; y muchas veces no se gana la guerra, y entonces de sometidos se pasa a ser esclavos».

«Pero tu Reino debe venir. Y para hacer que venga se hará la guerra. Y se echará a todos, incluido Herodes, y Tú serás rey».

«Calla, tonto. Ya sabes que no debes repetir lo que oyes. Hacen bien en decirte que te vayas. ¿No sabes que hablando así puedes perjudicar a nuestro padre, a nuestra madre y también a Jesús?» dice María. Y luego explica: «Un día vino ese que es como un príncipe y pariente de Herodes y que es tu discípulo, a hablar con nuestro padre. Y gritaban mucho. No estaban solos, estaban con muchos otros…».

«Guapísimos, con espadas bonitas, y hablaban de guerra…» interrumpe Matías.

«¡Calla, te digo! Y gritaban tanto que se oyó, y este tonto, desde entonces, no hace más que hablar de ello. Dile que no debe hacerlo… Nuestra mamá lo ha dicho, y nuestro padre le ha amenazado con llevarle a la cima del gran Hermón, a una gruta, con un esclavo sordo y mudo, hasta que no aprenda a callar. Y allí tendría que callar, porque, si habla con el esclavo, el esclavo no oye y no responde, y, si grita, vienen las águilas y los lobos a comérsele…».

«Un castigo verdaderamente terrible» dice Jesús sonriendo, y acaricia al niño, que ha perdido el ardimiento y se abraza a Jesús, como si ya viera a las águilas y lobos en disposición de devorarle todo entero, incluida la lengüecita imprudente. «¡Un castigo verdaderamente terrible!» repite.

«¡Pues sí! Y yo tengo miedo de que le caiga, y de quedarme sin Matías, y lloro… Pero él no tiene piedad ni de mí ni de nuestra mamá, y nos va a hacer morir de dolor…».

«No lo hago adrede. He oído… y digo… Es tan bonito… pensar que se derrota a los romanos y se echa a Herodes y a Filipo, y que Jesús sea Rey de Israel» termina en un susurro, escondiendo la cara entre la túnica de Jesús para apagar aún más el sonido de la voz.

461.4

«Matías no volverá a decir nunca estas cosas. Me lo promete a mí y lo mantendrá. ¿No es verdad? Así no le devorarán, y Juana y María no morirán de dolor, Cusa no estará inquieto y a mí no me odiarán. Porque, mira, Matías: diciendo estas cosas haces que me odien. ¿Te gusta que Jesús sea perseguido? Imagínate qué remordimiento, si un día tuvieras que decirte a ti mismo: “He provocado que persiguieran a Jesús, que me ha salvado; y todo por haber repetido lo que oí casualmente”. Aquéllos eran hombres. Y los hombres pierden a menudo la vista de Dios porque son pecadores. No viendo a Dios, no ven la Sabiduría, y cometen errores, incluso con miras buenas, o que las creen buenas. Pero los niños son buenos. Sus espíritus ven a Dios y Dios descansa en su corazón. Por eso deben comprender las cosas con sabiduría y decir que mi Reino no se llevará a cabo con violencia, en la Tierra, sino con amor, en los corazones. Y deben rezar para que los hombres comprendan este Reino mío como lo comprenden los niños. Las oraciones de los niños van, de manos de sus ángeles, al Cielo, y el Altísimo las convierte en gracias. Y Jesús necesita estas gracias para hacer, de los hombres que piensan en la guerra y en el reino temporal, apóstoles que comprenden que Jesús es paz y que su Reino es espiritual y celeste. ¿Ves este corderito? ¿Acaso podría descuartizar a alguien?».

«¡No! Si pudiera, nuestro padre no nos lo habría regalado, para que no nos despedazara».

«Es como has dicho. Lo mismo el Padre que está en los Cielos no me habría enviado jamás, si Yo hubiera tenido poder y voluntad de despedazar. Yo soy el Cordero y el Pastor. Y soy apacible y manso como el cordero. Y soy Aquel que reúne con amor, con cayado de Pastor bueno, no con lanza y espada de guerrero. ¿Has comprendido? ¿Me prometes a mí, personalmente, que no vas a volver a hablar nunca de estas cosas?».

«Sí, Jesús. Pero… ayúdame Tú… porque yo solo…».

«Te ayudo. Mira, te acaricio los labios y así sabrán estar cerra­­dos».

461.5

«Maestro mío. ¡Santo atardecer este que me concede verte!» dice Jonatán, que ha venido de la casa y se ha postrado a los pies de Jesús.

«Paz a ti, Jonatán. ¿Puedo ver a Juana?».

«Está viniendo. Ha despedido a las romanas para venir aquí contigo».

Jesús le mira interrogativamente, pero no pregunta nada. Camina hacia la casa mientras escucha a Jonatán, que habla de Cusa «muy molesto con Herodes» y que dice: «Por amor a mi ama, te ruego que le frenes, porque quiere hacer cosas que… no te harían bien a ti, ni tampoco a él; pero, sobre todo, a ti».

461.6

Con un espléndido vestido blanco, sobre el que desciende desde la cabeza un velo tan pespuntado de plata, que parece una filigrana argéntea —y no sé cómo la ligereza del tejido puede resistir ese recamo de brocado de plata—; ceñida con una delgada diadema que por delante termina ligeramente en punta, como una mitra cuajada de perlas; y con pesados pendientes de perlas en las orejas, y perlas en la base del cuello, perlas en las muñecas y en los dedos: una aparición de belleza, pureza y gracia… Juana viene rauda hacia su Señor y, sin preocuparse de su bonito vestido, se postra en la tierra del paseo y besa los pies de Jesús.

«La paz a ti, Juana».

«Cuando estás conmigo, siempre hay paz en mí y en mi casa… ¡Madre!…», y hace ademán de querer besar los pies de María, pero Ella la recibe entre sus brazos y la besa. También se intercambia el beso con María de Alfeo.

Jesús, después de los saludos, dice: «Tengo que hablar contigo, Juana».

«Aquí me tienes, Maestro. María, mi casa es tuya. Indica todo aquello de que tengáis necesidad. Yo voy con el Maestro…».

Jesús ya se ha separado y ha ido al prado, bien a la vista de todos, pero aislado suficientemente como para que ninguno le pueda escuchar. Juana le alcanza.

«Juana, debo acoger a un enviado de Antioquía; de Síntica, claro. He pensado hacerlo en tu casa. Aquí, en tu jardín…».

«Tú eres el amo de todo lo que es de Juana».

«¿También de tu corazón?». Jesús la mira fija y penetrantemente.

«¡Tú ya sabes, Maestro! Estaba casi segura, ahora lo estoy del todo. Cusa… ¡La incoherencia de los hombres es tan grande! ¡Su espíritu de interés es tan fuerte! ¡Y su piedad hacia sus esposas tan poca! Nosotras somos… ¿Qué somos, incluso las esposas de los mejores? Una joya que se ostenta o se esconde, según pueda o no convenir… Un mimo, que debe reír o llorar, atraer o repeler, hablar o callar, mostrarse o estar oculto, según lo que el hombre quiera… siempre en vistas a su interés… ¡Es triste nuestra suerte, Señor! ¡Y también degradante!».

«En compensación, os es dado saber subir más alto en el espíritu».

«Eso es verdad. ¿Te han referido o lo has sabido por ti? ¿Has visto a Manahén? Te buscaba…».

«No. No he visto a nadie. ¿Está aquí?».

«Sí. Estamos todos aquí… Quiero decir: todos los cortesanos de Herodes… y muchos por odio. Entre éstos también Cusa, desde que, por voluntad de Herodías, Herodes se complace en humillar a su intendente… Señor, ¿te acuerdas de que en Béter te dije que él me quería separar de ti porque temía el disfavor de Herodes? Bueno, pues han pasado sólo unos meses… Y ya quiere que ahora yo… que yo… Sí, Señor. Querría que te persuadiera a aceptar su ayuda para que ocupes el puesto del Tetrarca… Debo decirlo porque soy mujer, sujeta por tanto al hombre, y además hebrea, por tanto mucho más sujeta a la voluntad del marido. Y lo digo… Y no te aconsejo… porque creo saber ya que Tú… que Tú no te vas a hacer rey con la ayuda de las lanzas pagadas. ¡Oh!… ¿Qué he dicho? No debía hablar así… Debía dejarte escuchar primero a Cusa y a Manahén y a otros… ¿Y si callaba, no hacia mal?… Señor ayúdame a ver lo justo…».

461.7

«Lo justo está en tu corazón, Juana. Ni con las cohortes romanas ni con las lanzas israelitas me haré rey Yo, aunque Roma e Israel quisieran pacificar este territorio por medio de mí. He comprendido ya lo suficiente como para reconstruir las cosas. Matías ha dicho palabras imprudentes. Jonatán ha aludido a desazones. Tú dices el resto. Yo completo así: una idea insensata de mi reino impele a los buenos, todavía no justos, como Manahén, a crear movimientos capaces de instaurar el reino de Israel según la idea fija de la mayoría. Un punzante, ardiente deseo de vengarse de una afrenta impele a otros, entre los cuales tu esposo, a lo mismo. En estos dos motivos hace palanca la astucia de los fariseos, saduceos, escribas, y la astucia herodiana, para lograr deshacerse de mí, haciéndome aparecer como no soy ante los ojos de quien nos domina. Tú has despedido a las romanas para decirme esto, para no traicionar a Cusa ni a Manahán ni a otros. Pero, en verdad te digo que quienes me han comprendido más que nadie son los gentiles. Me llaman el filósofo, quizás me consideran un soñador, un irrealista, un infeliz, según ellos, para quienes todo radica en la violencia. Pero han comprendido —al menos ellos lo han comprendido— que no soy de esta Tierra y que mi Reino no es de esta Tierra. No tienen miedo de mí, sino de mis seguidores. Tienen razón. Ellos, quién por amor, quién por orgullo, serían capaces de cualquier acción, con tal de lograr su idea: hacer de mí —el Rey de reyes, el Rey universal— un pobre rey de un pequeño estado… Y, en verdad, de esta insidia debo guardarme más, de esta insidia que trabaja en la sombra instigada por mis verdaderos enemigos, que no están en el palacio proconsular de Cesarea, ni en el del Legado de Antioquía, ni tampoco en la Antonia, sino que están bajo las filacterias, las fimbrias y los “zizit”[1] de los indumentos hebreos, y especialmente bajo los “zizit” floqueados y las amplias filacterias, puestos en los amplios indumentos de los fariseos y escribas para demostrar una adhesión aún más amplia a la Ley. Pero la Ley está en el corazón, no en los indumentos… Si estuviera en el corazón, estos que se odian, pero que ahora, olvidando el odio, se unen para hacer daño —ese odio que excavaba profundos barrancos entre una y otra casta de Israel, del Israel que ahora ya no está separado sino nivelado, porque los barrancos están rellenados con el odio a mí—, si estuviera la Ley en el corazón de éstos, y no colgada y anudada en los indumentos, en la frente, en la mano —como un salvaje se coloca amuletos, conchas, huesos, rostros de buitres, por superstición y adorno—, si estuviera en el corazón esta Ley, si la Sabiduría no estuviera escrita dentro de las filacterias sino en las fibras del corazón, comprenderían que Yo soy y que contra mí, para destruirme como Verbo y como Hombre, no pueden ir. Yo debo, por tanto, defenderme de los amigos y de los enemigos, igualmente no justos en sus amores y en sus odios: debo tratar de guiar los amores y aquietar los odios. Yo esto lo hago para cumplir mi deber; y lo haré hasta que haya edificado el Reino, bañando las piedras con mi Sangre para que se unan sólidamente. Cuando os rocíe con mi Sangre, vuestros corazones dejarán de vacilar; me refiero a los corazones fieles a mí, al tuyo, Juana, que tanto lucha entre las dos fuerzas que actúan sobre ti y los dos amores que hay en ti: Yo-Cusa».

«Pero vencerás Tú, Señor».

«Venceré Yo. Sí».

«Pero trata también de salvar a Cusa… Ama a quien amo».

«Amo a quien te ama».

«Ama a Cusa, que te ama…».

«La doblez no es para esa frente, pura como las perlas que la ciñen y que ahora enrojece con el esfuerzo de quererse y quererme persuadir de un amor de Cusa».

«Y, sin embargo, te ama».

«Sí. Por su interés. Como por su interés no me amaba en Ziv y en Siván…

461.8

Pero, ahí está Simón de Jonás con el extranjero. Vamos donde ellos…».

Van hasta el amplio vestíbulo que hay en la parte de atrás de la casa. Más que un vestíbulo, un pórtico semicircular abierto al parque. El parque se prolonga en la casa con este vestíbulo en forma de semicírculo, que da al jardín y está adornado de columnas con ramas de rosales ahora sin flores y ramaje delicado de jazmines, columnas tachonadas de flores y de otras plantas trepadoras purpúreas cuyo nombre ignoro.

«La paz sea contigo, extranjero. ¿Querías verme?».

«Salud y gloria, Señor. Quería verte. Tengo una carta para ti. Me la dio una mujer griega en Antioquía. Soy… No, ya no soy griego, porque he tomado la ciudadanía romana para continuar con mi contrato de arrendamiento: soy proveedor de los soldados romanos. Los odio. Pero aprovisionarlos es fructífero. Por lo que nos han hecho, debería mezclar cicuta en la harina. Pero habría que envenenar a todos, a pocos no es eficiente. Reaccionarían peor… Creen que todo les es lícito por ser fuertes. Son bárbaros respecto a los griegos. Nos han robado todo para adornarse con las cosas nuestras y fingir civilidad. Pero rasca la costra, que está teñida de nuestra civilización, y descubrirás siempre a un Amulio, a un Rómulo, a un Tarquinio… Descubres siempre a un Bruto, asesino de quien le beneficia. ¡Ahora tienen a Tiberio! ¡Y es todavía poco para ellos! Tienen a Sejano. Tienen lo que se merecen. Las cadenas, los delitos que han cometido, la espada, se vuelven contra ellos y muerden las carnes de los brutales romanos. Poco, aún demasiado poco. Pero lo que es ley sucederá. Cuando el monstruo sea enorme, caerá por su propio peso y se pudrirá. Y los vencidos reirán ante el enorme cadáver y pasarán de nuevo a ser vencedores. Que así sea. Todos los pies de los conquistadores pisando a aquella que ha aplastado todo con su expansión brutal… Pero perdona, Señor. El perpetuo dolor me ha arrollado una vez más…

461.9

Decía que una griega me dio una carta para ti y me dijo que Tú eras el Virtuoso perfecto. Virtuoso… Eres joven para serlo… Los grandes espíritus de la Hélade gastaron la vida para serlo un poco… Y, sin embargo, la mujer me ha hablado de tu Idea. Si verdaderamente crees en lo que enseñas, eres grande… ¿Es verdad que vives para prepararte a la muerte para dar al mundo la sabiduría de vivir como dioses y no como animales, como hacen ahora los hombres? ¿Es verdad que afirmas que hay sólo una riqueza digna de ser alcanzada: la de las virtudes? ¿Es verdad que has venido para redimir, pero que la redención empieza en nosotros mismos, siguiendo tus enseñanzas? ¿Es verdad que poseemos el alma y que debemos cuidarla porque es cosa divina, imperecedera, incorruptible por su naturaleza, pero que nosotros, sólo nosotros, viviendo como animales, podemos desdivinizar, a pesar de no poder destruirla? ¡Responde, Grande!».

«Es verdad. Todo es verdad».

«¡Por Zeus! Esto lo decía también el sumo Nuestro. Pero parecía una música a la que le faltara una nota, una lira a la que le faltara una cuerda. De vez en cuando se sentía un vacío, que el filósofo no había sorteado. Tú has colmado ese vacío, si realmente has venido no sólo para enseñar sino también para morir, no obligado a ello por nadie, sino por voluntad propia de obediencia al Dios, lo cual hace de tu muerte no un suicidio sino un sacrificio… ¡Por la divina Palas! Ninguno de nuestros dioses hizo esto jamás. Así que deduzco que Tú eres más que ellos. La griega dice que no existen, y Tú sólo eres… ¿Entonces estoy hablando con un Dios? ¿Y puede un Dios escuchar a un aprovisionador ladrón y rencoroso con su enemigo, a un miserable hombre? ¿Por qué me escuchas?».

«Porque veo tu alma».

«¡¡¡¿La ves?!!! ¿Cómo es?».

«Retorcida, sucia, con serpientes por cabellos, desabrida, ignorante, a pesar de que tu intelecto sea muy distinto del de un bárbaro. Pero dentro del templo feo tienes un altar que espera, como el que está en el Areópago, y espera la misma cosa: al Dios verdadero».

«A ti, entonces. Porque la griega dice que Tú eres el Dios verdadero. Pero, ¡por Zeus!, es verdad lo que dices de mi alma. Eres más claro y seguro que el oráculo délfico. Pero Tú predicas paz, amor, perdón. Difíciles virtudes. Y predicas continencia, y honestidad de todo tipo… Ser eso es ser dioses más grandes que los dioses, porque ellos… ¡ellos no son pacíficos, honestos, magnánimos!… Son la perfección de las pasiones malas del hombre, excepto Minerva, que es al menos sabia… ¡La misma Diana!… Pura, pero cruel… Sí, ser lo que Tú predicas es ser más que los dioses. Si yo lo alcanzara… ¡Por el bellísimo Ganimedes! Él, de jovencito, a águila olímpica y divino copero. Pero Zenón, de proveedor de cereales a los amos bárbaros, a dios…

461.10

Pero deja que me interne en este pensamiento, y lee la carta de la mujer en­tre­tan­to…» y el hombre se pone a pasear como un peripatético.

Pedro, cansado, al ver que el discurso era largo, se había sentado cómodamente en un asiento del atrio, y, en el frescor del ambiente y en mullidos almohadones echados encima del asiento, se ha puesto tranquilamente a dar una cabezada… Pero debe haber tenido un oído en vela, porque le despierta el ruido de romper el sigilo y de desenrollar el pergamino, y se pone en pie mientras se frota los ojos soñolientos. Se acerca al Maestro, que lee de pie, erguido, debajo de una lámpara de lastras de mica delicadamente violácea. Siendo tenue la luz, adecuada para iluminar el lugar sin quitarle el encanto de la luna en las noches serenas, Jesús mantiene alto el folio para leer las palabras; y Pedro, mucho más bajo que el Maestro y estando a su lado, trata de alargar el cuello, de ponerse de puntillas para ver, pero no puede.

«¿Es Síntica, eh? ¿Qué dice?» pregunta dos veces, y suplica: «¡Lee fuerte, Maestro!».

Pero Jesús responde: «Sí. Es ella… Después…» y lee, lee, y, acabado el primer folio, lo enrolla y se lo mete en los pliegues de la cintura y continúa la lectura del segundo folio.

«¡¿Cuánto ha escrito, eh?! ¿Cómo está Juan? ¿Y quién es aquel hombre?». Pedro se muestra insistente como un niño.

Jesús está tan absorto que ya no le escucha. Terminado queda el segundo folio, que recibe el mismo destino que el primero.

«Ahí se estropean. Deja que los tenga yo…» y, sin duda, piensa: “y les dé una ojeada.” Pero, alzando los ojos para seguir las manos del Maestro, que desenrollan el tercero y último folio, ve brillar una lágrima que cuelga de las pestañas rubias de Jesús. «¡¿Maestro?! ¡¿Lloras?! ¿Por qué, Maestro mío?» dice, y se pega a Él, y le abraza la cintura con su brazo musculoso y corto.

«Ha muerto Juan…».

«¡Oh! ¡Pobrecillo! ¿Cuándo?».

«Con los primeros calores fuertes… Echándonos mucho de menos…».

«¡Pobre Juan!… Pero, claro… ¡estaba consumido!… Y el dolor de separarse… ¡Todo por esas serpientes! ¡Si supiera su nombre!… Lee fuerte, Señor. ¡Yo le quería a Juan!».

«Después. Después leeré. Calla ahora».

Jesús lee atento… Pedro se alarga aún más para ver… La lectura termina. Jesús enrolla de nuevo el folio y dice: «Llama a mi Madre».

«¿No lees?».

«Voy a esperar a los otros… Entretanto me despediré de ese hombre».

461.11

Y, mientras Pedro entra en casa, donde están las discípulas con Juana, Jesús va donde el griego: «¿Cuándo partes?».

«Debo ir a Cesarea, donde el Procónsul, y, después de comprar una serie de artículos, voy a Joppe. Partiré dentro de un mes, a tiempo de evitar las tempestades de noviembre. Me marcho por mar. ¿Me necesitas para algo?».

«Sí, para responder. La griega dice que me puedo fiar de ti».

«Dicen que somos falsos. Pero también tenemos la capacidad de no serlo. Fíate de mí. Puedes preparar el escrito y buscarme para los Tabernáculos en casa de Cleante, el que me provee de quesos de Judea para las mesas de los romanos: tercera casa después de la fuente del pueblo de Betfagé; no te puedes confundir».

«Tú tampoco te puedes confundir, si sigues por el camino en que has puesto pie. Adiós, hombre. Que la civilización griega te conduzca a la cristiana».

«¿No me reprochas el que odie?».

«¿Sientes que debería hacerlo?».

«Sí. Porque condenas el odio como pasión indigna y aborreces la venganza».

«¿Y tú qué piensas de ello?».

«Que quien no odia y perdona es más grande que Júpiter».

«Alcanza, entonces, esa grandeza… Adiós, hombre. Que tu familia quiera a Síntica, y en el exilio en que os halláis tomad los caminos de la Patria inmortal: el Cielo. Quien cree en mí y practica mis palabras tendrá esa Patria. Que la Luz te ilumine. Ve en paz».

El hombre saluda y se pone en camino. Luego se para, vuelve atrás, pregunta: «¿No te voy a oír hablar?».

«Al amanecer hablaré en Tariquea. Pero luego voy hacia la Siro-Fenicia, y luego, no sé por qué camino, a Jerusalén».

«Te buscaré. Y mañana estaré en Tariquea, para juzgar si eres tan elocuente como sabio». Se marcha definitivamente.

461.12

Las mujeres están en el atrio, y comentan con Pedro la muerte de Juan. Y ya han vuelto los otros, los que se habían quedado por la ciudad para avisar que mañana por la mañana el Rabí estaría en Tariquea. Todos hablan del pobre Juan de Endor, y están ansiosos de saber.

«¡Ha muerto, Hijo!».

«Sí. Está en la paz».

«Verdaderamente ha terminado de sufrir».

«Ha salido de la cárcel definitivamente».

«Hubiera sido justo que no hubiera sufrido el último dolor, el del exilio».

«Una purificación más».

«¡Oh, no quisiera para mí esta purificación! Cualquier otra, ¡pero no morir lejos del Maestro!».

«Y, sin embargo… moriremos todos así… ¡Maestro llévanos contigo!» dice Andrés después de los otros[2].

«No sabes lo que pides, Andrés. Éste es vuestro puesto hasta mi llamada.

461.13

Pero escuchad lo que escribe Síntica.

“Síntica de Cristo al Cristo Jesús, salud.

El hombre que te llevará estos folios es un connacional mío. Me ha prometido buscarte hasta encontrarte, y reservar como último lugar Betania, donde dejará la carta, en casa de Lázaro, si no hubiera podido encontrarte en ningún sitio. Es una persona que se resarce como puede de todo el mal que de Roma ha recibido, él y sus antepasados. Tres veces Roma descargó su mano sobre ellos, de muchas maneras, y siempre con sus métodos. Él, con sutileza griega, dice que ahora ordeña las vacas tiberinas para hacerles escupir las cabras helénicas. Es proveedor de la casa del Legado y de muchas casas de esta pequeña Roma y gran ciudad reina de Oriente. Y además, después de con los refinamientos para los ricos, ha logrado hacerse con los aprovisionamientos para las cohortes de Oriente, con astuto modo, hecho de agasajos serviles que cubren un odio incurable. No apruebo su método. Pero cada uno tiene sus maneras. Yo habría preferido el pan mendigado por el camino, antes que las arcas de oro recibidas del opresor. Y así habría hecho siempre, si ahora otro motivo —que no es la ganancia para mí— no me hubiera empujado a imitar al griego para mi objetivo.

Pero en el fondo es un buen hombre, y su mujer también es buena, y sus tres hijas y el hijo. Los he conocido en la pequeña escuela de Antigonio, y, habiendo enfermado al principio de la primavera la madre, la curé con el bálsamo, y así entré en la casa de ellos. Muchas casas me habrían recibido con gusto como maestra y bordadora. Casas nobles y casas de comerciantes. Pero he preferido ésta por un motivo que no es el que sea casa de griegos. Ahora te explicaré.

Te suplico conmiseración para Zenón, si bien no puedes aprobar su pensamiento. Es como ciertos terrenos áridos, cuarzosos en la superficie, pero magníficos bajo la costra dura. Espero lograr hacer desaparecer esta costra creada por tanto dolor y poner al descubierto el buen terreno. Sería una gran ayuda para tu Iglesia, siendo Zenón, como es, conocido, y estando, como está, relacionado con tantos de Asia menor y Grecia, de Chipre y Malta, e incluso de Iberia, donde, en todas partes, tiene parientes y amigos, griegos como él y perseguidos, o también romanos, soldados o de las magistraturas, utilísimos un día para tu causa.

461.14

Señor, mientras escribo, desde una de las terrazas de la casa, veo Antioquía, con sus embarcaderos en el río, el palacio del Legado en la isla, y sus vías regias, sus murallas con sus cuantiosas torres potentes. Y, si me vuelvo, veo la cresta del Sulpio, que se cierne sobre mí, con sus cuarteles; y veo el otro palacio del Legado. Así, estoy entre las dos manifestaciones del poder romano, yo, pobre mujer sujeta, sola. Pero no me dan miedo. Es más, pienso que lo que no pueden la ira de los elementos y la fuerza de todo un pueblo amotinado, lo hará la debilidad que no da sombra, la aparente debilidad —despreciable para los poderosos— de quien es una fuerza porque posee a Dios: a ti.

Pienso, y te lo digo, que esta fuerza romana será la fuerza cristiana cuando te haya conocido, y que se deberá empezar el trabajo por las ciudadelas de la romanidad pagana, porque ellas serán siempre las dueñas del mundo y una romanidad cristiana querrá decir una cristiandad universal. ¿Esto cuándo? No lo sé. Pero siento que será. Y de aquí que mire con una sonrisa a estos testimonios de potencia romana, pensando en aquel día en que pondrán las enseñas y su fuerza al servicio del Rey de los reyes. Las miro como se mira a amigos útiles que aún no saben que lo son, que harán sufrir antes de ser conquistados, pero que, una vez conquistados, te llevarán a ti, llevarán el conocimiento de ti, hasta los confines del mundo.

Yo, pobre mujer, oso decir a mis hermanos en ti, a mis hermanos mayores, que cuando llegue la hora de la conquista del mundo para tu Reino, no por Israel —demasiado cerrado en su rigorismo mosaico exacerbado por el farisaico y por las otras castas, como para ser conquistado—, sino por aquí, por el mundo romano, por sus extremidades —los tentáculos con que Roma estrangula toda fe, todo amor, toda libertad que no sean las que ella quiera, las que le son útiles—, por aquí deberá empezarse la conquista de los espíritus para la Verdad.

Tú lo sabes, Señor. Pero yo hablo para los hermanos que no pueden creer que también nosotros, los gentiles, tengamos aspiración al Bien. A los hermanos digo que bajo la coraza pagana hay corazones desilusionados del vacío pagano, asqueados de la vida que llevan porque así es costumbre, cansados de odio, de vicio, de insensibilidad. Hay espíritus honestos, pero que no saben dónde apoyarse para hallar satisfacción a su aspiración al Bien. Dadles una Fe que apague su sed. Morirán por ella, llevándola cada vez más adelante cual antorcha en las tinieblas, como los atletas de los juegos helénicos”».

461.15

Jesús enrolla el primer folio y, mientras los que están escuchando comentan el estilo, la fuerza, las ideas de Síntica, y se preguntan por qué ya no está en Antigonio, Jesús abre el segundo folio.

Pedro, que hasta ahora ha estado sentado, vuelve a acercarse, como para oír mejor, y otra vez, arrimándose a Jesús, se alza sobre la punta de sus pies.

«Simón, hace mucho calor; tú me ahogas» dice sonriendo Jesús. «Vuelve a tu sitio. ¿No has oído hasta ahora?».

«¿Oído? Sí. Pero no he visto. Y ahora quiero ver, porque Tú cambiaste y lloraste desde ese folio… Y no es sólo por Juan… Se sabía que estaba a las puertas de la muerte…».

Jesús sonríe, pero, para impedir a Pedro ojear el escrito por detras de los hombros, se pega a la columna más cercana, sin preocuparse de que se aleja de la luz de la lámpara, que si no ilumina el folio, ilumina, eso sí, la cara de Jesús.

Pedro, bien decidido a ver, a entender, arrastra una banqueta, frente a Jesús, y se sienta, y tiene los ojos fijos en el rostro del Maestro.

«“Tanto estoy convencida de esto, que, habiéndome quedado sola, he dejado Antigonio por Antioquía, segura de poder trabajar más en este terreno —donde, como en Roma, todas las razas se funden y mezclan— que donde impera Israel… No puedo yo, mujer, partir a la conquista de Roma. Pero, si la Urbe me es inalcanzable, yo en la hija más bella de la Urbe, la más semejante a la madre en todo el Orbe, siembro… ¿En cuántos corazones caerá la semilla? ¿En cuántos germinará? ¿En cuántos será transportada a otros lugares y esperará a los apóstoles para germinar? No lo sé. No pido saberlo. Yo hago. Ofrezco al Dios que he conocido, y que sacia mi espíritu y mi intelecto, el trabajo. En este Dios creo, como en el Dios único y omnipotente. Sé que no defrauda al que es de buena voluntad. Esto me basta y me sostiene en el obrar.

461.16

Maestro, Juan murió el sexto día antes de las nonas de junio según los romanos, casi en la neomenia de Tammuz según los hebreos. Señor… ¿Para qué te digo lo que ya sabes? Y, sin embargo, lo digo, para los hermanos. Juan murió como justo, y, en honor a la verdad sobre sus sufrimientos, debería decir como mártir. Yo le asistí con toda la piedad que una mujer puede tener, con todo el respeto que se tiene hacia un héroe, con todo el amor que se tiene a un hermano. Pero ello no evitó un sufrimiento tal, que yo, no por fastidio o cansancio, sino por compasión, rogaba al Eterno que le llamara a la paz. Él decía: ‘a la libertad’.

¡Qué palabras salían de su boca! ¿Es que puede subir a tanta luz de sabiduría un hombre que, como él decía, ha descendido hasta el fondo? ¡Oh, la muerte es verdaderamente el misterio que revela nuestro origen, y la vida es el escenario que esconde el misterio! Un escenario que se nos da sin motivos ornamentales, donde nosotros podemos realizar lo que queramos. Él había grabado muchas cosas, no todas hermosas; pero las últimas fueron sublimes. Del sombrío cielo de abajo, en que había diseños de dolor humano y de humana violencia, cual sabio artífice, había pasado a signos cada vez más luminosos, y había decorado de virtudes el retazo de su vida cristiana, para terminar en una fúlgida luminosidad de alma perdida en Dios. Yo te lo digo: no habló, sino que cantó su último poema. No murió, sino que ascendió. Y no pude distinguir con exactitud cuándo hablaba todavía el hombre o cuándo hablaba ya el espíritu hijo de Dios.

Señor, he leído, Tú lo sabes, todas las obras de los filósofos, buscando un alimento al alma atada por las dobles cadenas de la esclavitud y del paganismo. Pero eran obras de hombre. En este caso, no eran ya palabras de hombre, sino de superhombre, de espíritu regio, más: de espíritu semidivino. Yo he tutelado el misterio, que además no habría sido comprendido por nuestros huéspedes, buenos con el hombre, pero israelitas en el más amplio y completo sentido de la palabra… Y cuando en los últimos toques del amor Juan fue sólo un amor hablante, alejé a todos y recogí yo sola lo que Tú ciertamente sabes…

Señor… este hombre murió, ha ‘salido por fin de la carne, ha ido a la libertad’, como él decía con el hilo de voz de los últimos días, y con la mirada encendida en éxtasis, apretándome la mano y descubriéndome con sus palabras el Paraíso. Este hombre ha muerto enseñándome a vivir, a perdonar, a creer, a amar. Ha muerto preparándome al último período de tu vida. Señor, lo sé todo. Él me había instruido acerca de los profetas en las noches de invierno. Conozco el Libro como una verdadera israelita. Pero sé también lo que el Libro no especifica… ¡Maestro mío y Señor mío… yo le imitaré! Y quisiera el mismo favor, pero creo que es más heroico no pedirlo, y hacer tu voluntad…”».

461.17

Jesús enrolla el folio y hace ademán de tomar el tercero.

«¡No, no, Maestro! No puede ser… Hay más. ¡No puede haber terminado tan pronto el folio!» exclama Pedro. «¡No estás leyendo todo! ¿Por qué, Señor? ¡Vosotros! ¡Protestad! Síntica ha escrito más para nosotros que para Él, y Él no nos lee».

«¡No insistas, Pedro!».

«¡Sí que insisto! ¡Claro que insisto! Mira que he visto que tu ojo iba más abajo de golpe, y que —hay transparencia— no has leído los últimos renglones. No estaré tranquilo hasta que hayas leído de nuevo el final de ese folio. ¡Antes llorabas!… ¿Hay acaso motivo de llorar en eso que has leído? Duele, sí, saber que ha muerto… ¡pero una muerte así no hace llorar! Yo creía que hubiera muerto mal, perdiendo su espíritu… Sin embargo… ¡Lee, anda! ¡Madre! ¡Juan! Vosotros que obtenéis todo…».

«Escúchale, Hijo mío, y aunque sea algo doloroso de saberse beberemos todos el cáliz…».

«Sea como queréis…

“Conozco el Libro como una verdadera israelita. Pero sé también lo que el Libro no especifica, o sea, que tu Pasión ya no tardará en cumplirse, porque Juan ha muerto y Tú le prometiste breve tiempo en el Limbo. Él me lo dijo. Me dijo que habías prometido que le sacarías de aquí antes de que conociera cómo puede ser y a dónde puede llegar el odio de Israel hacia ti, y ello para impedir que por amor a ti odiase a tus torturadores. Ahora él ha muerto… Tú estás, por tanto, próximo a morir… No. A vivir. Verdaderamente a vivir con tu Doctrina, contigo mismo dentro de nosotros, con la Divinidad en nosotros, una vez que tu Sacrificio nos haya devuelto la vida del alma, la Gracia, la unión con el Padre, con el Hijo, con el Espíritu Santo.

Maestro, mi Salvador, mi Rey, mi Dios… fuerte es mi tentación, mejor dicho: ha sido fuerte, de ir donde ti ahora que Juan duerme con el cuerpo en el sepulcro y reposa con el espíritu en la espera. Ir donde ti para estar con las otras al pie de tu ara. Pero las aras se adornan no sólo con la víctima, sino también con guirnaldas en honor del Dios en cuyo honor se celebra el sacrificio. Yo pongo mi violácea guirnalda de discípula lejana a los pies de tu ara. Y en la guirnalda pongo la obediencia, el trabajo, el sacrificio de no verte y escucharte… ¡Será muy duro! ¡Es muy duro ahora, cuando tus coloquios sobrenaturales con Juan han concluido, y yo ya no gozo de ellos!… Señor, alza tu mano sobre tu sierva para que sepa hacer sólo tu voluntad y te sepa servir”».

461.18

Jesús enrolla el folio y observa la cara de los que le escuchan. Están pálidos. Pero Pedro susurra: «No comprendo por qué llorabas… Pensaba que había otras cosas…».

«Lloraba porque confrontaba al que fue uxoricida y forzado, y a la esclava pagana, con demasiados de Israel».

«¡Comprendo! Te angustia el que los hebreos sean inferiores a los gentiles, y los sacerdotes y príncipes a los forzados. Tienes razón… ¡He sido un estúpido! ¡Qué mujer esta mujer! ¡La pena es que haya tenido que marcharse!…».

Jesús abre el tercer folio.

«”Y sepa imitar en todo al discípulo y hermano que ya está en la paz, a donde ha ido después de haber cumplido todas las purificaciones… en tu honor y para aliviar tus sufrimientos”».

«¡Ah! ¡No, no!». Pedro ha saltado con agilidad encima del asiento antes de que Jesús haya podido separarse, y ve que no es posible haber llegado ya a donde Jesús mira. Hay que tener en cuenta que el pergamino se enrolla en sí mismo a medida que por arriba se le va soltando; por lo cual, muchos renglones están ya ocultos en lo alto del folio.

Jesús alza la cabeza y, con el rostro más afligido que triste, dulce pero firme, repele a su apóstol y dice: «¡Pedro, tu Maestro sabe lo que te conviene! Deja que Yo te dé lo que para ti es bueno…».

Pedro queda tocado por esas palabras, y más por la mirada —tan implorante, luciente por una lágrima que está para caer— de Jesús. Baja del asiento y dice: «Obedezco… ¡¿Pero, qué podrá ser lo que hay ahí?!».

461.19

Jesús reanuda la lectura:

«“Y ahora que he hablado de otros, hablo de mí. He dejado Antigonio después de la sepultura de Juan. No porque me tratasen mal, sino porque sentía que ése no era mi lugar. ¿Por qué lo sentía? No lo sé. Lo sentía. Como te he dicho, había conocido a muchas familias, porque muchos habían venido a nosotros. He preferido quedarme en la de Zenón, precisamente porque está en el ambiente en que espero trabajar.

Una mujer romana quería que viviera en su espléndida casa, junto a la Columnata de Herodes. Una siria riquísima me invitaba como maestra al taller de tejidos que su marido, que es de Tiro, ha abierto en Seleucia. Una viuda prosélito, madre de siete niñas, que vive cerca del puente Seleucio, quería que viviera con ella, por respeto a Juan, maestro de los niños. Una familia greco-asiria, con almacenes en una calle cerca del Circo, solicitaba que fuera a ella, porque en el tiempo de los juegos podía ser útil. En fin, un romano, que había sido centurión, creo, sin duda militar, y que se había quedado aquí no sé exactamente con qué obligación, curado también con el bálsamo, insistía para tenerme en su casa. No. No quería los ricos, ni los mercaderes. Quería almas, y almas griegas y romanas, porque siento que por ellas debe empezar la expansión de tu Doctrina en el mundo.

Y aquí estoy, en casa de Zenón, en las laderas del Sulpio, cerca de los cuarteles. La ciudadela se cierne amenazadora desde la cima. Y, sin embargo, a pesar de ser tan adusta, es mejor que los ricos palacios del Onfolo y del Ninfeo, y tengo amigos en ella. Un soldado que te conoce, de nombre Alejandro: un sencillo corazón de niño dentro de un cuerpo grande de soldado. Y el mismo tribuno, llegado hace poco de Cesarea, bajo su clámide tiene un corazón recto. Dentro de su tosca sencillez, se acerca más a la Verdad Alejandro. Pero tampoco el tribuno, que te admira como a un orador perfecto, un filósofo “divino”, como él dice, es hostil a la Sabiduría, aunque todavía no pueda acoger la Verdad. Conquistar a éstos y a sus familias con un mínimo de tu conocimiento significa esparcir la semilla de este conocimiento a septentrión y a mediodía, a oriente y a occidente, porque los soldados son como granos agitados por el aventador, o mejor: tamo que el molino del viento, en este caso la voluntad de los Césares y las necesidades de dominio, esparce por todas partes.

Cuando llegue un día en que tus apóstoles, como pájaros lanzados a volar, se esparzan por la Tierra, gran ayuda será para ellos el encontrar en los lugares de apostolado uno, uno sólo, aunque sea uno sólo que no ignore tu venida. Por esta idea cuido también, de los gladiadores, los cuerpos dolientes de los viejos y los heridos de los jóvenes; por esto mismo, ya no evito a las mujeres romanas; por esto soporto a quienes eran causa de dolor para mí… Todo. Por ti. Si yerro, aconséjame con tu sabiduría. Sólo que sepas, pero ya lo sabes, que mis errores provienen de deficiencias, no de malicia.

Señor, tu sierva te ha dicho muchas cosas… Nada, respecto a lo mucho que tengo en el corazón. Pero Tú ves mi espíritu. Señor… ¿cuándo veré tu rostro? ¿Cuándo veré de nuevo a tu Madre?, ¿y a los hermanos?… La vida es un sueño que pasa. Pasará la separación. Estaré en ti, y con ellos, y será la alegría y la libertad para mí, también para mí, como para Juan.

Me postro a tus pies, mi Salvador. Bendíceme con tu paz. A María de Nazaret, a las discípulas, paz y bendición. A los apóstoles y a los discípulos, paz y bendición. A ti, Señor, gloria y amor”.

461.20

He leído. Madre, ven conmigo. Vosotros esperadme. O descansad. No regreso. Estaré en oración con mi Madre. Juana, si alguno me busca, estoy en el cenador de cerca del lago».

Pedro ha apartado un poco a María y le dice algo, intranquilo pero en voz baja. María le sonríe y susurra algo. Luego alcanza a su Hijo, que sigue el sendero apenas visible en la noche.

«¿Qué quería Simón de Jonás?».

«Saber, Hijo mío. Es como un niño… un niño grande… Pero es muy bueno».

«Sí, es muy bueno. Y te ha rogado a ti, que eres buenísima, para saber… Ha descubierto el punto débil: tú y Juan. Lo sé. Hago como que no lo sé, pero lo sé. Pero no puedo ceder siempre para complacerle… No hacía falta, Jonatán. Podíamos estar también sin luz» dice, al ver que Jonatán viene con una lámpara de plata y con unos almohadones que ahora dispone en la mesa y en los asientos del cenador.

«Lo ha ordenado Juana. La paz a ti, Maestro».

«Y a ti».

Se quedan solos.

«Decía que no siempre puedo complacerle. Esta noche no podía. Sólo tú puedes conocer los puntos que he callado. Te he llamado para esto, y también para estar contigo, Mamá… Para mí, estar contigo en las últimas horas antes de una separación es acumular tanta dulce fuerza, que me siento rico de ella para muchas horas de soledad en medio del mundo, que no me comprende o que me comprende mal. Y estar contigo en las primeras horas de un regreso es tomar nuevas fuerzas, después de todos los cálices que debo beber en el mundo… tan desagradables y amargos».

María le acaricia sin hablar. Erguida junto a Él, que está sentado, es la Madre que conforta a su Hijo. Pero Él hace que se siente y dice: «Escucha…», y entonces María, en posición atenta, sentada frente a Él, pasa a ser la discípula pendiente de los labios de Jesús Maestro.

461.21

«Síntica escribe, hablando de Antioquía: “Aquí la voluntad —no sé distinguir dónde cesa la de los hombres y empieza la de Dios, porque no soy sabia— aquí la voluntad, más fuerte que mi deseo, me ha traído, y quién sabe si no habrá sido todo voluntad de Dios. Lo cierto es que, casi seguro por una gracia del Cielo, ahora le tengo amor a esta ciudad que, con las cimas del Casio y del Amano custiodiándola desde dos lados, y las crestas verdes de las Montañas negras más lejos, mucho me recuerda a la patria perdida. Y tengo la impresión de que sea el primer paso de regreso hacia mi tierra, y no paso de peregrina cansada que vuelve para morir, sino de mensajera de vida que viene a dar vida a quien fue para ella madre. Tengo la impresión de que desde aquí, golondrina descansada para el vuelo y nutrida de Sabiduría, tuviera que volar a la ciudad en que vi la luz y de la cual quiero, quisiera subir a la Luz después de dar la Luz que me fue dada.

Mis hermanos en ti, yo lo sé, no aprobarían este pensamiento.. Quieren sólo para ellos tu sabiduría. Pero se equivocan. Un día comprenderán que el mundo espera, y que el mundo despreciado será el mejor. Yo les preparo el camino a ellos. No sólo aquí, sino con cuantos convergen aquí y luego regresan a sus tierras; y no distingo mucho si son gentiles o prosélitos, griegos o romanos, o de otras colonias del imperio y de la Diáspora. Hablo, suscito deseos de conocerte… El mar no está hecho de una nube vaciada; está hecho de nubes y nubes y nubes que vacían su agua en la tierra y vierten al mar. Yo seré una nube. El mar será el cristianismo. Quiero multiplicar el conocimiento de ti para contribuir a formar el mar del cristianismo. Yo, griega, sé hablar a los griegos, no tanto con el idioma cuanto con la comprensión… Yo, que fui esclava de los romanos, sé trabajar con los romanos, cuyos puntos sensibles conozco. Y, por el tiempo que he vivido entre los hebreos, sé también cómo tratar a éstos, especialmente aquí, donde los prosélitos son numerosos. Juan ha muerto para tu gloria. Yo viviré para tu gloria. Bendice nuestros espíritus”.

461.22

Y más adelante, donde habla de la muerte de Juan, donde no he dejado que Simón leyera, está escrito: “Juan ha muerto tras haber pasado todas las purificaciones, incluso la extrema, la del perdón a aquellos que con sus maneras de actuar te han obligado a alejarle y le han matado. Sé el nombre de éstos, al menos del principal. Juan me lo reveló, diciendo: ‘Desconfía siempre de él. Es un traidor. Me ha traicionado a mí, le traicionará a Él y traicionará a nuestros compañeros. Pero le perdono, a Judas Iscariote, como le perdonará Él. Es tan grande ya el abismo en que yace, que no quiero excavarlo más no perdonándole el haberme matado separándome de Jesús. Mi perdón no le salvará. Nada le salvará, porque es un demonio. No debería decirlo, yo que fui asesino, pero en mí había al menos una ofensa que me hacía perder el juicio. Él arremete contra quien no le ha hecho ningún mal y acabará traicionando a su Salvador. Pero le perdono, porque la bondad de Dios ha hecho de su odio contra mí mi bien. ¿Ves? He expiado todo. Él, el Maestro, me lo dijo ayer noche. He expiado todo. Ahora salgo de la cárcel. Ahora entro verdaderamente en la libertad, libre incluso del peso del recuerdo del pecado de Judas de Keriot hacia un desdichado que había encontrado la paz junto a su Señor’.

Yo también, siguiendo su ejemplo, le perdono el haberme arrancado de ti, de la Madre bendita, de las hermanas discípulas, de oírte, de seguirte hasta la muerte, para estar presente en tu triunfo de Redentor. Y lo hago por ti, en honor tuyo y para aliviar tus sufrimientos. Estáte tranquilo, mi Señor. El nombre del oprobio que hay entre las filas de tus seguidores no saldrá de mis labios, y, conjuntamente, no saldrá nada de lo que he oído a Juan cuando su yo hablaba con tu invisible, letificante Presencia. He estado dudando si ir a verte antes de establecerme en mi nueva morada. Pero he sentido que habría transparentado mi repulsa hacia Judas Iscariote, y que te habría perjudicado ante tus enemigos. He sacrificado así este consuelo también… con la seguridad de que el sacrificio no quedará sin fruto y sin premio”.

461.23

Esto es, Madre. ¿Podía leerle esto a Simón?».

«No. Ni a él ni a los otros. Dentro de mi dolor tengo la alegría de esta muerte santa de Juan… Hijo, vamos a orar para que él sienta nuestro amor y… y para que Judas no sea el oprobio… ¡Oh, es horrendo!… Y no obstante… nosotros perdonaremos…».

«Vamos a orar…». Se ponen en pie y oran, iluminados por la trémula luz de la lámpara, entre cortinas de ramas colgantes, mientras la resaca respira rítmicamente chocando contra la orilla…


Notes

  1. les tefilim, les franges et les zizits sont les noms divers des ornements que la Loi prescrivait aux juifs afin qu’ils se souviennent des commandements du Seigneur, comme c’est écrit en Nb 15, 37-41 ; Dt 6, 6-8 ; 11, 18 ; 22, 12. Nous les rencontrons aussi en 40.7 (sous la forme de bandes), en 201.5 (comme franges et bandes, en 381.7.9, et en 501.4.
  2. marcher comme un péripatéticien : les disciples du philosophe Aristote étaient dits péripatéticiens (“ promeneurs ”), parce qu’ils réfléchissaient, parlaient et écoutaient en marchant dans le fameux quartier du Lycée, à Athènes.

Notas

  1. las filacterias, las fimbrias y los “zizit” (veremos estos últimos también en 501.4) podrían ser varios nombres de los paramentos (orlas y cintas, vistas también en 40.7 y en 201.5) que la ley prescribía a los israelitas para que se acordaran de los preceptos del Señor, como en Éxodo 13, 9 y 16; Números 15, 37-41; Deuteronomio 6, 8; 11, 18; 22, 12.
  2. los otros que han dialogado con Jesús son, en el orden que se cita, los siguientes: María Stma., Pedro, Judas de Alfeo y Santiago de Zebedeo, como precisa MV en una copia mecanografiada.