56.1
Comme vous étiez belles, rives du Jourdain, au temps de Jésus ! Je vous regarde et je me délecte de la paix majestueuse de vos flots bleu-vert où le bruissement des eaux et du feuillage chante comme une douce mélodie.
Je me trouve sur une route assez large et bien entretenue. Ce doit être un chemin de grande communication ou, mieux, une route militaire que les Romains ont ouverte pour relier les différentes régions à la capitale. Elle court près du fleuve, mais pas exactement le long du fleuve. Elle en est séparée par une bande boisée qui, je crois, sert à consolider les berges et à résister aux eaux en période de crue. De l’autre côté de la route, le bois continue, de sorte que le chemin ressemble à une galerie naturelle au-dessus de laquelle s’entrelacent les branches touffues. C’est un repos agréable pour les voyageurs dans ces pays de grand soleil.
A l’endroit où je me trouve, le fleuve – et par conséquent la route – forme une faible courbe qui me permet de voir la suite de la levée couverte de frondaisons qui forment comme un mur de verdure autour d’un bassin d’eaux paisibles. On dirait presque un lac de parc seigneurial. Mais l’eau n’est pas immobile comme dans un lac. Elle coule, bien que lentement, ce que révèle le frémis de l’eau contre les premiers roseaux, les plus hardis qui ont poussé tout en bas sur la grève et les longs rubans ondulants des feuilles qui pendent à la surface de l’eau et que le courant met en mouvement. Il y a aussi un groupe de saules pleureurs qui laissent tomber dans le fleuve l’extrémité de leur verte chevelure. Il semble la peigner en la caressant gracieusement, l’étirant doucement au fil du courant.
Silence et paix de cette heure matinale… Il y a seulement les chants et les appels des oiseaux, le bruissement de l’eau et du feuillage ainsi que l’éclat des gouttes de rosée sur l’herbe verte et haute qui pousse entre les arbres. Le soleil d’été ne l’a pas encore durcie ni jaunie, elle est tendre et toute nouvelle, née après les pluies printanières qui ont nourri la terre, jusqu’au plus profond, de fraîcheur et de substances fertilisantes.