Si l’on compare cette maisonnette basse et sans prétention à la maison de Béthanie, c’est certainement un bercail, comme dit Lazare. Mais si on la compare aux maisons[1] des paysans de Doras, c’est une habitation assez belle.
Très basse et très large, solidement construite, elle a une cuisine, c’est-à-dire une grande cheminée dans une pièce tout enfumée où se trouvent une table, des sièges, des amphores et un égouttoir grossier, avec des assiettes et des coupes. Une large porte de bois brut sert d’entrée et laisse pénétrer la lumière. Puis, sur le même mur, trois autres portes donnent accès à trois grandes chambres, longues et étroites dont les murs sont blanchis à la chaux. Comme dans la cuisine, le sol est en terre battue. Dans deux d’entre elles, il y a maintenant des couches. On dirait de petits dortoirs. Les nombreux crochets fixés dans les murs indiquent qu’on y accrochait des outils et peut-être même des produits agricoles. Ils servent désormais de portemanteaux et on y suspend les besaces. La troisième chambre est vide. C’est plus un large couloir qu’une chambre car la longueur et la largeur sont disproportionnées. Elle devait servir aussi à abriter des animaux car elle a une mangeoire et des anneaux au mur, et son sol présente ces trous particuliers aux terrains frappés par des sabots ferrés. A présent, il n’y a rien.
Au dehors, près de ce dernier local, s’élève un large portique rudimentaire, couvert d’un toit de fascines et d’ardoises qui s’appuie sur des troncs d’arbres à peine équarris. Ce n’est même pas un portique : c’est un appentis, car il est ouvert sur trois côtés : deux de dix mètres au moins, le troisième plus étroit, de cinq mètres, guère plus. En été, une vigne doit déployer ses rameaux d’un tronc à l’autre sur le côté qui est situé au midi. En ce moment, les feuilles sont tombées et elle montre ses rameaux squelettiques. Il y a aussi, pareillement dégarni, un figuier gigantesque qui en été ombrage le bassin qu’on a installé au milieu de l’aire pour abreuver les animaux. Sur le côté, un puits rudimentaire ou plutôt un trou au niveau du sol, à peine indiqué par un cercle de pierres plates et blanches.
Telle est la maison qui abrite Jésus et les siens, au lieu nommé la Belle Eau. Des champs, des prés et des vignes l’entourent et, à environ trente mètres (ne prenez pas mes indications comme des articles de foi !), on voit une autre maison au milieu des champs, plus belle, car elle possède sur le toit une terrasse que l’autre n’a pas. Au-delà de cette maison, des bosquets d’oliviers et d’autres arbres – certains dégarnis, d’autres avec leur feuillage – bouchent la vue.