Quand la barque s’arrête dans le minuscule port de Tibériade, quelques désœuvrés qui se promènent près du petit môle accourent pour les voir. Il y a des gens de toutes classes et de toutes nationalités. Ainsi, les vêtements longs et multicolores des Hébreux, les tignasses et les barbes imposantes des juifs se mêlent aux habits de laine blanche plus courts et sans manches, aux visages glabres, aux cheveux courts des romains robustes, et aux vêtements encore plus réduits qui couvrent les corps agiles et efféminés des grecs. Ces derniers semblent avoir assimilé jusque dans leurs poses l’art de leur nation lointaine, ils ressemblent à des statues de dieux descendus sur terre dans des corps d’hommes, enveloppés dans leurs tuniques souples, figures classiques sous des chevelures frisées et parfumées, bras chargés de bracelets qui scintillent dans leurs mouvements étudiés.
De nombreuses courtisanes se mêlent à ces deux dernières catégories de personnes car romains et grecs n’hésitent pas à afficher leurs amours sur les places et dans les rues, alors que les palestiniens s’en abstiennent, quitte ensuite à se livrer joyeusement à l’amour libre avec des courtisanes à l’intérieur de leurs maisons. C’est bien visible car les courtisanes, malgré les gros yeux que leur font ceux qu’elles interpellent, appellent familièrement par leurs noms divers juifs, parmi lesquels se trouve un pharisien enrubanné.