74.1
Les premières heures d’un lumineux matin d’été. Le ciel se teinte de rose sur quelques petits nuages fins qui ressemblent à des effilochures de gaze tombées sur un tapis de satin couleur turquoise. Il se fait tout un concert d’oiseaux déjà ivres de lumière… Passereaux, merles, rouges-gorges babillent, gazouillent, se bagarrent pour une brindille à porter à leurs nids, une chenille pour se remplir le bec ou un rameau à prendre comme perchoir. Des hirondelles piquent du ciel dans le petit ruisseau pour laver leurs plastrons de neige teints au sommet de rouille et, une fois rafraîchies, après avoir attrapé un moucheron encore endormi sur une fleur, s’envolent vers les hauteurs en gazouillant gaiement, leurs ailes frappant l’air comme des lames d’acier bruni.
Deux bergeronnettes, vêtues de soie cendrée, se promènent gracieusement comme deux demoiselles le long de la rive du ruisseau. Elles relèvent leur longue queue ornée de velours noir, se mirent, se trouvent belles et reprennent leur promenade, raillées par un merle qui leur siffle par derrière de son long bec jaune, un vrai gamin des bois. Dans un pommier sauvage au feuillage abondant, près des ruines, la femelle d’un rossignol appelle avec insistance son compagnon, et ne se tait que lorsqu’elle le voit arriver avec une longue chenille qui se tord sous l’étreinte du bec fin. Deux bisets, probablement échappés de colombiers de la ville et qui ont élu domicile dans les crevasses d’une tour en ruine, s’abandonnent à leurs effusions, lui séducteur, elle roucoulant pudiquement.
Jésus, les bras croisés, regarde toutes ces joyeuses petites bêtes et sourit.
« Déjà prêt, Maître ? lui demande Simon par derrière.
– Déjà prêt. Les autres dorment-ils encore ?
– Oui.
– Ils sont jeunes… Je me suis lavé à ce ruisseau… Une eau fraîche qui éclaircit les idées…
– A mon tour d’y aller. »
Pendant que Simon, vêtu seulement d’une courte tunique, se lave puis se rhabille, Judas et Jean apparaissent.
« Dieu te garde, Maître. Nous sommes en retard ?
– Non, c’est tout juste le matin, mais maintenant faites vite et partons. »
Les deux hommes se lavent et puis revêtent leur tunique et leur manteau.
Jésus, avant de se mettre en route, cueille de petites fleurs poussées dans les fentes de deux rochers et les met dans une petite boîte de bois où se trouvent déjà d’autres choses que je ne distingue pas bien. Il explique :
« Je les porterai à la Mère. Elles lui seront chères…