Los Escritos de Maria Valtorta

464. Dans la maison de campagne de Kouza, la tentative d’élection de Jésus comme roi. Le témoignage du Bien-Aimé.

464. En la casa de campo de Cusa, intento

464.1

Sur l’autre rive, au sortir du pont, un char couvert attend.

« Monte, Maître. Le trajet ne te fatiguera pas, d’une part en raison de la brièveté du parcours, d’autre part parce que j’ai ordonné de toujours garder ici des paires de bœufs prêts pour ne pas porter ombrage aux hôtes les plus respectueux de la Loi… Il faut les plaindre…

– Mais où sont-ils ?

– Ils nous ont précédés sur d’autres chars. Tobit !

– Maître ? dit le conducteur, qui est en train d’atteler les bœufs au joug.

– Où sont mes autres invités ?

– Très en avant ! Ils sont sur le point d’arriver à la maison.

– Tu l’entends, Maître ?

– Mais si je n’étais pas venu ?

– Oh ! Nous étions certains que tu viendrais. Pourquoi n’aurais-tu pas dû venir ?

– Pourquoi ? Kouza, je suis venu pour te montrer que je ne suis pas un lâche. Il n’y a de lâches que les mauvais, ceux qui ont des fautes qui leur font craindre la justice… la justice des hommes, malheureusement, alors qu’ils devraient craindre d’abord — et uniquement — celle de Dieu. Mais moi, je n’ai pas de faute et je n’ai pas peur des hommes.

– Mais Seigneur ! Ceux qui sont avec moi ont tous de la vénération pour toi ! Comme moi. Et nous ne devons absolument pas te faire peur ! Nous voulons te faire honneur, non t’insulter ! »

Kouza est affligé et presque indigné.

Le char avance lentement, en grinçant, parmi les vertes campagnes.

Jésus, assis en face de Kouza, répond :

« Plus que la guerre ouverte des ennemis, je dois craindre la guerre sournoise des faux amis, ou encore le zèle maladroit de mes vrais amis, mais qui ne m’ont pas encore compris ; et tu es de ceux-là. Ne te rappelles-tu pas ce que j’ai dit à Béther[1] ?

– Moi, je t’ai compris, Seigneur, murmure Kouza, mais pas très sûr de lui et sans répondre directement à la question.

– Oui, tu m’as compris. Sous le coup de la douleur et de la joie, ton cœur est devenu limpide, comme l’horizon après un orage et un arc-en-ciel. Et tu voyais juste. Puis… Retourne-toi, Kouza, pour regarder notre mer de Galilée. Elle paraissait si claire à l’aurore ! Pendant la nuit, la rosée avait purifié l’atmosphère, et la fraîcheur nocturne avait ralenti l’évaporation des eaux. Le ciel et le lac étaient deux miroirs de pur saphir qui se renvoyaient mutuellement leur beauté. Les collines, tout autour, étaient fraîches et pures comme si Dieu les avait créées pendant la nuit. Maintenant, regarde. La poussière des routes de la côte, parcourues par des gens et des animaux, l’ardeur du soleil qui fait fumer les bois et les jardins comme des chaudières sur un foyer et qui incendie le lac en en faisant évaporer l’eau, vois comme tout cela a terni l’horizon. Auparavant, les bords paraissaient tout proches, nets comme ils l’étaient dans la grande limpidité de l’air. Maintenant, regarde… Ils semblent trembler, masqués, brouillés, semblables à des objets vus à travers un voile d’eau impure. C’est ce qui t’est arrivé. La poussière, c’est l’humanité ; le soleil, c’est ton orgueil. Kouza, ne te trouble pas toi-même… »

L’homme baisse la tête, jouant machinalement avec les ornements de son vêtement et la boucle de sa riche ceinture qui soutient son épée.

Jésus se tait, en restant les yeux presque clos comme s’il avait sommeil. Kouza respecte son sommeil ou ce qu’il prend pour tel.

464.2

Le char avance lentement en direction du sud-est, vers de légères ondulations qui forment, du moins je le crois, le premier niveau du haut plateau qui borde la vallée du Jourdain de ce côté oriental. Certainement en raison de la richesse des eaux souterraines ou de quelque cours d’eau, les campagnes sont très fertiles et belles ; des grappes et des fruits apparaissent partout au milieu des feuillages.

Le char quitte la route principale, tourne dans un chemin privé et s’enfonce dans une allée très touffue où il trouve de l’ombre et une relative fraîcheur, en comparaison de la fournaise de la grand-route ensoleillée.

Une demeure basse, blanche, d’aspect seigneurial, se trouve au fond de l’allée. De plus humbles maisons sont disséminées dans les champs et les vignobles.

Le char franchit un petit pont et une barrière, au-delà de laquelle le verger fait place à un jardin dont l’allée est couverte de gravier. Au bruit différent que font les roues sur le gravier, Jésus ouvre les yeux.

« Nous sommes arrivés, Maître. Voici les hôtes qui nous ont entendu et accourent » dit Kouza.

Effectivement, un grand nombre de gens, tous de riche condition, se groupent au début de l’allée et saluent avec de cérémonieuses révérences le Maître qui arrive. Je vois et reconnais Manahen, Timon, Eléazar, et il me semble en voir d’autres qui ne me sont pas inconnus, mais dont je ne saurais dire les noms. Pour une bonne part, je ne les ai jamais vus, ou du moins je ne les ai jamais particulièrement remarqués. Il y en a beaucoup avec des épées, et d’autres, qui n’en ont pas, étalent avec ostentation les abondantes fanfreluches des pharisiens, des prêtres ou des rabbins.

Le char s’arrête, et Jésus en descend le premier en s’inclinant pour saluer collectivement. Les disciples Manahen et Timon s’avancent pour échanger une salutation personnelle. Puis c’est au tour d’Eléazar (le bon pharisien du banquet chez Ismaël), et avec lui se fraient un chemin deux scribes qui tiennent à se faire reconnaître. Il y a celui dont le petit-fils a été guéri, à Tarichée, le jour de la première multiplication des pains, et l’autre qui a nourri la foule au pied du mont des Béatitudes. Enfin, un autre encore s’avance : le pharisien qui, dans la maison de Joseph, au temps de la moisson, fut instruit par Jésus sur le vrai motif de son injuste jalousie.

Kouza procède aux présentations, et je les passe sous silence, car c’est à en perdre la tête dans la foule des Simon, des Jean, des Lévi, des Eléazar, Nathanaël, Joseph, Philippe, etc. Il y a là des sadducéens, des scribes, des prêtres, des hérodiens en grand nombre — je devrais même dire que ces derniers sont les plus nombreux —, ainsi qu’une poignée de prosélytes et de pharisiens, deux membres du Sanhédrin, quatre chefs de synagogue et, perdu je ne sais comment dans cette foule, un essénien.

Jésus s’incline à chaque nom, regardant intensément chaque visage et esquissant parfois un léger sourire comme quand quelqu’un, pour préciser son identité, spécifie quelque fait qui l’a mis en rapport avec Jésus.

C’est ainsi qu’un certain Joachim de Bozra lui dit :

« Ma femme, Marie, a été guérie de la lèpre par toi. Sois béni. »

Et l’essénien :

« Je t’ai entendu lorsque tu as parlé près de Jéricho et un de nos frères a quitté les rives de la mer Salée pour te suivre. Et j’ai encore entendu parler de toi à propos du miracle d’Elisée d’Engaddi. Sur ces terres, nous vivons dans la pureté, en attendant… »

Qu’attendent-ils ? Je l’ignore. Je sais qu’en disant cela, cet homme regarde avec un air de supériorité un peu exaltée les autres, qui ne jouent certainement pas aux mystiques, mais qui, pour la plupart, paraissent profiter allègrement du bien-être que leur situation leur permet.

464.3

Kouza soustrait son hôte aux cérémonies des salutations et le conduit dans une salle de bains confortable où il le laisse pour les ablutions d’usage, certainement agréables par cette chaleur. Il revient alors vers ses invités, avec lesquels il parle avec animation, et les avis divergent tellement qu’ils en arrivent presque à une dispute. Certains veulent commencer aussitôt le discours. Quel discours ? D’autres, au contraire, proposent de ne pas assaillir tout de suite le Maître mais de le persuader en premier lieu de leur profond respect. C’est cet avis qui prévaut, car c’est celui du plus grand nombre. Alors Kouza, en qualité de maître de maison, appelle ses serviteurs pour leur ordonner de préparer le banquet, qu’ils feraient vers le soir pour laisser à Jésus, “ qui est visiblement fatigué, le temps de se reposer ”, ce que tout le monde accepte. Quand Jésus revient, les invités prennent donc congé de lui en s’inclinant profondément, le laissant avec Kouza, qui le conduit dans une pièce à l’ombre, où se trouve une couchette basse couverte de riches tapis.

Jésus, resté seul, confie à un serviteur ses sandales et son vêtement pour qu’il les nettoie et enlève les traces de ses déplacements de la veille. Il ne dort pas ; assis sur le bord de la couchette, les pieds nus sur la natte qui recouvre le pavé, avec la courte tunique ou sous-vêtement qui lui arrive aux coudes et aux genoux, il se recueille intensément. Si l’habillement ainsi réduit le fait paraître plus jeune dans la splendide et parfaite harmonie de son corps viril, la profondeur de sa pensée, qui n’est pas vraiment gaie, strie son front de rides et contracte son visage en lui donnant une expression de douloureuse fatigue qui le vieillit.

Aucun bruit dans la maison, personne dans la campagne où, dans la lourde chaleur, les grappes mûrissent. Les rideaux sombres qui pendent devant les portes et aux fenêtres n’ont pas la moindre ondulation.

464.4

Ainsi passent les heures…

La pénombre augmente avec le coucher du soleil, mais la chaleur persiste, de même que la méditation de Jésus.

Enfin la maison semble se réveiller. On entend des voix, des bruits de pas, des ordres.

Kouza écarte doucement le rideau pour observer, sans déranger Jésus.

« Entre ! Je ne dors pas » dit Jésus.

Kouza entre, déjà revêtu de la tenue d’apparat du banquet. Il regarde, et voit que la couchette ne semble pas avoir accueilli un corps.

« Tu n’as pas dormi ? Pourquoi ? Tu étais fatigué…

– Je me suis reposé dans le silence et à l’ombre. Cela me suffit.

– Je vais te faire apporter un vêtement…

– Non. Le mien est sûrement sec. Je préfère le mettre. J’ai l’intention de partir dès la fin du banquet. Je te prie de tenir prêts dans ce but le char et la barque.

– Comme tu veux, Seigneur. J’aurais voulu te garder jusqu’à demain à l’aurore…

– Je ne puis. Je dois m’en aller… »

Kouza sort en s’inclinant…

On entend de nombreux chuchotements…

Il se passe un certain temps. Le serviteur revient avec le vêtement de lin, tout frais lavé, parfumé de soleil, et avec les sandales nettoyées et bien graissées, toutes brillantes et assouplies. Un autre le suit avec un bassin, une amphore et des essuie-mains, et dépose le tout sur une table basse. Ils sortent…

464.5

… Jésus rejoint les invités dans l’atrium, qui divise la maison du nord au sud, formant un lieu aéré et agréable, pourvu de sièges et orné de voilages légers, multicolores, qui modifient la lumière sans gêner l’aération. Maintenant, tirés de côté, ils laissent voir le cadre de verdure qui entoure la maison.

Jésus est imposant. Bien qu’il n’ait pas dormi, il semble avoir pris des forces et sa démarche est celle d’un roi. Le lin du vêtement qu’il vient de mettre est très blanc et ses cheveux, rendus lumineux par le bain du matin, brillent avec délicatesse, encadrant son visage de leur couleur dorée.

« Viens, Maître. Nous n’attendions plus que toi » dit Kouza.

Il le conduit le premier dans la pièce où se trouvent les tables.

On s’assied après la prière et une ablution supplémentaire pour les mains, puis le repas commence, solennel comme toujours, et silencieux au début. Puis la glace se brise.

Jésus est voisin de Kouza, et de l’autre côté se trouve Manahen avec comme compagnon Timon. Les autres sont placés par Kouza, avec son savoir-faire de courtisan, sur les côtés de la table en forme de U. Seul l’essénien a refusé obstinément de prendre part au banquet et de s’asseoir à la table commune avec les autres. Ce n’est que lorsque un serviteur, sur l’ordre de Kouza, lui offre un petit panier précieux rempli de fruits, qu’il accepte de s’asseoir devant une table basse, après je ne sais combien d’ablutions, et après avoir relevé les larges manches de son vêtement blanc par crainte de les tacher ou pour suivre un rite, je ne sais.

C’est un banquet bizarre, où l’on communique plus par les regards que par les discours. On se dit tout au plus de brèves phrases de politesse et l’on s’examine réciproquement : Jésus étudie les convives et eux l’étudient.

464.6

Enfin, Kouza fait signe aux serviteurs de se retirer après avoir apporté de grands plateaux de fruits bien frais — peut-être ont-ils été conservés dans le puits —, très beaux, je dirais presque glacés, avec ce givre qui caractérise les fruits rafraîchir dans la glace.

Les serviteurs sortent après avoir allumé les lampes. Mais elles sont inutiles pour l’instant car, en ce long crépuscule d’été, il fait encore clair.

« Maître, commence Kouza, tu dois t’être demandé la raison de cette réunion et du silence que nous observons. Mais ce que nous devons te dire est très grave et ne doit pas être entendu par des oreilles imprudentes. Maintenant que nous sommes seuls, nous pouvons parler. Tu le vois, tous ont pour toi le plus grand respect. Tu es parmi des hommes qui te vénèrent comme Homme et comme Messie. Ta justice, ta sagesse, les dons dont Dieu t’a donné la maîtrise nous sont connus, et nous les admirons. Tu es pour nous le Messie d’Israël, le Messie selon l’idée spirituelle et selon l’idée politique. Tu es l’Attendu qui doit mettre fin à la douleur, à l’humiliation de tout un peuple, et non seulement de ce peuple enfermé dans les frontières d’Israël, ou plutôt de la Palestine, mais pour le peuple d’Israël tout entier, des milliers de colonies de la Diaspora répandues par toute la terre, et qui font retentir le nom de Yahvé sous tous les cieux. Elles font connaître les promesses et les espérances, qui aujourd’hui s’accomplissent, d’un Messie restaurateur, d’un vengeur, d’un libérateur et créateur de l’indépendance véritable et de la patrie d’Israël. C’est la patrie la plus grande qui soit au monde, la patrie reine et dominatrice, qui efface tout souvenir du passé et tout signe vivant d’esclavage, l’hébraïsme qui triomphe sur tout et sur tous, et pour toujours. Cela a été dit et cela s’accomplit. Seigneur, ici, devant toi, tu as Israël tout entier dans les représentants des différentes classes de ce peuple éternel, châtié par le Très-Haut, mais bien-aimé de lui, qui le proclame “ sien ”. Tu as le cœur vivant et sacré d’Israël avec les membres du Sanhédrin et les prêtres, tu as la puissance et la sainteté avec les pharisiens et les sadducéens, tu as la sagesse avec les scribes et les rabbins, tu as la politique et la valeur avec les hérodiens, tu as la richesse avec ceux qui sont fortunés, le peuple avec les marchands et les propriétaires, tu as la Diaspora avec les prosélytes, et jusqu’à ceux qui sont séparés et qui maintenant sont prêts à se réunir, parce qu’ils voient en toi l’Attendu : les esséniens, ces irréconciliables. Regarde, Seigneur, ce premier prodige, ce grand signe de ta mission, de ta vérité. Toi, qui es sans violence, sans moyens, sans ministres, sans soldats, sans épées, tu regroupes tout ton peuple comme une citerne rassemble les eaux de mille sources. Sans dire un mot, sans donner le moindre ordre, tu nous réunis, nous, un peuple divisé par les malheurs, les haines, les idées politiques et religieuses, et tu nous réconcilies. O Prince de la Paix, réjouis-toi d’avoir racheté et restauré avant même d’avoir pris le sceptre et la couronne. Ton Royaume, le Royaume attendu d’Israël est né. Nos richesses, nos puissances, nos épées sont à tes pieds. Parle ! Ordonne ! L’heure est venue. »

464.7

Tous approuvent le discours de Kouza. Jésus, les bras croisés, garde le silence.

« Tu ne dis rien ? Tu ne réponds pas, Seigneur ? Peut-être, es-tu étonné… ou bien tu sens que tu n’es pas prêt, et tu doutes surtout qu’Israël soit préparé… Mais ce n’est pas le cas. Ecoute notre avis. Je parle, et avec moi Manahen, pour le palais royal. Il ne mérite plus d’exister. C’est l’opprobre et la pourriture d’Israël. C’est une tyrannie honteuse qui opprime le peuple et s’abaisse servilement pour flatter l’usurpateur. Son heure est venue. Lève-toi, Etoile de Jacob, et mets en fuite les ténèbres de ce chœur de crimes et de hontes. Ici se trouvent ceux qui, appelés hérodiens, sont les ennemis des profanateurs du nom des Hérodes, sacré pour eux.

A vous la parole.

– Maître, je suis âgé et je me rappelle ce qu’était la splendeur d’autrefois. Comme le nom de héros donné à une charogne puante, tel est le nom d’Hérode porté par des descendants dégénérés qui avilissent notre peuple. C’est le moment de répéter le geste qu’a fait plusieurs fois Israël quand des monarques indignes régnaient sur les souffrances du peuple. Toi seul es digne de faire ce geste. »

Jésus se tait.

« Maître, cela fait-il le moindre doute ? Nous avons scruté les Ecritures : tu es celui-ci, tu dois régner, dit un scribe.

– Tu dois être Roi et Prêtre. Nouveau Néhémie, plus grand que lui[2], tu dois venir et purifier. L’autel est profané. Que le zèle du Très-Haut te presse, dit un prêtre.

– Beaucoup d’entre nous t’ont combattu — ceux qui craignent ton règne sage —, mais le peuple est avec toi, et les meilleurs de nous avec le peuple. Nous avons besoin d’un sage.

– Nous avons besoin d’un pur.

– D’un vrai roi.

– D’un saint.

– D’un Rédempteur. Nous sommes, de plus en plus, esclaves de tout et de tous. Défends-nous, Seigneur !

– Dans le monde, on nous foule aus pieds car, malgré notre nombre et notre richesse, nous sommes comme des brebis sans berger. Appelle au rassemblement par le vieux cri : “ A tes tentes, Israël ! ”, et de toute la Diaspora, comme une levée de troupes, tes sujets surgiront pour renverser les trônes vacillants des puissants qui ne sont pas aimés de Dieu. »

Jésus se tait toujours. Lui seul est assis, calme comme s’il ne s’agissait pas de lui au milieu de cette quarantaine de forcenés. Je me rappelle à peine un dixième de leurs raisons, car ils parlent tous ensemble comme dans la confusion d’une foire. Lui ne change pas d’attitude et continue à se taire.

Tous crient :

« Dis un mot ! Réponds ! »

Jésus se lève lentement, en appuyant ses mains sur le bord de la table. Il se fait un silence profond. Brûlé par le feu de quatre-vingts pupilles, il ouvre la bouche, et les autres l’imitent comme pour aspirer sa réponse. Or cette réponse est brève, mais nette :

« Non.

– Mais comment ? Mais pourquoi ? Tu nous trahis ? Tu trahis ton peuple ! Il renie sa mission ! Il repousse l’ordre de Dieu !… »

Quel vacarme ! Quel tumulte ! Les visages deviennent cramoisis, les yeux s’enflamment, les mains semblent menacer… Plus que des fidèles, on dirait des ennemis. Mais c’est ainsi : quand une idée politique domine les cœurs, même les doux deviennent des fauves envers ceux qui s’opposent à leurs idées.

464.8

Au tumulte succède un étrange silence. Il semble qu’après avoir épuisé leurs forces, ils se sentent vidés, à bout. Ils se regardent en s’interrogeant, désolés… certains fâchés…

Jésus promène son regard tout autour de lui. Il dit :

« Je savais que c’était pour cela que vous vouliez que je vienne. Et je connaissais l’inutilité de votre démarche. Kouza peut témoigner que je l’ai annoncé à Tarichée. Je suis venu pour vous montrer que je ne crains aucun piège : ce n’est pas mon heure, et je ne la craindrai pas quand elle sera arrivée, car c’est pour cela que je suis venu. Je suis aussi venu ici pour vous convaincre.

Plusieurs d’entre vous — mais non pas tous — êtes de bonne foi. Mais je dois corriger l’erreur dans laquelle, de bonne foi, vous êtes tombés. Vous voyez ? Je ne vous fais aucun reproche. Je n’en fais à personne, pas même à ceux qui, étant mes disciples fidèles, devraient être conduits par la justice et régler leurs propres passions avec droiture.

Je ne te blâme pas, juste Timon, mais je te dis qu’au fond de ton amour qui veut m’honorer, il y a encore ton moi qui s’agite et rêve d’un temps meilleur, où tu pourras voir frappés ceux qui te frappèrent.

Je ne te blâme pas, Manahen, bien que tu montres que tu as oublié la sagesse et l’exemple tout spirituels que tu tenais de moi, et auparavant de Jean-Baptiste, mais je te dis qu’en toi aussi se trouve une racine d’humanité qui renaît après l’incendie de mon amour.

Je ne te blâme pas, Eléazar, toi qui t’es montré tellement juste à l’égard de la vieille femme qu’on t’a laissée. Tu es toujours juste, mais pas en ce moment.

Et je ne te blâme pas, Kouza, même si je devrais le faire parce qu’en toi, plus qu’en tous ceux qui, de bonne foi, veulent me faire roi, ton moi est vivant. Roi, oui, tu veux que je le sois. Il n’y a pas de piège dans tes dires. Tu ne viens pas pour me prendre en faute, pour me dénoncer au Sanhédrin, au roi, à Rome. Mais, plus que par amour — tu crois n’agir que par amour, mais ce n’est pas le cas —, plus que par amour, tu agis pour te venger des offenses du palais royal. Je suis ton invité et je devrais taire la vérité sur tes sentiments, mais je suis la Vérité en toutes choses, et je parle pour ton bien.

Et il en est de même de toi, Joachim de Bozra, et de toi, scribe Jean, et de toi aussi, et de toi, et de toi, et de toi. »

Il montre un tel, ou tel autre, sans rancœur, mais avec tristesse… avant de reprendre :

« Je ne vous fais pas de reproches, car je sais que ce n’est pas vous qui voulez cela, spontanément. C’est l’Embûche, c’est l’Adversaire qui est à l’œuvre, et vous… vous êtes, sans le savoir, des instruments entre ses mains. Pour nuire et me nuire, le Maudit se sert même de votre amour, ô Timon, ô Manahen, ô Joachim, ô vous qui m’aimez réellement, il se sert même de votre vénération, ô vous qui pressentez en moi le Rabbi parfait. Mais, à vous et à ceux qui n’ont pas vos sentiments, et qui voudraient que j’accepte d’être roi avec des visées qui descendent de plus en plus bas, jusqu’à la trahison et au crime, je vous dis : “ Non. Mon Royaume n’est pas de ce monde. Venez à moi, pour que j’établisse mon Royaume en vous, rien d’autre ”.

464.9

Et maintenant, laissez-moi partir.

– Non, Seigneur, nous sommes bien décidés. Nous avons déjà mis en mouvement nos richesses, préparé des plans, nous avons décidé de sortir de cette incertitude qui entretient l’inquiétude d’Israël et dont les autres profitent pour lui nuire. On te dresse des pièges, c’est vrai. Tu as des ennemis jusqu’à l’intérieur du Temple. Moi qui suis l’un des Anciens, je ne le nie pas, mais pour y mettre fin, voilà ce qu’il te faut recevoir : l’onction. Et nous sommes tout disposés à te la donner. Ce n’est pas la première fois qu’en Israël quelqu’un est ainsi proclamé roi, pour mettre fin aux malheurs de la nation et aux discordes. Il y a ici quelqu’un qui, au nom de Dieu, peut s’en charger. Laisse-nous faire, dit l’un des prêtres.

– Non ! Cela ne vous est pas permis. Vous n’en avez pas l’autorité.

– Le grand-prêtre est le premier à le désirer, même s’il n’en donne pas l’impression. Il ne peut plus tolérer la situation actuelle de la domination romaine et le scandale royal.

– Ne mens pas, prêtre. Sur tes lèvres, le blasphème est doublement impur. Peut-être ne le sais-tu pas ou es-tu trompé, mais au Temple, on ne veut pas de cela.

– Tu prends donc pour un mensonge notre affirmation ?

– Oui, si ce n’est de votre part à tous, du moins chez un grand nombre. Ne mentez pas. Je suis la Lumière et j’éclaire les cœurs…

– Nous, tu peux nous croire » crient les hérodiens. «Nous n’aimons pas Hérode Antipas ni aucun autre.

– Non. Vous n’aimez que vous-mêmes, c’est vrai, et vous ne pouvez m’aimer. Je vous servirais de levier pour renverser le trône, et ouvrir le chemin à un pouvoir plus puissant, et pour faire supporter au peuple une oppression pire. Ce serait une tromperie pour moi, pour le peuple, et pour vous-mêmes. Une fois le roi anéanti, Rome vous anéantirait tous.

– Seigneur, dans les colonies de la Diaspora, il y a des hommes prêts à s’insurger… Nous les soutenons de nos ressources, disent les prosélytes.

– Et des miennes, et tout l’appui de l’Auranitide et de la Trachonitide » s’écrie l’homme de Bozra. « Je sais ce que je dis. Nos montagnes peuvent nourrir une armée, et à l’abri des pièges, pour les lancer comme un vol d’aigles à ton service.

– La Pérée aussi.

– La Gaulanitide aussi.

– La vallée du Gahas est avec toi !

– Et avec toi les rives de la mer Salée avec les nomades qui nous prennent pour des dieux, si tu consens à t’unir à nous » crie l’essénien.

Et il continue en un verbiage d’exalté qui se perd dans le bruit.

« Les montagnards de Judée sont de la race des rois courageux.

– Et ceux de la Haute-Galilée sont des héros de la trempe de Déborah. Même les femmes, même les enfants sont des héros !

– Tu nous crois peu nombreux ? Nous avons des troupes en abondance. Tout le peuple est avec toi. Tu es le roi de la race de David, le Messie ! C’est ce que crient aussi bien les sages que les ignorants, parce que c’est le cri des cœurs. Tes miracles… tes paroles… les signes…»

La confusion est telle que je n’arrive pas à suivre.

Jésus, tel un roc bien ferme entouré par un tourbillon, ne bouge pas, ne réagit même pas. Il est impassible. Et la ronde des prières, des supplications, des bonnes raisons continue.

« Tu nous déçois ! Pourquoi veux-tu notre ruine ? Tu veux n’agir que par toi-même ? Impossible. Matthatias Maccabée lui-même n’a pas refusé l’aide des Assidéens, et c’est avec leur soutien que Judas a libéré Israël … Accepte !!! »

De temps à autre, les cris s’unissent sur ce mot. Mais Jésus ne cède pas.

464.10

Un des Anciens, très âgé, discute avec un prêtre et un scribe encore plus vieux que lui. Ils s’avancent et imposent le silence. C’est le vieux scribe qui parle, après avoir fait venir également Eléazar et les deux scribes Jean :

« Seigneur, pourquoi refuses-tu de ceindre la couronne d’Israël ?

– Parce qu’elle ne m’appartient pas. Je ne suis pas fils d’un prince hébreu.

– Seigneur, peut-être ne le sais-tu pas : eux deux et moi-même, nous avons été appelés un jour parce que trois Sages étaient venus demander où se trouvait celui qui était né roi des Juifs. Comprends-tu ? “ Né roi. ” On nous réunit, nous les princes des prêtres et des scribes du peuple sur l’ordre d’Hérode le Grand pour répondre à la question. Et avec nous, il y avait Hillel le Juste. Notre réponse fut : “ A Bethléem de Juda. ” Or, nous le savons, c’est là que tu es né, et de grands signes accompagnèrent ta naissance. Parmi tes disciples, il y a des témoins. Peux-tu nier que tu as été adoré comme Roi par les trois Sages ?

– Je ne le nie pas.

– Peux-tu nier que le miracle te précède, t’accompagne et te suit comme signe du Ciel ?

– Je ne le nie pas.

– Peux-tu nier que tu es le Messie promis?

– Je ne le nie pas.

– Alors, au nom du Dieu vivant, pourquoi veux-tu tromper les espérances d’un peuple ?

– Je viens pour accomplir les espérances de Dieu.

– Lesquelles ?

– Celles de la rédemption du monde, de la formation du Royaume de Dieu. Mon Royaume n’est pas de ce monde. Reprenez vos ressources et vos armes. Ouvrez vos yeux et vos âmes pour lire les Ecritures et les Prophètes et pour accueillir ma Vérité, et vous aurez le Royaume de Dieu en vous.

– Non. Les Ecritures parlent d’un Roi libérateur.

– Libérateur de l’esclavage de Satan, du péché, de l’erreur, de la chair, du paganisme, de l’idolâtrie.

464.11

Ah ! peuple sage des Hébreux, que t’a fait Satan, pour que tu te trompes sur les vérités prophétiques ? Que vous fait-il, mes frères juifs, pour vous rendre si aveugles ? Que vous fait-il, à vous mes disciples, pour que, même vous, vous ne compreniez plus ? Le plus grand malheur d’un peuple et d’un croyant, c’est de tomber dans une fausse interprétation des signes. Or ce malheur se produit ici. Des intérêts personnels, des préjugés, des exaltations, un amour mal compris de la patrie, tout sert à créer l’abîme… l’abîme de l’erreur dans lequel un peuple périra en méconnaissant son Roi.

– C’est toi qui te méconnais.

– C’est vous qui vous méconnaissez, et me méconnaissez. Je ne suis pas un roi humain. Et les trois quarts d’entre vous qui êtes rassemblés ici, vous le savez et vous voulez mon malheur et non mon bien. Vous le faites par rancœur, non par amour. Je vous pardonne. Je dis à ceux qui ont le cœur droit : “ Reprenez vos esprits, ne soyez pas les serviteurs inconscients du mal. ” Laissez-moi partir. Il n’y a rien d’autre à dire. »

Silence plein de stupeur…

Eléazar intervient :

« Je ne suis pas ton ennemi. Je croyais bien faire, et je ne suis pas le seul… De bons amis pensent comme moi.

– Je le sais. Mais dis-moi, toi, et sois sincère : qu’en dit Gamaliel ?

– Le rabbi ?… Il dit… Oui, il dit : “ Le Très-Haut donnera un signe si Jésus est bien son Christ. ”

– Il a raison. Et Joseph l’Ancien ?

– Que tu es le Fils de Dieu et que tu régneras en Dieu.

– Joseph est un juste. Et Lazare de Béthanie ?

– Il souffre… Il parle peu… Mais il dit… que tu régneras seulement quand nos âmes t’accueilleront.

– Lazare est sage. Quand vos âmes m’accueilleront… Pour le moment, vous, même ceux que je croyais être des esprits accueillants, vous n’accueillez pas le Roi et son Royaume, et c’est cela qui me fait souffrir.

464.12

– En somme, tu refuses ? crient-ils en grand nombre.

– Vous l’avez dit.

– Tu nous as fait nous compromettre, tu nous fais du tort, tu… » hurlent d’autres : hérodiens, scribes, pharisiens, sadducéens, prêtres…

Jésus quitte la table et s’avance vers ce groupe, les yeux étincelants. Quel regard ! Involontairement, ils se taisent, se serrent contre le mur… Jésus va vraiment visage contre visage, et il dit, doucement, mais d’une manière incisive qui tranche comme un coup de sabre :

« Il est écrit[3] : “ Malheur à celui qui frappe en cachette son prochain et accepte des cadeaux pour condamner à mort un innocent. ” Moi, je vous dis : je vous pardonne, mais votre péché est connu du Fils de l’homme. Si, moi, je ne vous pardonnais pas… Pour bien moins que cela, Yahvé a réduit en cendres plusieurs Israélites. »

Mais il dit cela d’un air tellement terrible que personne n’ose bouger. Jésus soulève le lourd double rideau et sort dans l’atrium sans que personne ose faire le moindre geste.

Ce n’est que lorsque le rideau cesse de remuer, c’est-à-dire après quelques minutes, qu’ils se remettent.

« Il faut le rejoindre… Il faut le retenir… disent les plus acharnés.

– Mieux vaut nous faire pardonner » soupirent les meilleurs, c’est-à-dire Manahen, Timon, des prosélytes, l’homme de Bozra, en somme ceux qui ont le cœur droit.

Ils se pressent à la sortie de la salle. Ils cherchent, interrogent les serviteurs :

« Où est Le Maître ? Où est-il ? »

Le Maître ? Personne ne l’a vu, pas même ceux qui se tenaient aux deux portes de l’atrium. Pas de Maître… Avec des torches et des lanternes, ils le cherchent dans l’obscurité du jardin, dans la pièce où il s’était reposé. Personne ! Et il n’y a plus son manteau laissé sur le lit, son sac laissé dans l’atrium…

« Il nous a échappé ! C’est un Satan !… Non ! Il est Dieu. Il fait ce qu’il veut. Il va nous trahir !… Non ! Il nous connaîtra pour ce que nous sommes. »

Opinions et insultes mutuelles s’entremêlent. Les bons crient :

« C’est vous qui nous avez séduits. Traîtres ! Nous aurions dû le deviner ! »

Les mauvais, c’est-à-dire le plus grand nombre, menacent et, après avoir perdu le bouc émissaire contre lequel ils ne peuvent se retourner, les deux partis se retournent l’un contre l’autre…

464.13

Où est donc Jésus ? Moi, je le vois, parce qu’il le veut, très loin, vers le pont, là où le Jourdain réapparaît. Il marche rapidement, comme porté par le vent. Ses cheveux flottent autour de son visage pâle, son vêtement bat comme une voile. Puis, quand il est sûr de se trouver à bonne distance, il s’enfonce dans les joncs et suit la rive orientale. Dès qu’il a trouvé les premiers récifs de la haute falaise, il y monte sans se soucier du manque de lumière qui rend dangereuse l’escalade de la côte escarpée. Il monte jusqu’à un rocher qui surplombe le lac et où veille un chêne séculaire. Et il s’assied là, immobile, un coude sur le genou, le menton sur la paume de la main, le regard fixé sur l’immensité qui s’embrume, à peine visible par la blancheur de son vêtement et la pâleur de son visage…

464.14

Mais quelqu’un l’a suivi. C’est Jean. Un Jean à peine vêtu, avec seulement son court vêtement de pêcheur, les cheveux raides de quelqu’un qui a été dans l’eau, haletant et pourtant pâle. Il approche doucement de son Jésus. On dirait une ombre qui glisse sur la falaise raboteuse. Il s’arrête à quelque distance, il surveille Jésus… Il ne bouge pas, il semble faire partie du rocher. Sa tunique de couleur sombre le dissimule encore plus ; seuls son visage, ses jambes et ses bras nus se distinguent à peine dans l’ombre de la nuit.

Mais quand, plutôt qu’il ne le voit, il entend pleurer Jésus, alors il ne résiste plus et s’approche, puis l’appelle :

« Maître ! »

Jésus l’entend murmurer et lève la tête ; prêt à fuir, il relève son vêtement.

Mais Jean s’écrie :

« Que t’ont-ils fait, Maître, pour que tu ne reconnaisses plus ton Jean ? »

Et Jésus reconnaît son Bien-Aimé. Il lui tend les bras et Jean s’y élance, et les deux pleurent à cause de deux douleurs différentes, mais dans un unique amour.

Mais ensuite les larmes se calment et Jésus, le premier, revient à la claire vision des choses. Il se rend compte que Jean est à peine vêtu, avec sa tunique humide, déchaussé, glacé.

« Comment donc es-tu ici, dans cet état ! Pourquoi n’es-tu pas avec les autres ?

– Ne me gronde pas, Maître. Je ne pouvais rester… Je ne pouvais te laisser partir… J’ai quitté mon vêtement, tout sauf cela, et je me suis jeté à l’eau. J’ai nagé pour revenir à Tarichée et de là par la rive, puis j’ai franchi le pont et je t’ai suivi. Je suis resté caché dans le fossé près de la maison, prêt à venir à ton aide, au moins pour savoir s’ils t’enlevaient, s’ils te faisaient du mal. J’ai entendu qu’on se disputait, puis je t’ai vu passer rapidement devant moi. Tu ressemblais à un ange. Pour te suivre sans te perdre de vue, je suis tombé dans des fossés et des marécages, et je suis tout couvert de boue. Je dois avoir taché ton vêtement… Je te regarde depuis que tu es ici… Tu pleurais ?…

464.15

Que t’ont-ils fait, mon Seigneur ? Ils t’ont insulté ? Frappé ?

– Non. Ils voulaient me faire roi. Un pauvre roi, Jean ! Et beaucoup le désiraient de bonne foi, poussés par un amour véritable et une bonne intention… Mais le plus grand nombre… pour pouvoir me dénoncer et se débarrasser de moi…

– Qui sont-ils ?

– Ne me le demande pas.

– Et les autres ?

– Ne me demande pas non plus leurs noms. Tu ne dois pas haïr et tu ne dois pas critiquer… Moi, je pardonne…

– Maître… Il y avait des disciples ?… Dis-moi cela seulement.

– Oui.

– Et des apôtres ?

– Non, Jean, aucun apôtre.

– Vraiment, Seigneur ?

– Vraiment, Jean.

– Ah ! Louange à Dieu pour cela… Mais pourquoi pleures-tu encore, Seigneur ? Je suis avec toi. Moi, je t’aime pour tous. Et aussi Pierre et André, et les autres… Quand ils m’ont vu me jeter dans le lac, ils m’ont traité de fou. Pierre était furieux, et mon frère disait que je voulais mourir dans les remous. Mais ensuite, ils ont compris et ils m’ont crié : “ Que Dieu soit avec toi. Va, va !… ” Nous t’aimons, nous, mais personne comme moi, qui ne suis qu’un pauvre enfant.

– Oui, personne comme toi. Tu as froid, Jean ! Viens ici sous mon manteau…

– Non, à tes pieds, ainsi… Mon Maître ! Pourquoi ne t’aiment-ils pas tous comme le pauvre enfant que je suis ? »

Jésus l’attire sur son cœur en s’asseyant à côté de lui.

« Parce qu’ils n’ont pas ton cœur d’enfant…

– Ils voulaient te faire roi ? Mais ils n’ont pas encore compris que ton Royaume n’est pas de cette terre ?

– Ils ne l’ont pas compris !

464.16

– Sans donner de noms, raconte-moi, Seigneur…

– Mais tu ne le répéteras pas ?

– Si tu ne le veux pas, Seigneur, je ne dirai rien…

– Tu ne le diras que lorsque les hommes voudront me présenter comme un simple chef populaire. Un jour, cela viendra. Tu seras là et tu diras : “ Il n’a pas été un roi de la terre parce qu’il ne l’a pas voulu, car son Royaume n’était pas de ce monde. Lui, en tant que Fils de Dieu, Verbe incarné, ne pouvait accepter ce qui n’est que terrestre. Il a voulu venir dans le monde et revêtir une chair pour racheter la chair, les âmes et le monde, mais il n’a pas voulu accepter les pompes du monde et les foyers du péché, et il n’a rien eu en lui de charnel ni de mondain.

La Lumière ne s’est pas enveloppée de ténèbres, l’Infini n’a pas accueilli des choses finies, mais il a transformé des créatures, limitées par la chair et le péché, en personnes qui désormais lui ressembleraient davantage. Pour cela, il a amené ceux qui croient en lui à la vraie royauté et il a établi son Règne dans les cœurs, avant de l’établir dans les Cieux, où il sera complet et éternel avec tous les sauvés. ”

Voilà ce que tu diras, Jean, à ceux qui ne voudront voir en moi qu’un homme, et à ceux qui ne verront en moi qu’un esprit, à ceux qui nieront que j’aie subi la tentation… et la souffrance… Tu rapporteras aux hommes que le Rédempteur a pleuré… et qu’eux, les hommes, ont été rachetés aussi par mes larmes…

– Oui, Seigneur. Comme tu souffres, Jésus !…

– Comme je rachète ! Mais toi, tu me consoles de ma peine. A l’aube, nous allons partir d’ici. Nous trouverons une barque. Me crois-tu si je te dis que nous pouvons avancer sans rames ?

– Je croirais même si tu me disais que nous irons sans barque… »

Ils restent enlacés, enveloppés dans le seul manteau de Jésus, et Jean finit par s’endormir dans cette tiédeur, fatigué, comme un enfant dans les bras de sa maman.

Le 31 juillet 1946.

464.17

Jésus dit :

« C’est pour ceux qui ont le cœur droit qu’a été donnée cette page évangélique, inconnue mais tellement éclairante ! Jean, en écrivant son évangile après des dizaines d’années, fait une brève allusion[4] à cet épisode. Obéissant au désir de son Maître, dont il met en lumière plus que tout autre évangéliste la nature divine, il révèle aux hommes ce détail ignoré, avec cette retenue virginale qui imprégnait toutes ses actions et toutes ses paroles d’une pudeur humble et réservée.

Jean, mon confident pour les évènements les plus graves de ma vie, ne s’est jamais orgueilleusement prévalu de ces faveurs que je lui faisais. Lisez attentivement : il semble au contraire souffrir de les révéler et dire : “ Je dois transmettre cela parce que c’est une vérité qui est à la gloire de mon Seigneur, mais je vous demande pardon de devoir montrer que je suis seul à la connaître ” et c’est par des paroles concises qu’il fait allusion au détail connu de lui seul.

464.18

Lisez le premier chapitre de son évangile où il raconte sa rencontre avec moi : “ Jean-Baptiste se tenait là, de nouveau, avec deux de ses disciples… Les deux disciples entendirent ces paroles… André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean et suivi Jésus. Il rencontre en premier lieu… ” Il ne se nomme pas, au contraire, il se cache derrière André, qu’il met en lumière.

A Cana, il était avec moi, et il dit : “ Jésus était présent avec ses disciples… et ses disciples crurent en lui. ” C’étaient les autres qui avaient besoin de croire. Lui croyait déjà, mais il ne fait qu’un avec les autres, comme s’il avait besoin de voir des miracles pour croire.

Témoin, la première fois que j’ai chassé les marchands du Temple, ainsi que lors de l’entretien avec Nicodème et à l’épisode de la Samaritaine, il ne dit jamais : “ J’y étais ”, mais il garde la ligne de conduite qu’il avait prise à Cana et il emploie l’expression : “ Ses disciples ”, même quand il était seul ou avec un autre. Et il continue ainsi, sans jamais se nommer, mais en mettant toujours en avant ses compagnons, comme s’il n’avait pas été, lui, le plus fidèle, le toujours fidèle, le parfaitement fidèle.

Rappelez-vous la délicatesse avec laquelle il fait allusion à l’épisode de la Cène, dont il ressort que c’était lui le bien-aimé reconnu comme tel même par les autres, qui ont recours à lui quand ils veulent connaître les secrets du Maître : “ Les disciples commencèrent donc à se regarder les uns les autres, se demandant de qui il parlait. L’un d’eux, celui que Jésus aimait, reposait sur sa poitrine. Simon-Pierre lui fit signe : ‘Demande de qui il parle.’ Celui-ci, appuyé comme il l’était sur la poitrine de Jésus, lui demanda : ‘Qui est-ce donc, Seigneur ?’ ”

Il ne se cite pas lorsqu’il est appelé à Gethsémani avec Pierre et Jacques. Il ne dit pas non plus : “ J’ai suivi le Seigneur. ” Il écrit : “ Simon-Pierre et un autre disciple avaient suivi Jésus. Comme ce disciple était connu du grand-prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand-prêtre. ” Sans Jean, je n’aurais pas eu le réconfort de les voir, lui et Pierre, dans les premières heures où je fus arrêté. Mais Jean ne s’en vante pas.

Il fut l’un des principaux personnages à l’heure de la Passion, l’unique apôtre qui y fut constamment présent, plein d’amour, plein de pitié, héroïquement présent près du Christ et de sa Mère, en face de Jérusalem déchaînée. Il tait pourtant son nom même dans l’épisode majeur de la Crucifixion et des paroles du Mourant : “ Femme, voici ton fils ”, “ Voici ta mère. ” C’est “ le disciple ”, le sans nom, sans autre nom que celui qui a été sa gloire après avoir été sa vocation : “ le disciple ”.

Même après avoir reçu l’honneur d’être devenu le “ fils ” de la Mère de Dieu, il ne s’exalte pas. A la Résurrection, il dit encore : “ Pierre et l’autre disciple (auxquels Marie, sœur de Lazare, avait parlé du sépulcre vide) sortirent et allèrent… Ils coururent… mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier. Il se pencha et vit… mais il n’entra pas… ” Quel trait de douce humilité ! Lui, le disciple bien-aimé, le fidèle, il laisse d’abord entrer Pierre, qui est le chef bien qu’il ait péché par lâcheté. Il ne le juge pas. C’est son grand-prêtre à lui. Il le secourt même par sa sainteté, car les “ chefs ” eux-mêmes peuvent avoir besoin — et même ont besoin — de l’aide de leurs sujets.

Combien de subordonnés sont meilleurs que des “ chefs ” ! Vous qui êtes de saints sujets, ne refusez jamais votre pitié aux “ chefs ” qui fléchissent sous un fardeau qu’ils ne savent pas porter, ou qui sont aveuglés et enivrés par la fumée des honneurs. Soyez, ô mes saints sujets, les Simon de Cyrène de vos supérieurs. Et je m’adresse à toi également, mon petit Jean, car c’est à toi que je parle pour tous : soyez les “ Jean ” qui courent en avant et qui guident les “ Pierre ”, puis s’arrêtent pour les laisser entrer par respect pour leur charge. Soyez les “ Jean ” qui — ô chef-d’œuvre d’humilité ! —, pour ne pas vexer les “ Pierre ” qui ne savent pas comprendre et croire, en arrivent à paraître et à laisser croire qu’ils sont obtus et incrédules eux aussi, comme les “ Pierre ”.

Lisez le dernier épisode sur le lac de Tibériade. C’est encore Jean qui, réitérant ce qu’il a fait à d’autres reprises, reconnaît le Seigneur dans l’Homme debout sur la rive. Et, après qu’ils eurent pris leur repas ensemble, à la question de Pierre : “ Et lui, Seigneur, que lui arrivera-t-il ? ” il ne mentionne que “ le disciple ”, rien de plus.

Pour ce qui le concerne, lui, il s’efface. Mais quand il s’agit de dire quelque chose qui fasse resplendir d’une lumière de plus en plus divine le Verbe de Dieu incarné, alors Jean lève le voile et révèle un secret.

464.19

Au sixième chapitre de l’évangile, il dit : “ Sachant qu’on allait venir l’enlever pour le faire roi, il se retira de nouveau, seul, dans la montagne. ” Et il fait connaître aux croyants cette heure du Christ, pour qu’ils sachent que multiples et complexes furent les tentations et les luttes auxquelles on soumit le Christ en ses diverses qualités d’Homme, de Maître, de Messie, de Rédempteur, de Roi, et que les hommes et Satan — l’éternel instigateur des hommes — n’épargnèrent aucune machination contre le Christ pour le diminuer, l’abattre, le détruire. Les méchancetés sataniques et humaines, truffées de prétextes présentés comme bons, assaillirent l’Homme, le Prêtre Eternel, le Maître, aussi bien que le Seigneur. On essaya tout pour épier les faits et gestes du citoyen, du patriote, du fils, de l’homme, afin de découvrir le point faible sur lequel faire levier.

Ah ! mes enfants, vous ne réfléchissez qu’à la tentation du début et à celle de la fin. Seules mes dernières fatigues de Rédempteur vous paraissent importantes, seules mes dernières heures sont douloureuses à vos yeux, seules mes dernières expériences vous semblent amères et décevantes. Mais mettez-vous un instant à ma place. Imaginez que c’est à vous que l’on fait entrevoir la paix avec vos compatriotes, leur aide, ainsi que la possibilité d’accomplir les purifications nécessaires pour rendre saint votre pays bien-aimé, de restaurer, de réunir les membres séparés d’Israël, de mettre fin à la douleur, au servage, au sacrilège. Et je ne vous demande pas de vous mettre à ma place en pensant que l’on vous offre une couronne. Je vous suggère seulement d’avoir pour une heure mon cœur d’homme, et dites-moi : quel retentissement cette proposition séduisante aurait-elle eu sur vous ? En auriez-vous triomphé en restant fidèles à la divine Idée, ou auriez-vous été vaincus ? En seriez-vous sortis plus que jamais saints et spirituels, ou vous seriez-vous détruits vous-mêmes en adhérant à la tentation ou en cédant aux menaces ? Et quelle conséquence aurait eu sur votre cœur de constater à quel point Satan braquait ses armes sur moi, pour me blesser dans ma mission et dans mes affections, en poussant mes bons disciples sur le mauvais chemin et en me mettant en lutte ouverte avec mes ennemis, désormais démasqués, d’autant plus féroces qu’ils savent leurs complots découverts ?

464.20

Ne restez pas avec le compas et le mètre en main, avec le microscope et la science humaine, cessez de mesurer, de lorgner, de discuter avec des raisonnements pédants de scribes, si Jean a bien parlé, jusqu’à quel point ceci ou cela est vrai. Ne superposez pas la phrase de Jean à l’épisode donné hier pour voir si les circonstances correspondent bien. Jean ne s’est pas trompé par faiblesse sénile, et le petit Jean ne s’est pas trompé par faiblesse de malade. Ce dernier a dit ce qu’il a vu. Le grand Jean, bien des années après l’événement, a raconté ce qu’il savait et, avec un fin enchaînement des lieux et des faits, a révélé, non sans malice d’ailleurs, le secret connu de lui seul de la tentative de couronner le Christ.

C’est à Tarichée, après la première multiplication des pains, que prit naissance dans le peuple l’idée de faire du Rabbi de Nazareth le roi d’Israël. Il y avait là Manahen, le scribe et plusieurs autres qui, imparfaits encore spirituellement mais au cœur honnête, accueillent cette idée et s’en font les propagateurs pour honorer le Maître, pour mettre fin à la lutte injuste contre lui. C’était une erreur d’interprétation des Ecritures, erreur répandue dans tout Israël, aveuglé par des rêves de royauté humaine et par l’espoir de sanctifier sa Patrie, tellement souillée.

Comme c’était naturel, beaucoup adhérèrent à l’idée avec simplicité. Un grand nombre feignirent sournoisement d’y souscrire pour me nuire. Ces derniers, unis par leur animosité contre moi, oublièrent les haines de castes qui les avaient toujours divisés, et s’allièrent pour me tenter. Ils escomptaient donner une apparence de légalité au crime qu’ils avaient déjà décidé dans leur cœur. Ils espérèrent de ma part quelque faiblesse, de l’orgueil. Cet orgueil et cette faiblesse, et par suite l’acceptation de la couronne qu’ils m’offraient, auraient justifié les accusations qu’ils voulaient lancer contre moi. Plus tard… Plus tard, ils s’en seraient servi pour donner la paix à leur âme sournoise et prise de remords, parce qu’ils se seraient dit, en espérant pouvoir le croire : “ C’est Rome, pas nous, qui a puni l’agitateur Nazaréen. ” Ainsi, aurait eu lieu l’élimination légale de leur Ennemi. Tel était pour eux leur Sauveur…

Voilà les raisons de cette tentative de proclamation et la clé des haines plus fortes qui s’ensuivirent. Voici, enfin, la profonde leçon du Christ. La comprenez-vous ? C’est une leçon d’humilité, de justice, d’obéissance, de courage, de prudence, de fidélité, de pardon, de patience, de vigilance, de résignation envers Dieu, envers ma propre mission, envers mes amis, envers les rêveurs, envers mes ennemis, envers Satan, envers les hommes dont il se servait pour me tenter, envers les choses, envers les idées. Tout doit être contemplé, puis accepté ou repoussé, aimé ou non, en regardant la sainte fin de l’homme : le Ciel, la volonté de Dieu.

464.21

Petit Jean, telle a été l’une des heures de Satan contre moi. A l’exemple du Christ, les petits “ Christ ” les subissent. Il faut tenir bon et en venir à bout sans orgueil ni découragement. Elles ont un but, qui est saint. Ne crains pas, cependant. Dieu, à ces heures-là, n’abandonne pas, mais secourt la personne fidèle. Puis l’Amour descend pour que les fidèles deviennent des rois. Qui plus est, une fois finie l’heure de la terre, les fidèles montent au Royaume, dans la paix pour toujours, victorieux pour toujours…

Ma paix, petit Jean couronné d’épines. Ma paix… »

464.1

En la otra orilla, junto al paso constituido por el puente, espera ya un carro cubierto.

«Sube, Maestro. No te cansarás, a pesar de que el trayecto sea largo, y no tanto por razón de la distancia como por el hecho de que he ordenado que tengan siempre aquí parejas de bueyes… para no causar molestias a los invitados más cumplidores de la Ley… Debemos ser compasivos con ellos…».

«Pero, ¿y dónde están ésos?».

«Delante de nosotros, en otros carros. ¡Tobiolo!».

«¿Señor?» dice el carretero, que está enyugando a los bueyes.

«¿Dónde están los otros invitados?».

«¡Muy adelante! Estarán ya muy cerca de la casa».

«¿Has oído, Maestro?».

«¿Y si Yo no hubiera venido?».

«Estábamos seguros de que vendrías. ¿Por qué no ibas a haber venido?».

«¡¿Que por qué?! Cusa, Yo vengo para que veas que no soy un cobarde. Sólo son cobardes los malos, los que tienen culpas que les hacen temer la justicia… la justicia de los hombres, por desgracia, mientras que deberían temer en primer lugar, en único lugar, la de Dios. Mas Yo no tengo culpas y no tengo miedo de los hombres».

«¡Pero Señor! ¡Todos los que están conmigo te veneran! Como yo también. ¡No deberíamos causarte miedo por nada! ¡Nuestro deseo es honrarte, no atacarte!». Cusa está apenado y casi indignado.

Jesús, sentado enfrente de él, mientras el carro avanza lentamente, chirriando, entre los verdes campos, responde: «Más que a la guerra abierta de los enemigos, debo temer a la subrepticia de los falsos amigos, o al errado celo de amigos verdaderos que todavía no me han entendido. Y tú eres de éstos. ¿No te acuerdas de lo que dije en Béter?[1]».

«Yo te he entendido, Señor» susurra Cusa, aunque no muy seguro y sin responder directamente a la pregunta.

«Sí, me has entendido. Con la ventada del dolor y la alegría, tu corazón se había vuelto límpido, como aparece límpido el horizonte después de una tormenta y un arco iris. Y veías lo correcto. Luego… Vuélvete, Cusa, a mirar nuestro Mar de Galilea. ¡Parecía tan terso con la aurora! Durante la noche el aguazo había limpiado el aire, y el fresco nocturno había calmado la evaporación del agua: cielo y lago eran dos espejos de zafiro claro que mutuamente se reflejaban sus bellezas; y las colinas de alrededor estaban frescas y limpias como si las hubiera creado Dios durante la noche. Mira ahora. El polvo de los caminos costeños, recorridos por personas y animales, el fuego del sol, que hace a los bosques y jardines vaporear, como calderas al fuego, e incendia el lago y evapora sus aguas, mira cómo han turbado el horizonte. Primero las riberas, nítidas por la gran tersura del aire, parecían cercanas; ahora, mira… parecen temblar empañadas, confusas, semejantes a cosas vistas a través de un velo de impuras aguas. Eso ha sucedido en ti. Polvo: humanidad. Sol: orgullo. Cusa, no te perturbes a ti mismo…».

Cusa agacha la cabeza y juguetea mecánicamente con los adornos de su túnica y con la hebilla del rico cinturón que sujeta la espada.

Jesús calla. Permanece con los ojos casi cerrados, como bajo efecto de un momento de sopor. Cusa respeta su descanso, o lo que cree que es descanso.

464.2

El carro avanza lentamente en dirección Sudeste, hacia las leves ondulaciones que constituyen —eso creo al menos— el primer escalón de la meseta que limita el valle del Jordán por este lado, el oriental. Sin duda por riqueza de aguas subterráneas o de algún curso de agua, los campos son fertilísimos y hermosos; por todas partes se ven racimos y frutos.

El carro cambia de dirección, deja el camino de primer orden y toma uno particular; se adentra en un paseo frondosísimo en el que hay sombra y frescor, al menos relativo, respecto al horno que es el soleado camino principal. En el fondo del paseo hay una casa blanca, baja, de aspecto señorial. Y, acá o allá, por los campos y los viñedos, están diseminadas casas pequeñas. El carro atraviesa un puente y un mojón, a partir del cual el pomar se transforma en un jardín con un paseo recubierto de guijo. Al sonar de forma distinta las ruedas sobre la grava, Jesús abre los ojos.

«Hemos llegado, Maestro. Ahí están los invitados que nos han oído y vienen hacia nosotros» dice Cusa.

Efectivamente, muchos, todos de rica condición, se agolpan donde comienza el paseo, y saludan con pomposas reverencias al Maestro, que está llegando. Veo y reconozco a Manahén, a Timoneo, a Eleazar, y me parece ver a otros no nuevos pero cuyo nombre no sé decir. Y luego muchos, muchos, jamás vistos, o por lo menos que nunca he advertido concretamente. Hay muchos que llevan espada; otros, en vez de las espadas, ostentan abundantes perifollos farisaicos y sacerdotales o rabínicos.

El carro se detiene. Jesús es el primero en bajar. Se inclina, como saludo de conjunto para los presentes. Los discípulos Manahén y Timoneo se acercan y le saludan en particular; luego también se acerca Eleazar (el fariseo bueno del convite en casa de Ismael), y, junto con éste, se abren paso dos escribas que tienen interés en ser reconocidos. Éstos son: aquel al que en Tariquea le fue curado su hijito el día de la primera multiplicación de los panes, y aquel que al pie del monte de las bienaventuranzas dio comida para todos. Otro más se abre paso: el fariseo que en casa de José, en el tiempo de la siega, fue instruido por Jesús acerca del verdadero móvil de sus injustos celos.

Cusa procede a las presentaciones. Se las ahorro a todos. Porque es para volverse mico entre tanto Simón, tanto Juan, tanto Leví, tanto Eleazar, entre tanto Natanael y tanto José y tanto Felipe, etc. etc.; saduceos, escribas, sacerdotes, herodianos —y debería decir que estos últimos constituyen la mayoría—, algún que otro prosélito y fariseo, dos miembros del Sanedrín, cuatro arquisinagogos, y, perdido no sé cómo aquí dentro, un esenio.

Jesús se inclina al oír cada uno de los nombres, mirando penetrantemente a cada uno de los rostros, algunas veces sonriendo levemente (como cuando, para aclarar más su identidad, alguno especifica algún hecho que le puso en relación con Jesús).

Así, un cierto Joaquín de Bosra dice: «Curaste de la lepra a mi mujer, María. ¡Bendito seas!».

Y el esenio: «Te oí cuando hablaste cerca de Jericó y un hermano nuestro dejó las orillas del Mar Salado para seguirte. Y volví a saber de ti por el milagro de Eliseo de Engadí. En aquellas tierras nosotros los puros vivimos esperando…».

¿Qué es lo que esperarán?… No lo sé. Sí sé que, al decirlo, éste mira con un aire de superioridad un poco exaltada a los otros, que ciertamente no muestran apariencia de místicos, sino que, en su mayor parte, parecen disfrutar alegremente de las comodidades que su posición les concede.

464.3

Cusa libera a su Invitado de las ceremonias de los saludos y le conduce a una cómoda estancia de baño, donde le deja para las abluciones usuales, sin duda gratas con ese calor. Vuelve con sus invitados. Habla animadamente con ellos. Y llegan casi a una disputa porque los presentes tienen dispares opiniones: unos quisieran abrir inmediatamente la conversación —¿cuál?—; otros, por el contrario, proponen no asaltar en seguida al Maestro, sino convencerle antes de que le guardan un profundo respeto. Triunfa esta última parte, que es la más numerosa; así que Cusa, como amo de la casa, llama a los criados para ordenar la preparación de un banquete que habrá de celebrarse hacia el atardecer, dejando tiempo a Jesús, “que está cansado y se ve, de descansar”, cosa que es aceptada por todos, tanto que, cuando Jesús aparece de nuevo, los invitados se despiden con grandes reverencias y le dejan con Cusa, que le conduce a una habitación umbría donde hay un lecho bajo recubierto de ricas alfombrillas.

Pero Jesús, cuando se queda solo, tras haber dado a un doméstico las sandalias y la túnica para que les limpien el polvo y las señales de la peregrinación del día anterior, no duerme. Sentado en la orilla del lecho, descalzos sus pies apoyados en la estera del suelo, cubierto su cuerpo hasta los codos y las rodillas con la túnica corta (la prenda de debajo), piensa intensamente. Y si, por una parte, el indumento tan reducido, con la espléndida y perfecta armonía de su cuerpo varonil, le da un aspecto más joven, por otra parte, la intensidad del pensamiento, que ciertamente no es dichoso, le incide arrugas y le carga el rostro con una expresión de doloroso cansancio que le avejenta.

Ningún ruido en la casa, ninguno en el campo, donde maduran los racimos con el calor adusto. Las cortinas obscuras que cuelgan en las puertas y ventanas no ondean mínimamente.

464.4

Pasan así las horas… Merma el sol y la penumbra va creciendo, pero el calor persiste, y también la meditación de Jesús.

En fin, la casa da señales de revivir. Se oyen voces, pisadas, indicaciones.

Cusa mueve cuidadosamente la cortina para ver sin molestar.

«¡Entra! No estoy durmiendo» dice Jesús.

Cusa entra: lleva ya la túnica engalanada del banquete. Mira y ve que el lecho no presenta signos de haber recibido un cuerpo. «¿No has dormido? ¿Por qué? Estás cansado…».

«He descansado en el silencio y en la sombra. Me basta».

«Mandaré que te traigan una túnica…».

«No. La mía seguro que ya esta seca. La prefiero. Tengo intención de ponerme en camino en cuanto termine el banquete. Te ruego que te ocupes del carro y de la barca para mí».

«Como quieras, Señor… Hubiera deseado tenerte aquí hasta mañana al rayar el alba…».

«No puedo. Tengo que irme…».

Cusa hace una reverencia y sale… Se oye un abundante cuchicheo…

Pasa más tiempo. Vuelve el doméstico con la túnica de lino fresca de lavado, fragante de sol; y con las sandalias, que ya no tienen polvo y han sido suavizadas con aceite o lardo, que les dan brillo y flexibilidad. Otro le sigue con un barreño, una ánfora y unas toallas, y deposita todo encima de una mesa baja. Salen…

464.5

…Jesús va a donde los invitados, al atrio que divide la casa de Norte a Sur creando un lugar ventilado y agradable en que están diseminados unos asientos, adornado con cortinas ligeras, de coloridas franjas, que modifican la luz sin poner obstáculo al aire; ahora, recogidas, permiten ver la verde cornisa que rodea la casa.

Jesús está majestuoso. A pesar de no haber dormido, parece haberse nutrido de fuerza y su andadura es regia. El lino de la túnica —acaba de ponérsela— aparece blanquísimo. Sus cabellos, brillantes por el baño de la mañana, relucen suavemente encuadrando el rostro con su color dorado.

«Ven, Maestro. Te esperábamos sólo a ti» dice Cusa; y, con prioridad sobre los demás, le conduce a la estancia donde están las mesas.

Tras la oración y una suplementaria ablución de las manos, se sientan. Empieza el banquete, pomposo como siempre, y silencioso al principio. Luego se vence la reserva.

Jesús está al lado de Cusa. Manahén está a su otro lado y tiene por compañero a Timoneo. A los demás los distribuye Cusa, con experiencia de cortesano, a ambos lados de la mesa de forma de U. El esenio —sólo él— se niega obstinadamente a participar en el banquete y a sentarse a la mesa con los demás, y sólo cuando un criado, por orden de Cusa, le ofrece un cestillo precioso colmado de fruta, acepta sentarse detrás de una mesa baja, después de no sé cuántas abluciones, tras remangarse las amplias mangas de su cándida túnica por miedo a mancharlas, o por rito, no lo sé.

Es un banquete original, donde son más protagonistas las miradas que las palabras. Solamente algunas breves frases de cortesía y un recíproco examinarse, o sea: Jesús escruta a los presentes y éstos a Jesús.

464.6

Finalmente, Cusa hace una señal a los criados para que se retiren, tras haber dejado grandes bandejas de fruta, fresca porque quizás la han tenido en el pozo, hermosísima; diría: casi helada, pues claramente muestran esa capa escarchada que es típica de la fruta guardada en lugar friísimo. Los criados salen, tras encender también las lámparas, por ahora inútiles porque todavía el día está luminoso con su largo ocaso estival.

«Maestro» comienza Cusa «debes haberte preguntado la razón de este encuentro y de este silencio nuestro. Pero es que lo que te tenemos que decir es muy grave y no deben escucharlo oídos imprudentes. Ahora estamos solos y podemos hablar. Ya ves que todos los presentes te tienen el máximo respeto. Estás entre hombres que te veneran como Hombre y como Mesías. Tu justicia, tu sabiduría, los dones que Dios te ha otorgado son conocidos y admirados entre nosotros. Tú para nosotros eres el Mesías de Israel. Mesías según la idea espiritual y según la idea política. Eres el Esperado para poner fin al dolor, a la postración de todo un pueblo. Y no solamente de este pueblo comprendido en los confines de Israel —mejor: de Palestina— sino del pueblo de todo Israel, de las numerosísimas colonias de la Diáspora esparcidas por toda la Tierra, que hacen resonar el Nombre de Yeohveh bajo los cielos todos y hacen conocer las promesas y esperanzas, que ahora se cumplen, de un Mesías restaurador, de un Vengador, de un Libertador y creador de la verdadera independencia y de la Patria de Israel, o sea, de la Patria más grande que hay en el mundo, la Patria, reina y dominadora, canceladora de todo pasado recuerdo y de todo signo vivo de servidumbre, el Hebraísmo triunfante sobre todo y sobre todos, y para siempre, porque así fue dicho y así se cumple. Señor, aquí, ante ti, tienes a todo Israel en los representantes de las distintas clases de este pueblo eterno, castigado pero estimado por el Altísimo, que lo proclama “suyo”. Tienes ante ti el corazón pulsante y sagrado de Israel: los miembros del Sanedrín y los sacerdotes; tienes el poder y la santidad: fariseos y saduceos; tienes la sabiduría: escribas y rabíes; tienes la política y el valor: los herodianos; tienes el patrimonio: los ricos; el pueblo: mercaderes y hacendados; tienes la Diáspora: los prosélitos; tienes incluso a los separados, que ahora se sienten dispuestos a unirse de nuevo, porque ven en ti al Esperado: los esenios, los inasequibles esenios. Mira, Señor, este primer prodigio, este gran signo de tu misión, de tu verdad. Tú, sin violencia, sin medios, sin ministros, sin soldados, sin espadas, reúnes a todo tu pueblo como un depósito reúne las aguas de mil fuentes. Tú, casi sin palabras, sin ninguna imposición en absoluto, nos reúnes, a nosotros, pueblo dividido por desventuras, por odios, por ideas políticas y religiosas, y nos pacificas. ¡Oh, Príncipe de la paz, exulta por haber redimido y restaurado aun antes de tomar el cetro y la corona! Tu Reino, el esperado Reino de Israel ha surgido. Nuestras riquezas, nuestro poder, nuestras espadas, están a tus pies. ¡Habla! ¡Ordena! La hora ha llegado».

464.7

Todos aprueban el discurso de Cusa. Jesús, con los brazos cruzados, guarda silencio.

«¿No hablas? ¿No respondes, Señor? Quizás es que esto te ha sorprendido… Quizás es que no te sientes preparado y, sobre todo, dudas de que esté preparado Israel… No, no es así. Escucha nuestras palabras. Yo hablo, y conmigo Manahén, por el Palacio, que ya no merece existir, que es el oprobio purulento de Israel, la tiranía vergonzosa que oprime al pueblo y se inclina, servil, a adular al usurpador. Su hora ha llegado. Álzate, Estrella de Jacob, y pon en fuga las tinieblas de ese coro de delitos y vergüenzas. Aquí están los que, conocidos como herodianos, son los enemigos de los profanadores del nombre para ellos sagrado de la dinastía Herodiana. Hablad, vosotros».

«Maestro. Yo soy viejo, y recuerdo lo que fue el esplendor pasado. Como nombre de héroe puesto a una hedionda carroña, tal es el nombre de Herodes sobre los degenerados descendientes que envilecen a nuestro pueblo. Es la hora de repetir el gesto que otras veces hiciera Israel, cuando indignos monarcas se sentaron sobre los dolores del pueblo. Tú sólo eres digno de llevar a cabo este gesto».

Jesús calla.

«Maestro, ¿crees que podemos dudar? Hemos escudriñado las Escrituras. Eres Tú. Tú debes reinar» dice un escriba.

«Debes ser Rey y Sacerdote. Nuevo Nehemías, más grande que él debes venir y purificar. El altar está profanado. Que te sea acicate el celo del Altísimo» dice un sacerdote.

«Muchos de nosotros te han presentado batalla, los que temen tu reinado sabio. Pero el pueblo está contigo, y los mejores de nosotros con el pueblo. Necesitamos un sabio».

«Necesitamos un hombre puro».

«Un verdadero rey».

«Un santo».

«Un redentor. Cada vez somos más esclavos, de todo y de todos. ¡Defiéndenos, Señor!».

«Nos pisotean en este mundo porque, a pesar del número y la riqueza, somos como ovejas sin pastor. Llámanos a formar con el antiguo grito: “¡A tus tiendas, Israel!”, y de todas las partes de la Diáspora, como un reclutamiento, se alzarán tus súbditos y volcarán los inseguros tronos de los poderosos a los que Dios no ama».

Jesús sigue en silencio. Es el único que está sentado, sereno, como si no se tratase de Él, en medio de esta cuarentena —pocos más, pocos menos— de exaltados, de cuyas razones apenas si recojo la décima parte, porque hablan todos al mismo tiempo con algarabía de mercado; y conserva su postura y su silencio.

Todos gritan: «¡Di una palabra! ¡Responde!».

Jesús se pone lentamente en pie, apoyándose en las manos sobre el borde de la mesa. Se crea un profundo silencio. Quemado por el fuego de ochenta pupilas, abre sus labios (los otros los abren como para aspirar su respuesta). Y la respuesta es breve pero neta: «No».

«¿Pero cómo es eso? ¿Pero por qué? ¿Nos traicionas? ¡Traicionas a tu pueblo! ¡Reniega de su misión! ¡Rechaza la orden de Dios!…». ¡Qué marimorena!… ¡Qué alboroto! Caras que se ponen de color carmesí, ojos que se encienden, manos que casi amenazan… Más que fieles parecen enemigos. Pero es así: cuando una idea política domina los corazones, hasta los mansos se vuelven fieras contra quien impugna esa idea suya.

464.8

Al alboroto le sigue un silencio extraño. Parece como si, agotadas las fuerzas, todos se sintieran exhaustos, vencidos. Se miran interrogativamente, la mayor parte desolados… algunos inquietos…

Jesús mira en torno a sí y dice: «Sabía que queríais que viniera para esto. Y conocía la inutilidad de este paso vuestro. Cusa puede decir que lo he dicho en Tariquea. He venido para que vierais que no temo insidia alguna, porque no ha llegado la hora. Y tampoco la temeré cuando se cierna sobre mí la hora de la insidia, porque para esto he venido. Y he venido para convenceros. Vosotros, no todos, pero sí muchos de vosotros, actuáis de buena fe. Pero debo corregir el error en que, con buena fe, habéis caído. ¿Veis? No os reprendo. No reprendo a ninguno, ni siquiera a los que, por ser mis discípulos fieles, deberían saber con justicia y regular las propias pasiones con justicia. No te reprendo a ti, justo Timoneo, pero te digo que en el fondo de tu amor, que me quiere honrar, está todavía tu yo, que bulle y sueña un tiempo mejor en que puedas ver el daño en los que te dañaron. No te reprendo a ti, Manahén, a pesar de que muestras haber olvidado la sabiduría y el ejemplo enteramente espirituales que recibiste de mí, y de Juan el Bautista antes que de mí; pero te digo que también en ti hay una raíz de humanidad que resurge después de la llamarada de mi amor. No te reprendro a ti, Eleazar, hombre justo aunque sólo fuera por la anciana que te confiaron, justo siempre, pero ahora no justo. Y no te reprendo a ti, Cusa, aunque debería hacerlo porque en ti más que en todos los que queréis con buena fe verme rey está vivo tu yo. Rey, sí, quieres verme. No hay insidia en tus palabras. No vienes para cogerme en renuncio, para denunciarme al Sanedrín, al rey, a Roma. Pero más que por el amor —crees que es todo amor y no lo es— más que por el amor actúas para vengarte de ofensas que el palacio te ha infligido. Yo soy tu invitado. Debería mantener celada la verdad de tus sentimientos. Pero Yo soy la Verdad. Y hablo. Por tu bien. Y lo mismo te sucede a ti, Joaquín de Bosra, y a ti, escriba Juan, y a ti también, y a ti, y a ti, y a ti».

Señala a éste, a aquél, sin rencor, pero con tristeza… y prosigue: «No os reprendo. Porque sé que no sois vosotros los que queréis esto, espontáneamente. Es la Insidia, es el Adversario el que actúa, y vosotros… vosotros sois, sin saberlo, títeres en sus manos. Y también del amor, también de vuestro amor, Timoneo, Manahén, Joaquín —vosotros que realmente me amáis—, también de vuestra veneración —vosotros que en mí sentís al Rabí perfecto—, también de esto él, el Maldito, se sirve para perjudicar y perjudicarme. Pero Yo os digo —a vosotros, y también a los que no tienen vuestros sentimientos, sino que con fines cada vez más bajos, hasta constituir traiciones y delitos, quisieran que aceptara ser rey—, os digo: “No. Mi Reino no es de este mundo. Venid a mí, para que instaure mi Reino en vosotros. No otra cosa”.

464.9

Y ahora dejad que me vaya».

«No, Señor. Estamos bien decididos. Hemos puesto ya en movimiento riquezas, preparado planes, hemos decidido salir de esta incertidumbre que tiene inquieto a Israel, de la cual, además, se aprovechan los otros para perjudicar a Israel. Te acosan, es verdad. Tienes enemigos en el Templo mismo. Yo, uno de los Ancianos, no lo niego. Pero para acabar con esto hay esto: tu unción. Y estamos dispuestos a dártela. No es la primera vez que en Israel uno es proclamado rey así, para acabar con una serie de desventuras nacionales y discordias. Aquí hay quien en nombre de Dios lo puede hacer. Déjate ungir» dice uno de los sacerdotes.

«No. No os es lícito. No tenéis autoridad para hacerlo».

«El Sumo Sacerdote es el primero que quiere esto, aunque no se dé a ver. No puede seguir permitiendo este estado de dominación romana y escándalo regio».

«No mientas, sacerdote. En tus labios la blasfemia es doblemente impura. Quizás no sabes, y te engañan. Pero en el Templo eso no se quiere».

«¿Crees entonces que nuestra aserción es falaz?».

«Sí. Si no de todos vosotros, de muchos de vosotros. No mintáis. Yo soy la Luz e ilumino los corazones…».

«A nosotros nos puedes creer» gritan los herodianos. «Nosotros no amamos a Herodes Antipas ni a ningún otro».

«No. Vosotros os amáis sólo a vosotros mismos. Es verdad. Y no podéis amarme a mí. Yo sería la palanca para derribar el trono para abriros el camino a un poder más fuerte y para gravar al pueblo con una opresión peor. Un engaño a mí, al pueblo y a vosotros mismos. Roma aplastaría a todos, después de que vosotros hubierais hecho lo mismo».

«Señor, en las colonias de la Diáspora hay hombres dispuestos a amotinarse… nosotros empeñamos nuestros bienes» dicen los prosélitos.

«Y los míos y todo el apoyo de la Auranítida y la Traconítida» grita el de Bosra. «Sé lo que me digo. Nuestros montes pueden preparar un ejercito, y sin ser hostigado, para lanzarle luego, como cohorte de águilas, a tu servicio».

«También la Perea».

«Y la Gaulanítida».

«¡El valle del Gahas está contigo!».

«Y también las riberas del Mar Salado con los nómadas que nos creen dioses, si aceptas unirte a nosotros» grita el esenio, y prosigue con un vaniloquio de exaltado que se pierde en el clamor.

«Los montañeses de Judea son de la raza de los reyes fuertes».

«Y los de la Alta Galilea son héroes del temple de Débora. ¡Y son héroes también las mujeres y los niños!».

«¿Nos consideras pocos? Somos huestes numerosas. Todo el pueblo está contigo. ¡Tú eres el rey de la estirpe de David, el Mesías! Éste es el grito que sale de los labios de sabios e ignorantes, porque es el grito de los corazones… Tus milagros… tus palabras… Los signos…».

Un alboroto en que me pierdo. Jesús, como roca bien firme rodeada por una vorágine, no se mueve. Ni siquiera reacciona. Está impasible. Y el torbellino de súplicas, imposiciones, razones, continúa.

«¡Nos defraudas! ¿Por qué quieres nuestra destrucción? ¿Quieres actuar solo? No puedes. Matatías Macabeo no rechazó la ayuda de los Asideos y Judas liberó a Israel con su ayuda… ¡¡¡Acepta!!!».

Cada cierto tiempo el grito se anuda en esta palabra. Jesús no cede.

464.10

Uno de los Ancianos —anciano, y mucho, también de edad— cuchichea con un sacerdote y un escriba más viejos que él. Pasan adelante. Imponen silencio. Habla el escriba anciano, que ha llamado a Eleazar y a los dos escribas de nombre Juan: «Señor, ¿por qué no quieres ceñir la corona de Israel?».

«Porque no es mía. No soy hijo de príncipe hebreo».

«Señor. Quizás Tú no lo sabes, pero yo y éste y éste fuimos requeridos un día porque tres Sabios vinieron preguntando dónde estaba el que había nacido rey de los hebreos. ¿Comprendes? “Nacido rey”. Herodes el Grande nos reunió, para la respuesta, a los príncipes de los sacerdotes y escribas del pueblo. Con nosotros estaba Hil.lel el Justo. Nuestra respuesta fue: “En Belén de Judá”. Tú, nos consta, naciste allí, y tu nacimiento estuvo acompañado de grandes signos. Algunos de tus discípulos son testigos de tu nacimiento. ¿Puedes negar que los tres Sabios te adoraron Rey?».

«No niego».

«¿Puedes negar que los milagros te preceden y te acompañan y te siguen, como signo del Cielo?».

«No niego».

«¿Puedes negar que eres el Mesías prometido?».

«No niego».

«Entonces, en nombre del Dios vivo, ¿por qué quieres defraudar las esperanzas de un pueblo?».

«Yo vengo a cumplir las esperanzas de Dios».

«¿Cuáles?».

«Las de la redención del mundo, de la formación del Reino de Dios. Mi Reino no es de este mundo. Devolved a su lugar vuestros bienes y vuestras armas. Abrid los ojos y el espíritu para leer las Escrituras y los Profetas y para acoger mi Verdad, y tendréis en vosotros el Reino de Dios».

«No. Las Escrituras hablan de un Rey libertador».

«De la esclavitud satánica, del pecado, del error, de la carne, del gentilismo, de la idolatría.

464.11

¡¿Qué ha hecho en vosotros Satanás, oh hebreos, pueblo sabio, para induciros a error acerca de las verdades proféticas?! ¿Qué os hace, oh hebreos, hermanos míos, para cegaros de esta forma? ¿Qué, qué os hace, oh discípulos míos, para que ya tampoco comprendáis vosotros? La mayor desventura de un pueblo y de un creyente es caer en una falsa interpretación de los signos. Y aquí se cumple esta desventura. Intereses personales, prejuicios, exaltaciones, pernicioso amor patrio, todo contribuye a crear esta vorágine… la vorágine del error en que un pueblo perecerá considerando a su Rey como lo que no es».

«Tú te consideras en modo erróneo».

«Vosotros os consideráis erradamente, y también a mí. Yo no soy el rey humano. Y vosotros… Vosotros, tres cuartas partes de los que estáis aquí reunidos, lo sabéis y queréis mi mal, no mi bien. Actuáis por encono, no por amor. Yo os perdono. Digo a los rectos de corazón: “Volved en vosotros mismos, no seáis los inconscientes esclavos del mal”. Dejadme irme. No hay nada más que decir».

Un silencio lleno de estupor…

Eleazar dice: «Yo no soy enemigo tuyo. Creía que obraba bien. Y no soy el único… Otros amigos buenos piensan como yo».

«Lo sé. Pero dime, y sé sincero: ¿Qué dice Gamaliel?».

¿El rabí?… Dice… Sí, dice: “El Altísimo dará el signo si éste es su Cristo”».

«Bien dice. ¿Y qué, José el Anciano?».

«Que Tú eres el Hijo de Dios y reinarás como Dios».

«José es un justo. ¿Y Lázaro de Betania?».

«Sufre… Habla poco… Pero dice… que reinarás solamente cuando te acojan nuestros espíritus».

«Lázaro es sabio. Cuando vuestros espíritus me acojan. Por ahora vosotros —incluso aquellos a quienes juzgaba espíritus abiertos—, no acogéis ni al Rey ni el Reino, y en ello está mi dolor».

464.12

«En definitiva, ¿te niegas?» gritan muchos.

«Lo habéis dicho».

«Nos has hecho comprometernos, nos perjudicas, nos…» gritan otros: herodianos, escribas, fariseos, saduceos, sacerdotes…

Jesús deja la mesa y va hacia este grupo, asaeteándolo con sus miradas. ¡Qué ojos! Ellos, involuntariamente, enmudecen, se aprietan contra la pared… Jesús va justamente cara a cara. Dice, lentamente pero con una incisividad que corta como un golpe de sable:

«Está escrito[2]: “Maldito el que encubiertamente descarga su mano contra su prójimo y acepta regalos para condenar a muerte a un inocente”. Yo os digo: os perdono. Pero el Hijo del hombre conoce vuestro pecado. Si no os perdonara Yo… Por mucho menos, Jeohveh redujo a cenizas a muchos de Israel». Y se muestra tan terrible al decir esto, que ninguno se atreve a moverse. Jesús levanta la doble cortina y sale al atrio, y ninguno osa hacer un solo gesto.

Hay que esperar a que la cortina deje de moverse, es decir: unos momentos después, para verlos reaccionar.

«Hay que alcanzarle… Hay que retenerle…» dicen los más enfurecidos.

«Tenemos que ganarnos el perdón» suspiran los mejores, o sea, Manahén, Timoneo, algunos prosélitos, el de Bosra; en definitiva, los rectos de corazón.

Se arremolinan fuera de la sala. Buscan, preguntan a los criados: «¿El Maestro? ¿Dónde está?».

¿El Maestro? Ninguno le ha visto, ni siquiera los que estaban en las dos puertas del atrio. No está… Con antorchas y faroles le buscan entre las sombras del jardín, en la habitación donde había descansado. No está, y tampoco está el manto, que había dejado en el lecho, ni su bolsa, que había dejado en el atrio…

«¡Se nos ha escapado! ¡Es un Satanás! No. Es Dios. Hace lo que quiere. ¡Nos traicionará! No. Nos conocerá en nuestra verdadera realidad». Un clamor de pareceres y de recíprocos insultos. Los buenos gritan: «Vosotros nos habéis seducido. ¡Traidores! ¡Debíamos haberlo imaginado!». Los malos, o sea, la mayoría, amenazan, y la riña, perdido el chivo expiatorio en que centrarse, revierte sus dos partes sobre sí misma…

464.13

¿Y Jesús, dónde está? Yo le veo, por voluntad suya. Está muy lejos, hacia el puente de la embocadura del Jordán. Va raudo como llevado por el viento. Sus cabellos enmarcan ondeantes el pálido rostro; su manto, con esta marcha veloz, se entrechoca como una vela. Luego, cuando está seguro de haberse distanciado, se adentra entre los juncos de la orilla y toma la margen oriental. En cuanto encuentra los primeros escollos del alto arrecife, se encarama a ellos, y no se preocupa de que la poca luz haga peligrosa la subida por la pronunciada ladera. Sube, sube hasta un peñasco que se asoma hacia el lago, velado por una encina solitaria; y allí se sienta, pone un codo en la rodilla, apoya el mentón en la palma de la mano, y, con la mirada fija en el espacio anchuroso que va entenebreciéndose, apenas visible aún por el claror del manto y la palidez del rostro, así permanece…

464.14

Pero alguien le ha seguido. Juan. Un Juan semidesnudo, o sea, vestido sólo con la corta prenda de los pescadores, tiesos los cabellos, como cuando uno ha estado en el agua, jadeante (pero pálido). Se acerca despacio hacia su Jesús. Parece una sombra deslizándose por el arrecife escabroso. Se detiene a poca distancia. Observa a Jesús… No se mueve. Parece una peña añadida al peñasco. La túnica obscura le anula aún más; sólo la cara y las piernas y los brazos desnudos son un poco visibles en la sombra nocturna.

Pero cuando, más que verle le oye llorar a Jesús, entonces no resiste más, y se acerca, hasta llamarle: «¡Maestro!».

Jesús oye el susurro y alza la cabeza; con ademán de huir, se recoge el manto.

Pero Juan grita: «¿Qué te han hecho, Maestro, para que ya no conozcas a Juan?».

Y Jesús reconoce a su Predilecto. Tiende sus brazos hacia él y Juan se arroja a ellos. Los dos lloran, por dos dolores distintos y un único amor.

Pero luego el llanto se calma y Jesús es el primero que recupera la neta percepción visual de las cosas. Oye y ve a Juan semidesnudo, con la túnica húmeda, las carnes heladas, descalzo. «¿Cómo estás aquí, en este estado? ¿Por qué no estás con los demás?».

«¡No me reprendas, Maestro. No podía estar… No podía dejarte irte… Me he quitado la ropa, todo menos esto, y me he echado a nadar; he regresado a Tariquea nadando; de allí, por la orilla, corriendo, hasta el puente; y luego más, más, detrás de ti; y me he quedado escondido en el foso que hay junto a la casa, preparado para auxiliarte, atento, al menos, para saber si te raptaban, si te hacían algún mal. Y he oído muchas voces que disputaban y luego te he visto a ti pasando veloz por delante de mí. Parecías un ángel. Por seguirte sin perderte de vista, me he caído en hoyos y aguazales y estoy lleno de barro. Te habré manchado el vestido… Desde que has llegado aquí estaba mirándote… ¿Llorabas?…

464.15

¿Qué te han hecho, mi Señor? ¿Te han insultado? ¿Te han pegado?».

«No. Me querían hacer rey. ¡Un pobre rey, Juan! Y muchos querían hacerlo con buena fe, por verdadero amor, con finalidad buena… La mayoría… para poderme denunciar y deshacerse de mí…».

«¿Quiénes son éstos?».

«No lo preguntes».

«¿Y los otros?».

«Ni siquiera preguntes el nombre de éstos. No debes odiar ni criticar… Yo perdono…».

«Maestro… ¿había discípulos?… Dime sólo esto».

«Sí».

«¿Y apóstoles?».

«No, Juan. Ningún apóstol».

«¿Verdaderamente, Señor?».

«Verdaderamente, Juan».

«¡Ah, alabado sea Dios por ello!… Pero, ¿por qué lloras todavía, Señor? Yo estoy contigo. Te amo por todos. Y también Pedro, y Andrés y los otros… Cuando han visto que me echaba al lago me han dicho que estaba loco, y Pedro estaba furioso, y mi hermano decía que quería morir en los remolinos. Pero luego han comprendido y me han gritado: “Que Dios te acompañe. Ve. Ve…”. Nosotros te amamos. Pero ninguno como este pobre niño que soy yo».

«Sí. Ninguno como tú. ¡Tienes frío, Juan! Ven aquí, debajo de mi manto…».

«No, a tus pies, así… ¡Maestro mío! ¿Por qué no te aman todos como este pobre niño que soy yo?».

Jesús se sienta a su lado y le arrima contra su corazón. «Porque no tienen tu corazón de niño…».

«¿Te querían hacer rey? ¿Pero no han comprendido todavía que tu Reino no es de esta Tierra?».

«¡No han comprendido!».

464.16

«Sin decir nombres, cuenta, Señor…».

«¿Pero no vas a decir lo que te diga?».

«Si no quieres, Señor, no lo diré…».

«Lo dirás solamente cuando los hombres quieran mostrarme como un común líder del pueblo. Un día esto llegará. Y tú estarás. Habrás de decir: “Él no fue rey de la Tierra porque no quiso. Porque su Reino no era de este mundo. Era el Hijo de Dios, el Verbo encarnado, y no podía aceptar lo que es terreno. Quiso venir al mundo y vestirse de carne para redimir los cuerpos y las almas y al mundo, mas no se sometió a las pompas del mundo y a los fomes del pecado, y en Él no hubo nada carnal ni mundano. La Luz no se recubrió de Tinieblas, el Infinito no aceptó cosas finitas; sino que de las criaturas limitadas por la carne y el pecado hizo criaturas que fueran más iguales a Él. Llevó a los que creyeron en Él a la regalidad verdadera e instauró su Reino en los corazones, antes de instaurarlo en los Cielos, donde será completo y eterno con todos los salvados”. Dirás esto, Juan, a quien pretenda verme enteramente humano, a quien pretenda verme enteramente espíritu, a quien niegue que Yo haya padecido la tentación… y el dolor… Dirás a los hombres que el Redentor lloró… y que ellos, los hombres, han sido redimidos también por mi llan­to…».

«Sí, Señor. ¡Cómo sufres, Jesús!…».

«¡Cómo redimo! Pero tú me eres consuelo en mi sufrimiento. Al rayar el día nos marcharemos de aquí. Encontraremos una barca. ¿Crees, si digo que podremos ir sin remos?».

«Creería aunque dijeras que iremos sin barca…».

Permanecen abrazados, envueltos en el único manto de Jesús. Y Juan, con el calorcito, acaba durmiéndose, cansado, como un niño entre los brazos de su mamá.

31 de julio de 1946.

464.17

Dice Jesús:

«Esta página evangélica, desconocida y tan ilustrativa, tan ilustrativa, ha sido dada para los rectos de corazón. Juan, al escribir después de muchos lustros su Evangelio, hace una breve alusión a este hecho[3]. Obediente al deseo de su Maestro, cuya naturaleza divina ilustra más que ningún otro evangelista, descubre a los hombres este detalle ignorado, y lo descubre con esa discreción virginal suya que envolvía todas sus acciones y palabras con pudor humilde y reservado.

Juan, mi confidente de los hechos más graves de mi vida, nunca se engalanó pomposamente con estos beneficios míos. Antes al contrario —leed bien—, parece sufrir cuando los revela, y parece decir: “Debo decir esto porque es una verdad que exalta a mi Señor, pero os pido perdón de tenerme que mostrar como el único que la sabe”, y con palabras concisas alude al detalle que sólo él conoce.

464.18

Leed el primer capítulo de su Evangelio, donde narra su encuentro conmigo: “Juan el Bautista se hallaba de nuevo con dos discípulos suyos… Los dos discípulos, oídas estas palabras… Andrés, hermano de Simón Pedro, era uno de los dos que habían oído las palabras de Juan y habían seguido a Jesús. El primero con que se topó Andrés…”. Él no se nombra; es más, se cela tras Andrés, al que pone de relieve.

En Caná estaba conmigo, y dice: “Jesús estaba con sus discípulos… y sus discípulos creyeron en Él”. Eran los otros los que tenían necesidad de creer. Él ya creía. Pero se unifica con los otros, cual criatura que necesitara ver milagros para creer.

Testigo de la primera expulsión de los mercaderes del Templo, y del coloquio con Nicodemo, del episodio de la Samaritana, nunca dice: “Yo estaba allí”, sino que conserva la línea de conducta que había tomado en Caná, y dice: “Sus discípulos” incluso cuando estaba él sólo o él y otro más. Y así continúa, no nombrándose nunca, antes al contrario, poniendo siempre delante a sus compañeros, cual si él no hubiera sido el más fiel, el siempre fiel, el perfectamente fiel.

Recordad la delicadeza con que alude al episodio de la Cena, del cual resulta que él era el predilecto, reconocido como tal también por los demás, que a él recurren cuando quieren saber los secretos del Maestro: “Así pues, empezaron los discípulos a mirarse unos a otros, no sabiendo a quién aludía el Maestro. Estaba uno de ellos, el predilecto de Jesús, recostado en el pecho de Jesús. A éste le hizo una señal Simón Pedro y le preguntó: ‘¿De quién habla?’. Y aquél, estando recostado en el pecho de Jesús, le preguntó a Él: ‘¿Y quién es, Se­­ñor?’”.

Ni siquiera se nombra como llamado en el Getsemaní con Pedro y Santiago. Ni siquiera dice: “Yo seguí al Señor”. Dice: “Le siguió Simón Pedro y otro discípulo; y este otro, siendo conocido por el Pontífice, entró con Jesús en el atrio del Pontífice.” Sin Juan Yo no habría tenido el consuelo de verlos a él y a Pedro en las primeras horas de la captura. Pero Juan no se jacta de ello.

Fue uno de los personajes principales en las horas de la Pasión, el único apóstol que en ella estuvo siempre presente, amorosamente, compasivamente, heroicamente presente junto a Cristo, junto a la Madre, frente a una Jerusalén desatada… y calla su nombre incluso en ese episodio especialmente importante de la Crucifixión y de las palabras del Moribundo: “Mujer, ahí tienes a tu hijo”, “Ahí tienes a tu madre”. Es el “discípulo”, el sin nombre, sin otro nombre aparte del que, tras haber constituido su vocación, constituye su gloria: “el discípulo”.

No se exalta siquiera después de haber recibido el honor de ser el “hijo” de la Madre de Dios, y en la Resurrección dice todavía: “Pedro y el otro discípulo (a los que María de Lázaro había hablado del sepulcro vacío) salieron y fueron… Corrían… pero aquel otro discípulo corrió más que Pedro y llegó antes y, agachándose, vio… pero no entró…”. ¡Hechura de delicada humildad! Él, el predilecto, el fiel, deja que Pedro —pecador por cobardía, pero cabeza— entre antes. No le juzga. Es su Pontífice. Antes al contrario, le socorre con su santidad, porque también los que son “cabeza” pueden ser apoyados por sus súbditos; es más, tienen necesidad de ellos como apoyo.

¡Cuántos súbditos son mejores que sus “jefes”! ¡No neguéis nunca vuestra piedad, oh súbditos santos, a los “jefes” que se pliegan bajo el peso que no saben llevar, o a aquellos a los que el humo del honor produce ceguera y embriaguez! ¡Sed, oh súbditos santos, los cirineos de vuestros Superiores; sed —sé, mi pequeño Juan, porque te hablo a ti para todos— esos “Juanes” que se adelantan corriendo y guían a los “Pedros”, y luego se detienen dejándolos entrar, por respeto a su cargo, y que —¡oh obra maestra de humildad!—, y que, para no humillar a los “Pedros” que no saben comprender y creer, llegan al punto de dar de sí una imagen, y dejar creerlo, de que también ellos como los “Pedros” son tardos e incrédulos!

Leed el último episodio del lago de Tiberíades. Es también Juan el que, repitiendo el acto de otras veces, reconoce al Señor en el Hombre que está en pie en la orilla y, después de haber compartido juntos el alimento, ante la pregunta de Pedro: “¿Y de éste que será?”, es siempre “el discípulo”, nada más.

Por lo que a él respecta, se anonada. Mas cuando debe decirse algo que haga resplandecer con luz cada vez más divina al Verbo de Dios Encarnado, ¡ah! entonces Juan alza los velos y revela un secreto.

464.19

En el sexto capítulo del Evangelio dice: “Dándose cuenta de que querían apoderarse de Él para hacerle rey, huyó de nuevo solo al monte”. Y esta hora del Cristo es comunicada a los creyentes para que sepan que múltiples y complejas fueron las tentaciones y las luchas intentadas contra Él en sus distintas características de Hombre, Maestro, Mesías, Redentor, Rey, y que los hombres y Satanás —el eterno instigador de los hombres— no le evitaron ninguna insidia a Cristo, para rebajarle, abatirle, destruirle. Contra el Hombre, contra el eterno Sacerdote, contra el Maestro, contra el Señor arremetieron las malicias satánicas y humanas, enmascaradas bajo los pretextos más aceptables como buenos; y todas las pasiones del ciudadano, del patriota, del hijo, del hombre, fueron hurgadas o tentadas para descubrir un punto débil que sirviera de fulcro.

¡Oh, hijos míos que no reflexionáis más que en la tentación inicial y en la última, y que de mis fatigas de Redentor os parecen “fatigas” sólo las últimas, y dolorosas sólo las últimas horas, y amargas y desengañadoras sólo las últimas experiencias, poneos sólo una hora en mi lugar, pensad que es a vosotros a quienes se os propone la paz con los coterráneos, su ayuda, la posibilidad de llevar a cabo el necesario acrisolamiento para hacer santo al País amado, las posibilidades de restaurar, de reunir a los diseminados miembros de Israel, de acabar con el dolor, con la servidumbre, con el sacrilegio! Y no digo: poneos en mi lugar pensando en vosotros como destinatarios de una corona que se os ofrece. Digo sólo que tengáis mi Corazón de Hombre durante una hora, y que penséis en cómo habríais salido de esta seductora propuesta. ¿Como triunfadores fieles a la divina Idea, o, más bien, como vencidos? ¿Habríais salido de ella más santos y espirituales que nunca, u os habríais destruido a vosotros mismos adhiriéndoos a la tentación o cediendo a las amenazas? ¿Y con qué corazón habríais salido de ella, tras haber constatado hasta qué punto Satanás usaba sus armas para herirme en la misión y en los sentimientos, llevándome a los discípulos buenos por un camino desviado, poniéndome en estado de lucha abierta con los enemigos, en ese momento ya desenmascarados, agresivos ahora por haber sido descubiertas sus arterías?

464.20

No estéis ahí con el compás y la medida pequeña, con el microscopio y la ciencia humana; no andéis ahí midiendo, comparando, refutando, con pedantes razonamientos de escriba, sobre si Juan habló con exactitud y hasta qué punto es verdad esto o aquello. No superpongáis la frase de Juan y el episodio dado ayer, para ver si los contornos coinciden. Ni erró Juan por debilidad senil, ni ha errado el pequeño Juan por debilidad de enferma. Éste ha dicho lo que ha visto. Juan, el grande, pasados muchos lustros después del episodio, narró lo que sabía y, con fina concatenación de lugares y hechos, reveló el secreto que sólo él conocía de cuando intentaron, no sin malicia, coronar a Cristo.

En Tariquea, después de la primera multiplicación de los panes, surge en el pueblo la idea de hacer del Rabí nazareno el rey de Israel. Están presentes Manahén, el escriba y otros muchos que, aún imperfectos en el espíritu pero honestos de corazón, recogen la idea y la apoyan para dar honor al Maestro, para acabar con la lucha injusta contra Él, por error en la interpretación de las Escrituras, un error difundido por todo Israel cegado por sueños de humana regalidad y por esperanzas de santificar a la Patria contaminada por muchas cosas.

Muchos, como era natural, se adhieren simplemente a la idea. Muchos fingen subrepticiamente su adhesión para perjudicarme. Unidos estos últimos por el odio contra mí, olvidan sus odios de casta, que los habían mantenido siempre separados, y se alían para tentarme, para poder dar después una apariencia legal al delito que ya sus corazones habían decidido. Esperan en una debilidad mía, en un orgullo mío. El orgullo y la debilidad, con consiguiente aceptación de la corona que me ofrecían, darían una justificación a las acusaciones que querían lanzar contra mí. Y después… después ello serviría para dar la paz a su espíritu engañoso atrapado por los remordimientos, porque se dirían a sí mismos, esperando poder creerlo: “Roma, no nosotros, ha castigado al Nazareno revoltoso”. La eliminación legal de su Enemigo (enemigo era para ellos su Salvador)…

Aquí están las razones de la proclamación que intentaron. Aquí está la clave de los odios, más fuertes, que siguieron. Aquí tenéis, en fin, la alta lección de Cristo. ¿La comprendéis? Es lección de humildad, de justicia, de obediencia, de fortaleza, de prudencia, de fidelidad, de perdón, de paciencia, de vigilancia, de saber soportar, respecto a Dios, respecto a la propia misión, respecto a los amigos, respecto a los ingenuos, respecto a los enemigos, respecto a Satanás, respecto a los hombres que de éste son instrumentos de tentación, respecto a las cosas, respecto a las ideas. Todo debe ser contemplado, aceptado, rechazado, amado o no, mirando al fin santo del hombre: el Cielo, la voluntad de Dios.

464.21

Pequeño Juan. Ésta fue una de las horas de Satanás para mí. Y como las tuvo el Cristo las tienen los pequeños Cristos. Es necesario sufrirlas y superarlas, sin soberbias ni desconfianzas. No carecen de finalidad, de finalidad buena. Pero no temas, porque Dios, durante estas horas, no abandona, sino que sujeta al que es fiel. Y, luego, desciende el Amor para hacer reyes a los fieles. Y, posteriormente, acabada la hora de la Tierra, suben los fieles al Reino, en paz para siempre, victoriosos para siempre…

Mi paz, pequeño Juan coronado de espinas. Mi paz…».


Notes

  1. ce que j’ai dit à Béther, en 402.2/7.
  2. plus grand que lui, dont on parle dans le livre de Néhémie. D’autres allusions bibliques suivent : Dt 5, 30 ; Jg 4, 4-16 ; 1 S 10, 1 ; 16, 1-13 ; 2S 2, 1-4 ; 5, 1-3 ; 1 R 1, 32-40 ; 1 M 2, 42-44 ; 3, 1-9.
  3. Il est écrit, en Dt 27, 24-25.
  4. une brève allusion : celle de Jn 6, 14-15, placée à la fin de l’épisode de la première multiplication des pains (v. 1-13). La multiplication des pains, qui, dans l’Œuvre, se trouve au chapitre 273, n’était pas contemporaine de la tentative de proclamer Jésus roi (comme l’évangile de Jean pourrait le laisser supposer), mais elle servait à en susciter l’idée, à tel point que l’évangéliste unit dans son récit deux évènements espacés dans le temps, comme on le voit plus loin, en 464.20. Jésus parle encore de la chronologie des évangiles en 468.1, et des évènements tus pas les évangélistes en 594.9.

Notas

  1. lo que dije en Béter, en 402.2/7.
  2. Está escrito, en Deuteronomio 27, 24-25.
  3. una breve alusión a este hecho es la de Juan 6, 14-15, puesta al final del episodio de la primera multiplicación de los panes, que ocupa los precedentes versículos 1-13. La multiplicación de los panes no fue contemporánea del intento de proclamar a Jesús rey, pero sirvió para suscitar la idea; tanto, que el evangelista une en la narración esos dos hechos, distantes en el tiempo, como se dirá después, en 464.20. La obra valtortiana reseña la primera multiplicación de los panes en el capítulo 273, con la que hacemos corresponder la narración de los tres sinópticos (Mateo 14, 15-23; Marcos 6, 35-46; Lucas 9, 12-17), mientras que ponemos en relación con el presente capítulo 464 todo el texto del cuarto evangelista (Juan 6, 1-15). De la cronología de los Evangelios se hablará también en 468.1.