Los Escritos de Maria Valtorta

74. A l’auberge de Bethléem et sur les ruines de la maison d’Anne.

74. En la posada de Belén

74.1

Les premières heures d’un lumineux matin d’été. Le ciel se teinte de rose sur quelques petits nuages fins qui ressemblent à des effilochures de gaze tombées sur un tapis de satin couleur turquoise. Il se fait tout un concert d’oiseaux déjà ivres de lu­mière… Passereaux, merles, rouges-gorges babillent, gazouillent, se bagarrent pour une brindille à porter à leurs nids, une chenille pour se remplir le bec ou un rameau à prendre comme perchoir. Des hirondelles piquent du ciel dans le petit ruisseau pour laver leurs plastrons de neige teints au sommet de rouille et, une fois rafraîchies, après avoir attrapé un moucheron encore endormi sur une fleur, s’envolent vers les hauteurs en gazouillant gaiement, leurs ailes frappant l’air comme des lames d’acier bruni.

Deux bergeronnettes, vêtues de soie cendrée, se promènent gracieusement comme deux demoiselles le long de la rive du ruisseau. Elles relèvent leur longue queue ornée de velours noir, se mirent, se trouvent belles et reprennent leur promenade, raillées par un merle qui leur siffle par derrière de son long bec jaune, un vrai gamin des bois. Dans un pommier sauvage au feuillage abondant, près des ruines, la femelle d’un rossignol appelle avec insistance son compagnon, et ne se tait que lorsqu’elle le voit arriver avec une longue chenille qui se tord sous l’étreinte du bec fin. Deux bisets, probablement échappés de colombiers de la ville et qui ont élu domicile dans les crevasses d’une tour en ruine, s’abandonnent à leurs effusions, lui séducteur, elle roucoulant pudiquement.

Jésus, les bras croisés, regarde toutes ces joyeuses petites bêtes et sourit.

« Déjà prêt, Maître ? lui demande Simon par derrière.

– Déjà prêt. Les autres dorment-ils encore ?

– Oui.

– Ils sont jeunes… Je me suis lavé à ce ruisseau… Une eau fraîche qui éclaircit les idées…

– A mon tour d’y aller. »

Pendant que Simon, vêtu seulement d’une courte tunique, se lave puis se rhabille, Judas et Jean apparaissent.

« Dieu te garde, Maître. Nous sommes en retard ?

– Non, c’est tout juste le matin, mais maintenant faites vite et partons. »

Les deux hommes se lavent et puis revêtent leur tunique et leur manteau.

Jésus, avant de se mettre en route, cueille de petites fleurs poussées dans les fentes de deux rochers et les met dans une petite boîte de bois où se trouvent déjà d’autres choses que je ne distingue pas bien. Il explique :

« Je les porterai à la Mère. Elles lui seront chères…

74.2

Partons.

– Où allons-nous, Maître ?

– A Bethléem.

– Encore ? Il me semble que l’air n’y est pas bon pour nous…

– Peu importe. Allons ! Je vous ferai voir où descendirent les mages et où j’étais.

– Alors, excuse-moi, Maître, mais permets-moi de parler. Nous allons faire une chose. A Bethléem et à l’auberge, permets-moi de parler et de poser des questions. Vous, les Galiléens, on ne vous aime pas beaucoup en Judée, et ici moins qu’ailleurs. Alors faisons comme ça : on devine que Jean et toi êtes galiléens rien qu’à votre vêtement. Il est trop simple. Et puis… ces cheveux ! Pourquoi vous obstinez-vous à les porter si longs ? Simon et moi, nous vous donnons notre manteau et vous nous donnez le vôtre : toi, Simon, à Jean et moi au Maître. Voilà… comme ça. Tu vois ? Vous paraîtrez tout de suite un peu plus judéens. Maintenant, ceci. »

Il enlève sa coiffure – un turban à rayures jaunes, marron, rouges, vertes, comme le manteau, maintenu en place par un cordonnet jaune –. Il le pose sur la tête de Jésus et l’arrange le long des joues pour cacher ses longs cheveux blonds. Jean prend la coiffure vert très foncé de Simon.

« Ah ! Maintenant, ça va mieux ! Moi, j’ai le sens pratique !

– Oui, Judas, tu as le sens pratique, c’est vrai. Prends garde, cependant, qu’il ne surpasse pas l’autre sens.

– Lequel, Maître ?

– Le sens spirituel.

– Oh non !! Mais, en certains cas, il faut savoir agir en politiques plus qu’en ambassadeurs. Et attention… sois indulgent aussi… C’est pour ton bien… Ne me contredis pas si je dis des choses… des choses… oui, voilà, pas vraies.

– Que veux-tu dire ? Pourquoi mentir ? Je suis la Vérité, et je ne veux le mensonge ni en moi, ni autour de moi.

– Oh, je ne dirai que des demi-mensonges ! Je dirai que nous sommes tous de retour de pays lointains, d’Egypte par exemple, et que nous voulons avoir des nouvelles d’amis qui nous sont chers. Nous dirons que nous sommes des Judéens, de retour d’exil… Au fond, en tout cela, il y a un peu de vrai… et puis, j’en raconte… de plus ou moins fausses.

– Mais, Judas, pourquoi tromper ?

– Laisse tomber, Maître. Le monde se gouverne à coups de tromperies. Elles sont parfois nécessaires. Bien, pour te faire plaisir je dirai seulement que nous venons de loin et que nous sommes judéens. C’est vrai aux trois-quarts. Quant à toi, Jean, ne parle pas. Tu nous trahirais.

– Je resterai muet.

– Et puis, si les choses tournent bien… alors, nous dirons le reste. Mais j’ai peu d’espoir… Je suis rusé et je saisis les choses au vol.

– Je le vois, Judas. Mais je préférerais que tu sois simple.

– C’est peu utile. Dans ton groupe, je serai l’homme des missions difficiles. Laisse-moi faire. »

Jésus est peu enthousiaste, mais il cède.

74.3

Ils partent, contournent les ruines, puis longent un mur sans fenêtres derrière lequel on entend braire, mugir, hennir, bêler ainsi que ces cris vulgaires des chameaux ou dromadaires.

Le mur fait un angle. Ils tournent. Les voilà sur la place de Bethléem. Le bassin de la fontaine est au centre de la place qui a toujours sa forme de guingois, mais elle a changé du côté opposé à l’auberge. Là où se trouvait la petite maison – quand j’y pense, je la vois encore, toute d’argent pur sous le rayonnement de l’é­toile – il n’y a plus qu’un grand espace libre couvert de débris. Seul l’escalier est encore debout avec son petit balcon. Jésus regarde et soupire.

La place est pleine de monde tout autour des marchands de victuailles, d’ustensiles, d’étoffes, etc. Ils ont disposé leurs produits sur des nattes ou dans des paniers, à même sur le sol, et sont pour la plupart accroupis au centre de leur… échoppe ; d’autres, debout, crient et gesticulent, aux prises avec quelque acheteur qui marchande.

« C’est jour de marché » remarque Simon.

La porte, ou plutôt la porte cochère de l’auberge est grande ouverte, et il en sort une file d’ânes chargés de marchandises.

Judas entre le premier. Il regarde tout autour. Hautain, il hèle un petit garçon d’écurie, sale et en bras de chemise, c’est-à-dire avec un seul vêtement de dessous sans manches qui lui arrive aux genoux.

« Serviteur ! Crie-t-il. Le patron, tout de suite ! Dépêche-toi, je n’ai pas l’habitude d’attendre ! »

Le garçon y court en tirant derrière lui un balai de bran­chages.

« Mais, Judas ! Quelles façons !

– Silence, Maître. Laisse-moi faire. Il faut qu’ils nous croient très riches, des gens de la ville. »

Le patron accourt, se cassant l’échine en courbettes devant Judas, imposant avec le manteau rouge foncé de Jésus, sur son riche vêtement jaune d’or avec sa large ceinture et ses franges.

« Nous venons de loin, homme. Nous sommes des juifs de la communauté asiatique. Celui-ci, persécuté, est originaire de Bethléem et il recherche des amis d’ici qui lui sont chers. Et nous avec lui. Nous arrivons de Jérusalem où nous avons adoré le Très-Haut dans sa Maison. Peux-tu nous renseigner ?

– Seigneur… ton serviteur… tout à toi. Commande.

– Nous voulons avoir des renseignements sur plusieurs personnes… et spécialement sur Anne, la femme dont la maison se trouvait en face de ton auberge.

– Oh, la malheureuse ! Vous ne trouverez plus Anne que dans le sein d’Abraham et ses enfants avec elle.

– Morte ? Pourquoi ?

– Vous n’êtes pas au courant du massacre d’Hérode ? Tout le monde en a parlé et César l’a traité de “ porc assoiffé de sang ”. Oh ! Qu’ai-je dit ? Ne me dénonce pas. Es-tu un vrai juif ?

– Voilà l’insigne de ma tribu. Alors, parle.

– Anne a été tuée par les soldats d’Hérode avec tous ses enfants, sauf une fille.

– Mais pourquoi ? Elle était si bonne !

– Tu la connaissais ?

– Très bien. » Judas ment impudemment.

« Elle a été tuée pour avoir donné l’hospitalité à ceux qu’on disait père et mère du Messie…

74.4

Viens ici… dans cette pièce… les murs ont des oreilles et parler de certaines choses… c’est dangereux. »

Ils entrent dans une petite pièce sombre et basse. Ils s’asseyent sur un divan très bas.

« Voilà : j’ai eu du nez. Je ne suis pas aubergiste pour rien ! Je suis né ici, fils et petit-fils d’aubergistes. J’ai la ruse dans le sang, et je n’ai pas voulu d’eux. Je leur aurais peut-être trouvé un coin. Mais… galiléens… pauvres… inconnus… eh ! Non, Ezéchias ne s’y laisse pas prendre ! Et puis… je sentais… je sentais qu’ils n’étaient pas comme les autres… cette femme… des yeux… un je ne sais quoi… non, non, elle devait avoir en elle le démon et lui parler. Et elle nous l’a apporté ici, pas à moi, mais à la ville. Anne était plus innocente qu’une brebis et elle les a logés quelques jours après, avec le bébé. On disait que c’était le Messie… Ah, que d’argent j’ai fait en ces jours ! Bien plus qu’au recensement ! Il venait même des gens qui n’avaient pas besoin de venir pour le recensement. Il en venait même de la mer, même de l’Egypte, pour voir… et cela pendant des mois ! Quels gains j’ai réalisés !… Pour finir, il est venu trois rois, trois hommes puissants, trois mages… que sais-je ? Un cortège qui n’en finissait plus ! Ils m’ont pris toutes les écuries et m’ont payé en or autant de foin qu’il en aurait fallu pour un mois, et ils sont repartis dès le lendemain en laissant tout ici. Et quels cadeaux aux palefreniers, aux femmes de service ! Et à moi ! Oh !… Pour ma part, je ne puis dire que du bien du Messie, qu’il soit vrai ou faux. Il m’a fait gagner de l’argent à pleins sacs. Je n’ai pas essuyé d’ennuis graves. Pas de morts, non plus, car je venais tout juste de prendre femme. Alors… Mais les autres !

74.5

– Nous voudrions voir les lieux du carnage.

– Les lieux ? Mais toutes les maisons furent touchées par la tragédie ! C’est par milliers que l’on a compté les morts à Bethléem. Venez avec moi. »

Ils prennent un escalier, montant sur une terrasse. D’en haut, on voit une grande étendue de campagne et Bethléem[1] tout entière qui s’étend en éventail sur ses collines.

– Vous voyez où se trouvent les ruines ? Là aussi des maisons furent brûlées parce que les pères défendirent leurs enfants les armes à la main. Vous voyez là cette espèce de puits couvert de lierre ? C’est tout ce qui reste de la synagogue. On l’a brûlée avec le chef de la synagogue qui avait affirmé que c’était le Messie. Elle fut brûlée par des survivants, rendus fous de rage par le meurtre de leurs enfants. Nous en avons eu des ennuis, depuis… Et ici, et là et là… Vous voyez ces tombeaux ? Ce sont des vic­times… On dirait des brebis éparpillées dans la verdure, à perte de vue. Tous innocents avec leurs pères et leurs mères… Vous voyez ce bassin ? Son eau était rougie de sang lorsque les si­caires y eurent lavé leurs armes et leurs mains. Et ce ruisseau, ici derrière, l’avez-vous vu ?… Il était rougi par le sang qui y avait coulé des égouts… Et ici, voyez, ici, en face. C’est tout ce qui reste d’Anne. »

Jésus pleure.

« Tu la connaissais bien ? »

Judas répond :

« C’était comme une sœur pour sa mère ! N’est-ce pas, mon ami ? »

Jésus dit seulement :

« Oui.

– Je comprends » fait l’aubergiste, qui reste pensif.

74.6

Jésus se penche pour parler tout bas à Judas.

« Mon ami voudrait aller sur ces ruines, dit Judas.

– Eh bien, qu’il y aille ! Elles sont à tout le monde ! »

Ils descendent, saluent, s’en vont. L’aubergiste paraît déçu. Peut-être espérait-il un pourboire.

Ils traversent la place et montent le petit escalier, le seul qui ait subsisté.

« C’est d’ici, raconte Jésus, que ma Mère m’a fait saluer les mages et que nous sommes descendus pour gagner l’Egypte. »

Des gens regardent les quatre hommes montés sur les ruines. Quelqu’un demande :

« Parents de la morte ?

– Amis. »

Une femme crie :

« Vous, du moins, ne faites pas de mal à la morte, comme ses autres amis l’ont fait alors qu’elle était vivante, et qu’ils se sont échappés ensuite sains et saufs. »

Jésus se tient debout sur la plate-forme contre le muret qui la borde, dominant donc la place de deux mètres à peu près, avec le vide derrière lui. C’est un vide rempli du soleil qui le nimbe tout entier, rendant encore plus blanc son vêtement de lin très blanc qui seul le couvre, maintenant que son manteau a glissé de ses épaules, formant à ses pieds une sorte de piédestal multicolore. Encore plus en arrière, on aperçoit le fond de verdure et de broussailles de ce qui était le jardin et le domaine d’Anne, maintenant désolés et couverts de ruines.

74.7

Jésus étend les bras. Judas, qui voit le geste, l’avertit :

« Ne parle pas. Ce n’est pas prudent ! »

Mais Jésus remplit la place de sa voix puissante :

« Hommes de Juda ! Hommes de Bethléem, écoutez ! Ecoutez, vous, les femmes de cette terre qui fut sacrée pour Rachel ! Ecoutez un descendant de David, qui a souffert et a été persécuté. Rendu digne de vous adresser la parole, il vous parle pour vous donner lumière et réconfort. Ecoutez. »

Les gens cessent de crier, de se disputer, de faire des achats et s’attroupent.

« C’est un rabbi !

– Il vient sûrement de Jérusalem.

– Qui est-ce ?

– Quel bel homme !

– Quelle voix !

– Quelles manières !

– Eh ! S’il est de la race de David !

– De la nôtre, alors !

– Ecoutons, écoutons ! »

Toute la foule de la place s’est groupée autour de l’escalier, qui ressemble maintenant à une tribune.

« Il est dit[2] dans la Genèse : “ Je mettrai une hostilité entre toi et la femme… Elle t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon. ” Il y est encore dit : “ Je multiplierai les peines de tes grossesses… et la terre produira pour toi épines et chardons. ” C’est la condamnation de l’homme, de la femme et du serpent.

Venu de loin pour vénérer la tombe de Rachel, j’ai entendu dans la brise du soir, dans la rosée de la nuit, dans la plainte matinale du rossignol, l’écho du sanglot de Rachel[3] l’Ancienne, répété par la bouche de nombreuses mères de Bethléem dans le secret des tombeaux ou dans le secret des cœurs. J’ai entendu le rugissement de douleur de Jacob chez les veufs, qui n’ont plus d’é­pouses car la douleur les a tuées… Je pleure avec vous. Mais écoutez, vous les frères de ma terre. Bethléem, terre bénie, la plus petite des cités de Juda, mais la plus grande aux yeux de Dieu et de l’humanité en tant que berceau du Sauveur, comme le dit Michée[4], a déchaîné la haine de Satan pour cette raison même, parce qu’elle était destinée à devenir le tabernacle sur lequel reposerait la gloire de Dieu, le Feu de Dieu, son Amour incarné.

“ Je mettrai une hostilité entre toi et la femme. Elle t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon. ” Quelle hostilité plus grande que celle qui s’en prend aux enfants, le cœur du cœur de la femme ? Et quel pied est plus puissant que celui de la Mère du Sauveur ? Voilà pourquoi la vengeance de Satan vaincu fut bien naturelle : ce n’est pas vers le talon de la Mère, mais vers le cœur des mères qu’il dirigea son attaque.

Oh, angoisses innombrables des mères de perdre leurs enfants après les avoir engendrés ! Oh, épreuves effroyables d’avoir semé et transpiré pour ses enfants et de rester père sans plus avoir de descendance ! Mais réjouis-toi, Bethléem ! Ton sang le plus pur, le sang des innocents, a ouvert un chemin de flamme et de pourpre au Messie… »

74.8

La foule, dont le murmure ne cesse de croître depuis que Jésus a nommé le Sauveur et sa Mère, marque maintenant plus clairement son agitation.

« Tais-toi, Maître, dit Judas, et partons. »

Mais Jésus ne l’écoute pas. Il continue :

« … au Messie que la grâce de Dieu le Père a sauvé des tyrans afin de le conserver au peuple, pour le sauver et… »

Une voix stridente de femme crie :

« Cinq, cinq, que j’en avais enfantés, et plus personne dans ma maison ! Pauvre de moi ! »

Elle crie comme une hystérique. C’est le signal du tumulte.

Une autre se roule dans la poussière, déchire ses vêtements, montre son sein mutilé de son mamelon et hurle :

« Là, là, sur cette mamelle ils ont égorgé mon premier-né ! L’épée a tranché sa tête en même temps que mon sein. Oh ! Mon Elisée !

– Et moi ? Et moi ? Voici ma maison ! Trois tombeaux en un seul que veille le père. Mon mari et mes enfants, tous ensemble. Voilà, voilà !… Si c’est le Sauveur, qu’il me rende mes enfants, qu’il me rende mon époux, qu’il me sauve du désespoir, qu’il me sauve de Béelzéboul. »

Ils crient tous :

« Nos fils, nos maris, nos pères, qu’il nous les rende si c’est lui, le Sauveur ! »

Jésus élève ses bras, imposant le silence.

« Frères de ma terre, je voudrais vous rendre vos enfants, en vie, oui, en vie. Mais, je vous le dis : soyez bons, résignés. Pardonnez, espérez, réjouissez-vous dans l’espérance, avec une joie certaine. Vous ne tarderez pas à retrouver vos enfants, qui sont des anges dans le Ciel, car le Messie va en ouvrir les portes et, si vous êtes justes, la mort sera pour vous la Vie qui arrive et l’Amour qui revient…

– Ah ! Tu es le Messie ? Au nom de Dieu, dis-le. »

Jésus baisse les bras de son geste si doux, si affectueux qu’il semble vouloir embrasser et il déclare :

« Je le suis.

– Va-t’en, va-t’en, c’est par ta faute, alors ! »

Une pierre vole au milieu des sifflets et des huées.

74.9

Judas a une belle attitude… Ah, s’il avait été toujours comme cela ! Il se jette devant le Maître, debout sur le mur du balcon, le manteau déployé et il reçoit sans peur les coups de pierres, il en saigne même. Il hurle à Jean et à Simon :

« Emmenez Jésus derrière ces arbres. J’arrive. Allez, au nom du Ciel ! » et à la foule :

« Chiens enragés ! Je suis du Temple et je vous dénoncerai au Temple et à Rome. »

La foule prend peur un instant, mais bientôt elle reprend les jets de pierres, heureusement mal dirigées. Imperturbable, Judas reçoit la grêle, répondant par des injures aux malédictions de la foule. Il attrape même au vol un caillou et l’envoie sur la tête d’un petit vieux qui crie comme une pie qu’on plumerait vivante. Et comme ils essaient de donner l’assaut à son piédestal, il saisit vivement une branche sèche sur le sol – car il est descendu du muret – et la fait tournoyer sur les échines, les têtes, les mains, sans pitié.

Des soldats accourent et, sous la menace des lances, ils s’ouvrent un chemin.

« Qui es-tu ? Pourquoi cette rixe ?

– Un Judéen assailli par ces gens du peuple. Il y avait avec moi un rabbi connu des prêtres. Il parlait à ces chiens ; ils se sont déchaînés et nous ont assaillis.

– Qui es-tu ?

– Judas de Kérioth, précédemment au Temple, maintenant disciple du Rabbi Jésus de Galilée. Ami du pharisien Simon, du sadducéen Yokhanan, du conseiller du Sanhédrin Joseph d’Arimathie et enfin, ce que tu peux vérifier, d’Eléazar, fils d’Hanne, le grand ami du proconsul.

– Je vérifierai. Où vas-tu ?

– Avec mon ami, à Kérioth puis à Jérusalem.

– Va, nous te protégerons. »

Judas passe au soldat des pièces de monnaie. Ce doit être une chose défendue, mais… habituelle, car le soldat empoche en vitesse, salue respectueusement et sourit. Judas saute en bas de son estrade. Il court par bonds à travers le champ inculte et rejoint ses compagnons.

« Tu es bien blessé ?

– Ce n’est rien, Maître, et puis, c’est pour toi… Je leur ai riposté, aussi. Je dois être tout souillé de sang…

– Oui, sur la joue. Il y a ici un filet d’eau. »

Jean trempe un petit linge et lave la joue de Judas.

« Cela m’ennuie, Judas, mais… tu vois… même en leur disant que nous étions judéens, selon ton sens pratique…

– Ce sont des bêtes. Je crois que tu en seras persuadé, Maître, et que tu n’insisteras pas.

– Oh non ! Pas par peur, mais parce que c’est inutile pour l’instant. Quand on ne veut pas de nous, on ne maudit pas, mais on se retire en priant pour les pauvres fous qui meurent de faim et ne voient pas le Pain. Prenons ce chemin à l’écart. Je crois qu’on pourra gagner la route d’Hébron… chez les bergers, si nous les trouvons.

– Pour nous faire attaquer à coups de pierres ?

– Non, pour leur dire : “ C’est moi.»

– ça alors ! Ils nous donneront sûrement des coups de bâton !… Depuis trente ans qu’ils souffrent à cause de toi !…

– Nous verrons bien. »

Ils passent par un bois touffu, ombragé, frais, et je les perds de vue.

74.1

Son las primeras horas de una luminosa mañana de verano. El cielo toma unas pinceladas de rosa en algunas finas nubecitas que parecen deshiladuras de gasa perdidas en una alfombra de raso turquino. Hay todo un cantar de pájaros, ya ebrios de luz... gorriones, mirlos, petirrojos silban, gorjean, riñen por un tallito, por una larva, por una ramita que llevarse al nido, por una larva para llenar el buche, por una ramita que les sirva como dormitorio. Golondrinas se lanzan, como saetas, desde el cielo al pequeño riachuelo para mojarse el pecho de nieve, coloreado en su ápice de óxido, y, tomada la frescura de la ola, atrapada la mosquita que aún duerme colgada de un tierno tallo, se vuelven hacia arriba con un rapidísimo zigzag, como el destello de una hoja bruñida, chillando alegres.

Dos aguzanieves, vestidas de seda cenicienta, pasean graciosas como dos damiselas a lo largo de la orilla del riachuelo manteniendo bien alta la larga cola adornada de velludillos negros; se miran en el agua, se ven hermosas, continúan su paseo, mientras un mirlo, verdadero pilluelo del bosque, les hace burla y los silba por detrás con su largo pico amarillo. Dentro de un tupido manzano silvestre, que se yergue solitario junto a las ruinas, una ruiseñora llama insistentemente a su compañero, y se calla sólo cuando le ve llegar con una larga larva que se retuerce oprimida por el fino pico. Dos palomas zuranas, que probablemente huyeron de algún palomar ciudadano y que han elegido vivir libremente entre las grietas del torreón derruido, se entregan zureando a sus manifestaciones de afecto: él seductor, pudorosa ella.

Jesús, con los brazos cruzados, mira a todos estos animalitos alegres, y sonríe.

«¿Ya estás listo, Maestro?» pregunta Simón por detrás.

«Ya listo. ¿Los otros duermen todavía?».

«Todavía».

«Son jóvenes... Me he lavado en ese riachuelo... Una agua fresca que despeja la mente...».

«Ahora voy yo».

Mientras Simón — sólo con la prenda corta — se lava y se vuelve a vestir, salen Judas y Juan. «Dios te salve, Maestro. ¿Es demasiado tarde?».

«No. Apenas ha nacido la mañana. Pero ahora daos prisa. Vámonos».

Los dos se lavan y se ponen la túnica y el manto.

Jesús, antes de ponerse en camino, arranca unas florecillas nacidas entre las hendiduras de dos rocas y las coloca en una cajita de madera, en la cual ya hay otras cosas que no distingo bien. Y comenta: «Se las voy a llevar a mi Madre. Las guardará con cariño...

74.2

Vamos».

«¿A dónde, Maestro?».

«A Belén».

«¡¿Sí?! Me parece que no hay un buen ambiente respecto a nosotros...».

«No importa. Vamos. Quiero mostraros dónde bajaron los magos y dónde estaba Yo».

«Entonces... Escucha... Perdona, ¿eh?, Maestro... Permíteme que hable. ¿Por qué no hacemos una cosa? En Belén, y en la posada, deja que sea yo quien hable o pregunte. En Judea no se os estima mucho a los galileos, y aquí menos que en otras partes. Es más, ¿por qué no hacemos así?: Tú y Juan tenéis aspecto de galileos hasta en el vestido, que es demasiado simple. Y luego... ¡ese pelo...! ¿Por qué os empeñáis en llevarlo tan largo? Yo y Simón os dejamos el manto y cogemos el vuestro. Tú, Simón, a Juan; yo al Maestro. Eso es... así. ¿Ves? Parecéis, en un momento, un poco más judíos. Ahora esto». Y se quita la prenda con la que cubre su cabeza: un pedazo de tela de rayas amarillas, marrones, rojas, verdes, como el manto, alternadas; sujetado por un cordón amarillo. Lo pone sobre la cabeza de Jesús, cubriendo con él ambos lados de su cara para ocultar los largos cabellos rubios. Juan coge el de Simón, que es de un color verde oscurísimo. «¡Bien!, ¡ahora está mejor! Yo tengo el sentido práctico».

«Sí, Judas. Tú tienes el sentido práctico. Es verdad. Ten cuidado, no obstante, con que no rebase al otro sentido».

«¿A cuál, Maestro?».

«Al sentido espiritual».

«¡No, hombre! Pero en ciertos casos conviene saber ser más políticos que los embajadores. Escucha... perdona otra cosa... es por tu bien... no me contradigas si digo algunas cosas... algunas cosas... que realmente no son verdaderas».

«¿Qué quieres decir? ¿Por qué mentir? Yo soy la Verdad, y no quiero mentiras, ni en mí, ni en torno a mí».

«¡Oh!, no diré más que medias mentiras. Diré que regresamos todos de lugares lejanos, de Egipto, por ejemplo, y que deseamos tener noticias de unos amigos íntimos. Diré que somos judíos que regresamos de un destierro... En el fondo, en todo ello, hay un poco de verdadero... y, además, hablo yo... una mentira más, una mentira menos...».

«¡Pero Judas! ¿Por qué engañar?».

«¡No te preocupes, Maestro! El mundo se guía por engaños. Y, de vez en cuando, son necesarios. ¡Bien!, por darte gusto, diré sólo que venimos de lejos y que somos judíos, lo cual es verdad respecto a tres, de cuatro. Y tú, Juan, no hables nunca. Te traicionarías».

«Estaré callado».

«Luego... si las cosas se ponen bien... entonces diremos el resto. Pero tengo poca esperanza... Soy astuto y las cazo al vuelo».

«Lo veo, Judas. Pero preferiría que fueras sencillo».

«Sirve para poco. En tu grupo yo seré el de las misiones difíciles. Déjame... verás».

Jesús se muestra poco entusiasta. Pero cede.

74.3

Se ponen en camino. Rodean las ruinas; luego van siguiendo una gruesa pared sin ventanas, detrás de la cual se oye rebuznar, mugir, relinchar, balar, y ese sonido desagradable desafinado de los camellos o dromedarios. La pared hace esquina. Vuelven ésta... y se encuentran en la plaza de Belén. El pilón de la fuente está en el centro de la plaza, que sigue teniendo la misma forma sesgada, pero que ahora es distinta en el lado opuesto a la posada. En el lugar en que estaba la casita — cuando pienso en ella, la veo todavía toda de plata pura bajo el rayo de la Estrella — hay ahora una gran abertura llena de escombros. Sólo la pequeña escalera está todavía en pie con su pequeño balconcito. Jesús mira, y suspira.

La plaza está llena de gente en torno a los vendedores de productos alimenticios, de enseres o herramientas, telas, etc., los cuales han extendido sobre esteras, o colocado en cestas, sus mercancías, todas depositadas en el suelo; hasta ellos están en cuclillas, generalmente en el centro de su... puesto, si es que no están en pie, gritando y gesticulando, cerrando un trato con algún comprador tacaño.

«Es día de mercado» dice Simón.

La puerta, más exactamente: el portal de la posada, está abierta de par en par; está saliendo una fila de asnos cargados de mercan­cías.

Judas es el primero en entrar. Mira a su alrededor. Pilla, altanero, a un pequeño establero sucio y desarreglado, que lleva sólo una camisa larga, sin mangas y hasta la rodilla. «¡Siervo!» grita. «¡El dueño! ¡En seguida! ¡Muévete, que no estoy acostumbrado a es­pe­rar!».

El muchacho sale corriendo, llevando consigo una escoba de ramas.

«¡Pero Judas! ¡Qué modales!».

«Calla, Maestro. Déjame a mí. Deben creer que somos ricos y de ciudad».

El dueño, que acude corriendo, se rompe la espalda de tantas reverencias como hace delante de Judas, al cual se le ve imponente con el manto rojo oscuro de Jesús encima de su rica vestidura amarilla oro, toda llena de bandas y franjas.

«Venimos de lejos. Somos judíos de las comunidades asiáticas. Éste, perseguido, betlemita de nacimiento, viene buscando a sus amigos íntimos. Y nosotros venimos con Él, de Jerusalén, donde hemos adorado al Altísimo en su Casa. ¿Puedes darnos información particularizada al respecto?».

«Señor... tu siervo... Todo tuyo. Ordena».

«Queremos saber acerca de muchos... y especialmente de Ana, la mujer que tenía su casa frente a esta posada».

«¡Oh, pobrecilla! A Ana sólo la volveréis a ver en el seno de Abraham, y, con ella, a sus hijos».

«¿Muerta? ¿Por qué?».

«¿No sabéis lo de la matanza de Herodes? Todo el mundo habló de ello, e incluso el César le definió a Herodes “cerdo que se nutre de sangre”. ¡Ay! ¿Qué he dicho! ¡No me denuncies! ¿Eres un auténtico judío?».

«Mira el signo de mi tribu. ¿Entonces?... Habla».

«A Ana la mataron los soldados de Herodes, y con ella a todos sus hijos, menos una».

«Pero, ¿por qué? ¡Era muy buena!».

«¿La conocías?».

«Muy bien» Judas miente descaradamente.

«La mataron por haber proporcionado alojamiento a los que se decían padre y Madre del Mesías...

74.4

Ven aquí, a esta habitación... Las paredes oyen, y hablar de ciertas cosas... es peligroso».

Entran en una pequeña habitación oscura y baja. Se sientan en un diván también bajo.

«La cosa fue así... yo intuí algo. ¡No en vano soy posadero! He nacido aquí, soy hijo de hijos de posaderos. Llevo la malicia en la sangre. Y entonces no los acepté. Quizás hubiera podido encontrar un lugar para ellos. Pero... galileos, pobres, desconocidos... ¡no, no!, ¡Ezequías no comete este error! Y además... sentía... sentía que eran distintos... esa mujer... unos ojos... un algo... ¡no, no!; debía tener el demonio dentro y hablar con él. Y nos lo trajo aquí... A mí no, pero sí a la ciudad. Ana era más inocente que un cordero, y los hospedó pocos días después, ya con el Niño. Decían que era el Mesías... ¡Cuánto dinero gané esos días! ¡Fue mucho más que un empadronamiento! Venía incluso gente que no habría debido venir por el padrón. Venían incluso desde el mar, ¡hasta de Egipto!, a ver... ¡y durante meses! ¡Qué ganancias tuve!... Los últimos en llegar fueron tres reyes, tres potentados, o tres magos... ¡yo qué sé! ¡Un cortejo!... ¡no acababa nunca! Me ocuparon todas las cuadras y pagaron en oro heno como para un mes, y luego se fueron al día siguiente dejándolo todo allí. ¡Y qué regalos a los mozos de los establos, a las mujeres... y a mí! Yo... del Mesías, fuera verdadero o falso, sólo puedo hablar bien. Me hizo ganar monedas a mansalva. No sufrí ningún desastre; muertos, tampoco, porque me acababa de casar. Por tanto... ¡Pero los demás...!».

74.5

«Querríamos ver los lugares de la matanza».

«¿Los lugares? Pero si todas las casas fueron lugar de matanza. Hubo muertos en varias millas a la redonda. Venid conmigo».

Suben una escalera y luego a una terraza que está encima del tejado; desde arriba se ve ampliamente el campo y toda Belén extendida como un abanico abierto sobre sus colinas.

«¿Veis los puntos destruidos? Allí ardieron incluso las casas porque los padres defendieron a sus hijos con las armas. ¿Veis allí aquella especie de pozo cubierto de hiedra? Son los restos de la sinagoga, quemada con el jefe dentro, que había afirmado que aquél era el Mesías. La quemaron los que se salvaron, locos por la matanza de sus hijos. Hemos tenido luego problemas... Y allí, y allí, y allí... ¿veis aquellos sepulcros? Son de las víctimas... Parecen ovejas esparcidas entre la hierba, hasta donde alcanza la mirada. Todos inocentes, y también sus padres y madres... ¿Veis aquel pilón? Su agua quedó roja después de limpiar las armas y lavarse las manos los sicarios en ella. Y ¿habéis visto ese riachuelo de aquí detrás?... Era rosa debido a la gran cantidad de sangre que había recogido de las cloacas... Y ahí, sí, ahí enfrente... eso es todo lo que queda de Ana».

Jesús llora.

«¿La conocías bien?».

Responde Judas: «Era como una hermana para su Madre. ¿Verdad, amigo?».

Jesús responde solamente: «Sí».

«Entiendo» dice el posadero, y se queda pensativo.

74.6

Jesús se inclina hacia Judas para hablar con él en voz baja.

«Mi amigo querría ir a esas ruinas» dice Judas.

«¡Pues que vaya! ¡Son de todos!».

Bajan. Se despiden. Se marchan. El dueño de la posada se queda desilusionado; tal vez esperaba alguna ganancia.

Cruzan la plaza. Suben sobre la pequeña escalera que ha quedado en pie.

«Aquí — dice Jesús — mi Madre me sacó a saludar a los Magos, y desde aquí bajamos para ir a Egipto».

Algunas personas miran a los cuatro que están sobre las ruinas. Uno pregunta: «¿Familiares de la que mataron?».

«Amigos».

Una mujer grita: «No hagáis ningún mal, al menos vosotros, a la muerta, como los otros amigos suyos se lo hicieron a la viva, y luego escaparon indemnes».

Jesús está erguido en la terraza, contra el muro que la limita, por tanto a una altura de unos dos metros con respecto a la plaza, con el vacío por detrás, un vacío rico de luz que le aureola todo y hace aún más cándida la túnica de lino blanquísimo que le cubre — sólo la túnica, ahora que el manto se ha deslizado desde los hombros y está a sus pies como una base multicolor —. Más atrás, el fondo verde y desarreglado de lo que era el huerto y la tierra propiedad de Ana, yermado y lleno de escombros.

74.7

Jesús abre los brazos. Judas, viendo este gesto, dice: «¡No hables! ¡No es prudente!».

Mas Jesús llena la plaza de su voz potente: «¡Hombres de Judá, hombres de Belén, escuchad! ¡Oíd vosotras, mujeres de esta tierra sagrada para Raquel! ¡Oíd a Uno que viene de David; que, habiendo sido perseguido, ha sufrido; que, constituido digno de hablar, habla para comunicaros luz y consuelo! ¡Oíd!».

La gente deja de vocear, reñir, comprar, y se arremolina.

«¡Es un rabí!».

«Seguro que viene de Jerusalén».

«¿Quién es?».

«¡Qué apuesto!».

«¡Qué voz!».

«¡Qué ademanes!».

«¡Claro, si es de la estirpe de David...!».

«¡Nuestro, entonces!».

«¡Oigamos, oigamos!».

Toda la plaza está ahora contra la pequeña escalera, que parece un púlpito.

«El Génesis dice: “Yo pondré enemistad entre ti y la mujer... ella te aplastará la cabeza y tú acecharás su calcañar”. Y también: “Yo multiplicaré tus afanes y tus embarazos... y la tierra producirá abrojos y espinas”. Ésta es la condena del hombre, de la mujer y de la serpiente.

Habiendo venido de lejos a venerar la tumba de Raquel, he oído en el viento de la tarde, en el rocío de la noche, en el llanto del ruiseñor por la mañana, el sollozo de la Raquel de antaño, repetido por bocas y bocas de madres de Belén en la clausura de las tumbas o de los corazones. He oído el dolor de Jacob clamando en el dolor de los viudos, ya sin esposa porque el dolor la mató... Yo lloro con vosotros. Oíd, hermanos de mi tierra. Belén, tierra bendita, la más pequeña de las ciudades de Judá, pero la más grande ante los ojos de Dios y de la humanidad por ser cuna del Salvador, como dice Miqueas, precisamente por ser tal, por estar destinada a ser el tabernáculo sobre el cual habría de posarse la Gloria de Dios, el Fuego de Dios, su Encarnado Amor, ha hecho que se desencadenara el odio de Satanás.

“Pondré enemistad entre ti y la mujer. Ella te tendrá bajo su pie y tú acecharás su calcañar”. ¿Qué mayor enemistad que la que mira a los hijos, corazón del corazón de la mujer? Y ¿qué pie más fuerte que el de la Madre del Salvador? He aquí por tanto que fue natural la venganza del Satanás vencido, el cual, no, no contra el calcañar, sino contra el corazón de las madres, por la Madre, lanzó su asechanza.

¡Oh, multiplicados afanes de la pérdida de los hijos después de haberlos dado a luz! ¡Oh, tremendos abrojos del haber sembrado y sudado por la prole, y seguir siendo padre pero ya sin prole! No obstante, ¡regocíjate, Belén! Tu sangre más pura, la sangre de los inocentes, ha abierto camino de llama y púrpura al Mesías...».

74.8

La multitud, que, desde que Jesús ha nombrado al Salvador y luego a la Madre del mismo, ha ido progresivamente inquietándose, ahora muestra un indicio más claro de agitación.

«Calla, Maestro» dice Judas «y vámonos».

Pero Jesús no le escucha. Continúa: «... al Mesías salvado de los tiranos por el Padre-Dios para conservárselo al pueblo para su salvación y...».

Una estridente voz de mujer grita: «¡Cinco, cinco había dado a luz y ahora no hay ninguno en mi casa! ¡Pobre de mí!» y grita histéricamente.

Es el comienzo del alboroto.

Otra mujer se revuelca en el polvo, se desgarra el vestido, muestra un pecho con el pezón mutilado, y grita: «¡Aquí, aquí, en esta mama me degollaron a mi primogénito! La espada le cortó la cara junto con mi pezón. ¡Oh, mi Eliseo!».

«¿Y yo? ¿Y yo? ¡Ahí está mi mansión!: tres tumbas en una, veladas por el padre. Marido e hijos juntos. ¡Ahí, ahí está!... Si está entre nosotros el Salvador, que me devuelva a mis hijos, que me devuelva a mi esposo, que me salve de la desesperación, de Belcebú».

Gritan todos: «¡Nuestros hijos, los maridos, los padres! ¡Que nos los devuelva, si está entre nosotros!».

Jesús mueve los brazos imponiendo silencio. «Hermanos de mi tierra, Yo querría devolver a vuestra carne, sí, incluso a vuestra carne, los hijos. Pero Yo os digo: sed buenos, resignados; perdonad, tened esperanza, alegraos en una esperanza, regocijaos en una certeza. Pronto volveréis a tener a vuestros hijos, como ángeles en el Cielo, porque el Mesías en seguida abrirá las puertas de los Cielos, y, si sois justos, la muerte será Vida que viene, y Amor que vuelve...».

«¡Ah!, ¿eres Tú el Mesías? En nombre de Dios, dilo».

Jesús baja los brazos con ese gesto suyo tan dulce, tan manso, que parece un abrazo, y dice: «Lo soy».

«¡Fuera! ¡Fuera! ¡Por tu culpa, entonces!».

Vuela una piedra entre silbidos y befas.

74.9

Judas reacciona con una hermosa acción — ¡ah, si siempre hubiera sido así! — ... Se mete delante del Maestro, erguido sobre la pequeña pared del balconcito, con el manto abierto, y recibe impertérrito las pedradas, sangrando incluso, y les dice a Juan y a Simón chillando: «Llevaos a Jesús. Detrás de esos árboles. Yo os alcanzo. ¡Vamos! ¡En nombre del Cielo!», y a la multitud: «¡Perros rabiosos! Soy del Templo. Os denunciaré ante el Templo y ante Roma».

La multitud, por un instante, tiene miedo. Pero luego sigue con la apedrea; por suerte, con poca puntería. Y Judas la recibe impertérrito, respondiendo con contumelias a las maldiciones de la multitud; es más, coge al vuelo una piedra y se la tira a la cabeza a un viejecito que chilla como una urraca desplumada viva. Y, dado que intentan asaltar su pedestal, rápido recoge una rama seca que hay en el suelo (ya no está encima del pequeño muro) y la hace rotar sobre las espaldas, cabezas, manos, sin piedad.

Acuden soldados haciéndose paso con las lanzas. «¿Quién eres? ¿Por qué esta trifulca?».

«Un judío agredido por estos plebeyos. Estaba conmigo un rabí conocido por los sacerdotes, que estaba hablándoles a estos perros. Se han exaltado y nos han agredido».

«¿Quién eres?».

«Judas de Keriot. He pertenecido al Templo, ahora soy discípulo del Rabí Jesús de Galilea. Soy amigo del fariseo Simón, del saduceo Jocanán, del consejero del Sanedrín José de Arimatea, y... — esto lo puedes comprobar — de Eleazar ben Anás, el gran amigo del Procónsul».

«Lo comprobaré. ¿A dónde vas?».

«Con mi amigo a Keriot, y luego a Jerusalén».

«Ve. Te guardaremos las espaldas».

Judas le ofrece algunas monedas al soldado. Debe ser una cosa ilícita... pero habitual, porque el soldado lo toma rápido y cauto, saluda y sonríe. Judas baja de su podio de un brinco. Va a saltos por el campo baldío, alcanza a sus compañeros.

«¿Estás muy herido?».

«No es nada, Maestro. ¡Además, por ti!... No obstante, yo también he dado. Debo estar todo sucio de sangre...».

«Sí, en la mejilla. Aquí hay un hilo de agua».

Juan moja un pequeño pedazo de tela y lava la mejilla de Judas.

«Lo siento, Judas... Pero mira... aun diciéndoles a ellos que éramos judíos, según tu sentido práctico...».

«Son unos animales. Creo que te habrás persuadido, Maestro, y que no insistirás».

«¡Oh, no! No por miedo, sino porque es inútil por ahora. Cuando no nos quieren no se maldice, sino que uno se retira rogando por los pobres locos que se mueren de hambre y no ven el Pan. Vamos por este camino solitario. Creo que se puede tomar el camino de Hebrón... Vamos donde los pastores, si los encontramos».

«¿A llevarnos otras pedradas?».

«No. A decirles: “Soy Yo”».

«¡Entonces... por supuesto nos pegan de palos! ¡Sufren por tu causa desde hace treinta años!...».

«Veremos».

Van por un tupido bosquecito, sombrío, fresco, y los pierdo de vista.


Notes

  1. Bethléem : Maria Valtorta en a esquissé un plan sur un petit morceau de papier ligné, au dos duquel elle a écrit les deux lignes que nous mettons en tête du dessin : “ Si je ne me trompe pas dans le premier morceau (parce que je ne l’ai pas vu dans les visions), je vois Bethléem comme ça. ” En plus des quatre points cardinaux, les noms qu’elle donne aux différents lieux sont : “ Jérusalem – route principale ” (deux fois) ; “ Route secon­daire prise par Jésus ” ; “ Premier léger relief ” ; “ 2e arc de collines ” ; “ périmètre de Bethléem ” ; “ fontaine ” ; “ auberge ” ; “ grotte ” ; “ tombeau de Rachel ” ; “ mai­son du paysan ”.
  2. Il est dit en : Gn 3, 14-19.
  3. le sanglot de Rachel : voir Jr 31, 15.
  4. dit Michée en : Mi 5, 1.