Los Escritos de Maria Valtorta

82. A Jéricho.

82. En Jericó. Judas Iscariote cuenta

82.1

Voici la place du marché à Jéricho. Ce n’est pas le matin, mais le soir, au moment de ces longs crépuscules très chauds de plein été. Du marché du matin, il ne reste que des déchets : débris de légumes, monceaux d’excréments, paille tombée des paniers ou du bât des ânes, morceaux de chiffons… Sur le tout, c’est le triomphe des mouches et de toutes les fermentations et exhalaisons malodorantes, puantes, provoquées par le soleil.

Cette vaste place est déserte : quelque rare passant, quelque gamin querelleur qui lance des pierres sur les oiseaux posés sur les arbres de la place, quelque femme qui va à la fontaine. C’est tout.

Jésus arrive par une rue et regarde autour de lui, mais il ne voit encore personne. Patiemment, il s’appuie à un tronc d’arbre et il attend. Il trouve moyen de parler aux gamins de la charité qui prend sa source en Dieu et descend du Créateur sur toutes les créatures.

« Ne soyez pas cruels. Pourquoi voulez-vous troubler les oiseaux ? Ils ont leurs nids là-haut. Ils ont leurs petits. Ils ne font de mal à personne. Ils nous réjouissent de leurs chants et nous procurent la propreté en mangeant les restes de l’homme ainsi que les insectes qui nuisent aux moissons et aux fruits. Pourquoi les blesser, les tuer et priver leurs petits de leur père et mère, ou ceux-ci de leurs petits ? Seriez-vous contents de voir entrer un méchant dans votre maison, la démolir, tuer vos parents ou vous emporter loin d’eux ? Non, vous ne le seriez pas. Alors pourquoi faire à ces créatures innocentes ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fasse ? Comment pourrez-vous un jour ne pas faire de mal à l’homme si, à votre âge déjà, vous endurcissez votre cœur contre des petites créatures inoffensives et gentilles comme les oiseaux ? Ne savez-vous pas que la Loi dit : “ Aime ton prochain comme toi-même ” ? Celui qui n’aime pas son prochain ne peut pas non plus aimer Dieu. Et celui qui n’aime pas Dieu, comment peut-il aller dans sa Maison et le prier ? Dieu pourrait leur dire – et il le dit dans les Cieux – : “ Va-t’en. Je ne te connais pas. Un fils, toi ? Non, tu n’aimes pas tes frères, tu ne respectes pas en eux le Père qui les a faits. Tu n’es donc ni un frère ni un fils, mais un bâtard, un mauvais fils pour Dieu, un faux frère pour tes frères. ”

Vous voyez comme il aime, lui, le Seigneur éternel ? Aux mois les plus froids, il leur fait trouver des granges bien remplies pour que les oiseaux puissent y abriter leurs petits. Pendant les chaleurs, il leur procure l’ombre des feuilles pour les protéger du soleil. En hiver, dans les champs, le grain est à peine couvert de terre et il leur est facile de trouver les semences et de s’en nourrir. En été, des fruits succulents soulagent leur soif, ils peuvent se bâtir des nids solides et chauds avec les brins de paille et la laine que les troupeaux laissent sur les ronces. Et il est le Seigneur. Vous, petits hommes, qui êtes créés comme des oiseaux par lui et êtes donc les frères de ces petites créatures, pourquoi voulez-vous être différents en vous croyant autorisés à être cruels envers ces petits animaux ? Soyez pour tous miséricordieux en ne privant personne de ce qui lui revient, ni les hommes, vos frères, ni les animaux, vos serviteurs et amis, et Dieu…

– Maître, appelle Simon, Judas arrive !

– …et Dieu sera miséricordieux envers vous, il vous accordera tout ce qu’il vous faut, comme il le fait pour ces créatures innocentes. Allez et emportez avec vous la paix de Dieu. »

82.2

Jésus fend le cercle des enfants auxquels des adultes s’étaient joints et se dirige vers Judas et Jean qui arrivent rapidement par une autre rue. Judas jubile. Jean sourit à Jésus… mais n’a pas vraiment l’air heureux.

« Viens, viens, Maître. Je crois avoir bien fait. Mais viens avec moi. Dans la rue, on ne peut parler.

– Où, Judas ?

– A l’auberge. J’ai déjà retenu quatre chambres… oh, c’est modeste, ne crains rien ! Tout juste pour pouvoir se reposer sur un lit après tant de privations sous une telle chaleur, pour pouvoir manger comme des hommes et non comme des oiseaux sur la branche, et aussi pour parler tranquillement. J’ai vendu à un très bon prix, n’est-ce pas, Jean ? »

Jean acquiesce, sans grand enthousiasme. Mais Judas est tellement content de son opération qu’il ne remarque pas le peu de satisfaction qu’éprouve Jésus à la perspective d’un logement confortable, ni l’attitude encore moins approbative de Jean. Et il continue :

« Comme j’ai vendu au-dessus de mon estimation, je me suis dit : “ Il est juste d’en prélever une petite somme, cent deniers, pour nos lits et nos repas. Si nous sommes épuisés, nous qui avons toujours mangé, Jésus doit être tout à fait à bout. ” J’ai le devoir de veiller à ce qu’il ne tombe pas malade, mon Maître ! C’est un devoir d’amour car tu m’aimes et je t’aime… J’ai pensé aussi à vous et aux troupeaux, dit-il aux bergers. J’ai pensé à tout. »

Jésus ne souffle mot. Il le suit avec les autres.

Ils arrivent à une petite place annexe. Judas dit :

« Vois-tu cette maison sans fenêtre sur la rue et cette porte si petite qu’on la prendrait pour une fente ? C’est la maison de Diomède, le batteur d’or. On dirait une pauvre habitation, n’est-ce pas ? Mais il y a là assez d’or pour acheter tout Jéricho et… ah ! Ah !… (Judas rit malicieusement…) et dans cet or, on peut trouver beaucoup de colliers, de vaisselle et… et aussi d’autres objets de toutes les personnes qui ont le plus d’influence en Israël. Diomède… Ah, tout le monde fait semblant de ne pas le connaître, mais tous le connaissent : depuis les hérodiens jusqu’à … tout le monde, voilà. Sur ce mur sans ornement, pauvre, on pourrait écrire “ Mystère et Secret. ” Si ces murs parlaient ! Il n’y aurait plus à se scandaliser de la façon dont j’ai traité l’affaire, Jean !… Toi… tu en mourrais étouffé par la stupeur et les scrupules. Mais écoute plutôt, Maître. Ne m’envoie plus avec Jean pour certaines affaires. Il s’en est fallu de peu que tout échoue. Il ne sait pas saisir au vol, il ne sait pas nier, et avec un fourbe comme Diomède il faut être rapide et vif. »

Jean murmure :

« Tu disais de ces choses ! Si inattendues et tellement… et tellement… Oui, Maître, ne m’envoie plus. Moi, je ne sais qu’aimer…

– Nous aurons rarement besoin de pareilles ventes, répond Jésus, qui est préoccupé.

– Voilà l’auberge. Viens Maître. C’est moi qui vais parler puisque… j’ai tout arrangé. »

82.3

Ils entrent, et Judas discute avec le patron qui fait mener les brebis à une étable, puis conduit personnellement ses hôtes dans une petite pièce où se trouvent deux nattes qui servent de lits, des sièges et une table qu’on a préparés. Puis il se retire.

« Parlons tout de suite, Maître, pendant que les bergers sont occupés avec leurs troupeaux.

– Je t’écoute.

– Jean te dira que je suis sincère.

– Je n’en doute pas. Entre honnêtes gens, il n’est pas besoin de serments et de témoignages. Parle.

– Nous sommes arrivés à Jéricho à la sixième heure. Nous étions en sueur comme des bêtes de somme. Je n’ai pas voulu donner à Diomède l’impression d’une affaire urgente. Donc je suis d’abord venu ici, je me suis rafraîchi, j’ai mis un vêtement propre et j’ai voulu que Jean fasse de même. Ah, il ne voulait rien savoir de se faire parfumer et arranger les cheveux… Mais j’avais fait mon plan en cours de route !… A l’approche du soir, j’ai dit : “ Allons-y. ” Nous étions alors reposés et frais, comme deux richards en voyage d’agrément. Comme nous étions près d’arriver chez Diomède, j’ai dit à Jean : “ Toi, aide-moi. Ne me démens pas et sois vif pour comprendre. ” Mais il aurait mieux valu le laisser dehors ! Il ne m’a pas du tout aidé. Au contraire… Heureusement que je suis éveillé pour deux et j’ai fait face à tout.

Le gabelou sortait de chez lui. “ Bien ! ” me suis-je dit. “ Si lui, il sort, nous trouverons de l’argent et ce que je veux pour faire le marché. ” Car le gabelou, usurier et voleur comme tous ses semblables, a toujours des colliers arrachés par menaces et usure à quelque pauvre qu’il taxe plus qu’il n’est permis pour avoir beaucoup à dépenser en orgies et en femmes. En outre, il est très ami de Diomède qui achète et vend or et chair… après m’être fait connaître, nous sommes entrés. Je dis bien : entrés. Parce qu’une chose est d’aller à l’entrée où il fait semblant de travailler l’or honnêtement, et autre chose de descendre dans le souterrain où il traite les vraies affaires. Il faut être très connu de lui pour obtenir cette dernière invitation. Quand il m’a vu, il m’a dit : “ Tu veux encore vendre de l’or ? Le moment est peu favorable. J’ai peu d’argent. ” C’est son refrain habituel. Je lui ai répondu : “ Je ne viens pas pour vendre, mais pour acheter. As-tu des bijoux pour une femme ? Mais beaux, riches, de grande valeur, lourds, en or pur ? ” Diomède en est resté interdit et il m’a demandé : “ Tu veux une femme ? ” “ Ne t’occupe pas de cela, lui ai-je répondu. Ce n’est pas pour moi. C’est pour cet ami qui est marié et veut acheter des bijoux d’or pour celle qu’il aime. ”

A ce moment-là, Jean a commencé à faire l’enfant. Diomède, qui le regardait, l’a vu rougir comme la pourpre et a dit, en vieux dégoûtant qu’il est : “ Eh, le garçon, rien qu’à entendre nommer son épouse, en devient tout fiévreux. Elle est très belle, ta femme ? ” a-t-il demandé. J’ai donné un coup de pied à Jean pour le réveiller et lui faire comprendre de ne pas faire l’imbécile. Mais il a répondu un “ oui ” si étouffé, que Diomède a commencé à se méfier. Alors, c’est moi qui ai parlé : “ Qu’elle soit belle ou non, cela ne doit pas t’intéresser, vieux. Elle ne sera jamais du nombre des femmes pour lesquelles tu iras en enfer. C’est une jeune fille honnête, et bientôt une honnête épouse. Pas besoin de ton or. C’est moi qui m’occupe du futur mariage et je suis chargé d’aider le jeune homme… moi, qui suis judéen et citadin. ” “ Lui, c’est un Galiléen, n’est-ce pas ? ” Toujours ces cheveux qui vous trahissent ! “ Il est riche ? ” “ Très riche. ”

Nous sommes alors descendus et Diomède a ouvert ses caisses et ses coffres-forts. Mais, dis la vérité, Jean, n’avait-on pas l’impression d’être au ciel devant toutes ces pierreries et cet or ? Colliers, guirlandes, bracelets, boucles d’oreille, résilles d’or et de pierres précieuses, épingles à cheveux, fibules, anneaux… Ah ! Quelles splendeurs ! D’un air très hautain j’ai choisi un collier à peu près comme celui d’Aglaé, et puis des épingles à cheveux, des anneaux, des bracelets… tous semblables à ceux que j’avais dans la bourse et en nombre égal. Diomède était stupéfait et demandait : “ Encore ? Mais qui est-il donc ? Et qui est son épouse ? Une princesse ? ” Quand j’ai eu tout ce que je voulais, j’ai dit : “ Quel prix ? ”

Ah ! Quelle litanie de lamentations sur la dureté des temps, sur les impôts, sur les risques, sur les voleurs ! Ah ! Quelle autre litanie pour m’assurer de son honnêteté ! Enfin, voici la réponse : “ Réellement, puisque c’est toi, je vais te dire la vérité, sans exagération. Mais je ne puis en rabattre une seule drachme. Je demande douze talents d’argent. ” “ Voleur ! ” ai-je dit. J’ai ajouté : “ Partons, Jean. A Jérusalem, nous trouverons quelqu’un de moins voleur que lui. ” Et j’ai fait semblant de sortir. Mais il m’a couru par derrière. “ Mon grand ami, mon très cher ami, viens, comprends ton pauvre serviteur. A moins, je ne peux pas. Je ne peux vraiment pas. Regarde. Je fais réellement un effort et je me ruine. Je le fais parce que tu m’as toujours accordé ton amitié et que tu m’as fait faire des affaires. Onze talents, voilà tout. C’est ce que je donnerais si je devais acheter cet or à quelqu’un qui meurt de faim. Pas un sou de moins. Ce serait saigner à blanc mes vieilles veines. ” N’est-ce pas qu’il disait cela ? Cela faisait rire et donnait la nausée.

Quand je l’ai vu bien arrêté sur le prix, j’ai fait le coup. “ Vieux dégoûtant, apprends que je veux non pas acheter, mais vendre. Voici ce que je veux vendre. Regarde : c’est beau comme tes bijoux. De l’or de Rome et de forme nouvelle. Tu ne manqueras pas d’acheteurs. C’est à toi pour onze talents. C’est toi qui as fixé le prix. Tu en as fait l’estimation, alors paie ! ” Oh, alors !… “ C’est une fourberie ! Tu as trahi l’estime que j’avais pour toi ! Tu veux ma ruine ! Je ne puis te donner autant ! ” criait-il. “ C’est toi qui as fait l’estimation. Paie ! ” “ Je ne peux pas. ” “ Prends garde que je ne le porte à d’autres. ” “ Non, mon ami ! ” Déjà il allongeait les mains vers le tas de bijoux d’Aglaé. “ Alors, paie : je devrais exiger douze talents, mais je m’en tiens à ta dernière estimation. ” “ Je ne peux pas. ” “ Usurier ! Prends garde, j’ai là un témoin et je peux te dénoncer comme voleur… ” et je lui ai attribué d’autres vertus que je ne répète pas devant ce garçon…

A la fin, comme j’étais pressé de vendre et de faire vite, je lui ai promis un petit quelque chose, entre nous deux… Je ne tiendrai pas cette promesse. Quelle valeur a-t-elle, faite à un voleur ? J’ai conclu l’affaire pour dix talents et demi. Nous sommes partis au milieu des doléances et des offres d’amitiés et… de femmes. Pour un peu, Jean allait pleurer. Mais que t’importe qu’ils te prennent pour un vicieux ? Il suffit que tu ne le sois pas. Ne sais-tu pas que le monde, c’est ça et qu’il te regarde comme un avorton ? Un jeune homme qui ne connaît pas le goût de la femme ? Qui veux-tu qui te croie ? Ou s’ils te croient… ah, en ce qui me concerne, je ne voudrais pas qu’on pense de moi ce que peuvent penser de toi ceux qui s’imaginent que tu ne désires pas les femmes.

Voilà, Maître. Compte toi-même. J’avais un tas de monnaie, mais je suis passé chez le gabelou et je lui ai dit : “ Reprends-moi toute cette mitraille et donne-moi les talents que tu as reçus d’Isaac. ” Parce que j’avais eu cette dernière nouvelle en traitant mon affaire.

82.4

Cependant, en dernier lieu, j’ai dit à Isaac-Diomède : “ Souviens-toi que le Judas du Temple n’existe plus. Maintenant, je suis disciple d’un saint. Fais donc semblant de ne jamais m’avoir connu, si tu tiens à ta peau. ” Et pour un peu je lui tordais le cou à l’instant parce qu’il m’a mal répondu.

– Que t’a-t-il dit ? demande Simon avec indifférence.

– Il m’a dit : “ Toi, le disciple d’un saint ? Je ne le croirai jamais ou bien je verrai bientôt ici ton saint me demander une femme. ” Il m’a dit aussi : “ Diomède est une vieille crapule, un malheur du monde, mais toi, tu en es la jeune réplique. Et moi, je pourrais encore changer car j’étais déjà âgé quand je suis devenu ce que je suis. Toi, tu ne changes pas, tu es né comme ça. ” Vieux dégoûtant ! Il nie ton pouvoir, as-tu compris ?

– Et, en bon Grec qu’il est, il dit beaucoup de vérités…

– Que veux-tu dire, Simon ? Est-ce pour moi que tu parles ?

– Non. Pour tout le monde. C’est un homme qui connaît l’or et les cœurs, aussi bien l’un que l’autre. C’est un voleur, une ordure, en tout ce qu’il y a de plus répugnant comme trafic. Mais on trouve en lui la philosophie des grands Grecs. Il connaît l’homme, cet animal aux sept vices capitaux, polype destructeur de tout bien, de toute honnêteté, de tout amour et de tant d’autres choses, en lui et chez les autres.

– Mais il ne connaît pas Dieu.

– Et toi, tu voudrais le lui enseigner ?

– Moi, oui. Pourquoi ? Ce sont les pécheurs qui ont besoin de connaître Dieu.

– C’est vrai. Néanmoins… le maître doit le connaître pour l’enseigner.

– Et moi, je ne le connais pas ?

– Paix, mes amis. Les bergers arrivent. Ne troublons pas leurs âmes par des querelles entre nous. Tu as compté l’argent ? Cela suffit. Achève toute cette affaire comme tu l’as entreprise et, je te le répète, si possible, à l’avenir ne mens pas, même pour faciliter une bonne action… »

82.5

Les bergers entrent.

« mes amis, voilà ici dix talents et demi. Il manque seulement cent deniers que Judas a prélevés pour les dépenses de logement. Prenez.

– Tu donnes tout ? demande Judas.

– Tout. Je ne veux pas garder le moindre sou de cet argent. Nous avons l’obole de Dieu et de ceux qui cherchent Dieu honnêtement … et il ne nous manquera jamais l’indispensable. Tu peux en être sûr. Prenez et soyez heureux, comme je le suis, pour Jean-Baptiste. Demain, vous irez à sa prison. Deux d’entre vous : Jean et Mathias. Siméon ira avec Joseph trouver Elie pour tout lui rapporter et se renseigner pour l’avenir. Elie sait. Puis Joseph reviendra avec Lévi. Le rendez-vous sera dans dix jours près de la Porte des Poissons à Jérusalem, à la première heure. Et maintenant, mangeons et prenons du repos. Demain, de bon matin, je pars avec les miens. Je n’ai rien d’autre à vous dire pour l’instant. Plus tard, vous aurez de mes nouvelles. »

La scène disparaît au moment où Jésus fait la fraction du pain.

82.1

La plaza del mercado de Jericó. Pero no por la mañana sino por la tarde, bajo una prolongada puesta de Sol, calurosísima, de pleno verano. Del mercado de la mañana sólo quedan rastros: restos de verduras, montones de excrementos, paja caída de las cestas o de las cabezadas de los burros, jirones de trapajos... Sobre todo ello las moscas triunfan y, de todo, el sol hace fermentar y evaporar hedores y olores de cosas poco agradables.

La vasta plaza está vacía. Algún raro transeúnte, algún gamberro pendenciero que tira piedras a los pájaros de los árboles de la plaza, alguna mujer que va a la fuente; nada más.

Jesús llega por una calle, mira a su alrededor, no ve todavía a nadie. Pacientemente se apoya en un tronco y espera, encontrando la manera de hablar a los gamberros, sobre la caridad que comienza en Dios y desciende del Creador a todas las criaturas.

«No seáis crueles. ¿Por qué queréis disturbar a los pájaros del aire? Tienen nidos ahí arriba, tienen a sus pequeñas crías, no hacen daño a nadie, nos proporcionan cantos y limpieza, comiéndose los desperdicios que el hombre deja y los insectos que perjudican las cosechas y la fruta. ¿Por qué herirlos y matarlos, privando a los pequeñuelos de sus padres y de sus madres, o a éstos de sus pequeñuelos? ¿Os agradaría que un malvado entrase en vuestra casa y os la destruyera, o que os matara a vuestros padres o que os llevara lejos de ellos? No, claro que no os agradaría. Entonces, ¿por qué hacer a estos inocentes lo que no querríais que os hicieran a vosotros? ¿Cómo podréis el día de mañana no hacer mal al hombre, si, de niños, os endurecéis el corazón con criaturitas inermes y delicadas como los pajaritos? Y ¿no sabéis que la Ley dice: “Ama a tu prójimo como a ti mismo”? Quien no ama al prójimo tampoco puede amar a Dios. Y quien no ama a Dios, ¿cómo puede ir a su Casa a pedirle algo? Dios podría decirle, y lo dice en los Cielos: “Vete, no te conozco. ¿Hijo, tú? No. No amas a tus hermanos, no respetas en ellos al Padre que los creó; por tanto, no eres ni hermano ni hijo, sino un bastardo: hijastro para Dios, hermanastro para los hermanos”. ¿Veis cómo ama Él, el Señor eterno? En los meses más fríos hace que sus pajaritos puedan encontrar llenos los heniles, para que aniden en ellos. En los meses calurosos les da las sombras de las hojas para protegerlos del sol. Durante el invierno, en los campos, apenas está el trigo cubierto de tierra y es fácil sacar la semilla y comerla. En verano, alivian la sed con las frutas jugosas, y pueden hacer los nidos bien sólidos y calientes con las pajitas de heno y con la lana que las ovejas dejan en las zarzas. Y es el Señor. Vosotros, pequeños hombres, creados por Él como los pájaros, por tanto hermanos suyos de creación, ¿por qué queréis ser distintos de Él, creyendo que os es lícito comportaros cruelmente con estos pequeños animales? Sed misericordiosos con todos y no privéis de lo justo a ninguno; para con los hombres hermanos y para con los animales, vuestros siervos y amigos; y Dios…».

«¿Maestro?» dice Simón. «Judas está llegando».

«... y Dios será misericordioso con vosotros, dándoos todo cuanto os hace falta, como se lo da a estos inocentes. Marchaos y llevad con vosotros la paz de Dios».

82.2

Jesús se abre paso en el círculo de muchachos, a los que se habían unido algunos adultos, y se dirige hacia Judas y Juan, que vienen rápidos por otra calle. A Judas se le ve jubiloso, Juan sonríe a Jesús... pero no parece contento en absoluto.

«Ven, ven, Maestro. Creo que he hecho una buena cosa. Ven conmigo, que aquí en la calle no se puede hablar».

«¿A dónde?, Judas».

«A la posada. Ya he reservado cuatro habitaciones... modestas. ¡No temas! Es sólo para poder descansar en una cama después de tanta incomodidad por este calor, y comer como hombres y no como pájaros en el follaje, y gozar de paz para hablar. He hecho una venta muy buena, ¿verdad, Juan?».

Juan asiente sin mucho entusiasmo. Pero Judas está tan contento de lo que ha hecho que no nota, ni que Jesús se muestra poco contento ante la perspectiva de un alojamiento cómodo, ni la aún menos entusiasta actitud de Juan, y prosigue: «Como he hecho la venta por más de lo que había estimado, me he dicho: “Es justo que deje aparte una pequeña suma, cien denarios, para nuestras camas y nuestra comida. Si estamos agotados nosotros, que hemos comido siempre, Jesús debe estar extenuado”. ¡Tengo el deber de mirar por que no enferme mi Maestro! Deber de amor, porque Tú me amas y yo te amo... También hay lugar para vosotros y para las ovejas — dice a los pastores —. He pensado en todo».

Jesús no dice una palabra. Le sigue junto con los demás.

Llegan a una placita secundaria. Judas dice: «¿Ves aquella casa sin ventanas que den a la calle y con aquella puertecita tan estrecha que parece una hendidura en la pared? Es la casa del batidor de oro Diomedes. Parece una casa pobre, ¿verdad? Sin embargo, allí dentro hay tanto oro como para comprar Jericó y... ¡ja! ¡ja!…». Judas ríe maligno... «y entre ese oro pueden encontrarse muchos collares de piedras preciosas y vajillas y... y también otras cosas de las personas más influyentes en Israel. Diomedes... ¡oh!, todos fingen no conocerle, pero todos le conocen, desde los herodianos hasta... bueno... hasta todos. En aquel muro liso, pobre, se podría escribir: “Misterio y Secreto”. ¡Si hablaran esas paredes!... ¡No ya escandalizarte, Juan, por la forma en que he negociado!... Es que tú... tú te morirías ahogado de estupor y de escrúpulo. Mejor dicho, mira, Maestro, no me mandes otra vez con Juan a tratar ciertos negocios. Por poco me hace que fracasara todo. No sabe cogerlas al vuelo, no sabe negar. Y con un lince como Diomedes hay que tener reflejos rápidos, y mostrarse seguro».

Juan dice en tono bajo: «¡Decías unas cosas, tan raras y tan... tan...! Sí, Maestro, no me des este encargo otra vez, yo sólo soy capaz de amar, yo…».

«Difícilmente necesitaremos otras ventas de este tipo» responde Jesús serio.

«Ahí está la posada. Ven, Maestro. Hablo yo porque... lo he hecho todo yo».

82.3

Entran y Judas habla con el dueño, el cual se encarga de que se lleve a las ovejas a una cuadra y luego acompaña personalmente a los huéspedes a una habitación pequeña en donde hay dos esteras, que serían las camas, unos asientos y una mesa preparada, luego se retira.

«Hablemos en seguida, Maestro, mientras los pastores se ocupan de dejar a las ovejas».

«Te escucho».

«Juan puede decir si soy sincero».

«No lo dudo. Entre hombres honestos no debe ser necesario juramento y testimonio. Habla».

«Llegamos a Jericó a la hora sexta. Estábamos sudados como animales de carga. No quise darle a Diomedes la impresión de tener necesidad urgente. Así, vine aquí antes, me refresqué perfectamente, me puse un vestido limpio, y esto mismo quise que hiciera él. ¡Oh, no quería saber nada de dejarse ungir y atusar el pelo!... ¡Y es que yo había hecho mi plan, mientras venía por el camino! Cercano ya el atardecer, digo: “Vamos”. Ya nos sentíamos descansados y frescos como dos ricachones en viaje de placer. Cuando estábamos para llegar adonde Diomedes, le digo a Juan: “Tú sígueme la corriente, no niegues y sé rápido en entender”. ¡Pero hubiera sido mejor haberle dejado fuera! No me ha ayudado en absoluto. Es más... ¡menos mal que yo soy vivo como dos y había pensado en todo!

De la casa salía el tasador. “¡Bien!”, digo, “si sale ése, habrá denarios y lo que quiero para comparar”. Porque el tasador, usurero y ladrón como todos los de su clase, tiene siempre joyas, arrancadas con amenazas y usura a los pobres desgraciados a los que tasa más de lo lícito para tener mucho de qué gozar en crápulas y mujeres; y es muy amigo de Diomedes, que compra y vende oro y carne... Me identifiqué y entramos. Digo “entramos” porque una cosa es pasar al vestíbulo, donde él finge trabajar honestamente el oro, y otra cosa es bajar al sótano, donde lleva a cabo los verdaderos negocios. Para poder bajar es necesario que él le conozca mucho a uno. Cuando me vio, me dijo: “¿Otra vez quieres vender oro? Estamos en un mal momento y tengo poco dinero”. Lo de siempre. Yo le respondo: “No vengo a vender, sino a comprar. ¿Tienes joyas de mujer? Pero bonitas, ricas, valiosas y de peso, de oro puro”. Diomedes se queda de una pieza y me pregunta: “¿Es una mujer lo que quieres?”. “No te preocupes — le respondo — no es para mí; es para este amigo mío que se va a casar y quiere comprar el oro para su amada”.

En ese momento Juan empezó a hacer el niño. Diomedes, que le estaba mirando, viendo que se ponía como la púrpura, dice — como viejo repugnante que es —: “¡Eh!, el muchacho con sólo oír nombrar a su novia entra en fiebre de amor. ¿Es muy guapa tu amada?” pregunta. Yo le doy una patada a Juan para espabilarle y hacerle entender que no se comportara como un estúpido. Pero respondió con un “sí” tan estrangulado que Diomedes se escamó. Entonces dije yo: “Si es guapa o no no tiene por qué interesarte, viejo; no estará nunca entre el número de las hembras por las que el infierno te poseerá. Es virgen honesta y pronto será honesta esposa. Saca tu oro. Yo soy el paraninfo y me han encargado ayudar al joven... yo, judeo y ciudadano”. “¿Él es galileo, verdad?” — ¡ese pelo siempre os traiciona! —. “¿Es rico?”. “Mucho”.

Entonces fuimos abajo y Diomedes abrió cofres y arcas. Di la verdad, Juan, ¿no parecía que estábamos en el Cielo ante todas aquellas gemas y objetos de oro? Collares, coronas, brazaletes, pendientes, redecillas de oro y piedras preciosas para el pelo, horquillas, fíbulas, anillos... ¡ah, qué esplendores! Con mucha gravedad elegí un collar más o menos como el de Áglae, y anillos, fíbulas, pulseras... todo como lo que tenía en la bolsa, y en número igual. Diomedes se maravillaba y preguntaba: “¿Todavía más? ¿Pero, quién es éste? ¿Y la novia quién es?, ¿una princesa?”. Cuando tuve todo lo que quería, dije: “¿El precio?”.

¡Oh, qué letanía de lamentos preparatorios, sobre los tiempos, sobre los impuestos, sobre los riesgos, sobre los ladrones! ¡Oh, qué otra letanía de aseguramientos de honestidad! Luego, ésta fue la respuesta: “Sólo porque se trata de ti, te diré la verdad, sin exageraciones; pero, menos de esto ni siquiera una dracma. Pido doce talentos de plata”. “¡Ladrón!” dije. Dije: “Vamos, Juan; en Jerusalén encontraremos alguno menos ladrón que éste”. Y fingí que me marchaba. Vino tras mí corriendo. “Mi gran amigo, mi estimadísimo amigo, ven, escucha a este pobre siervo tuyo. Menos no puedo. Realmente no puedo. Mira, hago verdaderamente un esfuerzo y me arruino; lo hago porque tú me has ofrecido siempre tu amistad y me has hecho hacer buenos negocios. Once talentos, eso es. Es lo que yo daría si tuviera que comprar este oro a uno que pasa hambre. Ni una perra menos. Sería como sacar la sangre de mis viejas venas”. ¿Verdad que decía esto? Hacía reír y daba náuseas.

Cuando le vi bien firme sobre el precio destapé mis cartas. “Viejo sucio, sabe que no comprar, sino vender, quiero. Esto quiero vender. Mira: es precioso como lo tuyo. Oro de Roma y de forma nueva. Te lo quitarán de las manos. Es tuyo por once talentos; lo que has pedido por esto. Tú lo has valorado. Paga”. ¡Uh, entonces!... “¡Es una traición! ¡Has traicionado mi estima en ti! ¡Tú eres mi ruina! ¡No puedo darte tanto!” gritaba. “Lo has valorado tú. Paga”. “No puedo”. “Mira que se lo llevo a otros”. “No, amigo” y alargando sus manos aduncas las metía en el montón de joyas de Áglae. “Pues entonces paga: debería querer doce talentos, pero me conformo con lo último que has pedido”. “No puedo”. “¡Usurero! Ten en cuenta que aquí tengo un testigo y te puedo denunciar como ladrón...”, y le mencioné también otras virtudes, que no repito por este muchacho...

En fin, dado que me urgía vender y actuar con rapidez, le dije una cosa, una cosa que quedaba entre él y yo y que no mantendré... Pero, ¿qué valor tiene una promesa hecha a un ladrón? Y concluí con diez talentos y medio. Nos marchamos entre llantos y propuestas de amistad y... de mujeres. Y Juan... poco más y se hecha a llorar. Pero, ¿qué te importa que te consideren un vicioso? Es suficiente con que no lo seas. ¿No sabes que el mundo es así y que tú eres un aborto del mundo? ¿Un joven que no conoce el sabor de la mujer? ¿Quién quieres que te crea? O, si te creen... ¡yo no quisiera que pensaran de mí lo que puede pensar de ti quien considere que no estás deseoso de una mujer!

Aquí está, Maestro. Cuéntalo Tú mismo. Tenía un montón de denarios, pero me pasé por donde el tasador y le dije: “Toma esta basura tuya y dame los talentos que te ha entregado Isaac” — porque, como última cosa, supe también esto, una vez hecho el trato —.

82.4

No obstante, le dije a Isaac-Diomedes al final: “Recuerda que el Judas del Templo ya no existe. Ahora soy discípulo de un santo. Hazte idea, por tanto, de que jamás me has conocido, si estimas tu cuello”. Y un poco más y se lo retuerzo en ese momento, porque me contestó mal».

«¿Qué te dijo?» pregunta Simón con indiferencia.

«Me dijo: “¿Tú, discípulo de un santo? No lo creeré nunca; o pronto veré también aquí al santo a pedirme una mujer”. Me dijo: “Diomedes es una vieja desventura del mundo, pero tú eres la nueva desventura. Yo podría cambiar todavía, porque lo que soy ahora lo soy de viejo, pero tú no cambias porque has nacido así”. ¡Viejo repelente! Niega tu poder, ¿comprendes?».

«Y, como buen griego, dice muchas verdades».

«¿Qué quieres decir, Simón? ¿Lo dices por mí?».

«No. Por todos. Es una persona que conoce lo mismo el oro que los corazones. Es un ladrón, uno que se ha ensuciado con los más asquerosos tráficos. Pero se percibe en él la filosofía de los grandes griegos. Conoce al hombre, animal de siete garras de pecado, pulpo que estrangula el bien, la honestidad, el amor, y tantas otras cosas, en sí y en los demás».

«Pero no conoce a Dios».

«Y tú... querrías dárselo a conocer…».

«Sí. ¿Por qué? Son los pecadores los que necesitan conocer a Dios».

«Es cierto. Pero el maestro debe conocerle para darle a conocer».

«¿Y yo no le conozco?».

«Paz, amigos. Vienen los pastores. No turbemos su ánimo con querellas entre nosotros. ¿Has contado tú el dinero? Es suficiente. Lleva a cabo bien toda acción tuya como has hecho con ésta y, te lo repito, si puedes, en el futuro, no mientas, ni siquiera para alcanzar una acción buena…».

82.5

Entran los pastores.

«Amigos, aquí hay diez talentos y medio, faltan sólo cien denarios; Judas se ha quedado con ellos para los gastos de alojamiento. Tomad».

«¿Los entregas todos?» pregunta Judas.

«Todos. No quiero ni una perra de ese dinero. Nosotros tenemos el óbolo de Dios y de los que honestamente buscan a Dios... y nunca nos faltará lo indispensable. Créelo. Tomad y alegraos como Yo me alegro, por el Bautista. Mañana os dirigiréis a su prisión. Dos, o sea, Juan y Matías. Simeón con José irán adonde Elías a dar noticias y a instruirse para el futuro. Elías ya sabe. Luego José volverá con Leví. El lugar de encuentro es dentro de diez días junto a la Puerta de los Peces, en Jerusalén, a la hora prima. Y ahora comamos y descansemos. Mañana, de madrugada, parto con los míos. No tengo nada más que deciros por ahora. Más adelante sabréis de mí».

Y todo se desvanece en el momento en que Jesús parte el pan.