Ils descendent à terre, alors que les passagers de l’autre barque sont déjà descendus, puis entrent en ville.
La simple curiosité ou… une curiosité qui n’est pas si simple que cela de la part des habitants de Magdala doit être une torture pour Marie-Madeleine, mais elle la supporte héroïquement en suivant le Maître qui marche devant au milieu de tous ses apôtres, alors que les trois femmes restent en arrière. Les chuchotements sont audibles. L’ironie n’y fait pas défaut. Tous ceux qui, à l’époque où Marie était la maîtresse influente de Magdala, la respectaient par crainte de représailles, maintenant qu’ils la voient et la savent séparée de ses amis puissants, humble et chaste, se permettent de lui montrer du mépris et de lui lancer des épithètes peu flatteuses.
Marthe, qui en souffre autant qu’elle, lui demande :
« Veux-tu rentrer à la maison ?
– Non, je ne quitte pas le Maître. Et je ne l’invite pas à entrer avant que la maison ne soit purifiée de toute trace du passé.
– Mais tu souffres, ma sœur !
– Je l’ai mérité. »
On voit bien qu’elle souffre ! La sueur qui perle sur son visage, la rougeur qui se répand jusqu’à son cou ne sont pas dues uniquement à la chaleur…
Ils traversent toute la ville de Magdala en se rendant dans les quartiers pauvres, jusqu’à la maison où ils se sont arrêtés l’autre fois. La femme est stupéfaite quand, levant la tête au-dessus du lavoir pour voir qui la salue, elle se trouve en face de Jésus et de la bien connue dame de Magdala, qui n’est plus vêtue luxueusement, plus chargée de bijoux, mais qui a la tête couverte d’un voile de lin léger, vêtue de bleu pervenche, un habit montant, étroit – qui n’est certainement pas le sien, bien que l’on ait essayé de le mettre à ses mesures –, enveloppée dans un lourd manteau qui doit être un supplice par cette chaleur.
« Me permets-tu de m’arrêter chez toi et de parler à ceux qui me suivent ? » (C’est-à-dire à tout Magdala, car la population tout entière a suivi le groupe apostolique).
« Tu me le demandes, Seigneur ? Mais ma maison est à toi ! »
Et elle s’empresse d’apporter des sièges et des bancs pour les femmes et les apôtres. En passant près de Marie-Madeleine, elle s’incline comme une esclave.
« Paix à toi, ma sœur » répond celle-ci.
La surprise de la femme est telle qu’elle laisse tomber le petit banc qu’elle tient dans ses mains. Mais elle ne souffle mot. Son geste me fait pourtant penser que Marie traitait plutôt avec hauteur les gens qui dépendaient d’elle. L’étonnement de la femme grandit encore quand elle s’entend demander comment vont les enfants, où ils sont, et si la pêche a été bonne.
« Ils vont bien…. Ils sont à l’école ou chez ma mère. Seul le petit dernier dort dans son berceau. La pêche est bonne. Mon mari te portera la dîme…
– Non, ce n’est plus nécessaire. Garde-la pour tes enfants. Me permets-tu de voir le petit ?
– Viens. »…