Le clair de lune est si net que les moindres détails du sol sont visibles ; les champs de blé en herbe ressemblent à des tapis de peluche vert argenté striés par les rubans sombres des sentiers et gardés par les arbres, tout blancs du côté de la lune, tout noirs à l’opposé.
Jésus marche d’un pas sûr, tout seul. Il suit très rapidement son chemin jusqu’à ce qu’il trouve un cours d’eau qui descend en gargouillant vers la plaine en direction nord-est. Il le remonte jusqu’à un endroit solitaire près d’une pente boisée. Il tourne encore, grimpe un sentier et arrive à un abri naturel sur le flanc de la colline.
Il entre et se penche sur un homme étendu qu’on distingue à peine sous la clarté de la lune qui éclaire le sentier, mais ne pénètre pas dans la grotte. Il l’appelle :
« Jean ! »
L’homme se réveille et s’assied, encore tout ensommeillé. Mais il comprend vite qui est celui qui l’appelle et se lève vivement, pour ensuite se prosterner à terre en disant :
« Comment se fait-il que mon Seigneur soit venu jusqu’à moi ?
– Pour réjouir ton cœur et le mien. Tu as désiré me voir, Jean. Me voici. Lève-toi. Sortons au clair de lune et asseyons-nous, pour parler, sur ce rocher près de la grotte. »
Jean obéit, se lève et sort. Mais une fois Jésus assis, il s’agenouille en face du Christ dans sa peau de brebis qui couvre mal son corps très amaigri, renvoie en arrière ses cheveux longs et en désordre, qui lui retombent sur les yeux, pour mieux voir le Fils de Dieu.
Cela fait un très grand contraste : d’un côté Jésus, pâle et blond, aux cheveux soyeux et bien peignés, avec une barbe courte au bas du visage. De l’autre, Jean n’est qu’un buisson de poils très noirs d’où émergent seulement deux yeux enfoncés, que je qualifierais de fiévreux tant ils brillent de leur couleur noir de jais.